• Le I Ching est une philosophie, un guide de vie pratique du type « Imitation de Jesus-Christ » et aussi un processus divinatoire. Base du taoïsme et source d’inspiration du bouddhisme chinois, le I Ching (Yi-King) est un ouvrage dont les origines se perdent dans la nuit des temps.

    Quand en Chine on brûla tous les livres, seul le I Ching fut épargné. On ne connaît pas la Chine, si on ne connaît pas le I Ching. Seuls la Bible, le Coran ou les Védas peuvent prétendre à une influence culturelle comparable à la sienne.

    Certains font remonter les origines du I Ching au roi Fou-Hi, un personnage légendaire dont on ne peut confirmer avec certitude l’existence. De façon générale, on pense que le I Ching, tel que nous le connaissons aujourd’hui, a été entrepris par le roi Wen il y a de cela plus de 3 000 ans. Plus tard, des auteurs plus « récents » - comme Confucius - s’en sont inspirés et y ont largement contribué, écrivant les textes d’interprétation qu’on utilise encore essentiellement aujourd’hui. On ne parle pas du succès littéraire de l’an dernier... !

    Le I Ching été introduit en Occident, en 1697, par le mathématicien et philosophe allemand Gottfried W. Leibnitz, qui l’avait découvert au hasard d’une correspondance avec Joachim Bouvet, missionnaire jésuite en Chine. C’est avec le I Ching que l’Europe a alors pris contact avec cette arithmétique binaire qui est aujourd’hui le langage des ordinateurs modernes. Carl G. Jung a dit du I Ching qu’il était « Le livre le plus profond qu’ait produit l’Orient ». Il y aurait beaucoup à dire sur le I Ching. Ici, nous parlerons seulement de divination.

    Il y a des millénaires qu’en Chine et au Japon, on se sert du I Ching pour tout : se marier, faire la guerre, trouver un sens à sa vie. Comment connaître l’avenir grâce au I Ching ? Le consultant doit penser à une question, puis manipuler des baguettes ou des pièces de monnaie. Prenons les pièces, c’est plus simple. Le tirage à l’aveugle de trois pièces de monnaie peut avoir 4 résultats. Répétez l’opération 6 fois et vous obtenez l’un de 4 096 résultats possibles. À chacun de ces résultats est associé traditionnellement un de ces textes de Fou-Hi, de Wen, de Confucius... présumés apporter la réponse à la question. Simple.

    Bien gentil direz-vous, mais bien vieillot tout ça... et totalement irrationnel. Sauf que l’homme d’affaires japonais en costume sombre qui déjeune au Maxim’s de Tokyo ne fait pas vieillot, quand il triture quelques piécettes et les dépose à côté de son sashimi en ne leur accordant apparemment qu’une attention distraite. Il sait ce qu’il fait et l’on sait ce qu’il fait. Il consulte le I Ching... et il va suivre le conseil du I Ching.

    Il ne se croit pas irrationnel, juste bien au courant des avancées de la science moderne. Il y a une cinquantaine d’années, le célèbre chirurgien et neurologue Wilder Penfield - le même qui fut appelé au chevet de Mao-Tsé-Tung - a découvert par hasard, en opérant sur le cerveau à nu, que celui-ci, correctement stimulé, pouvait revivre des épisodes du passé dans leurs moindres détails. On a évidemment poursuivi la recherche et l’on en est venu à penser que l’inconscient accumule des renseignements sur toutes les expériences de notre vie, même celles que notre conscient s’est empressé d’oublier. On tend aujourd’hui à accepter que notre inconscient constitue une énorme base de données.

    Je ne considère pas cette hypothèse comme prouvée, mais elle a ici le mérite de fournir une assise rationnelle au I Ching. Pourquoi ? Parce que si toutes nos expériences passées sont enregistrées, il est clair qu’avoir accès à toute cette expérience - et non seulement au 1 % dont notre conscient s’est limité à se souvenir - permettrait de prévoir avec énormément plus d’habileté et de sagacité le déroulement probable des événements à partir de ce que le présent nous montre. Si le I Ching nous donnait la clé de cette banque de données, il ne prédirait pas l’avenir, ce qui est absurde, mais nous permettrait de mieux le prévoir... tellement mieux que la démarche paraîtrait magique.

    Or il y a de bonnes raisons de croire qu’il est possible d’obtenir cet accès. Avec les récentes découvertes de la programmation neurolinguistique (PNL), on a appris à quel point notre inconscient “veut” nous transmettre de l’information. Il le fait par des « actes manqués » - Freud nous l’avait déjà dit - et de mille autres façons, parfois même en nous affligeant de malaises ou de tics nerveux. Il peut le faire à tout moment, si on lui en donne la chance en posant des gestes que notre conscient ne contrôle pas : des gestes au hasard... ou qu’on peut croire posés par hasard.

    Lorsqu’on pose un geste aléatoire, notre inconscient qui veut babiller s’engouffre dans la brèche et ce n’est pas vraiment le hasard, mais notre inconscient qui choisit le geste posé. Tous les tests psychologiques de libre association tiennent désormais ceci pour avéré.

    C’est cette propension de l’inconscient que le I Ching met à profit en proposant au consultant un tirage aléatoire de pièces de monnaie.

    On trouve au livre du I Ching 4096 textes correspondant à autant de résultats possibles du tirage. L’hypothèse avancée est que les gestes du consultant sont guidés par son inconscient et conduisent au choix de cette « réponse » sur 4 096 qui colle le mieux à la question posée. Invraisemblable ? Disons que Penfield, la PNL et les autres méthodes de la psychologie moderne ne le prouvent pas - ni donc que le I Ching transmette une information valable - mais qu’une brèche est ouverte : il n’est pas IMPOSSIBLE qu’il le fasse. On sort de l’absurde pour entrer dans l’inexpliqué, une classe où le I Ching n’a pas à se sentir isolé.

    La structure des textes, conçus par des penseurs chinois vivant au temps d’Abraham, provoque l’admiration, mais la crédibilité du consultant n’en reste pas moins soumise à rude épreuve. Extraordinaire structure, mais nous n’avons aucune raison de croire que les éléments de cet ensemble puissent être appliqués sur le déroulement des faits dans la réalité, pas plus que la valeur littéraire de l’Énéide n’en fait une bonne source de renseignements sur la fondation de Rome.

    Pourquoi croire que l’information qu’on obtient du I Ching puisse être vraiment une lecture des données de l’inconscient et puisse donc nous aider à prendre de meilleures décisions ?

    Parce que ça marche. La grande majorité des gens qui consultent le I Ching en tirent des renseignements qu’ils jugent pertinents. Bien sûr, on pourrait en dire autant des résultats obtenus avec l’astrologie, la numérologie et que sais-je : l’être humain veut croire. Mais, pour ceux qui consultent le I Ching, la différence est indiscutable et j’ai été moi-même abasourdi par les réponses. Empiriquement, il semble bien que le I Ching renseigne correctement.

    Si c’est bien le cas, il faut supposer que les auteurs du I Ching ont non seulement compris le rôle de l’inconscient, mais ont aussi découvert comment utiliser les données qu’on peut en tirer pour analyser l’évolution d’une situation. Il faut admettre que des Chinois vivant avant Ramses II ont élaboré une méthode pour poser des questions dans un langage que l’inconscient comprend... et un langage pour décoder la réponse obtenue et la rendre intelligible au conscient. Bien difficile à croire...


    votre commentaire

  • Texte fondateur du mode de pensée chinois, le Yi Jing (dont le nom, qui signifie « Livre des Changements », s'écrivait naguère Yi King) est un diamant méconnu. S'il a servi de base conceptuelle, de vocabulaire intellectuel et de référence philosophique à la quasi-totalité de ce qui s'est pensé en Chine durant ces deux derniers millénaires, c'est entre autres parce que, pour l'expliquer, les Chinois ont inventé les idées de Yin et Yang, tout comme on peut presque dire que c'est pour le rédiger qu'ils ont créé leurs étranges signes d'écriture.

    Pourtant, il doit la plus grande partie de sa notoriété en Occident à sa réputation d'ouvrage divinatoire et à l'usage immodéré qu'en firent les hippies des années soixante du siècle passé. Il en a gardé une réputation d'ouvrage irrationnel dont la sagesse abyssale est d'une obscurité toute taoïse, ce qui est assez curieux pour un texte dont la totalité des commentaires officiels sont attribués à ... Confucius.
     
    Structure de l'ouvrage :
    Le Yi Jing ne prédit pas l'avenir, il analyse le présent pour permettre à chacun d'y insérer son agir de la manière la plus appropriée qui soit en fonction de la configuration spécifique de la situation. C'est cela qui intéressait les confucéens. Pour y arriver, le Yi Jing se présente sous la forme d'un texte de 64 chapitres, chacun présentant une situation-type de la vie quotidienne ramenée à sa structure énergétique et résumée en termes de Yin-Yang par un schéma linéaire formé d'un assemblage organisé sur six niveaux (les hexagrammes). Ces schémas, dont la lecture ne demande aucune connaissance de chinois, ont rendu le Yi Jing universel. Il renseignent sur le type de situation dans laquelle on se trouve en montrant la dynamique spécifique qui l'anime permettant ainsi à chacun de placer son agir au centre actif du moment tel le surfeur sur la vague.
     
    A l'origine, les carapaces de tortue :
    Dans l'Antiquité, les souverains de la dynastie des Shang (XVIIe - XIIe siècle avant notre ère) avaient l'habitude, lorsqu'ils avaient des décisions à prendre, de consulter leurs ancêtres défunts. Ils avaient recours à des offrandes de viande avec leurs os, qu'on plaçait sur des brasiers sacrificiels car le feu était réputé pour pouvoir traverser les mondes. La chaleur produisait sur les os des fendillements qui étaient « lus » comme la réponse des ancêtres à la question qui leur avait été posée. Au fil des siècles, les Chinois s'aperçurent que la réussite ou l'échec d'une entreprise dépendait moins de l'opinion que pouvaient en avoir des ancêtres défunts que de son adéquation avec le moment.
    Les offrandes carnées furent abandonnées au profit des carapaces de tortue. A cause de leur forme, ronde comme le ciel pour la partie dorsale et un peu carrée comme la terre pour le plastron ventral, les tortues sont une sorte de modèle réduit de l'univers. Les brasiers furent remplacés par des sortes de tisons chauffés appliqués en des points précis de la carapace, préalablement évidés de manière à réduire les fendillements possibles à des formes prédéterminées et donc plus faciles à analyser. Les carapaces étaient conservées commes archives.
     
    De la tortue au Yi Jing :
    A l'époque de la fondation de la dynstie des Zhou, au tournant du dernier millénaire avant notre ère, l'antique système des brûlages a été progressivement abandonné et remplacé par une consultation directe des archives. La procédure de détermination de l'archive correspondante s'appuyait sur la conception cyclique du temps. L'interrogation portant sur la configuration énergétique d'un moment ne pouvait être unique, il y avait forcément déjà une tortue portant les mêmes types de fissures que celles qui seraient apparues si on avait procédé à un brûlage. Il suffisait de déterminer laquelle selon un procédé aléatoire, la méthode des tiges d'achillée.
    Par la suite, on chercha à alléger le système. Remarquant que finalement les appréciations portées sur les carapaces de tortue étaient le fait d'un petit nombre de caractères, on les regroupa par similitude et on les retranscrivit sur un support plus maniable, des baguettes de bambou. Il ne restait plus aux lettrés de l'époque qu'à polir le texte et à réduite la variété des circonstances à soixante-quatre situations-types qui deviendront, vers le IIIe siècle les hexagrammes.
     
    Le texte et les commentaires :
    C'est finalement durant la dynastie des Han que le Yi Jing prendra sa forme définitive : un texte originel réparti en soixante-quatre brefs chapitres et de commentaires canoniques organisés en dix sections.
    La « légende dorée » du Yi Jing lui assigne comme créateurs quatre des plus grands héros de l'histoire chinoise. Tout d'abord Fu Xi, le père de la civilisation chinoise, mythique inventeur des quatre piliers sur lesquels elle repose : l'écriture, les rites, la cuisine et le Yi Jing. Le deuxième fut Wen Wang qui vécut réellement et fonda, vers 1100 avant notre ère, la dynastie des Zhou. Vient ensuite Zhou Gong, son second fils, administrateur modèle et dont disait s'inspirer le quatrième personnage de cette légende fondatrice : Confucius lui-même.
    A partir de la dynastie des Han, le Yi Jing servira de référence officielle, de vocabulaire de base et de théorie globale à la quasi-totalité de tout ce qui se pensera en Chine jusqu'à l'invasion des troupes coloniales occidentales.
     
    Le Classique des Changements :
    Ni livre révélé, ni poème épique, ni parcours médité, ni discours logique, le Yi Jing se veut simplement le Classique (Jing) des Changements (Yi). Les civilisations de l'antiquité se sont donnés des dieux et des codes, les civilisations modernes des lois et des méthodes, les Chinois, eux, ont traqué l'éternel dans sa forme la plus quotidienne : le changement incessant, le roulement saisonnier. Le Yi Jing n'édifie aucun système explicatif de l'univers, il n'explore pas la cause de son existence ou la finalité de son devenir, il ne révèle rien qui doive être l'objet d'une croyance, il ne fait que constater une évidence que ne rejette aucune foi, que ne contredit aucune science : le changement est la vie même. La raison de cet état de fait le laisse indiférent, seul l'intéresse le fonctionnement de ce processus sans cesse à l'œuvre, et cela à la seule fin de permettre à chaque être humain de s'y insérer de la manière la plus efficace possible.
     
    Consulter le Yi Jing :
    Le Yi Jing n'est pas un livre, un texte qu'on lit du début à la fin, mais un ouvrage que l'on consulte quand on en a besoin. Lorsqu'on hésite sur une voie à suivre, une attitude à prendre, un choix à faire, un dilemne à résoudre, on peut alors s'en servir pour ce qu'il est dans la pratique : un manuel d'aide à la décision.
    Une fois la question posée au Yi Jing, il reste à faire apparaître la réponse, c'est-à-dire déterminer laquelle des soixante-quatre situations-type correspond justement à la situation dans laquelle nous sommes impliqués. Il existe pour cela deux méthodes principales (par les pièces ou par les tiges d'achillée) mais toutes deux utilisent le hasard, l'aléatoire. Matérialisation de la qualité particulière de l'instant, on peut y lire la configuration que prend spontanément le flux du Dao lorsqu'on lui laisse libre cours.
     
    Dao (Tao) :
    Le caractère dao désigne de manière générale les principes de fonctionnement de toute chose vivante. Appliqué au domaine humain, il pourra prendre le sens plus spécifique d'« attitude » ou de « comportement ». Au niveau matériel, il signifie couramment « route », « voie », le chemin que l'on suit.
     
    Yin - Yang :
    Loin d'être des modalités antagonistes, Yin et Yang sont des réalités concertantes, les deux versants d'une même montagne, les deux aspects d'une même situation. Rien en effet ne peut être qualifié de Yin ou de Yang dans l'absolu. Yin et Yang n'étant ni des attributs ni des états mais des propensions, des manières d'agir. Comme deux pôles d'un aimant, Yin et Yang ne peuvent exister l'un sans l'autre.
     
    L'hexagramme :
    Hexagramme est le nom donné en Occident à chacun des soixante-quatre schémas qui résument une situation-type du Yi Jing sous la forme d'une structure à six niveaux empilés les uns sur les autres, du bas vers le haut, chaque niveau étant représenté soit par un trait Yin, soit par un trait Yang. Cette représentation abstraite a permis de rendre le Yi Jing universel puisque, parlant directement à l'œil, elle permet à tous d'avoir un accès direct aux différentes situations-types malgré les barrières linguistiques ou culturelles.

    A chacun des niveaux est attribué une fonction précise.

    Analyse raisonnable des réponses du Yi Jing
    selon les méthodes traditionnelles chinoises :
    • L'obligation d'une formulation écrite et datée de la question avec un verbe d'action dont la personne concernée est le sujet.
    • Une certaine considération pour ce qui est en train de se dérouler durant les manipulations des baguettes ou des pièces.
    • Une attention portée à la lecture directe, visuelle, des figures linéaires, donc une représentation la plus grande possible au moins des hexagrammes-réponses et au mieux des hexammes d'analyse.
    • Une détermination pour la primauté de la lecture hexagramatique des hexagrammes-réponse, notamment par l'examen des six niveaux constituant l'architecture fondamentale des figures linéaires.
    • La prise en compte en parallèle et dans la même tranche de temps des deux hexagrammes-réponse : l'exagramme de situation et l'esagramme de perspective.
    • La recherche de compléments d'information sur l'hexagramme de situation par l'analyse de l'exagramme opposé et de l'exagramme nucléaire.
    • L'analyse des trigrammes intérieurs, extérieurs et constituants des hexagrammes-réponse.
    • La prise en compte des lignes mutantes (nombre, nature, situation par rapport aux six niveaux, passage de yin à yang ou de yang à yin, etc.)
    • L'utilisation des hexagrammes dérivés comme indication résumée de l'« atmosphère » propre à chaque ligne mutante, considérée une par une.
    • La confirmation et la particularisation des données obtenues par les grilles d'analyse précédente au moyen de la lecture des textes.
    La question de la question :

      La détermination de la question est un élément décisif de la consultation du Yi Jing, car c'est sur cette formulation que l'on doit se concentrer au moment d'opérer les manipulations déterminant l'hexagramme-réponse. Plus précise est la question, plus explicite sera son interprétation.
     
    Un verbe d'action dont on est le sujet :

      Une question au Yi Jing se formule toujours avec un verbe d'action dont on est le sujet. Cela oblige à se poser soi-même d'une manière active et responsable au cœur de ce qui préoccupe. De plus, cette convention permet d'exclure toute demande d'information sur le futur et toute demande d'information sur autrui.
     
    Une question écrite :

      La question devra être écrite. S'obliger à décrire, donc à penser ce qui motive la question avec un verbe d'action dont on est le sujet, est déjà une manière de se reprendre, de ne plus uniquement subir ce qui nous arrive, mais déjà y réagir. De plus, cette interrogation recevra du Yi Jing une réponse elle-même écrite, et le plus souvent formulée avec un verbe d'action.
     
    Le cas de l'alternative :

      Dans le cas où la question se présente sous la forme d'un choix entre deux types de solutions, il faut s'interdire de mettre un « ou » dans une question au Yi Jing, puisque cela reviendrait à demander au livre de prendre une décision à notre place. La solution consiste alors à avoir recours à la méthode du tirage double sous la forme :
    1/ faire ceci ?
    2/ ne pas faire ceci ?


    1 commentaire

  • Dès le départ, le bouddhisme révolutionné la façon de penser des individus : La philosophie bouddhiste rejette un certain nombre de notions traditionnelles comme celles de l'athéisme, le théisme, le monisme et le dualisme. Le Seigneur Bouddha a critiqué l'ensemble de ces concepts et a encouragé ses disciples à discuter des problèmes dans la métaphysique, la phénoménologie, l'éthique et épistémologie.

    Le bouddhisme est considéré par certains comme étant plus une philosophie qu'une religion. Bouddha lui-même n’a jamais déclaré être Dieu contrairement aux autres religions qui imposent automatiquement une forme de théisme. 

    Toutefois, le bouddhisme, en soi, est considéré comme une religions non-théiste ou athée. Il ne s'agit pas de souligner l'existence ou la non-existence d'un Dieu ou de Dieux en général. De plus, le bouddhisme n'a pas utilisé la voie de la doctrine comme l’ont fait les autres religions. Le bouddhisme a su dépasser toutes ces notions et aller plus loin pour connaître le vrai sens de la vie.

    Epistémologie:

    L'une des principales philosophies qui différencient le bouddhisme des autres religions est le fait de ne demander que des explications épistémologiques. Le bouddhisme se base sur un ensemble de justifications valables et confirmées par la science d’aujourd’hui. Il ne croit pas en une rigidité aveugle et à l'acceptation des principes établis.

    Phénoménologie et métaphysique:

    La philosophie de la métaphysique rejette l'idée d'une âme ou d’un soi. Le concept de la continuité de l'identité n'est rien d'autre qu'une illusion. Dans les premiers temps du bouddhisme, les philosophes ont formé un système métaphysique qui prônait la dégradation de l'expérience des personnes, des choses, des événements et de la perception en petites unités appelées dharmas (ou phénomène). Même la question de la Pudgala, ou de la personne, a été débattue par les différentes écoles du bouddhisme. Le concept a été introduit pour remplacer celui de l'Atman (le soi ou l'auto).

    La loi de la dépendance:

    Une conviction de base du bouddhisme est constituée de la doctrine de la pratitya samutpâda, cette conviction stipule qu’il n’y a aucune place au hasard dans notre vie et refuse d'accepter la notion de lien de causalité direct des événements.

    Selon cette conviction, les événements spécifiques, les concepts ou les réalités de notre vie sont toujours tributaires d'un certain nombre d'autres choses précises.

    Par exemple, les envies de fumer dépendront de l'émotion, qui à son tour, dépend de notre intéraction avec l'environnement. De même, presque tous les événements sont affectés par l'un des autres conditions environnantes. Même la réduction de la désintégration, la mort et la douleur dépend indirectement de l'allégement de la soif, et d'un tout englobant de l'immobilité.

    Interpénétration:

    Le Avatamsaka Sutra est à la base de cette conviction. Cela consiste à dire que l'ensemble des phénomènes se passant dans le monde sont liés les uns avec les autres. Le bouddhisme a utilisé deux images pour illustrer cette conviction. La première est que les bijoux sont une propriété extraordinaire, c’est qu’ils reflètent tous les autres bijoux. L'autre est que le monde est un texte composé de plusieurs autres textes élémentaires pouvant le modifier à tout moment.

    Éthique:

    Les principaux éthiques du bouddhisme sont les huit principes (ou les huit pas) que tout disciple se doit de respecter: 
    - Le discours droit .
    - Les actions droites.
    - La vie droite.
    - L’effort droit.
    - La conscience droite.
    - La concentration droite.
    - La réflexion droite.
    - La compréhension droite.

    Selon le bouddhisme, la raison d'être et le seul moyen de mener une vie significative est d'avoir l'éthique. Une personne devrait toujours tendre vers le bien-être et pas seulement du sien, mais aussi de tous les êtres vivants. Cela contribuera à la cessation de la souffrance, qui est malheureusement largement répandue dans ce monde.


    votre commentaire

  • Introduction

    L'émergence de la population tibétaine remonte au 5ème siècle avant J-C, dans des régions s'étendant entre l'Himalaya et le Transhimalaya. Dans cette société, un roi faisait office de représentant divin auprès de ses sujets : responsable du culte et des rituels, il assurait la prospérité à son peuple. A ses côtés officiaient également des chefs religieux, provenant des différents clans du pays. Dans les temps les plus anciens, l'ancien roi était tué et offert en sacrifice aux dieux au moment de l'accession au pouvoir du nouveau monarque.

    Vers l'an 640 de notre ère, les premiers missionnaires bouddhistes entrèrent au Tibet, en provenance d'Inde ou de Chine. Les classes les plus aisées adoptèrent alors cette nouvelle religion, avant que ce phénomène ne gagne l'ensemble de la société tibétaine. En 791, le bouddhisme Mahayana est déclaré religion d'état par un arrêté royal. Les rois étaient alors considérés comme les grands frères de Bouddha. Plusieurs monastères furent alors créés pour centraliser les pouvoirs spirituel, religieux, culturel et politique. Ces monastères fondèrent autour d'eux des écoles tantriques dites de la Sagesse de la Vie. Leurs directeurs étaient appelés Lama et désignaient comme chefs un Dalaï-Lama ainsi qu'un Panchen-Lama.
    Dès lors, les moines vivent chichement, respectant leurs vœux de piété et d'ascétisme. Mais certains d'entre eux s'accordent le loisir de se marier et de fonder une famille.

    Depuis 1950, le Tibet est une province chinoise prisonnière de la répression du Parti Communiste Chinoise pour sa volonté identitaire et culturelle.

    Les Débuts du Monde : plusieurs récits sur la Création

    1. Au commencement, était un gigantesque œuf d'oiseau. A l'intérieur de cet œuf étaient renfermés les 5 éléments naturels : eau, terre, feu, air, esprit. Puis un jour, la coquille de cet œuf se brisa. La coquille devint ce que les dieux appelleront leurs pierres blanches sacrées. Le jaune d'œuf se transforma en les 6 essences vitales originelles. L'œuf était divisé en 18 couches séparées l'une de l'autre par une fine couche de cartilage qui renfermait les 5 sens et les 4 membres de l'être humain. Une fois l'œuf éclos, ce cartilage se libéra et forma le premier enfant humain, Yesmon, à la fois d'une innocence pure et d'une beauté céleste. Tous les humains descendent de cet enfant sacré.

    2. Au commencement, il n'y avait qu'un seul et unique être vivant. C'était d'ailleurs plus un principe originel qu'un être fait de chair et sang. Par sa pensée, il créa la lumière blanche. Cette lumière blanche, qui irradiait tout l'univers, engendra un œuf d'oiseau. Cet œuf avait reçu le don de mouvance par le créateur originel, si bien qu'il pouvait voler. Il avait également reçu le don de la parole. Après 5 mois de gestation, la coquille se brisa et un humain (homme ou femme ? La mythologie tibétaine reste volontairement évasive à ce sujet) en sortit. Cet humain reçut comme cadeaux la liberté et l'affranchissement, si bien qu'il se donna lui-même un nom, Ston, et prit en main son destin : il créa la mer à partir du blanc de l'œuf dont il était issu et la terre à partir du jaune. Il s'assit dès lors sur un trône doré dominant le monde qu'il venait de créer et engendra la race des humains. Il organisa les codes sociaux, les rites religieux, enfanta la culture et offrit tous ces biens à sa descendance, désormais heureuse et prospère.

    3. Au commencement était l'Océan, grande étendue d'eau qui remplissait la totalité de l'univers. Sur cet océan nageait la Tortue, animal symbolisant la sagesse des premiers âges. Un jour, elle plongea jusqu'au fond de l'océan et rapporta la boue jusqu'à la surface de l'eau. Cette boue forma alors une île qui ne cessait de grandir sur la carapace de l'animal. La partie la plus ancienne et la plus haute de cette île, qui n'était autre que notre monde, formait les chaînes de l'Himalaya, au centre du monde. La Tortue, sur les conseils de Ston, créa alors successivement les plantes, les arbres, les animaux et les humains.

    4. Au commencement était un œuf gigantesque rouge. Cet œuf se brisa et engendra le vent. Puis apparut un œuf noir qui engendra le feu. Puis apparut un œuf bleu qui engendra l'eau des océans; puis un œuf jaune qui donna naissance à la terre. Enfin apparut un œuf blanc qui engendra un arc-en-ciel, symbolisant les forces de l'esprit. A partir de ces 5 œufs primordiaux naquit l'ensemble de l'univers.

    Terre, Paradis et Enfer

    L'île sur le dos de la Tortue n'a cessé de s'étendre jusqu'à former le monde tel que les Tibétains se le représentaient. Au milieu de cette terre se trouve le pays appelé Tibet (comme par hasard !). Puis la Tortue engendra le Taureau, dont la vigueur était indispensable pour succéder à la Tortue dans la tâche de soutenir le monde. La Tortue prit dès lors sa retraite en faveur de l'animal noir aux yeux si écarlates et enflammés qu'il pouvait chasser les démons par son regard. ( C'est la raison pour laquelle le yak est un animal sacré au Tibet ). On ne sait pas si la Tortue est encore vivante...

    Au-dessus se dresse la voûte céleste, siège du Paradis, qui prend la forme d'une grande roue à 8 rayons. Au Paradis, vivent les dieux ainsi que les âmes des guerriers tombés aux combats ou de ceux qui ont respecté les 10 vertus ultimes tout au long de leur vie. Entre la Terre et le Paradis s'érige la Colonne du Paradis, qui relie les deux mondes. Parfois, certains dieux empruntent cette colonne pour descendre sur Terre et aider les humains, ils deviennent alors les rois du Tibet. Une fois son devoir accompli, le roi est sacrifié par ses prêtres afin qu'il puisse retourner au paradis.

    La voûte céleste revêt la forme d'une toile de tente gigantesque sur laquelle les étoiles sont clouées. Le Soleil s'y déplace sur son char sacré, tiré par 7 destriers sacrés. Peu à peu émergea un dieu plus puissant que les autres, Gnam : il se chargera de veiller sur les velléités des démons à envahir le monde des humains. Protecteur, il prodigue les biens matériels aux humains : il leur enseigna l'agriculture, offre la pluie bienfaitrice pour les récoltes, fait pousser les plantes. Il était particulièrement vénéré et fêté, on lui vouait des sacrifices de chevaux et d'ânes.

    L'Enfer apparut après que la foudre, née du feu issu d'un des 5 œufs primordiaux, eût violemment frappé la terre et y ouvrit une crevasse insondable. L'Enfer fut rapidement squatté par des âmes impures qui y édifièrent un sanctuaire pour leurs semblables. L'Enfer était divisé en plusieurs parties : il y avait 8 enfers chauds et 8 enfers froids. Le plus terrible des démons était le Chien Divin, qui ôtait la vie aux nouveaux-nés. Beaucoup de démons prennent la forme d'animaux volants qui venaient sucer le sang des dormeurs, une fois la nuit venue. Les démons des eaux étaient les plus craints car les plus cruels. Enfin, brossons un portrait plus détaillé du plus célèbre d'entre eux : le Yéti.

    Les Népalais l'appellent plutôt Rakshasa, ce qui signifie demon en Sanskrit. On en retrouve la première trace dans le fameux poème Rama et Sita, datant du quatrième siècle avant notre ère. En langue tibétaine, le mot Yéti signifie " créature magique ". les Tibétains en distinguaient en fait trois espèces :
    - les Rimis, d'une hauteur de 2,50 m environ ;
    - les Nyalmot, d'une hauteur approximative de 4,50 m ;
    - les Raksi-Bombo, ne culminant qu'à 1,50 m du sol.

    Tous revêtent à peu près le même aspect : leur fourrure très fournie arbore différentes teintes de gris pouvant tirer au roux, ils exhalent une odeur pestilentielle et possèdent une force hors du commun. Ils émettent la plupart du temps un râle d'animal pacifique mais peuvent parfois rugir tels des lions. Il est également dit qu'ils supportent très mal l'alcool dont ils sont pourtant friands. Quant a leur origine, on dit parfois qu'il s'agit des derniers descendants du peuple ancien des A-O-Re, retiré dans les hautes montagnes pour échapper à leurs ennemis. La terminologie " Abominable Homme des Neiges " provient des journaux à sensation anglo-saxons, pressés par leur direction de souligner les hauts faits d'armes des premiers vainqueurs des hautes cimes de l'Himalaya.

    La sexualisation des humains

    Au début, il n'y avait pas de différenciation sexuelle entre les humains : il y avait des humains, certes, mais pas d'hommes ni de femmes. D'une beauté resplendissante, ils rayonnaient d'une lumière douce et étaient immortels. Mais le cinquième élément ne tarda pas à diffuser dans le cœur des humains ce qui sera à la fois le plus beau des présents et le plus terrible des fardeaux : l'émotion et la passion. Dévoré par cet afflux soudain, leur corps se dégrada et devint mortel. Afin de perpétuer leur espèce, les humains se partagèrent en deux camps : les hommes et les femmes. Désormais le monde des humains sera ravagé par les inégalités, parfois justes, parfois injustes : il y aura des riches et des pauvres, des heureux et des malheureux,... Mais surtout, le monde des humains connut désormais la guerre, les querelles et les bas instincts.

    De crainte de voir l'humanité dépérir devant l'accumulation des pêchés, une liste de 10 vertus fut dressée afin que chacun puisse retrouver la paix intérieure et la voie vers les dieux :
    - la vénération des dieux
    - l'hospitalité
    - le respect de la hiérarchie
    - la justice
    - le partage
    - le respect des morts
    - le silence
    - la tempérance
    - l'ascétisme
    - la foi
    Ce n'est qu'en suivant ces préceptes que tout humain peut espérer retrouver la félicité du temps où ils étaient les enfants des dieux.


    votre commentaire

  • LE SHINTO Un phénomène purement japonais

    Si l'adhésion à une religion consiste à se reconnaître comme créature de Dieu, on peut dire qu'être shintoïste c'est se sentir membre de la communauté japonaise.

    Rares sont les mouvements d'inspiration philosophique ou religieuse qui soient aussi nettement et exclusivement rattachés à un peuple que le shinto.

    Le shinto est avant tout l'expression profonde de la culture ancienne des Japonais. Il peut à cet égard se comparer à beaucoup de religions animistes d'Afrique Noire dont les pratiques sont limitées à une ethnie déterminée.

    Bien sûr, la force du Shinto est d'être celle d'un peuple particulièrement développé de plus de 100 millions d'âmes, mais, considéré sous l'angle philosophique ou religieux, le Shinto laisse perplexe.

    Son origine remonte au fond des âges, et il s'apparente plutôt aux religions animistes des anciennes populations sibériennes.

    Le shinto considère comme divins aussi bien des forces de la nature que des animaux ou des hommes célèbres. Ces divinités s'appellent " kami" en japonais et leur équivalent chinois est shin. " To" ou " do" signifie "voie" ou "méthode" en sino-japonais. Ainsi " shinto" est littéralement la "voie des divinités" La plus importante divinité est le soleil qui, entre autres vertus, protège contre les invasions. On peut donc dire que le drapeau du Japon est un symbole shinto. Le nom du pays lui-même, Nippon, s'écrit avec deux caractères chinois : "ni", "soleil" et "pan", "racine" d'où la traduction d'Empire du Soleil Levant. Japon est tiré de la prononciation chinoise des mêmes caractères, Je-ben. Cependant le soleil n'a pas un rôle hiérarchique parmi les divinités shinto: chacune a sa place. Les kami inspirent le plus souvent une crainte respectueuse. On trouve parmi eux des montagnes, des animaux comme le tigre, le serpent ou le loup ; et l'empereur lui-même. Un ministre impérial du IXø siècle est le kami de la calligraphie. Il y aurait huit cent millions de kami et le Japon a pour surnom Shinkoku, "le pays des divinités".

    Le shinto ne connaît pas de Dieu suprême et le ciel, contrairement aux croyances chinoises, n'est pas une divinité mais le séjour des kami. Les kami sont supposés intrinsèquement bons mais on trouve de nom- breuses exceptions. On prie les kami en diverses occasions: pour obtenir la pluie ou de bonnes récoltes, pour le couronnement de l'empereur etc...

    En fait, le shinto ne comporte pas de doctrine établie mais il constitue un ensemble de pratiques qui, à l'origine variaient sensiblement d'un village à l'autre '


    L'évolution historique du shinto

    Jusqu'aux premiers contacts du Japon avec la civilisation chinoise, vers le Ve siècle de notre ère, le shinto n'était que cet ensemble de croyances, de mythes et de pratiques. C'était une sorte d'animisme polythéiste qui rap- pelle, par le fouillis de ses divinités, aussi bien certaines religions antiques que l'animisme d'Afrique Noire.

    A cette époque, le Japon ne connaissait pratiquement ni l'écriture, ni la peinture ou la sculpture, ce qui explique peut-être l'absence d'idoles.

    La Chine, en introduisant le bouddhisme au Japon en 552, provoqua un double effet: d'une part un certain amalgame des pratiques shintoïstes et bouddhistes et d'autre part une réaction de défense, de nature quelque peu nationaliste, en faveur du Shinto. Celui-ci en vînt donc à s'organiser vers le VIIIe siècle, les mythes s'unifièrent et les kami tutélaires des différents clans ou villages furent promus à une dignité nationale.

    Ce mouvement destiné à renforcer le gouvernement impérial s'accompa- gna d'un effort pour écrire ces antiques traditions et constituer une mytholo- gie, un sacerdoce et des rites "officiels". Il s'en suivit également une prolifération de temples.

    Toute l'histoire religieuse du Japon fut dès lors une succession de mouve- ments contradictoires tantôt en faveur du bouddhisme, tantôt du shintoïsme.

    Ainsi, malgré une tendance très constante à mélanger ces deux religions dans un syncrétisme mal défini, on peut noter des réactions de défense du Shinto vers le XIIIe et le XVIIIe siècle. A cette dernière période, le bouddhisme était religion d'Etat et le Shinto apparaissait, en quelque sorte, comme une fronde contre le pouvoir central.

    A l'époque Meiji, en 1868, quand le Japon s'ouvrit à la civilisation occidentale, le gouvernement imposa la séparation entre Shinto et Boud- dhisme. Les bonzes ne purent plus célébrer dans les temples shinto et la lecture des textes bouddhistes y fut interdite.

    Le Shinto prend alors quatre formes distinctes:

    • Le Shinto de la Maison Impériale, comprenant un rite d'adoration de la déesse du soleil, Amaterasu o Mikami. Ce culte jadis public est, de nos jours strictement privé.
    • Le shinto des temples. Ce sont les rites pratiqués dans les milliers de temples japonais, réunis dans une association, Jinja honcho.L'ensemble de ces deux shinto constitue ce qu'on appelle le shinto de l'Etat, créé au début de l'êre Meiji et qui a duré jusqu'à la fin de la deuxième guerre mondiale. C'était une institution destinée, en fait, à renforcer l'iden- tité japonaise et la dévotion envers l'empereur.
    • Le shinto des sectes est une somme de mouvements divers, nés au XIXeme siècle. Le plus connu d'entre eux, le Tenrikyo, a été fondé par une femme en 1838 et compte plus de trois millions d'adeptes. Nous en dirons quelques mots ultérieurement.
    • Le shinto populaire enfin, qui est une religiosité diffuse mais comporte parfois des pratiques magiques. Les quatre formes de shinto se mélangent selon l'univers culturel de chaque Japonais et constituent la base du système de valeurs du pays. C'est pourquoi le shinto est devenu le lieu privilégié du particularisme et donc du nationalisme japonais. Seul le shinto pouvait conférer à l'empereur le caractère divin qui favorisait les visées de l'impérialisme japonais. La défaite de 1945 impliquait de réduire l'influence de cet appareil shinto développé depuis Meiji. L'empereur Hiro-Hito accepta de limiter le shinto au rôle d'une organisation religieuse comme les autres. Il expliqua lui-même que l'attachement à son peuple ne dépendait pas de la croyance de ses sujets en sa divinité et il supprima les subventions du gouvernement aux temples shinto. La ferveur des shintoïstes à l'égard de l'empereur n'en a pas été affectée et les temples sont toujours aussi prospères aujourd'hui.

     



    La pratique du shinto

    C'est beaucoup plus la vie sociale que la vie personnelle des Japonais qui est imprégnée de shinto. Cette religion de la communion avec la nature, où tout est sacré, les astres, les riviéres, les ancêtres, les hommes célèbres est présente dans toutes les traditions japonaises. Dans le sumo, lutte où s'affrontent deux colosses quasi-nus qui cherchent à se pousser hors d'un cercle, le sport est presque secondaire par rapport aux rites: les lutteurs jettent une poignée de sel pour purifier l'arène, ils se balancent d'un pied sur l'autre pour écraser les forces du mal, quant à l'arbitre, issu d'une famille spécialisée dans cette fonction, il est vêtu comme un prêtre shinto.

    Le théâtre Nô, codifié au XVeme siècle, n'est que la récitation de légendes épiques d'inspiration shinto. L'ikebana lui-même, l'arrangement floral, est interprété en termes de shinto : les fleurs doivent marquer par leur disposition les trois plans du ciel, de l'homme et de la terre. L'ikebana peut aussi s'interpréter en termes de méditation bouddhiste. Le bain en commun, o-furo, qui était mixte jusqu'à ce que l'occupant américain s'en offusque en 1945, est aussi perçu comme un rite de communion avec la nature .

    De nos jours, la pratique du shinto n'implique aucune croyance parti- culière. Les Japonais ne gardent que bien peu de superstition pour les kami et ils ne recherchent aucune justification rationnelle du shinto. Cependant, c'est pour eux l'expression de leur adhésion à la communauté nationale et la participation aux cérémonies shinto du sanctuaire de leur village ou de leur quartier marque leur volonté de maintenir l'harmonie de la vie de la nation.

    Les Japonais célèbrent en rite shinto les évènements marquants de la vie des individus, de la communauté ou de la nation. Il s'agit de fêtes, dites matsuri, où l'on se réjouit simplement de l'existence. On cherche à avoir le coeur pur, on exhale sa gratitude pour ce que le monde a d'agréable et l'on souhaite que le bonheur soit préservé.

    Rien n'est attendu d'une vie future. La mort est vécue comme une tragédie et c'est un rite bouddhiste, plus consolant, qui s'en occupe.En revanche, l'ambiance de réjouissance qui est celle des cérémonies shinto est bien adaptée aux naissances et aux mariages. 90 % des mariages aponais sont célébrés selon le rite shinto ; le symbole principal de l'union des époux consiste à boire trois fois dans la même coupe de saké. Cependant le banquet traditionnel où l'on invite famille et collègues de bureau coûte une fortune, aussi de nombreux jeunes ménages préfèrent-ils la mode des mariages à l'étranger, selon n'importe quel rite. C'est moins cher et le voyage de noces est compris. Les familles retrouvent volontiers le temple shinto le dimanche ; c'est un plaisir que de se promener dans ses jardins en accomplissant les rites de purification: on y boit l'eau de fontaines sacrées dans des gobelets en bois fixés à l'extrémité de longues tiges. Une autre expression du shintoïsme est ce que les occidentaux appellent faute de mieux les festivals, les "matsuri". Ils sont une occasion d'inviter les ancêtres défunts aux joies de la terre et de les y faire participer par l'esprit.

    Cependant il n'y a pas de véritable culte des ancêtres shinto ; ce qui existe dans ce domaine relève du confucianisme, c'est-à-dire de la culture chinoise.

    Le shinto connaît de nombreux pélerinages, souvent en montagne, siège des kami. La morale, très simple, consiste à éviter les gros péchés : mensonge, meurtre, adultère etc...

    Par sa nature même, le shinto n'est nullement incompatible avec d'autres religions, puisqu'il n'est lui-même pas religieux. Durant toute son histoire, il s'est accommode du bouddhisme et du confucianisme et ne se pose pas davantage de problèmes aujourd'hui face au christianisme. La vie moderne l'a encore plus dépouillé de son contenu surnaturel, mais le shinto reste un extraordinaire ciment de l'unité de la nation japonaise.

    On peut trouver surprenant qu'une "religion" très primitive comme le shinto ait cependant survécu dans une civilisation aussi techniquement avancée que celle du Japon. Le shinto, par l'univers qu'il imagine, était déjà très en arrière de l'évolution technique du Japon d'avant le bouddhisme. A cette époque, l'agriculture et la structure sociale du Japon étaient arrivées à un niveau qu'on peut juger, de l'extérieur, très supérieur à l'état de spiritualité qu'exprime le shinto.

    Un parallèle intéressant peut être fait avec l'écriture japonaise qui est à la fois primitive et compliquée. Elle pourrait être sans difficulté remplacée par l'alphabet latin, infiniment plus performant et bien adapté à la phonétique japonaise. Les Japonais préfèrent toutefois garder un système archaïque qui est le leur pour défendre leur personnalité. Le shinto procède de cet esprit.

    Toutefois la mentalité shintoïste s'adapte bien à la société moderne qu'elle contribue à modeler et développer: le goût de la nature favorise les mouvements écologiques, le besoin de renouveau perpétuel encourage la société de consommation et le souci de la beauté n'est pas sans effet sur le "design" et la beauté des produits japonais.


    votre commentaire


    Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique
    Suivre le flux RSS des commentaires de cette rubrique