• Un jour, un homme attrapa un petit oiseau chétif qui lui dit: “Captif, je ne te serai d'aucun secours, mais si tu me rends la liberté, je te donnerai trois précieux conseils.”

    L'oiseau promit de donner le premier conseil quand il serait encore entre ses mains, le deuxième lorsqu'il serait perché sur la branche d'un arbre et le troisième alors qu'il aurait gagné le sommet d'une montagne.

    L'homme accepta et écouta le premier conseil de l'oiseau: “Si tu perds quelque chose, ne le regrette pas même si tu y tiens autant qu'à ta propre vie.”

    L'homme relâcha l'oiseau qui alla se percher sur une branche avant de lui prodiguer le deuxième conseil: “ Ne crois jamais rien qui soit contraire au bon sens.”

    Puis l'oiseau s'envola jusqu'au sommet d'une montagne d'où il déclara: “Pauvre infortuné ! Sais-tu que mon corps renferme deux énormes joyaux dont tu serais maintenant l'heureux propriétaire si seulement tu m'avais tué.”

    L'homme, pris d'un effroyable tourment à la pensée du gain perdu, implora l'oiseau:

    “ Donnes-moi au moins le troisième conseil.

    - Quel idiot tu fais, répondit l'oiseau. Tu es là à me demander encore un conseil alors que tu n'as même pas prêté attention aux deux premiers. Je t'ai dit de ne pas te tourmenter si tu perds quelque chose et de ne pas ajouter foi à ce qui est contraire au bon sens. Et c'est précisément ce que tu es en train de faire en ce moment. Tu te laisses berner par des inepties et te lamentes parce que tu as perdu quelque chose. Crois-tu réellement que mon corps chétif puisse contenir deux énormes joyaux et les transporter jusqu'au sommet d'une montagne ? Tu n'es qu'un nigaud prisonnier des balivernes communément colportées en ce bas monde.”


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  • Un vieux sage, assis en tailleur devant son ouvrage sur le pas de sa porte, avait coutume d'observer les déplacements des villageois. Son attention fut attirée tout particulièrement par les allées et venues de Mohamed se rendant, trois par jour, à la mosquée. L'homme n'adressait qu'un signe de la tête à cet être qui passait ses journées à se prélasser au soleil sans se soucier de la présence de Dieu. Un jour cependant, il s'arrêta à la vue du vieil homme qui, contrairement à son habitude, se tenait accroupi et scrutait le sol attentivement. Devant ce comportement inhabituel, Mohamed s'approcha de lui et demanda:

    “ Que regardes-tu ainsi ?

    - Je cherche une aiguille que j'ai égarée, répondit le vieil homme.”

    En bon musulman, Mohamed l'assista dans la recherche de son outil de travail. La quête s'avéra vaine malgré leurs efforts conjugués.

    “ Es-tu bien sûr de l'avoir perdue ici ? Questionna à tout hasard Mohamed.

    - Non, pas du tout, répliqua le chercheur d'aiguille.

    - Et où l'as-tu égarée ?

    - A l'intérieur de la maison, rétorqua le vieil homme.

    - Et tu cherches ton aiguille à l'extérieur ! S'exclama Mohamed.

    - Bien sûr, à l'intérieur il fait si sombre alors qu'ici on y voit bien mieux, répondit sans se décontenancer le vieil homme.

    - Mais tu es complètement fou ! A t-on jamais vu quelqu'un chercher au dehors ce qui se trouve chez lui, proféra Mohamed.”

    Le vieil homme laissa passer un moment de silence, puis regarda Mohamed droit dans les yeux et lui dit: “Vraiment ! Et toi ? Ne vas-tu pas trois fois par jour à la mosquée à la recherche d'un Dieu que tu portes dans ton coeur !”


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  • Mais pourquoi les mille et une Nuits font-elles rêver depuis des siècles ? Plus qu'un simple recueil d'histoires fantastiques, le concept narratif, l'alibi narratif qui le structure en fait un chef-d'œuvre puissant. Shéhérazade, fille du grand vizir, voyant la cruauté du roi Shahriyar, qui sacrifie chaque matin sa nouvelle épouse de la veille, décide de sauver les jeunes femmes du royaume en épousant elle-même le souverain. Afin de survivre assez longtemps au châtiment habituel, elle s'engage, chaque nuit, dans une narration complexe qui laisse inachevés plusieurs récits. C'est ainsi qu'elle gagne du temps pour sa propre vie, et qu'elle épargne celle de milliers d'autres potentielles victimes. Son ingénieuse dynamique narrative a créé de nouveaux repères dans l'art du récit.

    L'origine des Mille et une Nuits reste encore un peu trouble. Selon la version la plus probable, il s'agirait de récits issus d'un livre persan, datant du 8e siècle, intitulé : les Mille contes (Hezar Efsane), qui lui-même serait une adaptation d'histoires indiennes. Les historiens croient toutefois que le recueil original est sans doute le fruit de plusieurs contes oraux, lesquels auraient circulé d'une contrée à une autre du monde antique, avant de se retrouver répertoriés dans un même recueil.

    Il faut savoir que les nombreux contes qui composent le recueil ont connu une évolution constante entre le 8e et le 18e siècle. Plusieurs auteurs en ont remanié les versions, en fonction du pays ou du contexte politique dans lequel ils vivaient. On compte plus de soixante-dix éditions différentes en arabe, versions qui diffèrent non seulement dans la narration, mais aussi dans le contenu final.

    Une première traduction française se fait sous la plume d'un certain Antoine Galland, en 1704. Cette édition comporte soixante-dix histoires anciennes, puisées dans un manuscrit arabe, ainsi que des contes oraux que Galland transcrit sous la dictée d'un moine syrien appelé Hanna. C'est grâce à cette récupération de la tradition orale que des personnages célèbres tels Aladin, Ali-Baba, Sinbad, etc., viennent s'ajouter aux récits fantastiques qui peuplent déjà le recueil. Des traductions en anglais, en allemand, en italien, en hollandais, en russe, en danois voient alors le jour et des auteurs de partout en Europe produisent de nouvelles versions tout au long du 19e siècle.

    En 1900, le docteur Joseph Charles Mardrus présente une version qui attirera l'admiration d'une bonne partie de l'élite intellectuelle européenne : Le livre des Mille et une Nuits. De facture très personnelle, embellie d'images fascinantes, érotisée par un imaginaire d'une sensualité extraordinaire, Mardrus impose sa version comme le référent le plus artistiquement acceptable. Son oeuvre ouvrira la porte d'une production dérivée absolument fabuleuse. Ce sera la folie des Mille et une Nuits, inspirante et mythique. Naîtront de cet engouement des sculptures, des peintures, des récits, des poèmes, des pièces de théâtre. Non seulement on met en scène les Mille et une Nuits, mais on les habite également. Elles deviennent le support de mille et un fantasmes.

    Au 21e siècle, on remanie toujours, dans les milieux littéraires, l'exceptionnelle matière de création que sont les contes des Mille et une Nuits. La dernière traduction digne d'intérêt est celle, plus moderne et plus complète, présentée en 1984 par René Khawam. Jamel Eddine Bencheikh et André Miquel et publiée chez Gallimard, La Pléiade, en 2005. Gageons que ces contes merveilleux sont loin d'avoir épuisé tout leur potentiel d'imaginaire...

    Les contes arabes anonymes connus sous le titre des Mille et Une Nuits   (Alf layla wa layla) forment un ensemble des plus composites. À partir du noyau premier, d'origine persane (avec des emprunts indiens), traduit en arabe au viiie siècle, le texte s'est ramifié en s'adjoignant de nouvelles sources, égyptiennes notamment, mais aussi turco-mongoles, mésopotamiennes ou byzantines. L'Occident a découvert avec ravissement les Mille et Une Nuits en 1704, grâce à la traduction française d'Antoine Galland.

    Séduire par la parole

    Le roi Shāh Zāman, s'apercevant qu'il est trompé par sa femme, se rend chez son frère, le roi Šhahriyār, pour le mettre au courant de cette traîtrise. Mais l'inconstance féminine est telle, qu'il apprend de la bouche de ce dernier que lui aussi a une femme infidèle. Pour se venger de son infortune conjugale, Šhahriyār décide de faire mourir chaque matin la femme avec laquelle il aura passé la nuit. Avant d'appliquer cette mesure, lui et son frère décident de parcourir le pays afin de rencontrer un homme plus malheureux qu'eux. Au cours de ce voyage, ils cèdent à une femme d'une merveilleuse beauté retenue prisonnière par un génie, et cette faiblesse ne fait que renforcer leur désir de vengeance.

    Pendant trois ans, la sanglante coutume fait ainsi sacrifier le matin la femme avec qui Šhahriyār a passé la nuit. Mais voilà que Sahrazād (Shéhérazade), la fille du vizir, décide de s'offrir au roi, afin de délivrer les femmes du royaume de ce péril. La force de Shéhérazade tient dans sa beauté, mais surtout dans son intelligence : « Shéhérazade avait lu des livres et des écrits de toutes sortes, allant jusqu'à étudier les ouvrages des Sages et les traités de médecine. Elle avait retenu en sa mémoire quantité de poèmes et de récits, elle avait appris les proverbes populaires, les sentences des philosophes, les maximes des rois. »

    La stratégie de séduction de Shéhérazade repose donc entièrement sur ses talents de conteuse : chaque soir – chacune des mille et une nuits –, elle raconte au roi une nouvelle histoire qu'elle prend soin de laisser inachevée. Piqué par la curiosité, envoûté par les récits de Shéhérazade, le roi remet toujours au lendemain la sentence funeste. Au terme du livre, Shéhérazade, qui a donné trois enfants au souverain, devient reine.

    Récits gigognes

    Loin d'être homogènes, Les Mille et Une Nuits sont constituées d'un corpus de récits, de légendes, d'anecdotes, puisés tour à tour dans le patrimoine indien, arabe, persan, égyptien et même hellénistique. À chaque nouvelle période, cette œuvre s'est enrichie de l'imagination des peuples du Moyen-Orient pour s'imposer au xviiie siècle à l'Occident, fasciné alors par l'exotisme de l'Orient. Ces récits non seulement se succèdent, mais s'engendrent, s'emboîtent, mêlant histoires d'amour, épopées guerrières, chasse aux trésors, récits d'aventures.

    Associant dialectismes empruntés aux classes populaires et langue classique, le recueil tel qu'il nous est parvenu rassemble à la fois des récits historiques et de pures fictions qui nous renseignent sur la vie à Bagdad, capitale du monde musulman, à l'époque du haut Moyen Âge. De cette époque date le récit du « Voyage de Sindbad le marin ». Mais d'autres figures légendaires devenues célèbres aujourd'hui y abondent – Ali Baba, Aladin –, toutes représentatives d'un imaginaire populaire.

    Le personnage de Shéhérazade fille d'un vizir, auquel le prologue ne consacre que quelques lignes, et dont le nom ne revient que pour annoncer le début d'une nouvelle histoire, est pourtant devenu le symbole d'un Orient voluptueux tel que l'Occident a pu le concevoir après la lecture de ces contes. Symbole également de la féminité, puisqu'elle réussit à faire oublier au roi qui l'écoute chaque soir son désir de vengeance sanglante, et le transforme peu à peu en être sensible, capable de pardon. En effet, chaque conte retrace, par les actions de ses personnages, le triomphe des valeurs humaines véritables : la piété, la charité, la tolérance. Les fourbes, les félons finissent par payer durement leurs mauvaises actions. Pour connaître la vérité, il est fréquent de voir le calife de Bagdad se déguiser, se mêler au peuple de sa ville, afin de savoir exactement comment se conduisent les fonctionnaires placés sous ses ordres, et réparer les éventuelles injustices. Car la justice est l'un des thèmes les plus fréquemment évoqués dans les contes des Mille et Une Nuits, sous sa forme terrestre, rendue par le souverain ou ses représentants, mais aussi sous sa forme divine. Les histoires sont toujours extrêmement vivantes, elles mettent en scène tout un petit peuple d'artisans, de boutiquiers, de marchands, d'esclaves rusés, aussi bien que les grands du royaume. Elles font aussi volontiers appel à la magie et au merveilleux.


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  • Deux mendiants affamés arrivèrent un jour chez un rabbin hassidique et l’implorèrent :
    « Donnes-nous à manger ! Nous n’avons rien à part ce petit sac de blé. »

    Le rabbin, aimable et prévenant, les invita alors à sa table. Une fois restaurés, les mendiants remercièrent le rabbin et lui dirent :
    « Nous repartons mendier pour quelque temps. Peux-tu nous garder ce sac de blé ? »

    Celui-ci accompagna les deux hommes à la porte, leur assurant qu’il en prendrait le plus grand soin. Le temps passa et le rabbin, ne voyant pas revenir les deux mendiants, pensa :
    « Que vais-je faire de ce blé ? Ne vaudrait-il pas mieux le planter plutôt que de le laisser à la merci des rats ? »

    Il le planta, le blé poussa et fut moissonné. Une année s’écoula sans que les mendiants ne réapparaissent. Le rabbin replanta alors le blé récolté. Plusieurs années passèrent ainsi et, au fil des moissons, le blé remplit tout un grenier.

    Enfin, les mendiants réapparurent un jour, plus pauvres que jamais. Comme la première fois, ils l’implorèrent de leur donner de quoi apaiser leur faim. Le rabbin les mena alors au grenier et, leur désignant l’énorme quantité de blé entassée là, leur dit :
    « Prenez possession de votre trésor ! »


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  • Un roi fit appeler un saint rabbin qui ne dormait que deux heures, employant les vingt-deux autre à lire les écritures.

    « Dis- moi la vérité que tu as trouvée dans ces pages ou je te fais couper la tête ! »

    L’ancien sourit.
    « Avant de te révéler le secret que tu attends, laisse- moi, ô grand seigneur, te poser une question.
    - D’accord : pose-la-moi !
    - Deux hommes marchent dans la forêt après une forte pluie. Soudain, ils tombent dans une mare de boue. En sortant, l’un d’eux est sale alors que l’autre est toujours propre. Lequel des deux se lave ?
    - Eh bien, celui qui est couvert de boue ! Répondit le puissant.
    - Non majesté. Car celui qui est tout crotté voit son compagnon tout propre et pense qu’il l’est aussi. L’autre, qui le voit couvert de boue, pense que lui aussi est sale et il court se laver. »

    « Bien, dit le roi, maintenant dis moi la vérité que tu as trouvée dans tes écritures.
    - Auparavant, seigneur, résous ce problème : deux hommes marchent dans la forêt après une forte pluie. Soudain ils tombent dans une mare de boue. En sortant l’un d’eux est sale et l’autre propre. Lequel des deux se lave ? »

    Le monarque, croyant connaître la réponse dit :
    « Celui qui est propre !
    - Non, mon seigneur. Comme il avait déjà commis l’erreur, c’est le tout crotté qui se lave. L’expérience enseigne.
    - J’accepte, dit le roi. Maintenant, dis-moi la vérité que tu as découverte dans ton livre sacré.
    - Oh grand magnanime, laisse-moi te poser une dernière devinette ! Après une forte pluie, deux hommes qui marchent dans la forêt tombent dans une mare de boue. L’un en sort sale, l’autre propre. Lequel se lave ? »

    Le roi fut déconcerté.
    « Je ne sais plus que répondre. Tous deux peuvent se baigner ou aucun… »
    Le vieillard sourit.
    « Si tu crois seigneur, qu’un accident aussi incroyable va se répéter trois fois, tu es prêt à croire tout et n’importe quoi. Un texte peut donner naissance à des interprétations innombrables. Les mots ne sont qu’un guide sur le chemin de la vérité. »


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