• Nous sommes en mesure d'identifier les colonnes du Temple avec les deux portes. Pour y être autorisés, nous devons connaître où se trouvaient les deux colonnes Jakin et Boaz. Leur situation découle de l'orientation du Temple. Pour les uns, le Temple était orienté le long d'un axe est-ouest et ouest-est pour les autres. Selon la Bible, il ne devrait pourtant pas y avoir d'ambiguïté sachant qu'en hébreu “droite” signifie toujours sud et “gauche” nord, indication d'une orientation tournée vers l'est. De plus, les chroniques mentionnent: “quant à la Mer de bronze, il l'avait placée à distance du côté droit (sud-est), donc du côté de Jakin”. En conséquence, le Temple était construit comme sur le schéma suivant:

    En se tournant vers l'est, le temple se présente comme les deux feuillets d'un livre grand ouvert où la page de droite se lit avant la gauche (en hébreu), où la voie de droite (sud) précède la gauche (nord), celle qui débouche sur un autre monde, une fois la page tournée.

    Ces deux aspects évoquent les deux visages du dieu romain de l'initiation, Janus, avec sa face droite tournée vers le passé et le recommencement et sa face gauche regardant vers le futur, sans espoir de retour en arrière (vers le passé).

    Un rapprochement avec les formes traditionnelles maçonniques s'impose ici. Notons que dans les Rites Maçonniques Écossais et Français, la Loge est orientée selon l'axe ouest-est à l'instar des églises du Moyen Âge, une orientation apparemment opposée à celle du Temple Jérusalem.

    Cependant, dans le Rite Écossais (Ancien et Accepté), Jakin et Boaz sont respectivement placées au sud-ouest et au nord-ouest. Ainsi, Jakin pouvait être assimilée au solstice d'hiver et Boaz au solstice d'été. En dehors du fait que les colonnes sont face au soleil couchant plutôt que levant, il n'y a pas de réelle différence avec la disposition du Temple de Salomon.

    Dans le Rite Français, au contraire, Jakin et Boaz sont situées respectivement au nord-ouest et au sud-ouest. En conséquence, Jakin est associée au solstice d'été et Boaz au solstice d'hiver. Cette inversion par rapport à la disposition du Temple de Jérusalem correspond à une vision exclusivement terrestre (au lieu de céleste) où la voie de la clarté est tournée vers la pleine lumière ou le sud terrestre (au lieu du Nord céleste) et la voie de l'obscurité orientée en direction des ténèbres ou du nord terrestre (au lieu du Sud céleste). En effet, cette inversion est conforme à la “Table d'émeraude” qui stipule: “ce qui est en haut (dans l'ordre céleste) est comme ce qui est en bas (dans l'ordre terrestre)” et inversement. Ou encore selon les paroles de l'évangile, “les premiers (au Ciel) seront les derniers (sur Terre)”.

    De fait, ces deux dispositions reflètent deux perceptions d'une même réalité à des niveaux différents (céleste et terrestre).

    Nous pouvons trouver, dans l'identification de Jakin et Boaz respectivement à la porte des dieux et à la porte des hommes une confirmation de leur dénomination.

    • Boaz traduit la force, mais autre que physique. Elle évoque une force supérieure, la force spirituelle de conscience de l'indestructibilité de l'être réel, l'Esprit.
    • Jakin exprime la solidité, la stabilité; elle signifie que l'initié a dépassé le stade des fluctuations humaines et atteint l'état de l'Être se tenant dans l'éternel présent.

    Notons que l'orientation du Temple s'accorde parfaitement avec le symbolisme de la caverne cosmique. En effet, le Vestibule était éclairé par la pleine lumière du soleil visible (lumière extérieure), le Saint lieu par la lumière indirecte du soleil (lumière réfléchie) et le Saint des Saints par le soleil invisible ou spirituel (lumière intérieure), aussi appelé soleil de minuit dans l'ésotérisme islamique. De sorte que les soleils visible et invisible ne pouvaient être respectivement associés qu'à la lumière (est) et à l'obscurité (ouest). L'obscurité ne doit pas être entendue ici en tant qu'absence de lumière, mais comme son principe non manifesté, la source invisible à l'origine de son aspect manifeste ou visible.

    Le lien entre le Saint des Saints et l'initiation aux grands mystères fait comprendre clairement pourquoi son accès était restreint au(x) Prêtre(s) en tant que représentant(s) du pouvoir spirituel.

    L'admission du postulant au Saint lieu s'effectuait par une double porte frontale située entre les deux colonnes. Placé au “centre” du Saint lieu et se tournant vers l'est, il était en mesure de voir le soleil se lever, à toute époque de l'année, dans l'intervalle défini par les colonnes. Autrement dit, les colonnes touchaient extérieurement les côtés de l'angle délimité par les deux directions des levers du soleil aux solstices. Cela a pu être de quelque conséquence pour la construction du Temple de Salomon en tant que caverne cosmique.

    Les deux directions du lever et coucher du soleil aux solstices d'hiver et d'été représentent les diagonales d'un rectangle dénommé “rectangle solsticial”. Leur point d'intersection définit le centre du rectangle. Le rapport de ses côtés et l'angle de ses diagonales dépendent de la latitude du lieu de l'observateur. Le schéma ci contre donne ces valeurs pour Jérusalem située à la latitude de 31,8° nord.

    Les éléments rassemblés dans la chronique d'Ézéchiel  fournissent quelques données, exprimées en coudées, qui se rapportent aux dimensions “intérieures” du Temple et figurent sur le schéma suivant.

    Si nous superposons, à l'échelle appropriée, le “rectangle solsticial” au plan du Temple, nous voyons que ce dernier peut être recouvert par deux de ces rectangles. Le fait que les deux rectangles solsticiaux ne constituent pas un recouvrement parfait peut résulter de diverses raisons, mais cela n'a que peu de conséquence pour notre sujet. En effet, seuls les deux aspects suivants sont importants du point de vue symbolique:

    • L'orientation des deux rectangles: l'un tourné vers l'est, l'autre vers l'ouest.
    • Les centres des deux rectangles: l'un dans le Saint lieu, l'autre dans le Saint des Saints.

    Les deux rectangles ne peuvent être associés qu'aux deux portes: le plus bas, faisant face à l'est et au soleil levant, à la porte des hommes; le plus haut, faisant face à l'ouest et au soleil couchant, à la porte des dieux. En relation avec le soleil levant, le rectangle du bas implique un retour à la pleine lumière du soleil de midi et au sud; en liaison avec le soleil couchant, le rectangle du haut signifie la disparition dans la nuit et contemplation du soleil de minuit, au nord.

    Les centres des deux rectangles symbolisent le lieu où le postulant se voyait capable de s'ouvrir à l'Esprit, au soleil levant ou couchant. L'officiant tourné vers l'ouest assiste à la disparition du soleil visible et à l'apparition du soleil invisible, au nord. Placé face à l'est, il pouvait voir le soleil se lever, entre le solstice d'été et le solstice d'hiver, juste dans l'angle délimité par le centre et les bords des deux colonnes. À titre de curiosité, cela a pu être de quelque conséquence pour le lieu d'implantation des colonnes.

    Dans la mesure où les colonnes sont situées dans le vestibule dont les dimensions sont connues et touchent les bords extérieurs de l'angle précédent, elles ne pouvaient être éloignées davantage du mur frontal que ne le montre le schéma suivant. Un simple calcul nous permet d'évaluer cette distance.

    Selon les chroniques bibliques, les colonnes ressemblaient à des cylindres de 12 coudées de circonférence ou de 1,9 coudée de rayon comme le montre le schéma ci-dessous.

     

    Dès lors

    CD = CB/cos(28°) = 2,2
    DH = AH − AD = AH − (AC+CD)
    DH = 10 − (1,9+2.2) = 5,9

    Comme

    OJ = 10/tan(28°) = 18,9
    OH = DH/tan(28°) = 11,2

    Nous obtenons

    OK = OJ − KJ = 18,9 − 11 = 7,9
    KH = OH − OK = 11,2 − 7,9 = 3,3

    Ainsi, les colonnes n'étaient qu'à 1,4 coudée (3,3 − 1,9) du mur frontal et, en conséquence, proches de celui-ci.


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  • Le Temple est construit selon des règles traditionnelles qui en font, pour qui sait les déchiffrer un enseignement spirituel complet inscrit dans la pierre.

    En voici les principaux éléments :

    Les marches du porche
    symbolisent les quatre attentions Parfaites, c'est à dire la faculté d'être totalement présent à l'ensemble de notre expérience extérieure et intérieure (l'attention parfaite au monde extérieur , au corps , aux sensations et aux phénomènes)

    Les piliers du porche
    représentent les quatre nobles vérités énoncées par le Bouddha lors de son premier enseignement. Après avoir obtenu l'Eveil Suprême à Bodh-gayâ, le Bouddha hésita un moment avant de transmettre aux hommes la connaissance qui était maintenant sienne, se demandant si elle pourrait être reçue. S'étant finalement résolu, il donna un premier cycle d'enseignements au parc des gazelles, près de Bénarès. Il y exposa en particulier les quatre nobles vérités qui expliquent quelle est notre situation présente, fondamentalement marquée par la souffrance et comment aller au delà de cette souffrance (Vérité de la souffrance, la Vérité de l'origine de la souffrance, la Vérité de la cessation de la souffrance, la Vérité du chemin).

    La porte d'entrée
    symbolise l'entrée dans le chemin de la libération

    Les quatre cotés de l'édifice
    désignent l'accomplissement spontané des quatre types d'activité par lesquels un être accomplit le bien des êtres ordinaires (l'activité de pacification, l'activité d'accroissement des qualités et des biens matériels, l'activité de domination, et l'activité violente).

    Les trois niveaux du Temple
    correspondent aux trois corps de l'Eveil aboutissement du chemin. L'être d'un Bouddha s'exprime simultanément selon trois aspects dont l'essence est Une (corps Absolu désigne l'infinité non-manifestée de son esprit, le corps de Gloire en est l'expression dans un domaine de manifestation lumineuse inaccessible aux hommes ordinaires, le corps d'émanation est l'expression dans une incarnation humaine ou autre).

    La marquise
    (au dessus du porche) marque la prééminence du Dharma c'est à dire du spirituel sur le temporel.

    La frise rouge
    (qui ceinture le haut du premier niveau) représente l'établissement des êtres dans les lieux de Grande Félicité, c'est à dire les champs purs de manifestation où apparaît le corps de Gloire d'un Bouddha.

    Les lotus
    qui entrent dans la décoration, désignent l'absence d'imperfections ou de défauts dans l'Eveil.

    Les embouts de poutre
    (dans la frise rouge) symbolisent le rayonnement de mille Lumières portant la grâce de l'Eveil.

    Les fenêtres
    correspondent à la vision illimitée qui perçoit simultanément dans les dix directions les quatre points cardinaux , les quatre directions intermédiaires, ainsi que le nadir et le zénith.

    Le toit
    désigne la fin de l'affliction.

    La Roue entre les deux biches
    porte l'énoncé du Dharma dans les dix directions.

    Les deux biches
    attentives au Dharma, marquent que sont dissipées les ténèbres de l'inintelligence et qu'est obtenu le chemin parfait menant à la paix et au bonheur.

    La Roue des six syllabes
    (Om Mani Pèmé Houng, mantra d'Avalokitésvara) conduit la libération par le simple fait de la voir, d'entendre le mantra qui y est inscrit, d'y penser ou de la toucher.

    La Roue
    marquée du mantra de Kalatchakra, désigne la Roue qui dissipe toute imperfection de l'univers et des êtres, et qui fait s'épanouir toutes qualités, symbolise le fondement de la voie ouest le code éthique des dix vertus : ne pas tuer, ne pas voler etc. ... le chemin progressif des dix terres de Bodhisattva (dix degrés qui conduisent depuis la première étape de la libération jusqu'à la Plénitude de l'Eveil ainsi que les dix forces qui sont celles de l'esprit d'un Bouddha).

    Les attributs
    symboliques des cinq Bouddhas Patriarches (la Roue, le Vajra, le Joyau, le Lotus) et désignent du point de vue de notre état actuel les cinq agrégats (les formes, les sensations, les perceptions, les facteurs mentaux et les consciences, qui conditionnent notre appréhension duelle de la réalité), du point de vue de la progression spirituelle les cinq chemins (chemins de l'accumulation de la jonction de la vision, de la méditation et de la non-étude du point de vue du résultat les cinq corps des Bouddhas Patriarches).


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  • Les couleurs du vitrail

    Tout comme le Temple, la cathédrale gothique fut construite sur la base de la géométrie sacrée. Elle est divisée en trois espaces en relation aussi bien avec le macrocosme (ou monde cosmique) que le microcosme (ou monde individuel):

    • La nef représentant la Terre (macrocosme) et le corps humain (microcosme);
    • Le transept décrivant l'Atmosphère (macrocosme) et l'âme humaine (microcosme);
    • Le choeur et l'abside symbolisant le Ciel (macrocosme) et l'Esprit (microcosme).

    Les formes arrondie de l'abside et rectangulaire de la nef sont respectivement représentatives du Ciel et de la Terre. La cathédrale gothique est une image du Cosmos reflétant l'harmonie entre la création humaine et la Création divine.

    Lorsque le fidèle pénètre dans la cathédrale, il fait face à l'est et à la lumière naissante. Soucieux d'être en harmonie avec la Création divine, il va parcourir l'édifice en suivant le cycle diurne ou annuel du soleil:

    • Il commencera par le monde obscur, des ténèbres associé au nord et à la couleur froide bleue;
    • Il poursuivra par le monde de la lumière naissante, du soleil levant relié à l'est et à la couleur mi-froide, mi-chaude, le vert;
    • Il continuera avec le monde de la pleine lumière, du soleil de midi en relation avec le sud et la couleur la plus chaude, le jaune;
    • Il terminera par le monde crépusculaire, du soleil couchant attaché à l'ouest et à la couleur rouge.

    Le fidèle ne termine pas là où il a commencé. Il achève un cycle avant d'en entreprendre un autre ou de mourir à l'état d'être actuel avant de renaître à l'état nouveau. Ce faisant, il parcourt les couleurs du spectre de l'arc-en-ciel de “bas” en “haut”, signe de sa progression. Ces couleurs se fondent dans une couleur unique, le blanc, symbole de l'état unifié que le fidèle s'efforce d'atteindre. Rejoindre l'état unifié signifie rallier le Centre, Dieu.

    Dès lors, il n'est pas étonnant que ces cinq couleurs (bleu, vert, jaune, rouge et blanc) constituent la base de la palette des maîtres verriers qui développèrent surtout des nuances. Ainsi, il est d'usage au XIIe siècle d'employer des verres très lumineux (notamment un bleu pâle, le célèbre “bleu de Chartres”) qui feront place à des nuances chromatiques plus sombres au siècle suivant.

    L'arbre de Jessé

    L'arbre de Jessé constituait un thème très prisé des maîtres verriers des XIIe et XIIIe siècles. Le sujet tire son origine à la fois d'une prophétie d'Isaïe (11, 1: “un rameau sortira du tronc de Jessé, un surgeon poussera de ses racines.”) et de l'ascendance de Jésus au début de l'Évangile de Matthieu. Jessé était le père de David, premier Roi de Juda, l'un des deux royaumes de Palestine formés après la mort du Roi Salomon. Les commentateurs de la Bible y ont vu l'image d'une lignée familiale selon un arbre généalogique qui de Jessé à Joseph, époux de Marie, menait à Jésus.

    Les vitraux représentent le plus souvent un Jessé endormi qui se voit rêver. De son corps émane un arbre dont les branches et les tiges sont animées d'un léger mouvement de bas en haut. L'arbre renferme dans sa partie centrale les portraits symboliques des Rois de la lignée et dans les parties latérales les prophètes et patriarches. Tout en haut se tient le Christ dans toute sa majesté.

    Par ses racines plantées en terre et ses branches érigées vers le ciel, l'arbre est le lien par excellence entre les mondes d'en bas et d'en haut. Il symbolise l'Axe vertical qui unit les puissances terrestres et célestes, les pouvoirs temporel et spirituel. À l'arbre généalogique associé à la descendance de Jessé répond l'Arbre de Vie (éternelle), la voie ascendante qui relie les différents états de l'être depuis les plus temporels jusqu'aux plus spirituels. Ces états sont échelonnés sur sept ou huit niveaux:

    1. Au niveau inférieur, la posture horizontale de Jessé suggère le plan terrestre surmonté de la verticale;
    2. Aux niveaux intermédiaires, les différents Rois représentent les centres correspondant à différents états de l'être. Ils caractérisent l'être qui a dépassé les antagonismes liés à un état donné et trouvé l'unité au sein de ce dernier;
    3. Au niveau supérieur, le Christ symbolise non seulement l'être centré dans les différents états intermédiaires, mais centré au plus haut de l'Axe symbolisant le Centre du Monde. Il est au plus haut de Cieux

    En remontant les différents nivaux et en s'identifiant successivement au centre de chacun d'eux, l'être suit la voie du retour qui le ramènera à l'état primordial d'où il provient, à l'état totalement intégré où la dualité sous toutes ses formes s'efface devant l'Unité.

    Le zodiaque

    Le Christ, dieu Sauveur, est associé au Poisson car, en langue grecque, Ichthus est l'anagramme de Iêsous (Jésus) Christos (Messie) Theou (de Dieu) Uios (Fils) Soter (Sauveur). Sous la figure du Poisson, le Christ est aussi le Régulateur des cycles saisonniers. C'est pourquoi, la cathédrale de Chartres présente dans la partie sud de son déambulatoire un vitrail mettant en correspondance les signes du zodiaque et les activités annuelles.

    Situé au bas du vitrail du Zodiaque, le signe des Poissons fait naturellement référence au poisson ordinaire considéré sous ses aspects spirituels de “principe de vie” et de “fécondité”. Or, dans nombre de traditions, l'Eau constitue l'élément primordial et le dessin du signe des Poissons nous laisse pressentir un sens au-delà de la signification ordinaire.

    Reliés par un cordon témoignant de leur profonde association, les deux Poissons sont doublement inversés par rapport à deux axes:

    • Un axe horizontal assimilé à la surface des eaux qui sépare les mondes d'en haut et d'en bas, les “Eaux supérieures” des “Eaux inférieures”. Aussi, tout ce qui est au-dessus de la surface des eaux se reflète de manière inversée au-dessous de cette même surface. Le supérieur devient l'inférieur, le dessus le dessous etc.
    • Un axe vertical mettant en correspondance les mondes de droite et de gauche, le zodiaque et les saisons ou les activités annuelles. Autrement dit, ce qui relève de l'ordre cosmique se reflète littéralement dans les activités humaines.

    Les Poissons établissent en fait une double association entre:

    • Les mondes d'en haut et d'en bas, c'est-à-dire le spirituel et le temporel;
    • Le zodiaque et les activités saisonnières, c'est-à-dire le Cosmos et les êtres.

    Le vitrail du Zodiaque dans son ensemble prône l'harmonie de l'être avec les mondes cosmique et de l'au-delà.

    Au dessous du signe des Poissons et de l'activité hivernale correspondante, le signe du Verseau est accolé à la représentation du dieu romain Janus aux trois visages.

    Les deux visages latéraux sont tournés vers les cycles des activités saisonnières et des signes du zodiaque tandis que le visage central (normalement invisible) fait face au spectateur. Ce troisième visage nous invite à dépasser le dualisme des vues latérales, à emprunter la voie axiale et à lever les yeux vers le Christ. Trônant au-dessus des activités humaines et du cosmos, Il symbolise le monde de l'au-delà, l'Un figuré par le point de jonction des deux bordures du vitrail en forme d'arcs brisés.

    Cette voie ascendante est reliée au signe du Capricorne situé au plus près du Christ. Représenté par un être mi-chèvre, mi-poisson, il est associé au solstice d'hiver. Cette créature mi-marine, mi-montagneuse, symbolise à la fois la plongée dans les profondeurs et l'élévation vers les hauteurs. Or, le solstice d'hiver correspond à la fin de la phase descendante du soleil vers le pôle sud céleste et au début de sa phase ascendante en direction du pôle nord céleste . Autrement dit, le solstice d'hiver symbolise la fin de la descente vers les ténèbres, synonymes d'ignorance, et le début de la remontée vers la Lumière, la Connaissance divine.

    Le pendant du signe du Capricorne est celui du Cancer. Représenté par un crabe, une créature mi-marine, mi-terrestre, il est associé au solstice d'été qui marque la fin de la phase ascendante du soleil vers le pôle nord céleste et le début de la phase descendante en direction du pôle sud céleste. Il correspond à une descente de la lumière vers l'obscurité.

    Les solstices d'hiver et d'été, les signes zodiacaux du Capricorne et du Cancer représentent les deux points extrêmes atteints par le soleil dans sa course apparente annuelle. Ils sont respectivement associés à deux portes de la tradition chrétienne, Janua Coeli et Janua Inferni, l'une ouvrant sur la lumière, l'autre sur les ténèbres. Cette dernière est le reflet inversé de la première à l'image des deux Poissons du signe correspondant.

    La rose ou la rosace

    La rose s'est à tel point distinguée par sa beauté, sa forme et son parfum qu'elle est devenue le symbole floral le plus répandu. De façon très générale, la rose est à l'Occident ce que le lotus est à l'Orient; tous deux font référence au symbolisme de la roue. La rose des cathédrales gothiques et la rose des vents illustrent ce rapprochement du symbole floral avec la roue.

    La roue se compose d'un centre relié à une circonférence par des rayons. Le centre relativement immobile symbolise le Principe immuable à la source de toute chose et la circonférence sa manifestation. Comme les rayons de la roue peuvent être parcourus dans les deux sens, ils décrivent le mouvement du Principe vers sa manifestation et inversement. Leur nombre peut varie selon le point de vue adopté.

    Le centre est caractérisé par le nombre Un. Ce nombre ne saurait être considéré comme le premier nombre impair. Il qualifie en fait le Principe commun à tous les nombres, préalable à toute distinction, en particulier entre nombres pairs et impairs:

    • Le premier nombre pair 2 figure la polarisation de l'Unité, notamment entre le Ciel et la Terre. La rose formée de 2, 4, 8, 16 voire 32 rayons caractérise la dualité du monde cosmique;
    • Le premier nombre impair 3 dépeint le ternaire mettant en relation l'unité (1) et sa manifestation polaire (2). La rose composée de 3, 6, 12 et 24 rayons associe le Principe et sa manifestation cosmique.

    Ces deux types de roses se retrouvent notamment dans les bras du transept des cathédrales de Notre-Dame de Paris et de León dans le nord-est de l'Espagne.

    • La rose à 8, 16 et même 32 rayons est généralement orientée vers le nord car le dualisme est propre au monde obscur, des ténèbres, prémisses de la lumière;
    • La rose à 6, 12 et 24 rayons est traditionnellement tournée vers le sud car elle correspond à une descente depuis le centre ou le soleil vers sa manifestation ou son cycle diurne ou annuel.

    Il est notable que les deux types de rose puissent tout aussi bien être dédiés au Christ et au nouveau testament qu'à la Vierge et à l'ancien testament. L'élévation vers la Vierge Marie, intercesseur et prodigue de bienfaits, est l'un des traits marquants du culte de la période gothique . Marie symbolise la Terre fécondatrice, le réceptacle de l'influence divine, le calice de la fleur, de la rose dont l'épanouissement dépeint la réalisation de toutes les possibilités de l'être. La cathédrale de León offre un bel exemple d'ornementation florale d'inspiration française dans les roses du bras nord consacrée au Christ et du bras sud dévolue à la Vierge.

    Dans la rose du bras nord, le Christ siège au centre d'un cercle à 16 lobes. Le centre symbolise le Principe à la source de la manifestation de la dualité représentée par les couples de lobes opposés. La figure du Christ est entourée d'un premier cercle composé de 16 lancettes décoratives décrivant le rayonnement du centre, sa manifestation dans toute sa multiplicité. Un deuxième cercle comprend 16 formes sphériques renfermant des êtres couronnés jouant la musique des sphères célestes, symbole d'harmonie au sein du Cosmos. La couronne dépeint la souveraineté, le rayonnement du prophète, à la fois spirituel et temporel, comme en témoigne la fleur de lys dessinée dans la sphère la plus basse. Sur le pourtour, les formes végétales constituées de tiges divisées en deux autres tiges spiralées symbolisent à merveille le développement de la dualité.

    Dans la rose du bras sud, la Vierge en majesté se tient dans un cercle avec l'enfant Jésus sur ses genoux. Elle est entourée par un premier cercle de 12 thuriféraires ou anges jouant de diverses trompes pour annoncer un grand avènement cosmique. Un deuxième cercle de 24 lancettes est composé de décorations végétales. Chacune d'elles montre deux tiges se séparant et s'entrecroisant à partir d'un tronc commun. Les 24 formes végétales du pourtour décrivent la subdivision d'une tige centrale en deux tiges latérales. Tout cela ne traduit rien d'autre que la polarisation du Principe.


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    Construction des temples et basiliques romains.

     

    La construction des premiers édifices sacrés se faisait selon des principes d'orientation rigoureux dont les dieux ou leurs Maîtres d'oeuvre sur Terre étaient les gardiens.

    • Une fois le site choisi, le Maître d'oeuvre plantait un mât dans le sol symbolisant l'axe vertical du lieu. À partir du pied du mât, il traçait un cercle qui représentait l'horizon.
    • Au lever et au coucher du soleil, le mât projetait deux ombres sur le sol qui coupaient le cercle en deux points. Ces points déterminent un axe orienté est-ouest et appelé “decumanus”. Le tracé de cet axe dépend de la date du relevé du lever et du coucher du soleil qui signe la dédicace de l'édifice.
    • Lorsque le soleil était à son zénith, l'ombre du mât dessinait un deuxième axe sur le sol. Orienté sud-nord, il est perpendiculaire au premier et dénommé “cardo”.
    • La dernière opération consistait théoriquement à relever un deuxième “decumanus” correspondant aux lever et coucher du soleil six mois plus tard. Pratiquement, il suffisait de tracer les symétriques des extrémités du premier “decumanus” par rapport au centre du cercle. Ces deux “decumanus” constituaient deux des côtés parallèles d'un rectangle inscrit dans le cercle. Ses sommets ont dû servir de repères pour la construction de l'édifice.

    La détermination de ce rectangle est en relation avec le mouvement du soleil levant ou couchant le long de l'horizon au cours de l'année.

    Le soleil levant se déplace le long de l'horizon approximativement du sud-est au nord-est entre les solstices d'hiver et d'été et inversement entre les solstices d'été et d'hiver. Le soleil ne se lève précisément à l'est qu'aux équinoxes de printemps et d'automne.

    De même, le soleil couchant se déplace du sud-ouest au nord-ouest entre les solstices d'hiver et d'été et inversement. Le soleil ne se couche exactement à l'ouest qu'aux équinoxes.

    Il s'ensuit que les quatre points associés au lever et au coucher du soleil aux solstices dessinent un rectangle dit “solsticial”. Les dimensions relatives de ses côtés sont fonction de la latitude du lieu de construction (voir plus bas).

    Pour un site donné, le rectangle devient de plus en plus “étroit” au fur et à mesure que la date du relevé s'écarte des solstices et se rapproche des équinoxes.

    Exemple : le temple romain de Janus.

    Situé au nord du Forum de Rome, le temple de Janus a aujourd'hui disparu. À défaut d'autres sources, nous nous en tiendrons à la représentation figurant sur d'anciennes pièces de monnaie romaine. Frappées notamment sous Néron, elles montrent le temple sous ses deux faces. La représentation est conforme à la description de l'historien byzantin du VIe siècle, Procope, dans le “Livre des guerres (la guerre des Goths)”:

    “C'est un édifice rectangulaire formé de deux murs longitudinaux surmontés d'une grille; aux quatre coins, une colonne cantonne ce rectangle dont les petits côtés sont entièrement occupés chacun par un portail en plein cintre orné de guirlandes. L'ensemble est à ciel ouvert...Le temple est...juste assez grand pour abriter la statue du dieu, de cinq coudées sur huit, de forme humaine, mais avec deux faces tournées vers l'est et vers l'ouest...Des portes de bronze s'ouvrent en face de chacun des deux visages de la statue.
    ”Les représentations sur les pièces anciennes nous donnent un rapport entre le grand et le petit côté du temple de l'ordre de 1,5 proche du rapport des dimensions de la statue égal à 8/5 = 1,6. Or, ce rapport correspond à celui du “rectangle solsticial“, déterminé à partir de la position du soleil levant et couchant aux solstices et fonction de la latitude de la localisation du temple (φ = 41,88°). En conséquence, les proportions du temple concordent avec celles du rectangle “solsticial” qui a vraisemblablement servi de base pour sa construction. Il s'ensuit que tout être se tenant au milieu du temple pouvait, chaque jour de l'année, voir le soleil se lever ou se coucher entre les colonnes lorsque les portes faisant face à l'est ou à l'ouest étaient ouvertes. Tel était le cas de la statue du Janus bifrons (de “janua” qui signifie porte) se tenant au centre du temple.

    Janus, le dieu à double visage, voit, à la fois, la source de lumière s'élever vers l'illumination et disparaître dans les ténèbres et ses mystères. Deux aspects indissociables d'un même cycle journalier semblable aux deux phases du cycle annuel du soleil à son zénith avec son ascension dans la ciel entre les solstices d'hiver et d'été et sa descente entre les solstices d'été et d'hiver. Un mouvement apparent décrit par l'arc en plein cintre surmontant les colonnes encadrant chacune des deux portes. Ces symboles font de Janus le gardien des Portes solsticiales qui donnent accès aux Mystères:

    La Porte associée au solstice d'été et au sud donne accès aux petits mystères qui consistent en une ré-génération psychique complète produisant un individu (“individuum” ou indivisible), c'est-à-dire centré en lui-même et non plus dispersé aux quatre coins de son existence. Cette porte ouvre la voie à l'état proprement humain.

    Toutefois, l'être qui n'est pas parvenu à réaliser la plénitude de l'état humain passera la porte dans l'autre sens et retournera à l'état d'être ordinaire associé à la phase descendante du soleil avant de pouvoir entreprendre une nouvelle ascension. Il restera prisonnier du mouvement cyclique fait de “hauts” et de “bas” tant qu'il n'aura pas réalisé l'intégralité des états humains.

    La Porte en relation avec le solstice d'hiver, le nord et la phase ascendante du soleil donne accès aux grands mystères qui mènent l'individu de l'état humain à l'état supra-humain ou spirituel pour en faire un être total. Le centre de l'individu se fond alors dans le Centre du Monde, résidence de l'Un.

    L'être qui franchit cette Porte la passe définitivement, sans retour en arrière possible. Il quitte à jamais le monde cyclique et rejoint le Centre immobile du Monde.

    Les portes d'accès au temple et les Portes d'accès aux Mystères sont reliées respectivement aux mondes terrestre et céleste:

    • Les portes d'accès au temple sont associées au lever et coucher du soleil le long de l'horizon;
    • Les Portes d'accès aux Mystères sont en relation avec les phases ascendante et descendante du soleil à son zénith dans le ciel.

    Les portes associées aux équinoxes (est ouest) et les Portes en relation avec les solstices (sud nord) sont parfois représentées par un Janus quadrifrons comme dans l'Arc de Janus à Rome.

    Ce lien architectural entre les mondes terrestre et céleste, symbolisés par les axes équinoxial et solsticial, préfigure la croix qui servira de base à la construction des premières basiliques et des édifices religieux ultérieurs. À noter que l'accès à ces édifices se fera selon l'axe extérieur et terrestre est-ouest tandis que l'accès aux Mystères sera réservé à l'axe intérieur et céleste sud-nord.

    La basilique romaine.

    Les premières basiliques chrétiennes datent du IVe siècle et leur structure a dû s'inspirer du modèle civil de la vaste basilique romaine, à la fois tribunal et centre d'affaires. Son plan rectangulaire est semblable à celui du temple.

    Il est possible de se faire une idée de la plus ancienne église chrétienne de Rome, la basilique de Latran, grâce à une fresque antérieure à son remaniement au XVIIe siècle. La reconstitution du plan de l'ancienne basilique est présentée ci-dessous:

     

     

    1. Nef;
    2. Bas-côté;
    3. Transept;
    4. Abside.

    Les dimensions du rectangle constitué de la nef (1) et des bas-côtés (2) sont dans un rapport approximatif de 1,4, c'est-à-dire du même ordre de grandeur que celui des côtés du temple de Janus. Prolongé jusqu'aux limites de l'abside, le rectangle reproduit exactement le rectangle solsticial.

    Il n'est pas surprenant dès lors que la basilique soit dédiée aux deux Saint-Jean: Jean le Baptiste fêté le 24 juin et Jean l'Évangéliste fêté le 27 décembre. Ce n'est par hasard que la première basilique chrétienne en appelle à deux saints célébrés aux solstices. La référence à Janus et à son symbolisme est patente.

    Bien que l'entrée principale de la basilique de Latran actuelle soit encadrée par deux énormes colonnes de chaque côté, nous n'avons pas de représentation de la façade frontale de l'ancien édifice. Néanmoins, il existe une reconstitution imagée (d'après K.J. Conant) de la première basilique Saint Pierre, presque aussi ancienne que la basilique de Latran. Elle se présente sous laforme du plan rectangulaire suivant:

     

     

    1. Nef;
    2. Bas-côté;
    3. Transept;
    4. Abside;
    5. Narthex;
    6. Atrium.

    L'ancienne basilique Saint Pierre a pu être construite selon un plan conforme à celui des anciennes basiliques civiles qui se limitait à une base rectangulaire réduite à la nef (1) et aux bas-côtés (2). Or, le rapport des dimensions de ce rectangle est du même ordre de grandeur que le rapport correspondant de la basilique de Latran. De plus, le plan ci-dessus (tout comme une représentation en trois dimensions) montre une façade frontale ornée de quatre colonnes.

    Les quatre sommets du rectangle à la base de construction de l'édifice étaient repérés par des poteaux préfigurant les futures colonnes. Cela est patent dans le cas du temple de Janus offrant deux ouvertures: l'une à l'est, l'autre à l'ouest. Dans le cas des basiliques où l'entrée ne se fait plus que par l'ouest, les colonnes situées à l'est n'avaient plus de raison d'être. Dès lors, les colonnes associées à l'ouverture orientale ont été jumelées avec celles de l'ouverture occidentale pour rappeler aux fidèles la signification des portes.


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  • Construit à partir de la géométrie sacrée, le Temple était divisé en trois lieux essentiels en relation aussi bien avec le macrocosme (ou monde cosmique) que le microcosme (ou monde individuel):

    • Le Vestibule (“Oulam”), relié à la Terre dans le macrocosme et au corps dans le microcosme, humain et inondé par la lumière du jour.
    • Le Saint lieu (“Hikal”), associé à l'Atmosphère dans le macrocosme et l'âme humaine dans le microcosme, reçoit la lumière du jour réfléchie.
    • Le Saint des Saints (“Debhir”), représentant le Ciel dans le macrocosme ou l'Esprit dans le microcosme, est plongé dans l'obscurité.

    Sur les deux côtés du Vestibule, se tenaient deux colonnes appelées Jakin et Boaz, disposées le long d'un axe “vertical” qui a son équivalent tant dans le macrocosme que le microcosme.

    L'axe du microcosme

    L'axe symbolise la voie spirituelle suivie par l'être humain qui entend s'élever constamment et atteindre finalement la pleine réalisation. Dans les limites du microcosme, cette direction, appelée “sushumnâ”, s'étend de la base de la colonne vertébrale à la couronne de la tête et se prolonge au-delà. Le long de “sushumnâ” se trouvent les “chakras”, centres subtils de l'individu. Leur éveil successif correspond aux différentes étapes le long de la voie axiale de la pleine réalisation. Le passage d'un état à un autre consiste toujours en une mort dans un cycle précédent et une naissance dans le cycle suivant. Ce processus de mort et re-naissance, appelé initiation, a lieu dans le Temple, creuset du voyage intérieur et image symbolique du Cosmos ou du monde manifesté. Les étapes essentielles du développement de l'être humain peuvent être reliées aux trois domaines mentionnés précédemment:

    • Le corps est associé à la naissance physique.
    • L'âme ou la psyché est en relation avec une seconde naissance. Liée au domaine des possibilités subtiles de l'individualité humaine, cette seconde naissance consiste en une ré-génération psychique produisant un être humain centré et correspond l'initiation aux petits mystères accessibles par la porte des hommes.
    • L'Esprit, rattaché à une troisième naissance, relève de l'ordre spirituel et non plus psychique. Elle donne accès au domaine des possibilités supra-individuelles associées à la porte de dieux et l'initiation aux grands mystères.

    Dans la forme traditionnelle hindoue, la porte des hommes donne accès au “pitri-yâna”, la voie des ancêtres ou des êtres d'un cycle précédent, et la porte des dieux s'ouvre sur le “dêva-yâna”, la voie des dieux. Bien que relevant du même processus d'initiation, les deux portes diffèrent néanmoins quant à leurs finalités.

    Après sa manifestation dans un certain stade de développement au sein du Cosmos, du Temple ou de la caverne cosmique, l'être franchira l'une ou l'autre porte en fonction du degré spirituel atteint.

    La porte des hommes ouvre l'accès à l'état d'être primordial, intermédiaire entre l'homme ordinaire et l'être spirituel. Si l'être n'a pas atteint la ré-génération psychique complète, il re-passera la porte des hommes et se re-trouvera dans un nouveau cycle du monde manifesté.

    L'être psychiquement ré-généré pourra alors emprunter la porte des dieux pour passer du monde individuel au monde spirituel et quitter définitivement le monde manifesté. En d'autres termes, la porte des hommes est une sortie-entrée tandis que la porte des dieux représente la seule sortie définitive de la caverne cosmique, but ultime de l'initiation.

    L'axe du macrocosme

    Cette notion peut être éclairée par le concept de sphère céleste couvrant l'horizon et utilisé en astronomie pour représenter le mouvement apparent des étoiles et des “astres errants” dans le ciel.

    Dans les diverses formes traditionnelles, la sphère céleste et l'horizon sont des représentations des mondes céleste et terrestre. Ils sont reliés par l'intermédiaire d'un axe “vertical” dénommé Axe du Monde. Comme la sphère céleste correspond dans le microcosme à la couronne de la tête, l'axe du macrocosme devrait prolonger la colonne vertébrale de l'être jusqu'au Zénith. Néanmoins, les étoiles tournent en apparence autour d'un axe qui perce la voûte céleste au voisinage de l'étoile polaire. Aussi, l'axe joignant les pôles célestes Nord et Sud est plus approprié pour caractériser le macrocosme que l'axe Zénith-nadir qui, lui, se rapporte davantage au microcosme ou monde individuel.

    La forme biblique prend en considération le lever du soleil, l'aube, la région émergente entre l'obscurité et la lumière. L'orbite apparente du soleil ou écliptique se déplace en direction du Pôle Nord céleste entre les solstices d'hiver et d'été et vers le Pôle Sud céleste entre les solstices d'été et d'hiver. Il s'ensuit que le point associé au soleil levant se meut le long de l'horizon en direction du nord terrestre quand le soleil de midi s'élève vers le Nord céleste. Inversement, quand le soleil de midi descend vers le Sud céleste, le point du soleil levant glisse le long de l'horizon en direction du sud terrestre. La phase ascendante est naturellement associée à la voie des dieux (“dêva-yâna”) et la descendante à la voie des ancêtres (“pitri-yâna”).

    La phase ascendante, allant du solstice d'hiver au solstice d'été en direction du Nord céleste, correspond à la voie de la clarté; la phase descendante, menant du solstice d'été au solstice d'hiver en direction du Sud céleste, s'apparente à la voie obscure. Cela est en plein accord avec la “Bhagavad-Gitâ” qui dit: “feu, lumière, jour, lune croissante, semestre ascendant du soleil vers le nord” sont les signes lumineux qui mènent à Brahma; “fumée, nuit, lune décroissante, semestre descendant du soleil vers le sud” sont les sombres signes de la voie du retour au monde manifesté.

    Ainsi, la porte des dieux ne peut être qu'associée au solstice d'hiver et la porte des hommes au solstice d'été comme dans le diagramme du plan de l'horizon suivant:

    L'angle formé par les deux directions associées au lever du soleil aux solstices d'hiver et d'été dépend de la latitude du lieu de l'observateur.

    Les colonnes du temple

    A ce stade, nous sommes en mesure d'identifier les colonnes du Temple avec les deux portes. Pour y être autorisés, nous devons connaître où se trouvaient les deux colonnes Jakin et Boaz. Leur situation découle de l'orientation du Temple. Pour les uns, le Temple était orienté le long d'un axe est-ouest et ouest-est pour les autres. Selon la Bible, il ne devrait pourtant pas y avoir d'ambiguïté sachant qu'en hébreu “droite” signifie toujours sud et “gauche” nord, indication d'une orientation tournée vers l'est. De plus, les chroniques mentionnent: “quant à la Mer de bronze, il l'avait placée à distance du côté droit (sud-est), donc du côté de Jakin”. En conséquence, le Temple était construit comme sur le schéma suivant:

    En se tournant vers l'est, le temple se présente comme les deux feuillets d'un livre grand ouvert où la page de droite se lit avant la gauche (en hébreu), où la voie de droite (sud) précède la gauche (nord), celle qui débouche sur un autre monde, une fois la page tournée.

    Ces deux aspects évoquent les deux visages du dieu romain de l'initiation, Janus, avec sa face droite tournée vers le passé et le recommencement et sa face gauche regardant vers le futur, sans espoir de retour en arrière (vers le passé).

    Un rapprochement avec les formes traditionnelles maçonniques s'impose ici. Notons que dans les Rites Maçonniques Écossais et Français, la Loge est orientée selon l'axe ouest-est à l'instar des églises du Moyen Âge, une orientation apparemment opposée à celle du Temple Jérusalem.

    Cependant, dans le Rite Écossais (Ancien et Accepté), Jakin et Boaz sont respectivement placées au sud-ouest et au nord-ouest. Ainsi, Jakin pouvait être assimilée au solstice d'hiver et Boaz au solstice d'été. En dehors du fait que les colonnes sont face au soleil couchant plutôt que levant, il n'y a pas de réelle différence avec la disposition du Temple de Salomon.

    Dans le Rite Français, au contraire, Jakin et Boaz sont situées respectivement au nord-ouest et au sud-ouest. En conséquence, Jakin est associée au solstice d'été et Boaz au solstice d'hiver. Cette inversion par rapport à la disposition du Temple de Jérusalem correspond à une vision exclusivement terrestre (au lieu de céleste) où la voie de la clarté est tournée vers la pleine lumière ou le sud terrestre (au lieu du Nord céleste) et la voie de l'obscurité orientée en direction des ténèbres ou du nord terrestre (au lieu du Sud céleste). En effet, cette inversion est conforme à la “Table d'émeraude” qui stipule: “ce qui est en haut (dans l'ordre céleste) est comme ce qui est en bas (dans l'ordre terrestre)” et inversement. Ou encore selon les paroles de l'évangile, “les premiers (au Ciel) seront les derniers (sur Terre)”.

    De fait, ces deux dispositions reflètent deux perceptions d'une même réalité à des niveaux différents (céleste et terrestre).

    Nous pouvons trouver, dans l'identification de Jakin et Boaz respectivement à la porte des dieux et à la porte des hommes une confirmation de leur dénomination.

    • Boaz traduit la force, mais autre que physique. Elle évoque une force supérieure, la force spirituelle de conscience de l'indestructibilité de l'être réel, l'Esprit.
    • Jakin exprime la solidité, la stabilité; elle signifie que l'initié a dépassé le stade des fluctuations humaines et atteint l'état de l'Être se tenant dans l'éternel présent.

    Notons que l'orientation du Temple s'accorde parfaitement avec le symbolisme de la caverne cosmique. En effet, le Vestibule était éclairé par la pleine lumière du soleil visible (lumière extérieure), le Saint lieu par la lumière indirecte du soleil (lumière réfléchie) et le Saint des Saints par le soleil invisible ou spirituel (lumière intérieure), aussi appelé soleil de minuit dans l'ésotérisme islamique. De sorte que les soleils visible et invisible ne pouvaient être respectivement associés qu'à la lumière (est) et à l'obscurité (ouest). L'obscurité ne doit pas être entendue ici en tant qu'absence de lumière, mais comme son principe non manifesté, la source invisible à l'origine de son aspect manifeste ou visible.

    Le lien entre le Saint des Saints et l'initiation aux grands mystères fait comprendre clairement pourquoi son accès était restreint au(x) Prêtre(s) en tant que représentant(s) du pouvoir spirituel.

    L'admission du postulant au Saint lieu s'effectuait par une double porte frontale située entre les deux colonnes. Placé au “centre” du Saint lieu et se tournant vers l'est, il était en mesure de voir le soleil se lever, à toute époque de l'année, dans l'intervalle défini par les colonnes. Autrement dit, les colonnes touchaient extérieurement les côtés de l'angle délimité par les deux directions des levers du soleil aux solstices. Cela a pu être de quelque conséquence pour la construction du Temple de Salomon en tant que caverne cosmique.


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