• Le Bardo Thodol, sous-intitulé « Livre des Morts tibétain » n’est pas un guide des morts mais un guide de tous ceux qui veulent dépasser la mort, en métamorphosant son processus en un acte de libération. Car nous passons, en mourant, par les mêmes étapes que celles que nous traversons dans les stades progressifs de la méditation. Par la coupure automatique de l’enveloppe corporelle, la mort nous donne visiblement une occasion exceptionnelle de nous libérer de l’emprise de nos instincts obscurs, et nous permet d’apercevoir la lumière libératrice, ne serait-ce qu’un instant.

    Bardo signifie « intervalle », Thô veut dire « entendre » et Dol « libération ». Les étapes que la conscience va parcourir, ses premiers pas dans l’au-delà, sont décrites au mourant — puis à son effigie après ses funérailles — selon une chronologie rigoureuse. Afin d’espérer être libéré de la roue des incarnations successives, le Samsara, la connaissance de cet itinéraire et de ses nombreux pièges est indispensable à celui qui est en passe de se défaire de son incarnation du moment. Une connaissance qui, si l’on n’y a pas accédé de son vivant, reste permise jusqu’à l’instant même du grand passage.

    L’ouvrage contient la description des transformations de la conscience et des perceptions au cours des trois états intermédiaires qui se succèdent de la mort à la renaissance, ainsi que des conseils pour échapper aux réincarnations, ou du moins obtenir une meilleure réincarnation : Le chikhai bardo ou étape du trépas, suivant immédiatement la mort : une lumière extrêmement brillante apparait qui est la vraie nature de l’esprit ; la personne suffisamment avancée sur le plan spirituel la reconnaitra et saura se fondre avec elle, et ainsi échapper définitivement aux renaissances. Dans le cas contraire, sa conscience s’estompe totalement pendant sept jours jusqu’à l’étape suivante.

    Le chonyid bardo ou étape de l’expérience de la réalité : elle survient sept jours après l’étape précédente. La conscience se réveille et perçoit un mandala de 42 déités sous leur forme paisible ; après sept autres jours il est remplacé par un mandala de 58 déités courroucées. Si le défunt peut les reconnaitre comme des formes de réalité de la conscience et les "prendre pour mères", il peut encore éviter de poursuivre son chemin vers la renaissance, ou se préparer à une meilleure réincarnation.

    Le sidpa bardo ou étape de la renaissance : après un certain nombre de jours, le défunt acquiert un corps mental doté des 5 sens ; il peut voir sa famille, circuler dans le monde en traversant les obstacles. Il a ensuite la vision de ses bonnes et mauvaises actions comptées respectivement à l’aide de pierres blanches et noires. Puis Yama se saisit de lui et le dévore organe par organe jusqu’aux os. Enfin arrive le moment de la réincarnation, à moins qu’une technique de dernier ressort, dite "obturation de l’entrée de la matrice", n’évite la venue au monde. Celle-ci peut se faire dans l’un des six états suivants : déité, déité inférieure, humain, animal, esprit avide, esprit torturé. Dans le cas d’une réincarnation humaine, la conscience est attirée par la vision du couple parental engagé dans l’acte sexuel.

    Sont également décrits dans le texte trois autres bardos qui ne sont pas spécifiques à la mort, mais appartiennent à l’expérience des vivants : celui de l’état de conscience ordinaire, celui du rêve, celui de la méditation.

    L’ouvrage mentionne les rituels à observer et les 4 prières récitées par les lamas. Dans le cas où le corps n’est pas présent, une effigie sur papier du défunt, appelée jangbu, est attachée à un bâtonnet et placée sur l’autel. À l’issue du rituel, le lama la brûle, libérant ainsi l’âme de ses fautes ; celle-ci se réincarne aussitôt.

    La version intégrale contient de plus des descriptions des différents signes annonçant un proche trépas, et comment éventuellement en repousser l’échéance. L’ensemble témoigne de l’expérience de la formation et de la dissolution des divers états de conscience, obtenue grâce à la méditation. Un parallèle a été fait entre le chikhai bardo et l’expérience de mort imminente. On reconnait également l’influence des croyances et pratiques pré-bouddhiques appelées Bön et des traditions populaires.

    Le transfert de la conscience

    Le Bardo Thodol doit être lu, correctement et distinctement, soit par un lama, soit par un « frère de la foi », soit par un ami intime, à l’oreille de l’agonisant, puis du défunt. Si le corps a disparu, le lecteur évoque le mort dans sa pensée et opère comme s’il était présent devant lui.

    La première condition à réaliser est celle du transfert de la conscience. En d’autres termes, il convient, durant la période d’agonie, d’alerter sans cesse la conscience de manière à lui permettre de se retrouver intacte après la mort et sans avoir subi d’interruption. La mort est presque toujours précédée par un état d’asphyxie bienfaisante, et les eschatalogues modernes (commentateurs du Bardo compris) sont d’accord, en général, pour admettre qu’une période d’inconscience identique existe après la mort.

    Le voyage dans l’au-delà commence avec le dernier souffle. Ainsi débute la traversée dangereuse qui peut durer jusqu’à sept fois sept jours, soit quarante-neuf jours, sauf si le karma est particulièrement lourd, auquel cas le trépassé est conduit à renaître avant terme. Ajoutons que le processus de la mort est revécu par le défunt tous les sept jours.

    Extraits

    " Noble fils (un tel), maintenant que ta respiration a presque cessé, voici pour toi le moment de chercher une voie car la lumière fondamentale qui apparaît lors du premier état intermédiaire va poindre. Ton Lama t’avait déjà montré cette lumière, la Vérité en Soi (Dharmata) vide et nue, comme l’espace sans limites et n’ayant pas de centre, lucide ; c’est l’esprit vierge et sans tache. Voici le moment de le reconnaître. Demeure donc ainsi en elle. Moi aussi je te la ferai découvrir ".

    " ... Au centre de ce corps, représente-toi le canal subtil central, de l’épaisseur de la tige d’une flèche, vide et transparent de lumière. II s’ouvre au sommet du crâne et se termine en bas prés du nombril. Dans la région du coeur, il fait une sorte de noeud sur lequel la vitalité apparaît comme un point vert lumineux avec, á son centre, le caractère rouge HRI qui est la nature spirituelle soi-même. Une aune environ au-dessus du crâne, visualise clairement le Bouddha Amitabha avec tous ses signes distinctifs merveilleux. ..." .

    Dans le Bardo

    Le Chönyid Bardo ou expérience de l’incertitude de la réalité (la conscience du défunt tente de faire la part des " hallucinations " et de la réalité)

    Le Bardo Thodol n’est d’aucune utilité pour les saints. Les hommes évolués spirituellement demeurent dans les régions hautes.Le Bardo Thodo est surtout destiné aux individus ordinaires pour les aider à subir les angoisses et les incertitudes du Bardo d’en bas.

    Les désirs de la conscience vont se manifester au mort en prenant « corps » sous forme d’hallucinations répétées qui tentent d’accaparer son esprit. Le bardo lui enseigne à ne pas se laisser capter par ces apparitions fantastiques, terrifiantes, qui prennent l’aspect de démons. L’art tantrique tibétain a représenté ces phénomènes hallucinatoires comme autant de divinités aux symboles bien précis. On les appelle Makalat. Elles apparaissent grimaçantes, encombrées de tout un arsenal de crânes, de crocs, crochets, coutelas, poignards, bâtons, lances, etc., qui les rendent agressives. Mais il ne faut pas s’y tromper. Cet aspect terrifiant signifie seulement qu’elles sont là pour tuer la peur, non pour la susciter. En fait, ces apparitions ne sont que des projections nées de la conscience même du mort. Elles n’ont de réalité qu’en son esprit. Il convient de les reconnaître pour s’en libérer sans crainte, comme n’étant qu’une émanation de l’ego. Tous les poisons, les émotions confuses ressenties dans la vie vont ainsi resurgir.

    Après sept jours de nouveaux efforts pour détecter la nature de ces images célestes, les dieux apparaissent sous leurs formes terrifiantes et les images s’obscurcissent.

    Extraits

    Vision des divinités paisibles - Vairocana
    " ... Accompagnant cette lumière, une pâle lueur du monde des dieux, blanchâtre et terne te frappera. A cause de ton mauvais karma, tu chercheras, á ce moment-lá, á fuir la lumière bleu clair, éclatante, qui est la sagesse de la sphère de tout objet de connaissance. Tu ressentiras la peur et l’angoisse. Par contre, la terne lueur du monde des dieux t’attirera agréablement... A ce moment-lá, tu ne dois pas avoir peur de la lumière bleu clair éclatante et transparente ; c’est la lumière de la sagesse suprême. Ne crains rien ! On l’appelle la lumière du Tathagata , elle est la lumière fondamentale de la sphère de tout objet de connaissance. Mets ta foi en elle, abandonne-toi en elle, pense qu’elle est la lumière de la compassion de Baghavan Vairocana ! Supplie-la ! Le Baghavan Vairocana est venu te tirer des passages difficiles de l’état intermédiaire. C’est la lumière de la compassion de Vairocana. N’aspire pas á la lueur du monde des dieux, blanchâtre et terne, n’y aspire pas, ne la désire pas, ne t’y attache pas ! Si tu t’y attaches, tu erreras dans les états divins, tournant dans les six états d’existence. Cette lueur blanchâtre étant un obstacle á la voie de la libération, ne tourne donc pas ton regard vers elle, regarde la lumière bleu clair, brillante, appelle-la et, plein d’aspiration envers Vairocana, adresse avec ferveur cette prière que tu répéteras après moi : " Hélas ! maintenant que j’erre á cause de mon profond aveuglement dans le cycle des existences, que sur le chemin de lumière qui fait apparaître la sagesse de la sphère de tout objet de connaissance, le Baghavan Vairocana me guide en avant ! Que sa sublime parédre Akasadhatesvari (souveraine de l’espace céleste) me pousse par-derrière. Libérez-moi du chemin périlleux des peurs de l’état intermédiaire et conduisez-moi á la bouddhéité parfaite.... "

    Vision des divinités courroucées - vision de Padma-Heruka
    " ...Noble fils, écoute sans distraction ! Le onzième jour t’apparaît le très haut Padma-Heruka de l’ordre Padma des divins buveurs de sang. Sa peau est de couleur rouge sombre, il a trois têtes, six bras, quatre jambes écartées. La tête de droite est blanche, la gauche bleue, celle du milieu rouge foncé ! De ses six mains la première á droite tient un lotus, celle du milieu un sceptre et la dernière une massue. La première á gauche une cloche, celle du milieu un crâne empli de sang et la dernière un petit tambour. La mére-divine Padma-Krodhesvari enlace son corps, de la main droite entoure son cou et de la gauche porte á sa bouche un crâne empli de sang. Le divin-père uni bouche á bouche avec la mére-divine sort du côté ouest de ton cerveau et t’apparaît. N’aie donc pas peur, ne crains rien. Ne t’en défends pas ! Souviens-toi, reconnais-le comme le corps même de ton esprit puisqu’il est ton divin Yi-dam, ne le crains pas, n’aie pas peur ! En vérité il est Amitabha le très haut uni â la mére-divine. Vénère-les avec dévotion. Si tu le reconnais vraiment, tu atteindras á l’instant même la libération ! " A ces mots, le mort reconnaîtra son Yi-dam divin, se fondra en lui et deviendra Bouddha.

    Le Bardo d’en bas

    La plupart des morts continuent longtemps à errer, de ci, de là, à la recherche du corps qui leur manque. Souvent, ils essaient de rentrer dans leur propre cadavre, bien que celui-ci soit déjà en cours de dissolution. La souffrance des errants est grande, à ce moment, à cause de leur impuissance à s’évader des étages inférieurs du Bardo.

    " ...Noble fils, á ce moment-lá, tu t’arrêteras prés des ponts, des temples, des couvents, des cabanes et des huttes. Mais tu ne pourras pas y demeurer longtemps parce que ton esprit, n’ayant plus de corps ne peut se stabiliser nulle part. Tu te sens tourmenté, aigri et traqué. Tu grelottes. Ton esprit est éparpillé, chancelant et diffus. Tu n’auras alors qu’une seule pensée : " Je suis mort, que puis-je faire ? " Avec cette pensée, ton coeur devient vide et froid. Tu es rempli d’une tristesse intérieure sans borne. Ne t’attache pas á un endroit puisque tu dois errer. N’entreprends rien, laisse ton esprit demeurer dans son état naturel. Voila le moment ohm tu n’auras á manger que ce qui te sera consacré par sacrifice et oú tu ne pourras plus compter sur tes amis. Ce sont les signes que tu dois errer dans l’état intermédiaire du devenir. La joie et les tourments dépendront de ton karma. En te promenant dans ton propre pays, voyant tes voisins et même ton cadavre, tu penseras douloureusement : " Me voila donc mort ! " Ton corps mental perd alors son assurance et tu te dis : " Oh ! que ne donnerais-je pas pour avoir n’importe quel corps ? " Et tu te mettras á chercher un corps de toutes parts. Même si tu essayais d’entrer par neuf fois dans ton cadavre, celui-ci sera gelé si c’est l’hiver, ou décomposé si c’est l’été, ou encore ta famille l’aura brûlé ou mis en terre, ou alors les oiseaux et les rapaces l’auront dépecé, de sorte que tu ne trouveras rien á réintégrer parce que le temps s’est longuement écoulé depuis que tu erres dans le bardo de la Vérité en Soi. Voila pourquoi tu es si malheureux et que tu cherches á t’engouffrer dans les crevasses et les rochers. C’est la souffrance de l’état intermédiaire du devenir. Aussi longtemps que tu seras á la recherche d’un corps, tu ne connaîtras que la souffrance. N’en fais donc rien et au lieu d’aspirer á retrouver un corps, demeure sans distraction dans le non-agir.... "

    Si le le mort réussit à demeurer dans le vide de la plénitude de la lumière sans objet, il aura atteint la libération définitive, sera libéré des incarnations futures et accèdera ainsi au Nirvana.


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  • En tant que rois divins, les pharaons ne pouvaient être détruits, même par la mort. Leur prétention à l'immortalité reçut un vif encouragement lorsque les Egyptiens découvrirent la technique de l'embaumement des cadavres. Leur vie étemelle s'abrita dans les immenses pyramides des premières dynasties. Plus tard, le culte des morts et la croyance en l'immortalité se répandirent : sous la XVIIIe dynastie (1567-1320 av. J.-C.), ceux qui pouvaient se payer des funérailles en bonne et due forme avaient l'immortalité assurée. On écrivit des manuels pour les y guider, les Textes des sarcophages, ainsi nommés parce qu'ils étaient souvent placés dans les cercueils ; le plus célèbre est ie Livre pour sortir au jour, souvent appelé le Livre, des morts égyptien.


    Les Égyptiens confortèrent leur croyance en développant des techniques magiques qui devaient les aider pendant la mort, ainsi que le culte de dieux et de déesses capables de les secourir. Parmi les plus connus de ceux-ci, il y a Isis et Osiris. Osiris fut d'abord un dieu de la fertilité localisé en basse Egypte. Comme il pouvait créer la vie à partir du sol inerte, il fut décrit comme étant mort lui-même, puis comme le souverain du séjour des morts. Lorsque les pharaons voulurent affirmer leur pouvoir sur la mort, ils firent d'Osiris l'égal de Rê et, pour mieux encadrer les comportements individuels, ils relevèrent au rang de juge des défunts. On dit alors qu'Osiris avait civilisé l'Egypte, en la faisant renoncer au cannibalisme. Le culte d'Isis, à l'origine indépendant et localisé dans le nord du delta, se combina plus tard avec celui d'Osiris pour constituer un mythe et un culte du soleil mourant et renaissant. Quand Osiris fut tué par son méchant frère Seth, Isis retrouva son corps, en conçut un fils et l'embauma pour lui rendre l'immortalité. D'autres épisodes furent ajoutés, toujours sur le thème de la vie surgissant de la mort.

    Les instances de la vie étemelle égyptienne :

    Le Ba qui correspondrait à l'âme, peut-être à la conscience individuelle, était libéré à la mort et symbolisé par un oiseau à tête humaine. Relativement indépendant, il avait besoin néanmoins d'offrandes matérielles.

    Vakh serait l'esprit immortel, le principe lumineux avec lequel l'individu s'identifie soit après la mort physique, soit après la mort symbolique, l'initiation.

    Le ka, enfin, pourrait se définir comme l'« énergie vitale ». Afin de se perpétuer, il lui fallait un support: la momie du défunt, sa statue, ou une simple image, peinte ou gravée. Appelés «serviteurs du ka», les prêtres funéraires fournissaient la nourriture du ka. Guidant celui-ci, le Livre des morts lui permet de « sortir au jour ».

    S'efforçant de faire, de leurs tombeaux des lieux d'agréable séjour, les Égyptiens en décoraient les murs de peintures réprésentant des scènes de la vie quotidienne.

    Le livre des morts

    Recueil d'incantations et de formules magiques, souvent magnifiquement illustré, le Livre, des morts était déposé dans les tombes égyptiennes, placé sur le sarcophage ou glissé dans les bandelettes de la momie. Les textes qui le composent, apparemment incohérents, ne remontent pas au-delà du XVIIe siècle av. J.-C. Ils s'inspirent des Textes des sarcophages que l'on trouve inscrits dans les grandes cuves où reposaient les momies et qui sont très antérieurs (entre 2300 et 1700 av. J.-C.). Ces derniers avaient été eux-mêmes précédés des Textes des pyramides, qui, figurant sur les parois de la salle du sarcophage de celles-ci, étaient réservés aux rites solennels du culte funéraire royal. Le Livre des morts reflète donc un processus de démocratisation, les formules réservées jadis aux souverains pouvant être désormais reprises par la classe moyenne.

    Le mort devait connaître les formules qui lui permettaient de franchir tous ces obstacles jusqu'au royaume des bienheureux.et ainsi de rejoindre la barque solaire pour accompagner Rê dans son voyage vers l'invisible.

    Le Livre des Morts renferme 165 chapitres et, de son vivant, chaque Egyptien l'apprenait littéralement par cœur, comme une sorte de catéchisme, afin d'être en mesure de prononcer exactement les formules, de réciter opportunément les prières et d'accomplir les rites voulus après sa mort. C'est pour remédier au manque de mémoire des défunts que l'on plaçait un exemplaire sur papyrus du Livre des Morts sous les bandelettes des momies, tantôt sur le sein, tantôt sur le bras, tantôt entre les jambes, pour qu'il pût être utilisé à tout moment. Ces exemplaires, copiés d'avance et en série par les scribes attachés aux temples, comportaient une partie en blanc destinée à recevoir le nom du défunt. Celui-ci était uniformément désigné sous le nom d'Osiris Un Tel. Parfois, cette lacune n'était point comblée. Par contre les rituels funéraires des puissants et des riches étaient d'une plus noble matière et ornés d'illustrations.

    Ré dieu Soleil était censé traverser le Monde souterrain lors de son voyage nocturne, illustré dans d'énormes "Livres des morts" . Ceux-ci étaient inscrits dans les tombes royales du Nouvel Empire pour que le pharaon puisse participer au cycle solaire dans l'au-delà. Les Livres des Morts comportent douze parties correspondant aux douze heures de la nuit. Chaque heure est consacrée au dieu Soleil dans sa barque, entouré des êtres qui peuplent cette région. Une composition entière montre près de mille figures : élus, démons et divinités de la région, damnés éternellement torturés. En passant, le dieu Soleil s'adresse aux êtres de chaque heure qui lui souhaitent à leur tour la bienvenue et sont ranimés par la lumière qu'il dispense. Les descriptions très exactes donnent les dimensions des espaces qu'il parcourt. Sa barque emprunte surtout un chemin aqueux mais à partir d'un carrefour, elle se déplace sur des sables éternels, remorquée par un groupe de chacals. Sur certaines représentations, le dieu Soleil descend, au milieu de la nuit, dans les profondeurs extrêmes du Monde souterrain et fusionne avec son souverain Osiris. L'image qui en résulte porte la légende « Rê qui repose en Osiris » et « Osiris qui repose en Rê ». Mais si Rê pouvait être associé à Amon en une divinité portant un nom unique (Amon-Rê), Rê et Osiris étaient trop fondamentalement différents. Leur brève association suscitait le renouveau quotidien mais ne pouvait pas être permanente. Toute la nuit, le dieu Soleil devait lutter contre son ennemi juré, le serpent Apopis (p. 45), mais les dernières heures, il entrait dans un grand serpent dont il ressortait rajeuni, pour renaître à l'aube.

    Formule pour sortir au jour

    « Les portes du ciel se sont ouvertes pour moi, les portes de. la terre se sont ouvertes pour moi;/• les verrous de Geb [le dieu de ïa terre] se sont ouverts pour moi, la voûte céleste s'est ouverte pour moi. Celui aui me gardait m'a délié, celui oui avait attaché son bras à moi l'a détaché vers le soi... ]'ai [à nouveau] l'usage de mon coeur, l'usage de mon muscle cardiaque, l'usage de mes bras, l'usage de mes jambes, l'usage de ma bouche, l'usage de [tous] mes membres, je peux disposer des offrandes funéraires, disposer de l'eau, de la brise, du flot, du fleuve, disposer de ceux oui agissent contre moi et de celles oui agissent contre moi dans l'empire des morts, disposer des ordres édictés contre moi sur terre... Je me soulève sur mon côté gauche et je me mets sur mon côté droit; je me soulève sur mon côté droit et je me mets sur mon côté gauche; Je m'assieds, je me mets debout, je secoue ma poussière. Ma langue et ma bouche sont des guides habiles. Celui aui connaît ce livre, il peut sortir au jour et se promener sur terre parmi les vivants, et il ne peut pas périr, jamais. Cela s'est révélé efficace des millions de fois. »

    Livre des morts, Le Cerf, Paris.1976-

    Similitudes avec les N.D.E.

    Le " Livre des Morts " égyptien est à la fois un témoignage d’une longue tradition de bouleversements cosmiques, dont d’autres mythologies font état (Apocalypses - Popol Vuh...) mais aussi une affirmation d’une foi et une haute expression métaphysique. Les Egyptiens croyaient en la survie d’un principe spirituel, ils avaient la certitude de pouvoir gagner l’immortalité " en suivant la voie de Dieu ", leur morale était noble, à base de préceptes de sagesse. Ils croyaient en une force suprême de l’énergie cosmique, Dieu unique créateur. - Les fouilles de la pyramide du pharaon Pepi I (-2400) ont permis de retrouver les plus anciens textes religieux du monde, connus à ce jour, qui expriment les notions de résurrection et de l’éternel recommencement des cycles cosmiques. - Le domaine des morts est la " montagne d’Occident ". L’âme, ayant franchi le " portail de la mort ", arrive dans l’Au-Delà. Elle est éblouie par la " pleine lumière du jour ", reprend conscience de son état, et veut réintégrer son corps, mais les entités chargées de la guider l’entraînent. Elle traverse alors une " région des ténèbres " avec détresse et désespoir !... et arrive devant Osiris " le dieu bon au coeur qui sait ", qui vit dans l’Amenti, le pays d’Occident (l’autre partie du monde des mort est le Duat, lac de feu dans une île de feu avec des champs de feu...). Il se dégage d’Osiris une telle puissance de sainteté, de compassion, de lumière... que l’âme comprend qu’il est le salut pour elle. Elle comparaît devant le tribunal de Maat (la justice) avec ses quarante-deux juges, et Anubis pèse le coeur du mort : s’il y a condamnation, il y aura réincarnation ; s’il y a acquittement, l’âme entrera dans le domaine divin, et deviendra en quelque sorte rédemptrice, l’essence de sa sainteté nourrissant le potentiel divin. Car certaines réalisations cosmiques ne peuvent avoir lieu que par l’intermédiaire d’un être humain ayant atteint le plus haut degré de perfection (c’est " l’Avatar " des Hindous, mais cette tradition est commune à l’Egypte, aux Aryens, aux Perses, aux Hindous, aux bouddhistes, à maître Eckart !...). - On ne peut s’empêcher de constater les très nombreuses similitudes avec d’autres recherches modernes : le seuil de la mort; la lumière..... (Moody et les expériences à la limite de la mort).

    Le défunt divinisé

    Le Livre des morts témoigne d'une spiritualité certaine et élevée, car c'est en somme devant lui-même que le mort se justifie, le jugement d'Osiris n'étant que la sanction de celui porté par son cœur. Très frappante aussi est la confiance dans la vie après la mort, grâce au processus de divinisation de l'homme par lui-même. Le Livre des morts témoigne du degré d'initiation atteint par les Egyptiens, très supérieur à celui des peuples contemporains. Il s'inscrit donc - étant de loin le premier - dans la grande lignée des enseignements spirituels. En le lisant aujourd'hui, on assiste au déroulement saccadé d'une suite d'images, où une étrange fantasmagorie accompagne les invocations aux dieux et les enseignements reçus d'eux en réponse


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  • En Grèce antique

    Vers le VIe siècle avant Jésus-Christ arrive de l'Orient, de Thrace et peut-être d'Inde, l'idée de la transmigration des âmes. On en trouve les premières traces dans l'Orphisme. Cette religion de salut, culte à mystères inspiré du personnage mythique d'Orphée, enseignait que l'âme, prisonnière d'un corps créé par les Titans, était condamnée au cycle perpétuel des réincarnations du fait d'une souillure primitive. L'initiation orphique, accompagnée d'une certaine ascèse, permettait à l'âme d'avoir accès au monde divin et la libérait de la métempsycose.

    Les Champs Élysées

    Les croyances populaires, chez les Grecs de l'ère classique, s'enracinaient dans la mythologie traditionnelle : un Hadès souterrain (ou situé dans une île lointaine) entouré des quatre fleuves du Styx, de l'Achéron, du Cocyte et du Pyriphlégéton, que l'on atteignait grâce au Cocher Charon et à sa barque. Les mystères d'Eleusis vont y situer également trois Juges évaluant les mérites des défunts, aidés par le chien Cerbère à la triple gueule.
    On distingue habituellement deux contrées dans ce monde d'outre-tombe :
    - les Champs Élysées destinés aux justes, dans un paysage de prairies, de fleurs et d'arbres merveilleux baignant d'une douce lumière (on retrouve ces descriptions dans les actuels récits des personnes revenues d'un coma avancé et d'une « expérience aux portes de la mort » ou nde),
    - le Tartare, lieu de supplices éternels pour les méchants décrit à la fois comme un abîme, un brasier et une salle de torture. Dans le peuple, l'idée courait que cet Hadès était le lieu de séjour du double corporel, tandis qu'une sorte d' « âme » demeurerait près de la famille, qu'il fallait honorer par des offrandes rituelles.
    Les classes cultivées, dans la suite des philosophes ( Socrate, Plato), ne croyaient plus guère à l'imagerie populaire, et s'inspiraient de schémas philosophiques.

    Les mystères d'Eleusis

    Les mystères d'Eleusis font partie des rituels les plus profonds et les plus secrets de la religion grecque. C'étaient eux, pensait-on, qui « constituaient le ciment de la race humaine ». Il était donc essentiel d'en célébrer chaque année les rites.

    Les Grecs, en effet, estimaient que les enseignements les plus sacrés ne pouvaient être communiqués qu'à ceux qui étaient passés du monde profane au monde divin grâce à l'initiation. De la même façon, non seulement les oracles, mais beaucoup de poètes et la plupart des philosophes usaient de symboles, d'allégories et parfois d'énigmes tels qu'ils n'étaient compris que de ceux qui en étaient dignes.
    Les initiés étaient considérés comme des êtres d'une essence supérieure, car ils avaient eu une vision de la vie dans l'autre monde; l'âme, immédiatement après la mort, errant dans les ténèbres, et assaillie par toutes sortes de terreurs, avant d'être éblouie par une clarté soudaine et d'apercevoir le séjour des bienheureux.
    Tout laisse donc à penser qu'il s'agissait d'un processus de mort suivie d'une renaissance, tel qu'on en trouve dans la plupart des religions traditionnelles. De ce fait, les mystères peuvent non seulement se comparer aux initiations égyptiennes , mais être rapprochés des pérégrinations de l'âme, telles que les décrivent aussi bien le Livre des morts égyptien que le Bardo Thôdol tibétain.

    Ces « Mystères » furent célébrés pendant deux mille ans, et ne prirent fin qu'en 396 av. J.-C., avec le sac d'Eleusis par Alaric, roi des Goths.

    Orphée

    Apparu dans les textes grecs à partir du VIe siècle av. J.-C., l'orphisme procédait, selon la tradition, d'Orphée, être à demi divin, originaire de Thrace qui charmait les animaux sauvages et descendit aux Enfers. Le personnage d'Orphée peut être rapproché des anciens chamans, et l'orphisme est sans doute une reviviscence de croyances et de rites préhelléniques, constituant une réaction contre le système politico-religieux de la cité. Ce n'est que tardivement que l'on invoqua comme raison de sa descente aux Enfers la perte de son épouse, Eurydice. Contrairement à l'engagement qu'il avait pris, Orphée se retourna et perdit celle-ci de nouveau, cette fois définitivement. Inconsolable, Orphée aurait été massacré par des femmes jalouses, les Bacchantes, mais sa tête coupée vogua sur les eaux sans cesser de chanter. Cette légende qui devait rester célèbre ne fut élaborée par les poètes latins Virgile, et Ovide, dans les Métamorphoses.

    Chez les Latins

    Les inscriptions que l'on trouve sur les tombes des Romains de la grande époque - celles-ci étaient placées souvent le long des routes pour que les défunts n'aient pas le sentiment d'être mis à part et oubliés - expriment à la fois un certain matérialisme exaltant les joies de la terre, et un certain scepticisme sur l'au-delà. Sa description, telle qu'on la trouve au livre VI de l' Enéide de Virgile, est marquée par l'influence grecque classique. Enée entre par une grotte dans le séjour des Enfers, arrive au bord de l'Achéron, le traverse sur la barque de Caron, amadoue le chien Cerbère, laisse sur la gauche le chemin des lieux de torture du Tartare et prend à droite le chemin des non moins classiques Champs Élysées baignant dans la fraîcheur et la lumière, où il pourra bénéficier des multiples distractions du gymnase, du théâtre et de l'académie. Il voit encore des âmes buvant une eau qui leur permet d'oublier leur vie précédente afin de pouvoir renaître. Anchise lui montre un défilé d'âmes destinées à renaître et qui deviendront de grands Romains, parmi lesquels Romulus et les empereurs de Rome

    Notons toutefois qu'à la période antérieure, les Romains partageaient aussi certaines représentations des croyances populaires des Etrusques et des anciens Latins. Pour ceux-ci les défunts continuaient à vivre dans la tombe une vie en demi-teinte. On doit leur offrir des cultes funéraires car ils demeurent présents dans la famille. Les Mânes des Ancêtres sont gardiens du foyer, et on leur dédie aussi des honneurs constants par des offrandes quotidiennes et des fêtes à date fixe. Bien différente de ces croyances populaires est la philosophie des Stoïciens, pour lesquels l'existence d'ici-bas n'est qu'une propédeutique pour l'au-delà.

    En Mésopotamie

    Entre le Tigre et l'Euphrate, du IVe millénaire au VIe siècle avant notre ère, sur le pays correspondant approximativement à l'actuel Irak, se sont succédé de multiples civilisations - babylonienne, assyrienne, sumérienne, phénicienne, - civilisations évoluées mais marquées par le peu d'attention donnée à la mort et un pessimisme radical sur l'au-delà. On se le représente comme un monde souterrain dénommé la Terre sans retour, la Terre lointaine, la Maison des Ténèbres et de la poussière.

    L' épopée de Gilgamesh
    Enkidu, le compagnon de Gilgamesh dans la grande saga suméro-akkadienne, y voit en songe comme « la maison où l'on entre sans espoir d'en sortir » par « la route dont les chemins ne servent qu'à l'aller et jamais au retour », comme « la demeure dont les habitants manquent de lumière » et où « la poussière est leur nourriture, leur aliment, la boue ». Pour pénétrer dans ce lieu sinistre, l'Arallou, l'ombre doit accomplir un périlleux voyage en passant en particulier les sept enceintes par sept portes, avant de traverser le fleuve infernal sur la barque du passeur des ombres, Khoumout Fabal. Les rites funéraires l'aident dans ce périple. Si elle échoue, la mort restera pour hanter les vivants.

    Devant de telles perspectives, un seul espoir anime les Mésopotamiens : acquérir l'immortalité, à l'instar de Gilgamesh dans sa quête inlassable. Mais hélas c'est toujours l'échec. La leçon dernière sera donnée à notre héros par Siduri la cabaretière : « 0 Gilgamesh, pourquoi erres-tu de tout côté ? La vie que tu poursuis, tu ne l'atteindras pas. Lorsque les dieux ont créé le genre humain, Ils lui ont fixé le destin de mourir Et ils ont gardé l'immortalité entre leurs mains. Pour toi, 0 Gilgamesh, remplis ton ventre ! Jour et nuit, fais bombance ! »

    Les Hittites

    A la différence de l'Egypte qui avait ouvert les portes de la survie à tout le peuple et non plus seulement aux pharaons, les Hittites réservaient la pleine vie dans l'au-delà aux seuls souverains. Ils partageaient la vie des dieux dans un décor fastueux et bucolique. Devenus dieux eux-mêmes, les couples royaux étaient l'objet d'un culte se prolongeant dans les grands rites funéraires de quatorze jours destinés à leur ouvrir la porte du monde céleste : incinération, dépôt des ossements en place d'honneur, offrande de bœufs et de moutons, repas cultuels. Autre était le salut des gens du peuple. Ils poursuivent une survie peu enviable dans le monde des Enfers, lieu de séjour des dieux détrônés. On y accède par des rivières qui font penser à l'Achéron hellène. On y rencontre sept portes, comme chez les Babyloniens, et neuf lacs ou cours d'eau. Les survivants essayent d'apaiser les morts par des offrandes de pain et de miel, pour que ceux-ci ne reviennent pas les tourmenter, spécialement en s'incrustant dans la maison de la famille.

    Chez les primitifs

    A l'âge du renne on l'enterre dans les grottes-abris des vivants, parfois sous le foyer, comme pour établir un lien de continuité avec le disparu. Le corps est souvent peint en rouge, retenu à l'occasion par des pieux ou des os le fixant au sol : " pour qu'il ne revienne pas tourmenter les vivants " diront certains primitifs actuels. Ces rites d'inhumation laissent déjà entendre qu'ils sont intentionnels. Le doute n'est plus permis à l'époque néolithique où commencent à apparaître des sépultures purement artificielles : dolmens, tombes recouvertes de cinq dalles plates, tumulus. Le mort est presque toujours enseveli avec ses objets familiers, ses armes, ses bijoux. Il est souvent inhumé en position repliée, les genoux sur la poitrine ; parfois incinéré. Se soucier ainsi du corps du défunt, l'entourer de pratiques rituelles codifiées, semble signifier : qu'on perçoit en lui une réalité exigeant culte et respect, dans l'idée qu'il poursuit " ailleurs " des activités personnelles pour lesquelles il a encore besoin de son environnement familier ; qu'il faut se préserver d'éventuelles actions hostiles de sa part ; voire qu'il existe en lui un principe indépendant du corps. L'étude ethnographique des sociétés archaïques dites " primitives " va éclairer certaines de ces hypothèses.


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  • L'origine de la Mort

    De nombreuses cultures africaines incluent un mythe qui donne une explication de la mort.

    Les Zoulous racontent que le Créateur a envoyé Unwabu le caméléon dire aux humains qu'ils ne mourraient pas, tandis qu'Intulu, le lézard, était chargé de leur dire le contraire. Le caméléon traînassa en route, mais le lézard fonça tout droit et transmit son message en premier.

    Pour les Hottentots, c'est la Lune qui aurait envoyé un insecte annoncer : " ... comme je meurs, et mourant je revis, ainsi en sera-t-il pour vous ". En chemin, le messager rencontre le lièvre. Celui-ci lui dit qu'il est meilleur à la course et qu'il se charge du message. En arrivant sur terre, il traduit en ces termes le message de la Lune : " ... comme Je meurs, et en mourant disparais, ainsi mourrez-vous et disparaîtrez-vous entièrement. " À son retour, le lièvre fait son rapport à la Lune. Dans sa colère, celle-ci le frappe sur le nez. C'est depuis que les lièvres ont le museau fendu, mais les gens croient toujours ce que le lièvre leur a dit.

    Croyances

    Dans l'animisme plus évolué des sociétés archaïques, écrit L. V. Thomas1, « on s'efforce de nier la mort en affirmant qu'elle est privation existentielle et l'existence est alors celle de l'individu, plutôt que négation essentielle : destruction du tout apparent qu'est le moi, mais jamais destruction de tout. Pour les Noirs d'Afrique par exemple, la vie au sens le plus fort, n'est pas individuelle, mais groupale, et la mort joue sur la manifestation secondaire, l'individu ». Pour les Bambaras, le « double » après la mort va vivre « ailleurs » : sous l'eau, gardé par un génie, mais seulement en attendant de pouvoir rejoindre le groupe en occupant le corps d'un nouveau-né. Ils admettent aussi, il est vrai, l'existence d'un second principe immatériel : l'âme vitale, recueillie après la mort par des rites spécifiques dans l'autel des ancêtres. Ces croyances concernant l'âme et l'au-delà sont diversifiées selon les ethnies et les continents.

    Le Vaudou

    Les dieux vaudous d'Haïti (et leurs équivalents des cultes candomblé et sanîeria du Brésil) sont issus des mythologies d'Afrique occidentale, mais ils se sont transformés, dans le Nouveau Monde, sous l'influence de l'esclavage et du catholicisme. Le mot vodou signifie " dieu " en langue fon, et loa est le mot congolais pour " esprit ". Le vaudou compte de nombreux loas, dévoués à l'homme tant que celui-ci les accueille et les nourrit. La mythologie en elle-même, si l'on entend par là récit de la Création ou hauts faits de héros, est très réduite. En effet, les dieux, ou esprits, interviennent directement dans la vie des fidèles - au point de les posséder au cours des rites vaudous. Le caractère et les attributs des dieux en tant qu' êtres vivants sont donc moins importants que leur histoire. Une manifestation remarquable en a été donnée lorsqu'une troupe de Guédés (prêtres vaudous possédés par l'esprit du maître des morts, Guédé ou Baron Samedi) a envahi le palais présidentiel prouvant ainsi la capacité des esprits à jouer un rôle important dans le présent et l'avenir d'Haïti.

    Esprit maléfique

    Le défunt convenablement honoré par les vivants après sa mort, devient esprit favorable et bénéfique. Mais plus généralement, comme le disent les Bana du Cameroun : « Si bon que le mort ait été de son vivant, dès qu'il a expiré, son âme ne pense plus qu'à faire le mal. » Surtout s'il a eu une « mauvaise mort », spécialement du fait d'un assassinat ou d'un accident. Il crie alors vengeance et ne s'apaisera que lorsque l'on aura puni l'auteur de l'action maléfique.


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    Ensemble des doctrines et des situations, des expériences et des faits par lesquels l'âme humaine accède à la rencontre immédiate de Dieu ou du monde divin.

    L'expérience mystique

    L'expérience mystique est un des aspects spirituels fondamentaux dans la plupart des religions. Elle suppose une connaissance directe du divin ou de la divinité, sans la médiation de la démarche discursive, volontiers rationnelle, ni, ce qui est moins évident, des symboles sensibles. L'intuition y est reine. Néanmoins, dans les systèmes religieux fondés sur un corps de doctrines, elle se manifeste obligatoirement dans le cadre de celles-ci (formellement, celui de la Trinité dans le christianisme). Si, parfois, sa trop grande indépendance vis-à-vis de la pensée abstraite et son ésotérisme au moins apparent entraînent à son égard la suspicion, voire la condamnation (ainsi pour Maître Eckart), elle ne dévie pas fondamentalement de la vraie foi.

    Formes et manifestations de la mystique

    On distingue, d'une part, une mystique de l'immanence, dans l'hindouisme par exemple : sa réalité se confond avec le sujet lui-même, saisi dans ses profondeurs, l'atman ; et, d'autre part, la mystique de la transcendance, propre aux religions juive, chrétienne et musulmane : le sujet " sort " de lui-même dans une extase (du latin exstare, " sortir hors de soi ") pour s'élever jusqu'à la réalité ultime. Cette élévation, qui peut aller jusqu'à une union comparée au mariage, dit alors " mariage mystique " (ainsi dans le Cantique spirituel de saint Jean de la Croix , comporte divers degrés. Des manifestations variées, non essentielles, relèvent du fait mystique ou accompagnent l'extase : la lévitation (du latin levitas, " légèreté "), qui consiste dans l'élévation au-dessus du sol sans appui aucun ; les stigmates, qui sont, sur le corps, les marques mêmes de la Passion du Christ ; les songes et les visions, les apparitions, par exemple, etc. L'écriture joue un grand rôle chez bien des mystiques (Jean, l'auteur du quatrième Évangile et de l'Apocalypse, Jean de la Croix, Pascal, etc.). L'initiateur de la " théologie mystique " est le (Pseudo)-Denys, auteur d'ouvrages du Ve siècle, attribués à Denys l'Aéropagite.

    Dans le judaïsme, on identifie un long et authentique courant mystique dont les premiers indices écrits se trouvent dans la fameuse vision du " char " (en hébreu merkabah) d'Ézéchiel (VIe s. av. J.-C.). Cette tradition, que les Juifs appellent " mystique de la Merkabah " n'a cessé de s'amplifier et de s'enrichir pour donner naissance, dès la rédaction du Talmud (entre le IIIe et le VIe s.) et surtout après (jusqu'au IXe s. et au-delà), à de nombreux textes, prières à visée quasi magique et récits de voyages célestes, rassemblés tardivement sous la forme de livres appelés globalement " littérature des Hékhalot (Palais célestes) ". La kabbale y trouve une bonne part de son inspiration.

    La mystique chrétienne de l'amour

    Les premiers moines chrétiens et certains Pères de l'Église – saint Augustin notamment – privilégiaient déjà la recherche d'une expérience personnelle de Dieu: ressentir et expérimenter plus que penser la grâce divine. Cette tradition du christianisme primitif, qui ne conçoit pas de vie mystique sans ascèse, se prolonge dans le monachisme orthodoxe.

    Mais c'est au Moyen Âge que s'impose véritablement la mystique de l'union à Dieu par amour, avec la grâce du Christ. Saint Bernard de Clairvaux au XIIe siècle, puis saint François d'Assise et sainte Catherine de Sienne au XIVe siècle ne cesseront de crier les exigences de l'amour de Dieu. Les grands mystiques espagnols de l'ordre du Carmel dominent le XVIe siècle: sainte Thérèse d'Ávila conçoit sa vocation religieuse comme un mariage spirituel, et sa thématique de l'itinéraire ascétique, toujours inachevé, vers Dieu sera également au centre de la mystique de Jean de la Croix. Le XVIIe siècle connut un affrontement d'écoles, les uns privilégiant l'ascèse, les autres – les quiétistes – l'abandon à Dieu. En France, ce furent les premiers qui l'emportèrent contre Fénelon et Mme Guyon, adeptes du pur amour. À partir de la fin du XVIIe siècle, la mystique déclina; saint Benoît-Joseph Labre au XVIIIe siècle et sainte Thérèse de l'Enfant Jésus, à la fin du XIXe siècle, demeurent des figures isolées.

    La mystique spéculative

    À travers l'œuvre du néoplatonicien Plotin (IIIe siècle apr. J.-C.), les thèmes mystiques de la Grèce antique, qui transparaissent chez Platon, sont la source d'un vaste courant de mysticisme spéculatif. Au sein même du christianisme s'y rattache la mystique rhénane et flamande des XIIIe et XIVe siècle – essentiellement représentée par Maître Eckart. Elle privilégie l'unité de l'être et l'idée d'une union immanente avec Dieu dans l'âme humaine.

    Moins orienté à ressentir qu'à découvrir par diverses opérations intellectuelles le principe fondamental de la vérité, que celui-ci relève de l'Esprit (théosophie) ou de la Nature (pansophie), ce mysticisme est à la fois une forme de gnose, connaissance sacrée, et d'ésotérisme au sens noble du terme; il considère en effet que le savoir suprême est caché et que l'on doit s'y initier par une longue ascèse. La religion juive, qui maintient une distance toute de respect avec Dieu, est relativement étrangère à l'idée d'union extatique avec le Créateur. Le plus grand mouvement mystique juif, la kabbale, constituée aux XIIe et XIIIe siècle, développe en revanche une profonde spéculation. Son livre majeur, le Zohar (ou Livre de la splendeur), est d'ailleurs très riche en inspirations néoplatoniciennes. Sa spécificité réside cependant dans une théorie de la contemplation des lettres du nom de Dieu, retrouvées dans l'Univers entier par un système de correspondances mystiques.

    La mystique musulmane

    L'islam a aussi sa mystique, le soufisme. Il s'agit d'une lignée historique, à travers tout l'islam, des origines à nos jours. L'itinéraire des soufis trouve ses repères dans l'exemple même du Prophète. Représenté d'abord par des ascètes et des sages, au IXe siècle, ce courant s'est organisé en écoles dans les grandes métropoles de l'empire musulman, et d'abord à Bagdad.

    Le soufisme place au premier plan non pas les règles et la Loi, mais l'amour mutuel entre Dieu et l'homme. Mais les docteurs de la Loi rejetèrent rapidement le soufisme, prétextant l'impossibilité d'un amour entre le créateur et l'homme. Martyr mystique, al-Halladj est ainsi condamné à mort en 922. Pourtant, à partir du Xe siècle, notamment sous l'influence du théologien mystique al-Ghazali (XIe siècle), le soufisme devient bientôt une connaissance religieuse reconnue par l'islam officiel. Cependant, à partir des théories monistes, presque panthéistes, d'Ibn al-Arabi (XIIIe siècle), le courant dominant de la mystique musulmane ne mettra plus l'accent sur le désir et l'amour de Dieu, mais sur la perte du sujet dans un univers où tout est Dieu.

    Le soufisme a conçu une méthodologie mystique qui analyse précisément la succession des différents états spirituels et qui propose des procédés tels que la répétition inlassable et rythmée du nom divin, Allah. Organisé en confréries hiérarchisées, le soufisme est largement diffusé dans les couches sociales populaires.

    Les religions orientales

    La mystique orientale privilégie une démarche d'immanence: elle tend à l'union avec un absolu unique, impersonnel et indifférencié, et présent au fond de tout être vivant, au-delà des apparences extérieures et de l'individualisation.

    Yoga et mystique hindouiste

    Les Upanishad védiques, textes religieux fondateurs datant environ du VIe siècle av. J.-C., développent le thème central de la mystique hindouiste: le «soi» de l'individu humain (atman) est de même nature que le principe absolu régissant l'Univers (brahman). En retrouvant l'unité essentielle de son être, le mystique atteint un état où il échappe à la loi de l'enchaînement des causes et des effets (karma), et à la transmigration douloureuse des âmes – de vies en morts – et des renaissances successives (samsara). La Bhagavad-Gita pose en même temps l'«identité de tout».

    Le yoga est la technique corporelle et spirituelle de cette libération. Il tend à aboutir à l'union mystique de soi à l'absolu à travers toute une série d'étapes décrites dans les Aphorismes du yoga (Yogasutra, encore nommé «yoga royal») – le yoga couramment pratiqué en Occident reprend seulement quelques-uns de ces exercices préparatoires (postures et discipline du souffle).

    La discipline mystique du yoga s'entend d'ailleurs en des sens très divers pour l'hindouisme. La Bhagavad-Gita (passage de l'épopée du Mahabharata) définit ainsi un yoga de l'action où il s'agit, sans abandonner la vie sociale, de se détacher des fruits de ses activités. Ce texte sacré propose aussi un yoga de dévotion amoureuse à une divinité personnelle (bhakti), tradition qui se rapproche de la religiosité occidentale. Mais cette mystique émotionnelle est souvent considérée comme une voie d'union, à travers un dieu particulier, à l'absolu indifférencié, plus inaccessible.

    Mystique de l'immanence

    Voie de salut n'impliquant aucune croyance en quelque divinité personnelle que ce soit, le bouddhisme se distingue radicalement de l'hindouisme en rejetant la notion d'un principe du soi (atman) qui transmigre, de façon identique, de vie en vie selon le principe karmique. Aussi le mystique recherche-t-il la délivrance dans le présent immédiat, dans une complète immanence au monde. Or celui-ci est le règne de la souffrance qu'entraîne automatiquement tout désir ou attachement. Le nirvana, état mystique d'«éveil» et de libération, est donc une extinction de la soif de vivre dans le bouddhisme. Tout homme qui parvient à un nirvana peut être qualifié de bouddha; ce terme désigne également l'essence spirituelle ultime de toute chose et de tout être

    L'école zen épurera encore l'expérience mystique bouddhiste en développant l'idée de vacuité au sein de la méditation et celle de renoncement salvateur au désir d'atteindre le nirvana, qui se trouve alors réalisé au sein du monde des phénomènes.

    La fascination pour le mysticisme

    Des philosophes – Henri Bergson ou William James –, des écrivains – Romain Rolland, René Daumal ou encore Aldous Huxley – ont en commun de considérer la communion mystique avec l'absolu comme la source unique – et seule véridique – de toute religion. Les croyances et les rites particuliers sont considérés comme des dérivés et des rationalisations inessentielles. Hors de tout contexte religieux, on a même pu qualifier de mystiques certaines expériences décrites en termes purement subjectifs: le «sentiment océanique» de Romain Rolland (lettre à Freud du 5 décembre 1927) ou l'impression d'anéantissement, «comme une goutte d'eau dans la mer», de Julien Green contemplant un paysage (Journal, 18 décembre 1932).

    La prédilection pour le mysticisme a cependant suscité des œuvres d'une grande rigueur intellectuelle, adoptant parfois les recherches les plus contemporaines, en psychanalyse, par exemple, avec les théories dissidentes d'un Carl Gustav Jung. Des perspectives nouvelles sont offertes par l'histoire des religions – Mircea Eliade notamment expose ses thématiques fondamentales dans la Nostalgie des origines. De tels penseurs ont contribué à l'élaboration d'une conception moderne de la mystique.

    Sous une forme intériorisée, souvent influencée par la spiritualité orientale, le mysticisme connaît, depuis les années 60, un engouement populaire en Occident. Celui-ci témoigne autant d'une contestation des valeurs sociales établies que d'une recherche d'un sens profond à l'existence.


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