• C'est aux environs de 6 000 avant notre ère, soit il y a 8 000 ans, que des peuples, sans doute venus par la mer ou d'au-delà des mers (d'où leur nom de Sumériens), s'installent dans une région qui correspond à l'Irak actuel. Grâce à l'irrigation, à des prouesses d'imagination, à des inventions géniales, mais surtout à des efforts acharnés dont on peut difficilement estimer l'ampleur de nos jours, ils parviennent à transformer un désert en terre fertile, en exploitant les eaux du Tigre et de l'Euphrate, posant ainsi les fondements d'une civilisation qui va devenir le berceau culturel de l'Occident.

    La Mésopotamie, cette "terre entre les deux rivières", est un des présumés "berceaux" de la civilisation, avec l'Égypte, la Chine et la Vallée de l'Indus. Elle semble être l'un des plus vieux de ces berceaux. Des signes montrent une civilisation urbaine qui remonterait aussi loin que 4000 ans avant notre ère. Le premier peuple de cette région était connu sous le nom des Ubaidiens. Nous ne connaissons à peu près rien d'eux, sauf qu'à une époque très ancienne, un autre peuple s'est installé dans la région et les membres des deux peuples ont commencé à se marier entre eux. Il s'agissait des Sumériens, qui furent bientôt dominants et dont la langue a remplacé la langue des Ubaidiens. Les Sumériens inventèrent la plus vieille forme d'écriture connue, les cunéiformes.

    Plus tard, les peuples sémites ont commencé eux aussi à s'installer dans la région. Le premier de ceux-ci était les Akkadiens, concentrés autour de leur ville d'Akkad.

    Vers environ 2330 avant notre ère, Sargon d'Akkad a conquis les Sumériens et constitué le premier de plusieurs empires sémites qui allaient dominer non seulement la Mésopotamie, mais également la côte méditerranéenne et, éventuellement, l'Égypte elle-même.


    L'empire akkadien est tombé vers 2218 avant notre ère. Ensuite, divers peuples, sémites et autres, ont lutté pour le contrôle de la région.

    Plus tard, au cours du second millénaire avant notre ère, deux peuples ont commencé à assumer le contrôle, les Babyloniens au sud, qui avaient dominé la culture pendant plusieurs siècles, et les Assyriens au nord.

    Au début, l'astrologie de la Mésopotamie ressemblait beaucoup à celle des autres cultures, soit une simple observation des cieux pour y déceler des signes qui pourraient affecter le royaume. Ces signes étaient souvent des phénomènes météorologiques mêlés à de réels phénomènes astronomiques. Les Mésopotamiens ont été différents en ce sens qu'ils ont commencé tôt à faire des observations systématiques de ces phénomènes en vue de trouver des motifs réguliers dans les cieux qui pourraient correspondre à des événements humains.
    Selon Van der Waerden (Science Awakening, Vol. II, Oxford Univ.Press), les textes astronomiques les plus anciens connus en Mésopotamie sont de la vieille période babylonienne, soit à peu près de l'époque d'Hammourabi.

    Les connaissances les plus complètes étaient contenues dans une compilation qu'on appelait Enuma Any Enlil. Elles ont été rassemblées à une certaine époque au cours du second millénaire avant notre ère. Une autre collection de signes constitue une œuvre importante dont la date est extrêmement controversée, les Tables de Vénus de Ammizaduga. La collection consiste en observations systématiques des phases de Vénus, combinées à leur signification, les significations étant clairement fondées sur des observations antérieures.

    Les Mésopotamiens semblent avoir été les seuls à attacher de l'importance aux étoiles et aux planètes comme premiers indicateurs de la volonté divine. C'est là la raison probable des études qui ont mené à l'astrologie. Au cours des siècles suivants, les Mésopotamiens, surtout les Babyloniens, ont continué d'observer les phénomènes et d'en compiler des listes, et sont arrivés au point où, en se fondant sur leurs observations des cycles récurrents des planètes, ils pouvaient estimer avec une précision raisonnable la position des planètes pour n'importe quel moment dans l'avenir.

    Le type de zodiaque utilisé par les Mésopotamiens est une question intéressante qui suscite beaucoup de controverse. Dans leurs premiers textes, ils ont tout simplement enregistré les planètes comme étant à tant de degrés d'une étoile.
    Il s'agit là d'une observation sidérale factuelle, mais ce n'est pas un zodiaque! Un zodiaque a besoin d'un cadre de référence, d'un point sur le cercle à partir duquel les mesures sont prises. De plus, un zodiaque possède normalement un nombre fixe de divisions régulières, tel les douze signes des zodiaques modernes, les 27 maisons du zodiaque lunaire hindou, etc.

    Van der Waerden soutient que l'évolution de l'astrologie a traversé trois phases. La première consiste en la tradition des signes que nous venons de décrire. La deuxième s'approche beaucoup de la première, mais possède un zodiaque moderne, soit 12 signes de 30 degrés. Il n'existe aucun horoscope personnel à cette époque, mais on accorde beaucoup d'attention aux transits de Jupiter au rythme d'environ un signe par année. De là vient la pratique clairement chinoise d'attribuer chaque année à un signe du zodiaque et, plus tard, probablement aussi le système des projections annuelles en astrologie horoscopique.

    La troisième phase est l'astrologie horoscopique. Diverses sources anciennes mentionnent les Chaldéens, qui ont fait la carte du ciel de plusieurs personnes.

    On a trouvé plusieurs cartes du ciel écrites en cunéiformes. La plupart remontent à l'ère helléniste, mais la plus vieille a été datée par A. Sachs et remonterait au 29 avril 410 avant notre ère.

    Bien que les historiens académiques n'aient pas découvert beaucoup d'informations concrètes sur l'évolution de l'astrologie après les premières cartes babyloniennes, de nombreuses sources indiquent l'origine de ces premiers textes. Plusieurs de ces vieux textes existent en grec. Selon ces textes, la naissance de l'astrologie telle que nous la connaissons est survenue en Égypte.

    L'Égypte pharaonique s'intéressait beaucoup à l'astronomie. Les signes sont trop nombreux pour être mentionnés. Il s'agissait toutefois d'une sorte d'astronomie qui tenait compte des étoiles plutôt que des planètes. Les Égyptiens avaient maîtrisé l'art d'orienter leurs édifices, leurs temples et, en particulier, leurs pyramides aux étoiles fixes, semble-t-il dans le but de créer une symétrie entre les structures terrestres et les étoiles auxquelles elles étaient associées. Ils avaient l'habileté de mesurer et d'aligner les édifices aux étoiles avec une précision étonnante, souvent à quelques minutes d'arc de l'alignement parfait. Ils ne semblaient pas cependant avoir quelque théorie planétaire que ce soit, ni ne possédaient-ils les bonnes techniques mathématiques.

    Les Mésopotamiens ont hérité du système numérique sexagésimal des Sumériens, un système de numérotation positionnelle, tout comme notre système décimal moderne. Ce système a permis aux Mésopotamiens de faire des calculs complexes qui auraient été difficiles avec tout autre système ancien de notation numérique. Les autres peuples anciens ont rendu au système de notation mésopotamien le plus grand des hommages. Ils l'ont utilisé pour procéder à leurs propres calculs. Les Égyptiens n'avaient rien de semblable, mais ils éprouvaient un grand besoin de synchroniser les événements terrestres aux cieux.

    L'élément clé de la fusion des idées égyptiennes et de l'astronomie babylonienne est lié à un ou deux événements historiques (ou les deux), soit la conquête de l'Égypte par la Perse et la conquête de la Perse et de l'Égypte par Alexandre le Grand. Au cours de ces deux époques, l'Égypte a été soumise au même régime que les Babyloniens. Dans le cas de l'empire perse, les Perses eux-mêmes sont devenus d'ardents pratiquants de l'astrologie, ce qui a sans doute contribué à la diffusion des idées astrologiques en Égypte.


    Qu'est-ce que les Égyptiens ont ajouté à l'astrologie babylonienne ? Nous ne le savons pas avec certitude, mais des preuves internes indiquent ce qui suit :

    1. L'utilisation d'un degré ascendant peut ou non avoir été trouvée dans l'astrologie babylonienne pré-helléniste. Toutefois, les auteurs hellénistes attribuent à Hermès l'utilisation des maisons ou des signes utilisés comme maisons.

    2. Il est probable que les aspects sont également égyptiens, mais nous ne pouvons en être sûrs.

    3. Les parts sont presque certainement égyptiennes, de même que la plupart des systèmes de maîtrise. Seules les exaltations ont une origine clairement mésopotamienne.

    L'Astrologie dans l'Egypte Antique

    Prévoir la date de la crue du Nil était important pour les Egyptiens et ce fut un grand jour pour eux lorsqu'ils remarquèrent que l'inondation commençait dès que la lointaine étoile fixe Sirius apparaissait à l'horizon oriental en même temps que le soleil (phénomène dit "lever héliaque" de Sirius.

    On estime que la fixation du calendrier égyptien remonte au moins à 2780 avant notre ère. Les égyptiens s'intéressèrent beaucoup moins aux planètes, à ces astres errants que les babyloniens appelaient les moutons du ciel, et qu'ils s'attachèrent surtout à ce qui semblait fixe dans les espaces sidéraux.

    Par contre le Soleil, en raison de la régularité de son parcours, les fascina. Les grands prêtres d'Héliopolis, ville sacrée très ancienne, enseignaient que le Dieu solaire, Rê, apparaissait sous des aspects différents selon le déroulement de la journée, en analogie avec les 4 âges de l'homme. Le Soleil du matin était figuré par un enfant, celui de midi par un adulte ou un faucon, le Soleil couchant par un vieillard, et celui de minuit par la dépouille d'Osiris dans le monde souterrain.

    L'année était divisée en 12 mois. Chaque mois se divisait à son tour en 3 périodes de 10 jours, ancêtres des décans utilisées encore dans l'astrologie populaire contemporaine.

    Mais, si les connaissances astronomiques, ésotériques, artistiques, techniques même, étaient sans doute très grandes, si leur croyance en l'après - mort aboutissait à une grande élévation de pensée, les Egyptiens étaient certainement loin du niveau de connaissance des peuples qui se sont succédés en Mésopotamie et ce n'est qu'après ces derniers qu'ils ont eu accès à cette connaissance.

    Signalons encore que, selon une légende mythique cosmogonique récurrente sumérienne, puis akkadienne, c'est Marduk qui, en tranchant Tiamat, incarnation de la Déesse du Chaos primordial, a créé la Terre et le Ciel, en faisant du second une réplique exacte de la première. En d'autres termes-et c'est là le fondement même de l'astrologie-le Ciel est perçu comme le miroir de la Terre.

    Pour conclure, tout laisse à penser que les êtres humains ont pris conscience du ciel parce qu'il leur semblait être la représentation physique du grand vide, de l'immensité insaisissable d'un monde qu'ils percevaient tout à coup en eux-mêmes, sans pouvoir encore le définir ni le situer exactement, et dont bien sûr ils ignoraient l'existence auparavant. Ils y virent alors des signes qui s'accordaient si bien aux leurs qu'ils firent un amalgame entre le Ciel et le Soleil, qui devinrent pour eux des divinités masculines et paternelles, et la Terre et la Lune, en lesquelles ils reconnurent leurs équivalents féminins et maternels. Voûte céleste et croûte terrestre étaient désormais liées, la première étant peut-être le miroir vivant et protecteur de la seconde.

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  • Le tambour est une symbolique universel car son châssis, fait de tronc d'arbre, évoque aussitôt l'arbre cosmique que l'on nomme Yggdrasil dans la mythologie nordique. Il est l'arbre du monde chamane qui unit tous les moyens d'existence. Symbole du Cosmos, l'arbre du monde est un moyen pour le chaman, de trouver son chemin dans son voyage cosmique, dans sa quête de soi, du divin, de l'Absolu.

    Le tambour peut être également circulaire : il représente alors la totalité de l'existence à l'intérieur de laquelle tous les mondes sont expérimentés ou à tout le moins, peuvent l'être. Chacun de ces mondes n'étant qu'un aspect particulier du "Grand Tout". Le battement du tambour incarne le son de cette totalité, de ce "Grand Tout". Il est l'émission du Son Primordial.

    Pour les Bouddhistes, le rythme du tambour est lié à l'expansion du Dharma. Le Bouddha parle alors de "tambour d'immortalité".

    Dans la Chine Ancienne, le tambour est directement lié à la course du Soleil, mais aussi au solstice d'hiver. Ainsi, le solstice pour les Chinois induit le début de croissance du Yang. Il accompagne également ou évoque le tonnerre.
    Le Tambour, toujours cette même perspective, s'associe à l'Eau, au Nord et donc à l'hiver, nous l'avons dit. Mais s'élève du tonnerre à la foudre, de l'eau au point maximal de chaleur du Yang, c'est dire le solstice d'été.

    Au Laos aussi, l'usage du tambour génère ou invoque la pluie bienfaisante qui nourrit les graines et donne à terme nourritures et bienfaits. On la dit "bénédiction céleste".

    Notons au passage l'utilisation dans le temps du Tambour comme appel à la guerre, le "roulement du tambour", évoquant toujours le tonnerre, le "foudre de guerre". Ceci est le côté sombre et destructeur du Tambour.
    Tambour = tonnerre, foudre, mais aussi

    Ainsi, le Tambour, de tout temps, incarna le battement du coeur de l'Univers, et son rythme, régulier ou même monotome équivaut au battement du coeur humain.
    D'où sa forte symbolique pour quiconque souhaite entrer en contact avec la Nature et ses mondes secrets.

    Le Tambour a d'ailleurs une symbolique plus affirmée encore quand il s'entoure de huit lanières de soutien : elles représentent alors, entre autres :
    - les directions cardinales et leurs intermédiaires
    - les huit rayons de la roue de médecine (dans le cadre notamment du chamanisme indien d'Amérique du Nord).
    - mais aussi les huit pattes du cheval magique Sleipner sur lequel le dieu scandinave Odin chevauche. Ainsi peut-il traverser tous les mondes. (image extraite de "the myths of the nordic lands -the ultimate encyclopedia of mythology - arthur cotterell and rachel storm - Hermès House HH -)

    Le Tambour est donc considéré comme sacré par bien des peuples et des cultures. Il est la voix des grandes puissances divines et protectrices. Il aide, par les transes qu'il provoque, à "passer" d'un monde à l'autre, du visible à l'invisible, du matériel au spirituel.
    Il est donc canal, médiateur entre le ciel et la terre, le haut et le bas.

    Le Tambour, fabriqué par le Chaman, devient sa monture, son cheval, autre symbole universel. Il est instrument de magie, d'élévation et d'extase.


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  • Mois : août
    Saison : été
    Délai  : 8
    Valeur : négative


    Ténèbres, anéantissement, mal, folie, cerveau, organes génitaux

    Amour :
    Solitude affective, échanges impossible dans le couple, impuissance et stérilité.
    Argent :
    Situation financière critique, endettement très important, la personne se trouve au bord de la ruine.
    Travail :
    Cessation d’activité : chômage, dépôt de bilan... Graves conflits dans une équipe.
    Spirituel  :
    Athéisme, absence de spiritualité. Doute, perte de foi, plongée dans les ténèbres.
    Associations  :
    - avec le 2 Isolement : obsession morbide
    - avec le 11 Tentation : obsession sexuelle
    - avec le 13 Pénitence : masochisme, sadisme
    - avec le 40 Malheur : décès imminent dans l’entourage
    - avec le 44 Foudre : problèmes cardiaques, voire infarctus
    - avec le 46 Sacrifice : tentative de suicide
    - avec le 54 Mort : décès


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  • Mois : septembre
    Saison : automne
    Délai  : 9
    Valeur : positive


    Réceptivité, concentration, intelligence, transformation, pieds et chevilles

    Amour :
    Amour profond et sincère. Rapports harmonieux. Nouvelle relation qui se développe lentement, les partenaires avancent prudemment car ils aspirent à une relation solide et durable.
    Argent :
    Situation équilibrée qui peut s’améliorer. La personne peut se passer du superflu car elle n’a pas besoin de luxe pour être heureuse.
    Travail :
    Bénévolat. Rapports harmonieux dans le travail et ascension régulière.
    Spirituel  :
    Harmonie, recherche de son identité spirituelle, force tirée des épreuves du passé.
    Associations  :
    - avec le 2 Isolement : esprit solitaire
    - avec le 10 Réussite : culture
    - avec le 41 Équité : psychologue, analyste
    - avec le 53 Méditation : guide ou maître spirituel


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  • "Il n'y a pas de religieux sans sacrifice". F.Schwarz

    "La foi sans œuvre est morte". Devise de Toulouse

     

    Si, au début de ce siècle, nos grands-parents se sacrifiaient pour la France, nos parents n'ont consenti à le faire que pour leurs enfants, et aujourd'hui, on ne sacrifie plus guère qu'à la mode ou au plaisir. Cette dévalorisation graduelle de l'esprit de sacrifice s'explique par l'installation, après guerre, d'une mentalité qui peut se résumer assez simplement : "la vie à n'importe quel prix" ou encore "tout sauf la mort". Aussi la notion traditionnelle de sacrifice, fortement attachée à l'idée de la mort, est-elle aujourd'hui perçue comme une pratique barbare, témoignage qui nous a paru probant de l'arriération mentale des peuples qui nous ont précédés.

     

    Le sacrifice, source d'union avec le divin

     

    Pourtant la pratique sacrificielle est reconnue par les spécialistes comme la pierre angulaire des religions anciennes. Et même si le christianisme a aboli en Occident le rite du sacrifice, il l'a fait au nom même du sacrifice du Christ. Et ne préconisait-on pas le martyr comme idéal religieux aux premiers âges de l'Eglise ? C'est seulement avec l'apparition de la Modernité et du refus de la mort, à partir du XIe siècle de notre ère, que cette notion de sacrifice va progressivement s'estomper et prendre des acceptations de plus en plus floues.

     

    Or, la reconquête du Sacré passe obligatoirement par la compréhension intérieure du sacrifice. Pourquoi? Parce qu'aussi bien étymologiquement que pratiquement, le sacrifice (du latin : rendre sacré) se définit avant tout comme l'action dans le Sacré : celle qui nous permet de nous relier avec la divinité. Pour retrouver son sens symbolique intemporel, donc lui redonner une actualité, un style adapté à notre époque, il peut être intéressant de se relier à la tradition, d'interroger le passé, de retrouver l'unité de langage derrière la diversité des expressions. Mais la résurrection de notions comme le Sacré, la religion ou le symbole, ne doit pas seulement permettre de mieux les comprendre, mais surtout de mieux les vivre : c'est pour cela que l'on parle d'activité symbolique et de spiritualité vivante.

     

    Le sacrifice travers l'histoire

     

    Une étude historique du sacrifice permet d'en proposer une typologie qui met en lumière, d'une part, sa relation étroite avec la religion et, d'autre part, sous ses différents aspects, son principe fondateur unique.

     

    Tout d'abord, il est important de noter que religion et sacrifice sont deux aspects indissociables de la notion de Sacré. Si la religion incarne l'idée du lien collectif avec le Sacré, le sacrifice représente, lui, sa manifestation active.

     

    Ressentant l'importance du phénomène sacrificiel, de nombreux auteurs ont tenté d'en construire un modèle général, qui était cependant le reflet de leur propre culture, étendu ensuite arbitrairement à toutes les civilisations - ceci aboutissant à une vérité partielle, selon leur mode d'investigation. Ce fut la voie empruntée par Durkheim, Hubert et Mauss et plus récemment par René Girard. En réaction à cela, virent le jour des études plus spécialisées, limitées dans le temps et dans l'espace ; mais leurs brillants résultats souffrent de leur caractère volontairement fragmentaire. Néanmoins, une étude qui s'appuie sur les découvertes de l'archéologie et de la philologie, concernant la genèse des peuples et des institutions en Europe, permet de regrouper et de rapprocher les systèmes sacrificiels en fonction de leur filiation connue ou supposée.

     

    En se limitant au sacrifice animal et à la mentalité religieuse européenne de la préhistoire à nos jours, on constate une évolution dans la manifestation du sacrifice. Les premiers témoignages historiques permettent de supposer que le rite sacrificiel est né de la concrétisation pratique d'un rite symbolique destiné à favoriser l'issue de la chasse, chez les hommes préhistoriques. Après une longue évolution, le rite a disparu à l'aube de notre ère lorsque, par un mouvement inverse, il a retrouvé une dimension purement symbolique, dans le cadre des aspirations individuelles au salut de l'âme. Durant ce véritable mouvement respiratoire de l'histoire, se sont succédés, sans pour autant s'exclure, plusieurs conceptions du sacrifice.

     

    Le sacrifice par le sang, source de régénération cosmique

     

    Le modèle le plus ancien peut être qualifié d'organique car sa finalité est un ressourcement énergétique et la perpétuation de la matière. C'est le sacrifice type des sociétés agraires qui se sont formées au néolithique et qui ont marqué de leur empreinte le pourtour méditerranéen avant les invasions indo-européennes. Le rite sacrificiel se caractérise ici par la présence latente de la violence et l'importance symbolique du sang. Ainsi, si l'affrontement avec un taureau sauvage constitue un préliminaire assez courant, attesté en Crète, l'égorgement violent est, lui, systématique. Le partage des chairs crues de la victime et l'absorption de son sang par la communauté se déroulaient dans une atmosphère dionysiaque qui s'achevait par une union sexuelle entre les participants. Le style propre de ce type sacrificiel reposait sur une mentalité qui voyait dans l'humain un flux de vie participant au flux vital universel. Cette conception organique du monde implique une "technique de perpétuation du vivant", reproduisant le mythe originel de la création : le rite. Le sang est le symbole primordial de ce flux d'énergie, de cet élan vital qui anime le monde, relancé cycliquement. La pratique rituelle vise à rétablir le lien avec les forces de la nature incarnées par la Terre-mère, la Magna Mater.

     

    C'est dans cet esprit qu'il faut comprendre l'offrande des prémices agricoles et la mise à mort rituelle de l'animal. Ce dernier est peut-être le substitut d'une victime humaine mais il vaut surtout par "la force de régénération" qu'il porte en lui. Or le taureau sauvage est le symbole, depuis le fond des âges, de la force et de la fécondité. Sa mort, donnée rituellement dans la violence et l'extase, n'est pas un anéantissement mais correspond à une hiérogamie, c'est-à-dire à une union mystique de la Déesse Terre-Mère avec son fils/amant/fécondateur, céleste et solaire, le taureau sauvage divin. Parce qu'elle est consacrée, la victime devient l'incarnation de la divinité céleste, porteuse de son énergie. Ainsi le sang versé sur la terre et bu par les hommes, la chair crue partagée par les participants, correspondent-ils à une semence symbolique issue de l'union mystique. Elle est source de nouvelles naissances, du renouveau de la végétation et permet donc le ressourcement de la matière et de l'énergie. C'est là un monde où l'animal-totem porteur d'énergie peut être mangé rituellement, sans que cela soit vécu comme un paradoxe ou la transgression d'un tabou. L'univers est appréhendé comme un tout,sans hiérarchie constitutive entre la divinité, l'homme et l'animal.

     

    Le sacrifice par le feu, source de cohésion sociale

     

    A ce modèle archaïque a succédé un sacrifice de type social qui correspond à la formation des sociétés tribales ou postem-éleveurs. Celui-ci trouve sa spécificité dans son opposition au précédent type sacrificiel. En effet, la violence et le sang font désormais l'objet de tabous puissants et leur sont opposés la "civilisation" et le feu. Concrètement, lors de réunions communautaires, on abattait un animal domestique qui était en partie consumé et consommé cuit. Toute violence à l'encontre de l'animal étaient proscrits.

     

    L'apogée historique de ce système sacrificiel correspond à l'ère des cités-états dont la polis grecque reste le meilleur exemple. Ce monde, fortement hiérarchisé, était dominé par la figure de l'homme, père, époux et guerrier. L'organisation sociale caractéristique de la mentalité indo-européenne accorde une place prépondérante aux prêtres et aux guerriers, par rapport aux producteurs. Ces derniers, même s'ils nourissaient la cité, ne jouissaient, pas plus que les femmes, d'un rôle socio-politique important. L'idéologie en vigueur, reflet presque exclusif des préoccupations des classes supérieures, était alors centrée sur la quête du pouvoir et l'affirmation de sa différence. D'où, dans cette mentalité, l'existence d'une hiérarchie, d'un ordre sacré constitutif du monde et de la société.

     

    Le sacrifice figure ici la réalisation du lien entre les membres de la communauté et constitue donc le seul instrument de cohésion sociale. Le rituel permet de commémorer le mythe fondateur de ces sociétés qui affectent à l'homme une place intermédiaire entre la divinité et l'animal. Sacrifier est donc marquer du sceau de la civilisation une pratique alimentaire dont l'accomplissement est vécu comme une déchéance car soulignant trop l'animalité dans l'homme.

     

    Mais l'exercice politique n'induit pas pour autant la suppression des besoins physiologiques et le système sacrificiel témoigne en fait davantage d'une superposition à l'ancienne mentalité plutôt que d'une destruction pure et simple de celle-ci. La dimension hiérarchisée, sociale, du monde est tout bonnement mieux vécue que sa dimension organique. La société des puissances divines domine l'univers dans lequel les animaux occupent le rang le plus bas et où la société humaine tente de rester maîtresse de la partie intermédiaire.

     

    Dans ce monde, le feu sert de symbole primordial, il résume analogiquement toute la mythologie. En supplantant le sang, il marque en effet cette recherche de verticalité qui complète plus qu'elle ne rejette l'horizontalité du monde précédent. Le feu, traduction dans le visible de la lumière divine primordiale, exprime à la fois le lien avec la divinité et le moyen pour les hommes de se différencier, par son utilisation, des animaux. Voilà pourquoi, brûler en signe de lien, de pacte, une partie de la victime et en manger une autre partie, cuite, est un acte profondément sacré, fondateur de la civilisation. En même temps, il témoigne de la reconnaissance par la communauté de son statut médian, c'est-à-dire de la résolution du paradoxe "ni ange-ni bête", mais homme civilisé. Paradoxe résolu par la réalisation de l'équilibre humain et social qui constitue l'Idéal de la cité. Ceci permet de comprendre que les rôles, mineurs, de la femme et du paysan soient respectés non par magnanimité mais par un réel souci de l'harmonie sociale. Le corollaire est la co-existence des pratiques sanglantes, chtoniennes même, limites parallèles au sacrifice archétypal défini plus haut.

     

    L'animal n'est plus ici l'incarnation du vivant mais synonyme de sauvagerie. Sa valeur dans le sacrifice ne peut donc être lié qu'à la nature sociale de sa relation avec l'homme. Ceci explique que seuls les animaux domestiques soient sacrifiables, leur valeur économique leur conférant en plus une valeur réelle et sociale d'échange avec les Dieux, qui deviennent alors débiteurs des hommes. La consommation communautaire de viande cuite canalise le lien global de la communauté avec les Dieux. Elle empêche ainsi tout rapport individuel et direct avec la divinité régénératrice et par là renforce la cohésion, devenue obligatoire, du groupe.

     

    Le sacrifice spirituel, source de salut personnel

     

    Enfin, les bouleversements socio-politiques qui caractérisent l'antiquité tardive ont favorisé l'émergence d'un type sacrificiel nouveau, qualifié de spirituel. L'affirmation de l'individu, en tant qu'entité socio-politique autonome, va de pair avec l'apparition de besoins spirituels qui perdent leur aspect collectif.

     

    On assiste alors à une recherche du salut personnel, à l'instauration du dialogue avec une divinité syncrétique, interlocutrice préférentielle. Les besoins de connaissance, d'amour et d'harmonie prennent le pas sur les besoins sociaux ; la mentalité religieuse est dominée par la notion du mystère divin et du sacrifice personnel. Lorsque celle-ci conserve une finalité collective, elle prend la forme d'une révélation, sinon elle s'oriente vers le chemin immémorial de la voie initiatique. L'animal perd sa valeur dans le sacrifice qui se transforme en boucherie profane. Les symboles prépondérants sont alors issus de la sublimation du sacrifice organique. Le pain et le vin, chair et sang, deviennent les éléments fondamentaux du rite qui conserve encore son aspect de communion personnelle avec la divinité et avec la communauté.

     

    Voilà ainsi définis trois axes du sacré qui ne sont pas opposés mais complémentaires, car tous, selon des points de vue différents, sont la recherche de la régénération par le retour actif au stade de l'unité, à travers la communion avec ce qui est primordial, le principe ou l'archétype. Le profane est donc l'état multiple, précaire, qui doit être perpétuellement détruit et reconstruit et c'est précisément par l'énergie libérée de la destruction, que l'on arrive à la communion qui permet de reconstruire. Nous l'avons constaté, l'échec des idéologies sociales qui ont profondément marqué notre époque n'a pas pour autant éteint ce besoin d'un Idéal, même précaire, qui caractérise l'humain. Si la redécouverte du Sacré s'avère chaque jour plus nécessaire, c'est sans doute qu'il ne réduit pas l'Homme soit à des pulsions animales, soit à une appartenance sociale soit encore à ses croyances. Ainsi le Sacré génère-t-il une vision globale qui fonde la notion d'humanité au lieu d'être issu de sa fragmentation.

     


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