• En décembre 1945, près de la ville de Nag Hammadi, sur les bords de la mer morte, des paysans égyptiens déterraient fortuitement une jarre contenant treize codices de papyrus, des volumes reliés à plat comme nos livres et recouverts de cuir. Ils venaient de faire l’une des plus formidables découvertes de manuscrits anciens du XXe siècle.

    Dans un état de conservation variable, les 1156 pages inscrites renferment 54 oeuvres différentes, la plupart inconnues par ailleurs, dont le fameux Évangile selon Thomas, un recueil de paroles de Jésus. Il s’agit de textes religieux, généralement décrits comme gnostiques. Rédigés en grec ces textes ont ensuite été traduits en copte, la langue de l’Égypte de cette époque, puis copiés vers le milieu du IVe siècle dans des codices qui ont par la suite été enfouis dans une jarre, probablement au début du Ve siècle.

    Cette découverte est d’un intérêt inestimable, que ce soit pour l’histoire du livre, dont les codices de Nag Hammadi constituent les plus anciens spécimens, pour l’histoire de la langue et de la paléographie coptes, ou pour celle de la philosophie et du christianisme naissant.

    Ces textes ressuscitent en effet pour nous des formes du christianisme primitif que la tradition postérieure a combattues et s’est efforcée de faire disparaître, mais qui jouèrent néanmoins un rôle essentiel dans sa formation. Leur édition, leur traduction dans des langues modernes et leur étude, qui en est encore à ses débuts, ouvrent donc une fenêtre nouvelle sur la période du IIe siècle, si importante dans la formation du christianisme. Toutefois, l’interprétation de ces textes nouveaux est particulièrement difficile. On ignore en effet l’identité de leurs auteurs, les lieux, dates et circonstances de leur rédaction en grec, de leur transmission, de leur traduction en copte, de leur copie dans les codices mis au jour en 1945. Ainsi par exemple, "Thomas" signifie "jumeau" en grec. L'église catholique chrétienne se refuse actuellement à reconnaître la véracité de ces textes. Ici point de naissance miraculeuse, point de miracles de Jésus ni de récit de sa vie, contrairement à ce qui figure dans les quatre évangiles de la Bible. L'évangile de Tomas est constitué de 114 paraboles appelées "logion".

    L’Évangile de Thomas existe dans plusieurs éditions, celle citée est celle dirigée par des spécialistes qui l’ont enseigné au Collège de France :

    A. Guillaumont, H.-C. Puech et al., L’Évangile selon Thomas (Paris, 1959).


    Le texte intégral de l’Evangile de Thomas, découvert à Nag Hammadi (1945).

    Voici les paroles secrètes que Jésus le Vivant a dites et que Didyme Jude Thomas a écrites.

    1  Et il a dit : « Celui qui trouvera les interprétations de ces paroles ne goûtera jamais la mort. »

    2  Jésus a dit : « Que celui qui cherche ne cesse pas de chercher, jusqu’à ce qu’il trouve. Et, quand il aura trouvé, il sera troublé ; quand il sera troublé, il sera émerveillé, et il règnera sur le Tout. »

    3  Jésus a dit : « Si ceux qui vous guident vous disent : Voici, le Royaume est dans le ciel, alors les oiseaux du ciel vous précéderont ; s’ils vous disent qu’il est dans la mer, alors les poissons vous précéderont. Mais le Royaume est à l’intérieur de vous, et il est à l’extérieur de vous. Lorsque vous vous connaîtrez, alors on vous connaîtra ; et vous saurez que c’est vous les fils du Père vivant. Si au contraire vous ne vous connaissez pas, alors vous êtes dans la pauvreté, et c’est vous la pauvreté.  »

    4  Jésus a dit : « L’homme vieux dans ses jours n’hésitera pas à interroger un petit enfant de sept jours à propos du lieu de la vie, et il vivra. Car beaucoup de premiers seront derniers, et ils deviendront un seul. »

    5  Jésus a dit : « Reconnais ce qui est devant ta face, et ce qui t’est caché te sera dévoilé. Car il n’y a rien de caché qui ne sera manifesté. »

    6  Ses disciples l’interrogèrent et lui dirent : « Veux-tu que nous jeûnions ? Et comment prierons-nous ? Donnerons-nous l’aumône ? Et pour ce qui concerne la nourriture, quelles normes observerons-nous ? » Jésus dit : « Ne dites pas de mensonges, et ne faites pas ce que vous haïssez, puisque tout est dévoilé devant le ciel. Car il n’y a rien de caché qui ne sera manifesté et rien de couvert qui restera sans être dévoilé. »

    7  Jésus a dit : « Heureux le lion que l’homme mangera, et le lion deviendra homme ; et maudit est l’homme que le lion mangera, et le lion deviendra l’homme. »

    8  Et il a dit : « L’homme est semblable à un pêcheur avisé, qui jeta son filet à la mer et l’en retira plein de petits poissons ; parmi eux, le pêcheur avisé trouva un gros et beau poisson ; il rejeta tous les petits à la mer, et choisit le gros sans difficulté. Celui qui a des oreilles pour entendre, qu’il entende ! »

    9  Jésus a dit : « Voilà, le semeur sortit, la main pleine de semences, et les lança. Quelques-unes tombèrent sur le chemin ; les oiseaux arrivèrent, et les ramassèrent ; d’autres tombèrent sur la pierre et ne prirent pas racine en profondeur ni ne firent monter d’épis vers le ciel ; d’autres tombèrent dans les épines : celles-ci étouffèrent la semence, et le ver dévora les grains ; d’autres tombèrent dans la bonne terre, et celle-ci fit monter du bon fruit vers le ciel : elle produisit soixante mesures pour une et cent vingt pour une. »

    10  Jésus a dit : « J’ai jeté un feu sur le monde, et voici, je le garde jusqu’à ce que le monde brûle. »

    11  Jésus a dit : « Ce ciel passera, et celui qui est au-dessus de lui passera ; ceux qui sont morts ne vivent pas, et ceux qui vivent ne mourront pas. Les jours où vous mangiez ce qui est mort, vous en faisiez quelque chose de vivant ; lorsque vous serez dans la lumière, que ferez-vous ? Le jour où vous étiez un, vous êtes devenus deux ; mais quand vous serez devenus deux, que ferez-vous ? »

    12  Les disciples dirent à Jésus : « Nous savons que tu nous quitteras. Qui deviendra la plus grand parmi nous ? » Jésus leur dit : « Où que vous soyez allés, vous irez vers Jacques le Juste, pour qui ont été faits le ciel et la terre. »

    13  Jésus a dit à ses disciples : « Faites une comparaison et dites-moi à qui je ressemble. » Simon Pierre lui dit : « Tu es semblable à un ange juste. » Matthieu lui dit : « Tu es semblable à un philosophe intelligent. » Thomas lui dit : « Maître, ma bouche est tout à fait incapable de dire à qui tu es semblable. » Jésus répondit : « Je ne suis pas ton maître ; puisque tu as bu, tu t’es enivré à la source bouillonnante que j’ai fait jaillir. » Et il le prit à part et lui dit trois paroles. Quand Thomas revint auprès de ses compagnons, ils lui demandèrent : « Que t’a dit Jésus ? » Thomas leur répondit : « Si je vous dis une seule des paroles qu’il m’a dites, vous prendrez des pierres et vous les lancerez contre moi ; et alors un feu sortira des pierres et vous brûlera. »

    14  Jésus leur a dit : « Si vous jeûnez, vous vous attribuerez un péché ; si vous priez, vous serez condamnés ; si vous donnez l’aumône, vous nuirez à votre esprit. Et lorsque vous allez dans n’importe quel pays et que vous marchez dans les villages, si on vous reçoit, mangez ce qu’on mettra devant vous, et soignez les habitants qui sont malades ; car ce qui entre dans votre bouche ne vous souillera pas, mais ce qui sort de votre bouche, c’est cela qui vous souillera. »

    15  Jésus a dit : « Quand vous verrez celui qui n’a pas été engendré par une femme, alors prosternez-vous, la face contre terre, et adorez-le : c’est lui votre Père. »

    16  Jésus a dit : « Peut-être les hommes pensent-ils que je suis venu jeter la paix sur le monde ; ils ne savent pas que je suis venu jeter les divisions sur la terre : feu, épée et guerre. Car il y en aura cinq dans une maison : trois contre deux et deux contre trois, le père contre le fils et le fils contre le père ; et ils se tiendront debout, en étant un seul. »

    17  Jésus a dit : « Je vous donnerai ce qu’aucun œil n’a vu et ce qu’aucune oreille n’a entendu et ce qu’aucune main n’a touché et ce qui n’est jamais monté au cœur de l’homme. »

    18  Les disciples demandèrent à Jésus : « Dis-nous comment sera notre fin. » Jésus dit : « Avez-vous donc découvert le commencement pour que vous cherchiez la fin ? Car, là où est le commencement, là sera la fin. Heureux celui qui se tiendra debout dans le commencement ; il connaîtra la fin et ne goûtera pas la mort. »

    19  Jésus a dit : « Heureux celui qui était avant d’être ! Si vous devenez mes disciples et que vous écoutez mes paroles, ces pierres vous serviront. Car vous avez dans le paradis cinq arbres, qui ne changent ni en été ni en hiver et dont les feuilles ne tombent pas. Quiconque les connaîtra ne goûtera pas la mort. »

    20  Les disciples dirent à Jésus : « Dis-nous à quoi est semblable le Royaume des cieux. » Il leur répondit : « Il est semblable à un grain de sénevé, la plus petite de toutes les semences. Mais lorsqu’il tombe sur une terre travaillée, il produit une grande branche et devient un abri pour les oiseaux du ciel. »

    21  Marie dit à Jésus : « À qui ressemblent tes disciples ? » Il répondit : « Ils ressemblent à des enfants qui se sont installés dans un champ qui ne leur appartient pas. Quand les maîtres du champ viendront, les enfants diront : Laissez-nous notre champ. Ils se mettent tous nus en face d’eux, si bien que les maîtres le leur cèdent, et les enfants leur donnent leur champ. C’est pourquoi je dis : Si le maître d’une maison sait que le voleur va venir, il veillera avant qu’il n’arrive, et il ne permettra pas qu’il entre par la force dans la maison royale et qu’il en emporte les biens. Quant à vous, soyez vigilants en face du monde, ceignez vos reins avec grande force, de peur que les voleurs ne trouvent un passage pour arriver jusqu’à vous ; car le profit que vous attendez, ils le trouveront. Qu’il y ait parmi vous un homme d’expérience ! Quand le fuit est mûr, il vient tout de suite, la faucille à la main, et le cueille. Celui qui a des oreilles pour entendre, qu’il entende ! »

    22  Jésus vit des petits qui suçaient le lait. Il dit à ses disciples : « Ces petits qui sucent le lait sont semblables à ceux qui entrent dans le Royaume. » Ils lui dirent : « Alors en devenant petits, nous entrerons dans le Royaume ? » Jésus leur répondit : « Lorsque vous ferez des deux un, et que vous ferez l’intérieur comme l’extérieur, et l’extérieur comme l’intérieur, et le haut comme le bas, et que vous ferez du mâle et de la femelle un seul et même être, de façon à ce que le mâle ne soit plus mâle et que la femelle ne soit plus femelle ; lorsque vous ferez des yeux au lieu d’un œil, une main au lieu d’une main, un pied au lieu d’un pied, une image au lieu d’une image, c’est alors que vous entrerez dans le Royaume. »

    23  Jésus a dit : « Je vous choisirai, un entre mille et deux entre dix mille, et ils se tiendront debout, en étant un seul. »

    24  Ses disciples lui dirent : « Montre-nous le lieu où tu es, parce qu’il est nécessaire pour nous de le chercher. » Il leur répondit : « Celui qui a des oreilles, qu’il entende ! Il y a de lumière dans un homme de lumière, et il illumine le monde entier ; s’il n’illumine pas, c’est l’obscurité. »

    25  Jésus a dit : « Aime ton frère comme ton âme ; veille sur lui comme sur la pupille de ton œil. »

    26  Jésus a dit : « La paille qui est dans l’œil de ton frère, tu la vois, mais la poutre qui est dans le tien, tu ne la vois pas. Quand tu auras enlevé la poutre qui est dans ton œil, alors tu verras assez bien pour enlever la paille de celui de ton frère. »

    27  Jésus a dit : « Si vous ne jeûnez pas par rapport au monde, vous ne trouverez pas le Royaume. Si vous ne faites pas du sabbat un sabbat, vous ne verrez pas le Père. »

    28  Jésus a dit : « Je me suis tenu debout au milieu du monde, et je me suis manifesté à eux dans la chair ; je les ai trouvés tous ivres ; je n’en ai trouvé aucun d’entre eux qui eût soif. Et mon âme s’est affligée pour les fils des hommes, parce qu’ils sont aveugles dans leur cœur, et n’arrivent pas à voir ; puisqu’ils sont venus dans le monde vides, et c’est vides aussi qu’ils cherchent à en sortir ; mais en ce moment ils sont ivres. Quand ils auront rejeté leur vin, alors ils se convertiront. »

    29  Jésus a dit : « Si la chair est venue à l’existence à cause de l’esprit, c’est une merveille ; mais si l’esprit est venu à l’existence à cause du corps, c’est une merveille des merveilles. Mais moi, je m’émerveille de ceci : comment cette grande richesse a-t-elle habité dans cette pauvreté ? »

    30  Jésus a dit : « Là où il y a trois dieux, il y a des dieux ; là où il y en a deux ou un, je suis avec lui. »

    31  Jésus a dit : « Un prophète n’est pas accepté dans son propre village ; un médecin ne soigne pas ceux qui le connaissent. »

    32  Jésus a dit : « Une ville édifiée sur une haute montagne et fortifiée ne peut tomber ni rester cachée. »

    33  Jésus a dit : « Ce que tu entendras dans ton oreille, proclame-le sur les toits à l’oreille d’autrui. Car personne n’allume une lampe pour la mettre sous le boisseau, ni dans un endroit caché ; mais au contraire, il la place sur un lampadaire, de façon à ce que quiconque entre et sort puisse voir sa lumière. »

    34  Jésus a dit : « Si un aveugle conduit un aveugle, ils tombent tous les deux dans une fosse. »

    35  Jésus a dit : « Il n’est pas possible que quelqu’un entre dans la maison d’un homme puissant et la prenne par la force, à moins qu’il ne lui ait lié les mains ; alors seulement il pourra piller sa maison. »

    36  Jésus a dit : « Ne vous inquiétez pas du matin au soir ni du soir au matin au sujet de ce que vous vêtirez. »

    37  Ses disciples dirent : « Quand est-ce que tu te manifesteras à nous et quand pourrons-nous te voir ? » Jésus répondit : « Lorsque, pareils à de petits enfants, vous vous déshabillerez sans avoir honte et que vous prendrez vos vêtements et les piétinerez, c’est alors que vous verrez le fils du Vivant ; et vous n’aurez pas peur. »

    38  Jésus a dit : « Bien des fois vous avez désiré entendre ces paroles que je vous dis, sans avoir nul autre de qui les entendre. Il y aura des jours où vous me chercherez, mais vous ne me trouverez pas. »

    39  Jésus a dit : « Les pharisiens et les scribes ont reçu les clés de la gnose et ils les ont cachées. Eux, ils ne sont pas entrés, et à ceux qui voulaient entrer ils ne l’ont pas permis. Quant à vous, soyez prudents comme les serpents et simples comme les colombes. »

    40  Jésus a dit : « Un cep de vigne a été planté en dehors du Père et, n’étant pas solide, il sera arraché jusqu’à sa racine et détruit. »

    41  Jésus a dit : « À celui qui a quelque chose dans la main, il sera donné, et à celui qui n’a rien sera enlevé même le peu qu’il a. »

    42  Jésus a dit : « Devenez passant. »

    43  Ses disciples lui dirent : « Qui es-tu pour nous dire ces choses ? » Jésus leur répondit : « Vous n’avez pas compris qui je suis à partir de ce que je vous dis, mais vous êtes devenus comme les Juifs : en effet, ils aiment l’arbre et ils haïssent son fruit, ou bien ils aiment le fruit et haïssent l’arbre. »

    44  Jésus a dit : « Celui qui a blasphémé contre le Père, on lui pardonnera, et celui qui a blasphémé contre le Fils, on lui pardonnera ; mais celui qui a blasphémé contre l’Esprit saint, on ne lui pardonnera point, ni sur la terre ni au ciel. »

    45  Jésus a dit : « On ne récolte pas des raisins parmi les épines, et l’on ne cueille pas des figues dans les buissons, car ils ne donnent pas de fruit. Un homme bon produit du bien de son trésor ; un homme méchant produit des choses pernicieuses du mauvais trésor qui est dans son cœur, et il dit des choses pernicieuses, car de l’abondance du cœur il produit des choses pernicieuses. »

    46  Jésus a dit : « Parmi ceux qui sont nés de femmes, depuis Adam jusqu’à Jean-Baptiste, il n’y a personne qui soit plus grand que Jean-Baptiste, si bien que tous doivent baisser les yeux devant lui. Mais j’ai dit que quiconque d’entre vous deviendra petit connaîtra le Royaume et deviendra plus grand que Jean. »

    47  Jésus a dit : « Il est impossible à un homme de monter en même temps deux chevaux ou de bander deux arcs ; et il est impossible pour un serviteur de servir deux maîtres, autrement il honorera l’un des deux et il offensera l’autre. Personne ne boit du vin vieux et n’a aussitôt envie de boire du vin nouveau. Et on ne verse pas du vin nouveau dans de vieilles outres, de peur qu’elles n’éclatent ; et le vin vieux, on ne le verse pas dans une outre neuve, de peur qu’elle ne le gâte. On ne coud pas une vieille pièce sur un vêtement neuf, parce qu’il se produirait une déchirure. »

    48  Jésus a dit : « Si deux font la paix entre eux dans cette même maison, ils diront à la montagne : Déplace-toi, et elle se déplacera. »

    49  Jésus a dit : « Heureux les solitaires et les élus, car vous trouverez le Royaume. En effet, vous êtes issus de lui, et vous y retournerez. »

    50  Jésus a dit : « S’ils vous disent : D’où êtes-vous issus ? répondez-leur : Nous sommes venus de la lumière, du lieu où la lumière est issue d’elle-même ; elle s’est dressée et elle s’est manifestée dans l’image des hommes. S’ils vous disent : Est-ce vous ? répondez : Nous sommes ses fils et les élus du Père vivant. S’ils vous demandent : Quel est le signe de votre Père en vous ? répondez-leur : C’est un mouvement et un repos. »

    51  Ses disciples lui demandèrent : « Quand le repos des morts arrivera-t-il, et quand le monde nouveau viendra-t-il ? » Il leur répondit : « Ce repos que vous attendez est déjà venu, mais vous ne le reconnaissez pas. »

    52  Ses disciples lui dirent : « Vingt-quatre prophètes ont parlé en Israël, et ils ont tous parlé par ton intermédiaire. » Il leur répondit : « Vous avez oublié le Vivant qui est devant vous, et vous avez parlé seulement des morts. »

    53  Ses disciples lui demandèrent : « La circoncision est-elle utile ou pas ? » Il leur répondit : « Si elle était utile, leur père les engendrerait déjà circoncis de leur mère. C’est au contraire la vraie circoncision, celle en esprit, qui est devenue vraiment utile. »

    54  Jésus a dit : « Heureux vous, les pauvres, car le Royaume des cieux est à vous. »

    55  Jésus a dit : « Quiconque ne hait pas son père et sa mère ne pourra pas devenir mon disciple. Et quiconque ne hait pas ses frères et sœurs et ne porte pas sa croix comme moi ne sera pas digne de moi. »

    56  Jésus a dit : « Celui qui a connu le monde a trouvé un cadavre, et celui qui a trouvé un cadavre, le monde n’est pas digne de lui. »

    57  Jésus a dit : « Le Royaume du Père est semblable à un homme qui avait une bonne semence. Son ennemi vint la nuit, et il sema de l’ivraie parmi la bonne semence. L’homme ne permit pas qu’on arrache l’ivraie, et il leur dit : De peur que vous n’alliez arracher l’ivraie et que vous n’arrachiez le blé avec elle. Car le jour de la moisson, l’ivraie apparaîtra, et elle sera arrachée et brûlée. »

    58  Jésus a dit : « Heureux l’homme qui a souffert ; il a trouvé la vie. »

    59  Jésus a dit : « Regardez le Vivant pendant que vous êtes en vie, de peur que vous ne mouriez, et que vous cherchiez à le voir, sans y réussir. »

    60  Ils virent un Samaritain qui portait un agneau en faisant route vers la Judée. Jésus dit à ses disciples : « Celui-là, que veut-il faire de son agneau ? » Ils lui répondirent : « Le tuer et le manger. » Il leur dit : « Tant qu’il est vivant, il ne le mangera pas, mais seulement quand il l’aura tué et qu’il sera devenu un cadavre. » Ils lui répondirent : « Il ne pourra pas faire autrement. » Il leur dit : « Vous aussi, cherchez-vous une place dans le repos, de peur que vous ne deveniez un cadavre et que l’on ne vous mange. »

    61  Jésus a dit : « Il y en aura deux qui se reposeront sur un lit : l’un mourra et l’autre vivra. » Salomé dit : « Qui es-tu, homme, fils de qui ? » Tu es monté sur mon lit et tu as mangé à ma table. » Jésus lui répondit : « Je suis celui qui est issu de celui qui demeure égal à lui-même. Il m’a été donné de ce qui est à mon Père. » Salomé dit : « Je suis ta disciple. » Jésus lui dit : « C’est pourquoi je dis : Quand il sera réduit à l’unité, il sera rempli de lumière ; mais, tant qu’il sera divisé, il sera rempli de ténèbres. »

    62  Jésus a dit : « C’est à ceux qui sont dignes de mes mystères que je dis mes mystères. Ce que ta main droite fera, que ta main gauche ne sache pas ce qu’elle fait. »

    63  Jésus a dit : « Il y avait un homme riche, qui possédait beaucoup d’argent. Il dit : J’utiliserai mon argent pour semer, moissonner, planter et remplir mes magasins de fruits, de façon à ce que je ne manque de rien. Voilà ce qu’il pensait dans son cœur ; et cette même nuit, il mourut. Celui qui a des oreilles, qu’il entende ! »

    64  Jésus a dit : « Un homme avait des invités ; lorsqu’il eut préparé le dîner, il envoya ses serviteurs pour les convier au repas. Il s’en alla chez le premier et lui dit : Mon maître t’invite. Celui-ci répondit : J’ai de l’argent à réclamer auprès de certains marchands ; ils vont venir chez moi ce soir ; je dois y aller et leur donner des instructions. Je m’excuse pour le dîner. Il s’en alla chez un autre et lui dit : Mon maître t’a invité. Celui-ci lui répondit : Je viens d’acheter une maison, et on me demande pour toute la journée ; je ne serai pas libre. Il s’en vint chez un autre et lui dit : Mon maître t’invite. Celui-ci lui répondit : Mon ami va se marier, et c’est moi qui ferai le dîner. Je ne pourrai pas venir ; je m’excuse pour le dîner. Il s’en alla chez un autre, et lui dit : Mon maître t’invite. Celui-ci lui répondit : Je viens d’acheter un domaine, et je m’en vais recevoir les redevances. Je ne pourrai pas venir, je m’excuse. Le serviteur retourna et dit à son maître : Ceux que tu as invités au dîner se sont excusés. Le maître dit à son serviteur : Va-t-en par les routes, et ceux que tu rencontreras, amène-les à dîner. Les acheteurs et les marchands n’entreront pas dans les lieux de mon Père. »

    65  Il a dit : « Un homme honnête avait une vigne. Il la donna à des vignerons pour qu’ils la cultivent et qu’il puisse en recevoir le fruit de leurs mains. Il envoya son serviteur pour que les vignerons lui donnent le fruit de la vigne. Ils saisirent son serviteur, le rouèrent de coups et peu s’en fallait qu’ils ne le tuent. Le serviteur retourna et raconta à son maître ce qui s’était passé. Le maître dit : Peut-être ne l’ont-ils pas reconnu. Il envoya alors un autre serviteur. Les vignerons le rouèrent à son tour de coups. Alors le maître envoya son fils, et dit : Peut-être montreront-ils du respect pour mon fils. Quand ces vignerons surent qu’il était l’héritier de la vigne, ils le saisirent et le tuèrent. Celui qui a des oreilles, qu’il entende. »

    66  Jésus a dit : « Montrez-moi la pierre que les bâtisseurs ont rejetée : c’est elle, la pierre d’angle. »

    67  Jésus a dit : « Si celui qui connaît le Tout est privé de soi-même, il est privé du lieu tout entier. »

    68  Jésus a dit : « Bienheureux serez-vous quand on vous haïra et quand on vous persécutera ; et on n’atteindra pas le lieu là où on vous a persécutés. »

    69  Jésus a dit : « Bienheureux sont ceux qui ont été persécutés dans leur cœur. Ce sont eux qui ont véritablement connu le Père. Bienheureux, les affamés, car le ventre de celui qui désire sera rempli. »

    70  Jésus a dit : « Lorsque vous produirez ceci en vous-mêmes, ce que vous avez vous sauvera. Si vous n’avez pas ceci en vous, ce que vous n’avez pas en vous vous tuera. »

    71  Jésus a dit : « Je détruirai cette maison et personne ne pourra la reconstruire. »

    72  Un homme lui dit : « Dis à mes frères de partager avec moi les biens de mon père. » Il lui répondit : « Ô homme, qui a fait de moi un partageur ? » Il se tourna vers ses disciples et leur dit : « Suis-je donc un partageur ? »

    73  Jésus a dit : « La moisson est abondante, mais les ouvriers sont peu nombreux. Priez donc le Seigneur pour qu’il envoie des ouvriers pour la moisson. »

    74  Il a dit : « Seigneur, il y en a beaucoup autour du puits, mais il n’y a personne dans le puits. »

    75  Jésus a dit : « Il y en a beaucoup qui se tiennent près de la porte, mais ce sont les solitaires qui entreront dans la chambre nuptiale. »

    76  Jésus a dit : « Le Royaume du Père est semblable à un marchand qui avait un ballot et qui trouva une perle. Ce marchand était avisé. Il vendit le ballot et s’acheta la perle seule. Vous aussi cherchez le trésor incorruptible et durable, où la mite ne vient pas manger et où le ver ne détruit pas. »

    77  Jésus a dit : « C’est moi la lumière qui est au-dessus d’eux tous ; c’est moi le Tout. Le Tout est issu de moi, et c’est à moi que le Tout est parvenu. Fendez du bois, et je suis là ; soulevez une pierre, et c’est là que vous me trouverez. »

    78  Jésus a dit : « Pourquoi êtes-vous allés à la campagne ? Pour voir un roseau agité par le vent, et pour voir un homme revêtu d’habits raffinés, comme vos rois et vos magnats ? Ce sont eux qui portent des habits raffinés, mais ils ne pourront pas connaître la vérité. »

    79  Une femme dans la foule lui dit : « Heureux le ventre qui t’a porté et les seins qui t’ont nourri ! » Il lui dit : « Heureux ceux qui ont entendu la parole du Père et l’ont gardée en vérité ! Car des jours viendront où vous direz : Heureux le ventre qui n’a pas conçu, et les seins qui n’ont pas allaité ! »

    80  Jésus a dit : « Celui qui a connu le monde a trouvé le corps, mais celui qui a trouvé le corps, le monde n’est pas digne de lui. »

    81  Jésus a dit : « Celui qui est devenu riche, qu’il devienne roi, et celui qui a de la puissance, qu’il y renonce ! »

    82  Jésus a dit : « Celui qui est près de moi est près du feu, et celui qui est loin de moi est loin du Royaume. »

    83  Jésus a dit : « Les images sont manifestées à l’homme ; mais la lumière qui est en elles reste cachée dans l’image de la lumière du Père. Il se révélera, mais son image reste cachée par sa lumière. »

    84  Jésus a dit : « Quand vous voyez votre ressemblance, vous vous réjouissez ; mais lorsque vous verrez vos images, qui sont nées avant vous et ne meurent ni ne se manifestent, combien vous aurez à supporter ! »

    85  Jésus a dit : « Adam est né d’une grande puissance et d’une grande richesse, mais il n’est pas devenu digne de vous ; car, s’il avait été digne, il n’aurait pas goûté la mort. »

    86  Jésus a dit : « Les renards ont leurs tanières, et les oiseaux ont leurs nids, mais le Fils de l’Homme n’a pas de place où poser sa tête et se reposer. »

    87  Jésus a dit : « Misérable est le corps qui dépend d’un corps, et misérable est l’âme qui dépend de ces deux corps. »

    88  Jésus a dit : « Les messagers et les prophètes viendront à vous, et ils vous donneront ce qui vous revient. Et vous aussi, donnez-leur ce que vous avez dans les mains, et dites-vous : Quel jour viendront-ils recevoir ce qui est à eux ? »

    89  Jésus a dit : « Pourquoi lavez-vous l’extérieur de la coupe ? Ne comprenez-vous pas que celui qui a fait l’intérieur de la coupe est le même que celui qui a fait l’extérieur ? »

    90  Jésus a dit : « Venez à moi car mon joug est bon et ma seigneurie douce, et vous trouverez le repos pour vous. »

    91  Ils lui dirent : « Dis-nous qui tu es, pour que nous croyions en toi. » Il leur répondit : « Vous éprouvez la face du ciel et de la terre, mais vous n’avez pas reconnu celui qui est devant vous et vous ne savez pas éprouver le moment présent. »

    92  Jésus a dit : « Cherchez, et vous trouverez ; mais ce que vous m’aviez demandé jadis et que je ne vous avais pas dit en ces jours-là, maintenant il me plaît de le dire, mais vous ne le cherchez pas. »

    93  Jésus a dit : « Ne donnez pas aux chiens ce qui est sacré, de peur qu’ils ne le jettent au fumier ; ne jetez pas les perles aux porcs, de peur qu’ils n’en fassent [...] »

    94  Jésus a dit : « Celui qui cherche trouvera, et à celui qui frappe, on ouvrira. »

    95  Jésus a dit : « Si vous avez de l’argent, ne prêtez pas à usure, mais donnez [...] à celui de qui vous ne le recevrez plus. »

    96  Jésus a dit : « Le Royaume du Père est semblable à une femme. Elle prit un peu de levain, le cacha dans de la pâte et en fit de grands pains. Celui qui a des oreilles, qu’il entende ! »

    97  Jésus a dit : « Le Royaume du Père est semblable à une femme, qui portait une cruche pleine de farine. Pendant qu’elle marchait sur un chemin éloigné, l’anse de la cruche se brisa et la farine se répandit derrière elle sur le chemin. Elle ne s’en aperçut pas ; elle n’avait pas su peiner. Lorsqu’elle entra dans sa maison, elle posa sa cruche à terre et la trouva vide. »

    98  Jésus a dit : « Le Royaume du Père est semblable à un homme qui voulait tuer un grand personnage ; il dégaina l’épée dans sa maison et perça le mur, pour voir si sa main serait ferme ; alors il tua le grand personnage. »

    99  Les disciples lui dirent : « Tes frères et ta mère se tiennent dehors. » Il leur répondit : « Ceux que voici, qui font la volonté de mon Père, ceux-là sont mes frères et ma mère. Ce sont eux qui entreront dans le Royaume de mon Père. »

    100  Ils montrèrent à Jésus une pièce d’or et lui dirent : « Les hommes de César réclament de nous les impôts. » Il leur répondit : « Donnez à César ce qui est à César, donnez à Dieu ce qui est à Dieu et donnez-moi ce qui est à moi. »

    101  Jésus a dit : « Celui qui ne haïra pas son père et sa mère comme moi, ne pourra pas devenir mon disciple. Et celui qui n’aimera pas son père et sa mère comme moi ne pourra pas devenir mon disciple. Car ma mère [...], tandis que ma mère véritable m’a donné la vie. »

    102  Jésus a dit : « Malheur aux pharisiens car ils ressemblent à un chien couché sur la mangeoire des bœufs : il ne mange ni ne laisse les bœufs manger. »

    103  Jésus a dit : « Heureux l’homme qui sait en quelle partie de la nuit les voleurs viendront, de telle manière qu’il se lèvera, il inspectera son domaine et se ceindra les reins avant qu’ils n’entrent. »

    104  Ils dirent à Jésus : « Viens, prions aujourd’hui et jeûnons. » Jésus répondit : « Quel est donc le péché que j’ai commis, ou en quoi ai-je été vaincu ? Mais quand l’époux sera sorti de la chambre nuptiale, alors qu’ils jeûnent et prient ! »

    105  Jésus a dit : « Celui qui connaît son père et sa mère, on l’appellera fils d’une prostituée. »

    106  Jésus a dit : « Lorsque vous ferez des deux un, vous deviendrez des Fils de l’Homme ; et si vous dites : Montagne, déplace-toi, elle se déplacera. »

    107  Jésus a dit : « Le Royaume est semblable à un berger qui avait cent brebis ; l’une d’entre elles, la plus grosse, s’égara ; alors, il quitta les quatre-vingt-dix-neuf et chercha celle-là seule jusqu’à ce qu’il l’eût trouvée. Après qu’il eut peiné ainsi, il dit à la brebis : Je t’aime plus que les quatre-vingt-dix-neuf autres. »

    108  Jésus a dit : « Celui qui s’abreuvera à ma bouche deviendra comme moi. Moi-même, je deviendrai lui et ce qui est caché lui sera révélé. »

    109  Jésus a dit : « Le Royaume est semblable à un homme qui avait un trésor caché dans son champ, mais ne le savait pas. Après sa mort, il le laissa à son fils. Le fils ne savait rien du trésor ; il hérita le champ et le vendit. Celui qui l’avait acheté vint labourer et trouva le trésor. Il se mit à prêter de l’argent à intérêt à qui il voulut. »

    110  Jésus a dit : « Celui qui a trouvé le monde et est devenu riche, qu’il renonce au monde ! »

    111  Jésus a dit : « Le ciel et la terre se retireront devant vous, et le Vivant issu du Vivant ne verra pas la mort. Jésus ne dit-il pas que celui qui se trouvera soi-même, le monde ne sera pas digne de lui ? »

    112  Jésus a dit : « Malheur à la chair qui dépend de l’âme ; malheur à l’âme qui dépend de la chair. »

    113  Ses disciples lui demandèrent : « Quand le Royaume viendra-t-il ? » Jésus répondit : « Il ne viendra pas parce qu’on l’attend ; on ne dira pas : Voici qu’il est ici ou Voici qu’il est là. Plutôt, le Royaume du Père est répandu sur la terre, et les hommes ne le voient pas. »

    114  Simon-Pierre leur dit : « Que Marie nous quitte, car les femmes ne sont pas dignes de la Vie. » Jésus dit : « Voici que moi je l’attirerai pour la rendre mâle, de façon à ce qu’elle aussi devienne un esprit vivant semblable à vous, mâles. Car toute femme qui se fera mâle entrera dans le Royaume des cieux. »


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  • "Le culte de Mithra me conquit un moment par les exigences de son ascétisme ardu, qui retendait durement l’arc de la volonté, par l’obsession de la mort, du fer et du sang, qui élevait au rang d’explication du monde l’âpreté banale de nos vies de soldats (…) Ces rites barbares, qui créent entre les affiliés des liens à la vie à la mort, frappaient les songes les plus intimes d’un jeune homme impatient du présent, incertain de l’avenir et par là même ouvert aux dieux. Je fus initié dans un donjon de bois et de roseaux…"

    Marguerite Yourcenar, Mémoires d’Hadrien

    Aucune Bible mithriaque, aucun Livre sacré exposant le dogme et les rites du vieux Dieu perse évoqué avec tant de justesse dans le roman de Marguerite Yourcenar ne nous est parvenu. Ce que nous savons de lui et de ses mystères ne peut alors provenir que de l’interprétation des sources littéraires ou archéologiques parvenues jusqu’à nous. Mais aujourd’hui comme hier, Mithra se dérobe dans un brouillard hostile à toutes les certitudes. Ses fidèles n’ont pas trahi leur obligation de secret. Et son culte trois fois millénaire (il survit encore aujourd’hui dans certains rites des derniers zoroastriens) est à nos yeux comme un livre d’images sacrées dont le texte serait perdu.

    Le long trajet du Dieu

    Ses origines sont indiennes : le Dieu « Mitra » est alors le pendant du terrible et obscur Varuna. Dieu de la parole donnée, de l’amitié fidèle, il est aussi Dieu de lumière - et ce ne sera pas le moindre des paradoxes de voir ce dieu solaire adoré dans des grottes obscures. Les chants sacrés (védas) le lient déjà au sacrifice rituel du taureau (symbole qui dans l’Inde ancienne est … féminin !), dont la sang par lui répandu sauve l’univers du dépérissement. Le sang et la peur, l’obscurité opposée à la lumière caractériseront toute l’histoire du Dieu : d’Inde, il passe en Perse, où le réformateur religieux Zarathoustra, dans sa volonté d’hénothéisme, en fait un simple archange (yazata) du positif Ahura Mazda, l’assistant dans son combat contre le Principe négatif, Ahriman. Mithra y gagne sa forte connotation guerrière, il est décrit dans les textes sacrés d’alors comme faisant moisson des têtes des ennemis. Sous les souverains achéménides, époque des rites savants des Mages, le culte du Dieu au bonnet phrygien se charge d’un ésotérisme et d’une symbolique astrologique qui ne le quittera plus.

    L’épopée d’Alexandre met pour la première fois l’occident au contact de Dieu tauroctone (sacrifiant le taureau). Suit une longue éclipse, si l’on ose dire de ce Dieu confondu avec le Soleil dans une même adoration par Darius III, adversaire malheureux d’Alexandre. Pendant deux ou trois siècles, seuls des noms en apportent la trace dans le monde hellénistique. C’est au cours d’opérations destinées à débarrasser la Méditerranée des pirates de Cilicie qui l’écument que le grand Pompée favorise sans le savoir son arrivée en Italie : 40 000 prisonniers, vendus comme esclaves agricoles , s’installent en Italie du Sud, selon Plutarque, la première de nos sources à l’évoquer. Ils amènent avec eux selon l’auteur romain des sacrifices étranges et des mystères inconnus .

    Mithra et l’Empire

    "Si le christianisme eût été arrêté dans sa croissance par quelque maladie mortelle, le monde eût été mithriaste."

    Ernest Renan

    Arrivé au temps de la République moribonde, Mithra connaîtra son plus fort développement aux deuxième et troisième siècles. Dans un Empire qui déjà craque aux entournures, le Dieu tauroctone multiplie les fidèles, jusque dans la cour impériale, jusqu’aux empereurs eux-mêmes : Néron peut-être, Commode et les Tétrarques sans aucun doute furent mithriastes. Pourquoi une telle faveur ? Dieu de la fidélité, du respect des hiérarchies, il a fasciné les militaires par ses valeurs et par la violence de ses rites. Dieu venu de Perse, colporté par les marchands et les étrangers, il a pour lui l’exotisme de l’Orient, cet éternel désir du Romain (Antoine et Cléopâtre !), jamais totalement assouvi. Dieu sauveur enfin, il sait répondre aux angoisses et aux questions du temps bien mieux qu’une religion romaine ritualiste et figée dans un formalisme mécanique aux froids cérémoniels. Dans l’Empire en quête de religieux plus que de religion, l’avantage est aux cultes les plus chargés de significations et d’étrangetés.

    Croyances et rites

    Et le culte du Tauroctone ne manque des unes ni des autres. Fermé aux femmes, il se pratique loin des regards, dans des grottes naturelles (telle celle de Bourg Saint-Andéol en France) ou artificielles, aux plafonds voûtés sur lequel est souvent figurée une voûte céleste. La pièce, rectangulaire, comporte sur les deux côtés de larges banquettes sur lesquelles s’étendaient les croyants, la tête tournée vers l’autel ou l’estrade où se situe invariablement une représentation de la tauroctonie. Les multiples stèles retrouvées permettent de reconstituer la geste du Dieu. Mithra naît de la terre, sortant d’un rocher sous le regard du Soleil (Sol) et de la Lune (Luna), aidé par des bergers.

    Chose importante : il ne crée donc pas le monde, qui lui est antérieur ; son rôle est seulement de le conserver : tu nous as sauvé en répandant ton sang créateur d’éternité , proclame un graffiti romain. Comment ?

    La tauroctonie nous le raconte.

    Appelé à l’aide par le messager du soleil, un corbeau, il poursuit le taureau, puis l’ayant immobilisé, et sans doute à contrecœur (le dieu détourne toujours la tête de l’animal qu’il frappe au cou), il l’égorge d’un coup de poignard, répandant son sang sur la terre, revivifiant ainsi le monde : des épis de blé germent sous la bête. Les destructeurs du monde de restent pas inactifs. Aux pieds de l’animal, un chien et un serpent tentent de s’abreuver à la blessure.

    Derrière, un scorpion pince les testicules de l’animal, symbole évident qui se passe de commentaires. Sur les côtés, deux petits personnages, les dadophores, portent l’un une torche dressée (soleil levant) l’autre une torche baissée (soleil couchant). Une fois sa tâchez accomplie, Mithra rejoint (ou prend la place) du Soleil, avec qui il partage un repas rituel sur la peau du taureau sacrifié, puis prend les rênes du char solaire.

    Telle est l’image de base, le catéchisme premier, visible par tous lors de l’entrée strictement surveillée dans le mithraeum. Mais n’oublions pas l’essentiel : cette scène, mal discernable au fond d’une grotte tenue dans la pénombre, où l’obscurité est à peine trouée de torches et de candélabres, dans la fumées des sacrifices montant des autels dédiés au Dieu DEO INVICTO MITHRAE et sur fond de mélopées dont les résonances barbares effraient les simples de telle sorte que moins ils comprennent plus ils admirent , selon Saint Jérôme, ne constitue que le premier stade. Les mystères de Mithra sont bien autres… et nous échappent complètement. La foi du Pater, chef de la communauté mithriaque de telle ou telle ville, n’était pas celle du simple participant, au premier grade. Au fur et à mesure que l’on progressait dans la secte se dévoilaient de nouvelle révélations. La hiérarchie de la communauté compte sept grades.

    On entre dans la secte comme Corbeau, simple officiant -mais quelle émotion devait étreindre le nouveau croyant, initié par ses aînés en Mithra ! Puis l’on gravit les échelons, se rapprochant ainsi progressivement du Dieu : on est successivement le Caché, le Soldat, le Lion, le Perse, le Courrier du Soleil et enfin, grade suprême de la connaissance, le Père. A chaque grade correspond un habit précis, d’or et de rouge pour le courrier du Soleil, habillé en femme pour le Caché… des masques de bêtes recouvrent parfois les visages. Les auteurs chrétiens, plus qu’hostiles à ce Dieu qu’ils accusent d’imiter les mystères de leur propre foi (cf. infra), critiquent fortement ses aspects généraux - qu’ils ne connaissent que par ouï-dire. Ainsi Firmicus Maternus, chrétien tardivement converti : Quant à ses rites, ils en font la révélation dans des antres cachés : toujours plongés dans la sombre désolation des ténèbres, ils fuient le grâce d’une lumière éclatante et sereine. Répugnantes fictions d’un rituel barbare !

    Chaque progression correspond une série d’épreuves, et ce sont elles qui ont permis aux chrétiens désormais de plus en plus dominants dans l’Empire de construire une légende noire du culte de Mithra. L’initiation, à quelque grade que ce soit, était présidée par le Pater de chaque communauté. De rigoureux serments devaient décourager toute trahison. Des peintures abîmées permettent d’entrevoir ces « terribles épreuves », simulacres ou réalités propres aux cultes à mystères comme aux sociétés secrètes -et le mithriacisme tient à bien des titres des deux tendances. Dénudés, les yeux bandés, sans doute soumis au feu (Tertullien dit qu’on marquait au front, par un fer brûlant, le nouveau desservant), soumis à des enterrements temporaires, les croyants étaient ensuite soumis à des simulacres de noyade et d’exécution au glaive. Toutes choses destinés à éprouver le courage de ceux qui « frôlaient le seuil de Proserpine ». Attachés par des boyaux de poulets, ils étaient aussi confrontés la précipitation dans les abîmes, à des simulacres ( ?) de bastonnades, à des squelettes ou des cadavres à qui on les attachait joue contre joue. La réalité des épreuves n’est certes pas niable.

    Quelle était par contre leur degré de fiction ? On a retrouvé en Gaule, en Angleterre différents ossements humains, des squelettes enchaînés, placés face contre terre dans des temples détruits. L’Histoire Auguste affirme que l’empereur Commode, sinistre bouffon persuadé d’être le nouvel Hercule, profita des ces rites horrifiques pour commettre un véritable crime : Il souilla par un sacrifice humain réel le culte de Mithra pour lequel d’ordinaire on se limite à raconter ou simuler quelque scène capable d’inspirer l’effroi . Mais cette partie est la partie négative du culte. A ces terreurs succédait une consolatio, par une sorte de baptême compréhensible dans ce culte aux forts échos naturistes. Baptême, le grand mot est lâché pour les chrétiens, qui accusent Mithra de parodier sous l’influence du Diable les mystères de la foi chrétienne. Et de citer ces ressemblances qui les gênent tant. Ils arrosent les croyants d’eau, comme au cours des rites chrétiens. La fête de Mithra se fait au solstice, le 25 décembre - jour de la naissance du Christ. Le Père porte un anneau et une crosse, comme l’évêque ; ils pratiquent l’oblation du pain, et comme les chrétiens, partagent un repas dans le temple sous le regard et dans l’intimité du Dieu. Comme le Dieu chrétien, il semble qu’il promette à ses fidèles l’espoir d’une vie future conditionnée par la vie terrestre. Suffisamment de ressemblances agaçantes pour les dignitaires chrétiens… Lorsque l’Empire devint chrétien, le mithriacisme comme les autres cultes païens, n’eut plus qu’à mourir lentement. La « fête païenne » était finie.

    Les grands yeux d’orientaux des mithriastes figurés sur les mosaïques du mithraeum de Sainte-Prisque, en Italie, semblent fixés sur des réalités hors du monde, sur ce qu’œil n’a jamais vu , sur des réalités austères et rudes, correspondant bien à la réalité des vies de soldats, socle fondamental du mithriacisme. Le mithriacisme ne mourut peut-être pas tout à fait, et le christianisme où se devine tant de pratiques païennes le perpétue peut-être inconsciemment, dans ce qu’il avait de meilleur. De cette religion fraternelle et accueillante émane la nostalgie d’un monde antique qui s’enfuit.


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  • Le bouc est un symbole de fécondité, lunaire et nocturne. Il est immolé par le dieu Bacchus dans la Grèce antique. Le dieu Pan, faune ou satyre fais partie des représentations les plus communes (récemment représenté par un Faune dans le film de Guillermo Del Toro, le Labyrinthe de Pan).

    Dans les cultes sataniques, sa tête sert à chasser les mauvais esprits. La plupart des anthropologues supposent que cette pratique fut inspirée par de plus anciens rites tribaux. On retrouve dans certains cultes satanistes modernes, comme les adorateurs de Mendès cette forme de purification des impuretés de l’environnement (on suppose que le cri symbolique « une tête pour Mendès » vient du symbolisme du Bouc de Mendès).

    Par le sacrifice d’un bouc, d’où l’expression populaire « bouc émissaire » on expie les impuretés.

    Au moment du jugement dernier, les pécheurs sont des boucs placés a gauche du seigneur. Le bouc est alors devenu une représentation totémique de l’Antéchrist, dans la culture judéo-chrétienne.

    Sa forte odeur et son rôle de procréateur l’ont rapidement fait assimiler à Satan, ce dernier symbolisant la luxure, parmi d’autres péchés.

    On offrait du lait à Apis, comme on offrait du lait au bouc. On offrait aussi au dieu Grec Priape, qui recevait du lait et du miel.
    Le Bouc est l’un des animaux, avec le taureau, symboles à l’origine du culte du phallus.

    On attribue aux boucs l’attribut de la fécondité, mais aussi de transmettre cette aptitude aux hommes, d’où la pratique d’accouplement d’un bouc et d’une humaine.

    Tout comme le bélier, le bouc symbolise la puissance génésique, la force vitale, la libido et la fécondité. Mais le bouc est avant tout un animal tragique. Littéralement, tragédie signifie ” chant du bouc “. C’était à l’origine le chant dont on accompagnait rituellement le sacrifice d’un bouc aux fêtes de Dionysos. Dionysos s’était métamorphosé en bouc lorsque Typhon attaquant l’Olympe et dispersant les dieux effayés au cours de sa lutte avec Zeus, il s’enfuit en Egypte.

    Le bouc est traditionnellement l’image même de la luxure. Il est symbole d’abomination, de réprobation et d’iniquité. Animal impur absorbé par son besoin de procréer, le bouc n’est plus qu’un signe de malédiction qui prend toute sa force au moyen-âge : le diable, dieu du sexe est représenté alors sous la forme d’un bouc. Tout comme le manche à balai, le bouc est aussi monture des sorcières qui se rendent au sabbat.

    Le bouc est l’image du mâle en perpétuelle érection à qui il faut 3 fois 80 femmes pour être calmé. Il est celui qui gaspille le précieux germe de la reproduction, celui qu’on doit fuir en se bouchant les narines.

    Ailleurs, le bouc représente l’animal fétiche qui capte le mal, les influences pernicieuses, se chargeant de tous les malheurs qui menacent un village. Plus il est barbu et puant, plus il est efficace.

    Pour l’Inde védique, le bouc apparaît comme le symbole du feu génésique, du feu sacrificiel d’où naît la vie, la vie nouvelle et sainte.

    C’est finalement un animal tragique qui symbolise la force de l’élan vital à la fois généreux et facilement corruptible.


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  • Tous les folkloristes, Mistral le premier, connaissaient la "cabro d'or; trésor ou talisman que le peuple croit avoir été enfoui par les SArrasins sous l'un des antiques monuments  de la Provence.(...) A Laudun (Gartd), on disait que le 24 juin, sur la montagne de Saint -Jean s'ouvrait à minuit un antre profond d'ou s'elancait la Chèvre d'or. (Trésor du Felibrige) Cette légende de la Cabre d'or attribua  son nom au village d'Orsan (Gare) aux traces que la chèvre aurait laissé lors de la traversée du passage du loup; des lambeaux de toison d'or et de sang furent, dit on, retrouvés sur les rochers.
     A Barre des Cevennes, une "chevre en or", serait cachée dans un souterrain reliant le Castelas de Barre au Chateau de Terre-Roude situé sue le Can de l'Hospitalet, à proximité de la grande route Nimes-Saint-Flour. L'entrée de ce souterrain se trouverait dans une grotte.

    « Selon la tradition un roi Maure venu d'Espagne avait tenté en vain de s'emparer des Baux. Abd al-Rhaman emportait dans sa fuite un butin qu'il voulut mettre à l'abri provisoirement. Il pénétra dans le Val d'Enfer et aperçut l'entrée d'une grotte, le « Trou des fées ». Riant des mises en garde de son serviteur, il choisit dans un troupeau qui paissait une petite chèvre blanche pour lui montrer le chemin. Il fut assailli par une multitude de chauves-souris très agressives, qui l'obligèrent à pénétrer dans un antre éclairé de torches où vivait la sorcière Taven, « la masco ». Celle-ci l'oblige à poursuivre son chemin en pénétrant dans le voile brumeux qui l'enveloppait. Le Maure y aperçut un trou devant lequel sept chats montaient la garde. Il y entra et découvrit une nouvelle galerie souterraine où la masco préparait ses filtres et potions.

    La sorcière lui tendait trois fioles contenant chacune un liquide. L'une était en forme de fleur, l'autre en forme de boule blanche, la troisième en forme de croc, et lui conseilla de se fier à l'instinct de sa chèvre. La petite chèvre s'engagea dans le passage de gauche et Abd al-Rhaman dut lui emboiter le pas sans que la masco ait eu le temps de l'avertir des risques qu'il y encourait. Il marcha dans un long corridor puis pénétra dans une chambre où poussait une gigantesque mandragore à la silhouette et au visage humains. Elle emprisonna l'intrus et tenta de l'étouffer entre ses dix bras mouvants. Le Maure jeta quelques gouttes de la fiole en forme de fleur sur son adversaire qui, aussitôt, relâcha son étreinte et périclita.

    Après avoir descendu les marches d'un escalier vertigineux tous deux arrivèrent dans une salle peuplée de fantômes. Abd al-Rhaman choisit alors de déboucher la fiole en forme de boule blanche et en aspergea les revenants qui disparurent immédiatement. Les deux protagonistes continuèrent d'avancer à tatons et finirent par apercevoir une lueur rougeâtre. « Le soleil » s'écria le Maure, qui se précipita en avant mais la chèvre refusa de l'accompagner. Il la força à le suivre et ayant remarqué une excavation à l'arrière d'un rocher, il estima avoir trouvé la cachette qu'il cherchait. Il y entassa les pièces d'or, les bijoux d'argent, les pierreries et les autres richesses.

    Quant il eut fini, il se retourna et se trouva nez à nez avec une imposante bête noire aux canines luisantes comme des lames d'acier, aux yeux incandescents comme un brasier. Comprenant qu'il s'était trompé et qu'il avait pris ce regard pour la lumière du soleil couchant, le roi Maure chercha la fiole en forme de croc. Mais il l'avait fait tomber en ouvrant son manteau pour en sortir les sacs dans lesquels il transportait son trésor. N'écoutant que son courage il engagea avec le monstre un combat mortel.

    Quand la lune brilla de tout son éclat, le compagnon d'Abd al-Rhaman vit surgir de la grotte la petite chèvre couverte de poudre d'or, le trésor ayant été réduit en cet état par la violence de l'affrontement. Après une longue et vaine attente, il s'enfuit au galop et raconta son histoire à un vieux berger. Puis il rejoignit la côte où il s'embarqua pour l'Espagne. Selon la tradition des Baux, la Chèvre d'or continua à errer autour du Trou des fées et dans le Val d'Enfer. Des pâtres l'aperçurent parfois, mais ceux qui la suivirent ne revinrent jamais de leur voyage dans les profondeurs de la grotte. »

    La légende dit qu'on trouve de fins fils d'or dans la colline accrochés aux herbes et certains soirs, la Cabro d'or sauter de rochers en rochers. Et surtout, il ne faut pas la suivre...


    Dans les Bouches-du-Rhône, la Chèvre d'or aurait fréquenté le lieu-dit « La Bastide Forte », situé sur la commune d'Eguilles.

    Arles, on croyait que la Chèvre d'or passait tous les matins sur la colline de Montmajour.

    Non loin d'Arles, à Cordes, la Cabre d'or règne autour du mystérieux souterrain taillé dans le roc, en forme d'épée, ainsi que près de Vallauris, du Val d'Or, sur ce plateau semé d'étranges ruines, qu'on appelle également Cordes ou Cordoue.

    À Biot, le « Jardin de la Chèvre d'or » doit son nom à une ruine romaine et à la légende selon laquelle une chèvre d'or y garderait à jamais un trésor caché en ces murs.

    Dans le Var, la Chèvre d'or aurait été présente en haut du Céran, un lieu situé dans les environs de Draguignan. Elle est connue aussi à Trigance, un village du Haut-Var, limitrophe des Alpes de Provence où les Templiers qui possédaient une commanderie auraient, selon la légende, caché un trésor.

    « Et toujours, la Chèvre d'or est associée au souvenir des Sarrasins... »

    On retrouve la Chèvre d'or en Espagne, par exemple sur la Costa Brava, dans les fondations du château de Quermanço. Salvador Dali avait de l'admiration pour cet édifice chargé d'histoire et entouré de légendes populaires, mais il ne parvint pas à l'acheter. La légende raconte qu'une reine enchantée garde une chèvre d'or enterrée quelque part dans les souterrains du château. Selon certaines versions les juifs de Villa Judaica la vénéraient et l'avaient dissimulée en ce lieu au moment de leur expulsion de la Catalogne. Le récit le plus populaire rapporte cependant que vivait au château un roi maure qui possédait un énorme trésor acquis à l'occasion de ses victoires sur les autres seigneurs, trésor avec lequel il fit fondre une chèvre en or massif. Mais le jour arriva où, vaincu par un roi chrétien, il dut quitter le château. Aidé par ses serviteurs il tenta d'emporter la statue sur son dos et à pied, en empruntant des passages secrets qui débouchaient sur la mer à Port de la Selva. Mais la légende dit aussi que le roi et sa Chèvre d'or n'atteignirent jamais le rivage et restèrent prisonniers de ces souterrains.

    La légende de la Chèvre d'or s'est aussi répandue plus au Nord. Il existe à Grandrif, au dessus d'Ambert, dans le Puy-de-Dôme, un antre obscur appelé Grotte de la Chèvre où la tradition prétend qu'est enfouie une chèvre d'or. Naguère encore, dans la région, les chèvres qui mouraient de vieillesse étaient enterrées avec quelque cérémonie.

    Dans les Ardennes belges la Chèvre d'or a rencontré la fée de la Lienne. Au Moyen-Âge de modestes seigneurs vivaient dans la vallée de la Lienne. Un matin, le baron Rambert, parti à la chasse, épargna une biche qui le fixait d'un regard innocent et plutôt que d'abattre du gibier, préféra s'endormir au pied d'un arbre. À son réveil une jeune fille aux cheveux blonds, vêtue de voiles légers, le regardait, accompagnée d'une petite chèvre aux poils dorés. « Quel est ton nom, belle enfant ? ». « Appelle-moi Lienne ». Subjugué par sa beauté, le baron lui demanda de l'épouser.

    La jeune fille lui répondit : « 
    Je n'aurais pas dû t'apparaître. Je te crois différent des autres hommes et n'ai pas pu résister à prendre forme humaine. Je suis la fée de cette rivière et je ne peux vivre avec toi que pendant cinq ans ». Le baron, persuadé d'avoir trouvé la femme de sa vie, accepta le marché. Les jeunes gens se marièrent, firent bâtir le château de Grimbièmont et vécurent heureux pendant cinq ans, sans aucun souci d'argent puisqu'il suffisait de tondre la chèvre, ses poils d'or permettant de payer toutes les dépenses et sa toison miraculeuse repoussant aussitôt.

    À l'expiration du délai prévu Lienne perdit sa forme humaine et se transforma en une brume légère, laissant toutefois à son époux la Chèvre d'or en souvenir. Désespéré le baron Rambert partit en croisade et s'y couvrit de gloire. À son retour il quitta Grimbièmont et fit construire le château de Grimbièville où, après s'être remarié avec la fille d'un seigneur voisin, il vécut dans l'aisance jusqu'à sa mort, toujours grâce à la Chèvre d'or.

    Le temps passa, puis sous Louis XIV la peste ravagea la contrée et le dernier descendant du baron Rambert ainsi que ses trois fils en moururent. Une nuit, un terrible orage détruisit le château et l'on vit la chèvre d'or s'élever dans le ciel puis disparaître. Les habitants de ce lieu disent que si vous vous promenez au bord de la Lienne par un beau matin d'été, dans la brume gorgée de soleil vous aurez peut être la chance d'aperçevoir la fée qui, pendant quelques années, fit le bonheur du baron Rambert.

    La Cabre d'or semble représentative des dons divins qui sont parfois à notre portée, et du danger de les rechercher sans avoir été initié au préalable à leur véritable nature, au risque de se perdre à jamais. Le véritable trésor n'est pas matériel...


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  • Mythe nordique: 
    Mythe de la chevre nourriciere: HEIDRUN, la chevre qui donne son lait aux guerriers d'Odin. Heidrun (ou "heithrun", clair ruisseau?) est une chèvre vivant au Valhalla et broutant les feuilles d'Yggdrasill (l'arbre-monde): l'univers se deploit à l'ombre de ses branches. Il est toujours vert car il puise sa force à la fontaine d'Urd. Il vit de cette eau et en fait vivre l'univers. Les feuilles de l'arbre éternel donne au lait d'Heidrun un gout d'Hydromel. Cet Hydromel sacré récupéré donne assez à boire à tous les Einherjar.

    Chez les scandinaves, l'animal incarnait "l'esprit du blé" sous le nom de Kornbocke.

    Mythologie grecque:
    CAPELLA. Rhéa apres avoir sauvé son fils Zeus de l'appetit infanticide de son père Cronos, confia Zeus a Amalthée. Celle ci le nourrit avec l'ambroisie et le nectar contenus dans ses cornes. Le jeune Zeus devint tellement fort qu'en s'amusant il cassa une corne de l'animal. Alors pour la consoler il en fit la corne d'abondance. PLus tard, à la mort d'Amalthée, Zeus, pour la remercier, en fit la plus grande des étoiles de la constellation du Cocher: l'étoile CApella.  Cette "étoile de la chèvre" fait deux mille fois la taille du soleil, c'est pour ca qu'on appelle la chèvre: la fille du soleil.
    Cette étoile symbolise également l'eclaire et annoncerait un orage.
    On raconte également qu'à la mort de sa nourricière Zeus confedtionna un bouclier avec la peau de celle ci, et avec lui il demeura invincible car la peau ne pouvait etre transpercée.

    Mythologie indienne:
    En Inde le mot qui la designe signifie aussi: non-né; elle est le symbole de la substance primordiale non manifestée.  Elle est la mère du monde Prakriti. Les trois couleurs qui lui sont attribuées, le rouge, le blanc et le noir correspondent aux trois guna ou qualités primordiales: respectivement Sattva, Rajas et Tamas (dana).

    Mythologie chinoise et tibétaine:

    La chèvre est associée à l'activité céleste au bénéfice de la terre et meme plus précisement de l'agriculture et de l'élevage.. Dans la religion primitive tibétaine la divinité en question avait les traits d'un caprin a poils longs. D'autre par certaines peuplades de la Chine mettent la chevre en rapport avec le dieu de la foudre: la tete de la chevre sacrifiée lui sert d'enclume.
        
    Toujours au Tibet, des chèvres blanches auraient contribués à l'édification du palais du Potala à Lhassa (résidence du dalai-lama jusqu'en 1959), transportant les pierres, négosiant sans relache toutes les sinuosités des chemins escarpés de l'Himalaya.

    La chevre et les dieux:

    L'idée d'associer la chèvre à la manifestation du Dieu est tres ancienne. D'apres Diodore de Sicile, des chèvres auraient guidé l'attention des hommes de Delphes vers le lieu ou des fumées sortaient des entrailles de la terre. Prises de vertiges elles dansaient. Intrigués par ces danses des hommes comprirent le sensdes vapeurs emanant de la terre:il leur fallait interpreter cette théophanie; ils instituèrent un oracle.

    Yavé s'etait manifesté à Moise au Sinai au milieu des eclaires et du tonnere. En souvenir de cette manifestation la couverture couvrant le tabernacle etait composé de poils de chevre.

    Un vetement nommé cillicium tissé de poils de chevre etait porté par certains romains et par des syriens au moment de la priere pour symboliser leur union avec la divinité. Chez les chretiens le port ascétique du cillicium prend le meme sens avec une intention de mortifier la chair par pénitence et de libérer ainsi l'ame vivifiée qui veut se donner pleinement à son dieu.

    Les orphiques comparent l'ame initiée à un chevrau tombé dans le lait c'est à dire vivant de la nourriture des néophytes pour accéder à l'immortalité d'une vie divine. Dans les orgies dionysiaques la peau des chvraux égorgés revetait les Bacchantes. Le chevrau designe parfois Dionysos en transe mystique.

    On remarque que sans la plus part des mythes la chevre apparait comme le symbole de la nourrice et de l'initiatrice tant au sens physique qu'au sens mystique des termes.

    LEGENDES ET TRADITIONS:

    La chèvre et le bouc sont des symboles de la fécondité. Le folklore est riche en légendes et traditions qui soulignent le rôle de ce petit ruminant pour la fertilité de l'homme et de l'agriculture. Dans l'Europe Centrale on fête la Saint-Sylvestre (31 Décembre) avec des masques et des déguisements. Deux « animaux » sont les plus importants : l'ours et la chèvre qui jouent le rôle des opposants. Mourir et revivre sont les thèmes liés aux jours qui deviennent plus courts avant le 21 Décembre et commencent à devenir plus longs après Noël. La chèvre (garçon déguisé) et les personnes qui la soutiennent, chantent :

    « Où passe la chèvre le blé va pousser
    Une gerbe est prête pour chaque mouvement de sa queue. ».

    Un dicton de l'Écosse dit :

    « Il n'y a pas de bonheur dans un foyer sans chèvre. ».

    C'était autrefois une tradition dans plusieurs régions Européennes de donner une chèvre à un couple le jour de leur mariage. On souhaite ainsi le bonheur et la fertilité.

    La chèvre renforce également la fertilité en viticulture. Une légende raconte qu'un troupeau était entré dans un vignoble. Les chèvres ont bien mangé les feuilles et les branches des vignes. Ainsi le vignoble était ravagé. Le viticulteur était triste et fâché. L'an prochain la récolte était plus riche que jadis. Les branches taillées portaient plus de raisins et les crottes des chèvres favorisaient une bonne condition des vignes. Ainsi la chèvre a appris à l'homme la taille des vignes et l'utilisation de fumier dans la vignoble. Cette légende existe aussi avec un âne entré dans un vignoble. Alors je ne sais pas si c'était la vache du pauvre ou le cheval du pauvre qui a donné cette instruction importante.

     
    Dans l'ancien Orient le motif de deux chèvres auprès de l'arbre de la vie est bien connu. Les chèvres sont dressées sur les pattes arrière contre un arbre ou une vigne. Elles mangent les feuilles, symbolisme de l'abondance et de la fertilité. C'est surtout le cas si l'arbre est planté proche d'une rivière, parce que l'eau aussi apporte la fertilité. Cet ancien motif est encore vivant de nos jours.

    Légende de Suède:

    Au Moyen Age la chevre etait le symbole du diable qui accompagnait Saint Nicolas. Les gens imaginaient la figure de la chevre comme celle du diable avec des cornes.  Au 17ème Siècle ce symbole prit une grande place dans les milieux ruraux.

    Entre la nuit précédent Noel et jusqu'au 26 decembre les habitants des fermes se deguisaient avec un masque ,des cornes et une peau de chèvre sur le dos pour venir faire peur à leur voisons et ils laissaient une chèvre de Noelsur le pas de la porte avec un morceau de papier sur lequel etait unscrit une rime pour faire des farces pas toujours très agréables.
    On pense que cette pretique est à l'origine de se qu'on appele Julbocken
    Au fil du temps la chèvre n'eut plus la consonance diabolique et les gens la trouvèrent de plus en plus gentille.
    Aux alentours du 18 ème Siècle la chèvre de Noel etait la légende chargée de distribuer des cadeaux aux habitants. Plus tard elle fut remplacée par Jultomte ou gnome de Noel qui venait accompagné de sa chèvre distribuer les cadeaux. En délivrant ceux-ci ils inscrivaient une rime qui définissait le contenu du présent.

     


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