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    Construction des temples et basiliques romains.

     

    La construction des premiers édifices sacrés se faisait selon des principes d'orientation rigoureux dont les dieux ou leurs Maîtres d'oeuvre sur Terre étaient les gardiens.

    • Une fois le site choisi, le Maître d'oeuvre plantait un mât dans le sol symbolisant l'axe vertical du lieu. À partir du pied du mât, il traçait un cercle qui représentait l'horizon.
    • Au lever et au coucher du soleil, le mât projetait deux ombres sur le sol qui coupaient le cercle en deux points. Ces points déterminent un axe orienté est-ouest et appelé “decumanus”. Le tracé de cet axe dépend de la date du relevé du lever et du coucher du soleil qui signe la dédicace de l'édifice.
    • Lorsque le soleil était à son zénith, l'ombre du mât dessinait un deuxième axe sur le sol. Orienté sud-nord, il est perpendiculaire au premier et dénommé “cardo”.
    • La dernière opération consistait théoriquement à relever un deuxième “decumanus” correspondant aux lever et coucher du soleil six mois plus tard. Pratiquement, il suffisait de tracer les symétriques des extrémités du premier “decumanus” par rapport au centre du cercle. Ces deux “decumanus” constituaient deux des côtés parallèles d'un rectangle inscrit dans le cercle. Ses sommets ont dû servir de repères pour la construction de l'édifice.

    La détermination de ce rectangle est en relation avec le mouvement du soleil levant ou couchant le long de l'horizon au cours de l'année.

    Le soleil levant se déplace le long de l'horizon approximativement du sud-est au nord-est entre les solstices d'hiver et d'été et inversement entre les solstices d'été et d'hiver. Le soleil ne se lève précisément à l'est qu'aux équinoxes de printemps et d'automne.

    De même, le soleil couchant se déplace du sud-ouest au nord-ouest entre les solstices d'hiver et d'été et inversement. Le soleil ne se couche exactement à l'ouest qu'aux équinoxes.

    Il s'ensuit que les quatre points associés au lever et au coucher du soleil aux solstices dessinent un rectangle dit “solsticial”. Les dimensions relatives de ses côtés sont fonction de la latitude du lieu de construction (voir plus bas).

    Pour un site donné, le rectangle devient de plus en plus “étroit” au fur et à mesure que la date du relevé s'écarte des solstices et se rapproche des équinoxes.

    Exemple : le temple romain de Janus.

    Situé au nord du Forum de Rome, le temple de Janus a aujourd'hui disparu. À défaut d'autres sources, nous nous en tiendrons à la représentation figurant sur d'anciennes pièces de monnaie romaine. Frappées notamment sous Néron, elles montrent le temple sous ses deux faces. La représentation est conforme à la description de l'historien byzantin du VIe siècle, Procope, dans le “Livre des guerres (la guerre des Goths)”:

    “C'est un édifice rectangulaire formé de deux murs longitudinaux surmontés d'une grille; aux quatre coins, une colonne cantonne ce rectangle dont les petits côtés sont entièrement occupés chacun par un portail en plein cintre orné de guirlandes. L'ensemble est à ciel ouvert...Le temple est...juste assez grand pour abriter la statue du dieu, de cinq coudées sur huit, de forme humaine, mais avec deux faces tournées vers l'est et vers l'ouest...Des portes de bronze s'ouvrent en face de chacun des deux visages de la statue.
    ”Les représentations sur les pièces anciennes nous donnent un rapport entre le grand et le petit côté du temple de l'ordre de 1,5 proche du rapport des dimensions de la statue égal à 8/5 = 1,6. Or, ce rapport correspond à celui du “rectangle solsticial“, déterminé à partir de la position du soleil levant et couchant aux solstices et fonction de la latitude de la localisation du temple (φ = 41,88°). En conséquence, les proportions du temple concordent avec celles du rectangle “solsticial” qui a vraisemblablement servi de base pour sa construction. Il s'ensuit que tout être se tenant au milieu du temple pouvait, chaque jour de l'année, voir le soleil se lever ou se coucher entre les colonnes lorsque les portes faisant face à l'est ou à l'ouest étaient ouvertes. Tel était le cas de la statue du Janus bifrons (de “janua” qui signifie porte) se tenant au centre du temple.

    Janus, le dieu à double visage, voit, à la fois, la source de lumière s'élever vers l'illumination et disparaître dans les ténèbres et ses mystères. Deux aspects indissociables d'un même cycle journalier semblable aux deux phases du cycle annuel du soleil à son zénith avec son ascension dans la ciel entre les solstices d'hiver et d'été et sa descente entre les solstices d'été et d'hiver. Un mouvement apparent décrit par l'arc en plein cintre surmontant les colonnes encadrant chacune des deux portes. Ces symboles font de Janus le gardien des Portes solsticiales qui donnent accès aux Mystères:

    La Porte associée au solstice d'été et au sud donne accès aux petits mystères qui consistent en une ré-génération psychique complète produisant un individu (“individuum” ou indivisible), c'est-à-dire centré en lui-même et non plus dispersé aux quatre coins de son existence. Cette porte ouvre la voie à l'état proprement humain.

    Toutefois, l'être qui n'est pas parvenu à réaliser la plénitude de l'état humain passera la porte dans l'autre sens et retournera à l'état d'être ordinaire associé à la phase descendante du soleil avant de pouvoir entreprendre une nouvelle ascension. Il restera prisonnier du mouvement cyclique fait de “hauts” et de “bas” tant qu'il n'aura pas réalisé l'intégralité des états humains.

    La Porte en relation avec le solstice d'hiver, le nord et la phase ascendante du soleil donne accès aux grands mystères qui mènent l'individu de l'état humain à l'état supra-humain ou spirituel pour en faire un être total. Le centre de l'individu se fond alors dans le Centre du Monde, résidence de l'Un.

    L'être qui franchit cette Porte la passe définitivement, sans retour en arrière possible. Il quitte à jamais le monde cyclique et rejoint le Centre immobile du Monde.

    Les portes d'accès au temple et les Portes d'accès aux Mystères sont reliées respectivement aux mondes terrestre et céleste:

    • Les portes d'accès au temple sont associées au lever et coucher du soleil le long de l'horizon;
    • Les Portes d'accès aux Mystères sont en relation avec les phases ascendante et descendante du soleil à son zénith dans le ciel.

    Les portes associées aux équinoxes (est ouest) et les Portes en relation avec les solstices (sud nord) sont parfois représentées par un Janus quadrifrons comme dans l'Arc de Janus à Rome.

    Ce lien architectural entre les mondes terrestre et céleste, symbolisés par les axes équinoxial et solsticial, préfigure la croix qui servira de base à la construction des premières basiliques et des édifices religieux ultérieurs. À noter que l'accès à ces édifices se fera selon l'axe extérieur et terrestre est-ouest tandis que l'accès aux Mystères sera réservé à l'axe intérieur et céleste sud-nord.

    La basilique romaine.

    Les premières basiliques chrétiennes datent du IVe siècle et leur structure a dû s'inspirer du modèle civil de la vaste basilique romaine, à la fois tribunal et centre d'affaires. Son plan rectangulaire est semblable à celui du temple.

    Il est possible de se faire une idée de la plus ancienne église chrétienne de Rome, la basilique de Latran, grâce à une fresque antérieure à son remaniement au XVIIe siècle. La reconstitution du plan de l'ancienne basilique est présentée ci-dessous:

     

     

    1. Nef;
    2. Bas-côté;
    3. Transept;
    4. Abside.

    Les dimensions du rectangle constitué de la nef (1) et des bas-côtés (2) sont dans un rapport approximatif de 1,4, c'est-à-dire du même ordre de grandeur que celui des côtés du temple de Janus. Prolongé jusqu'aux limites de l'abside, le rectangle reproduit exactement le rectangle solsticial.

    Il n'est pas surprenant dès lors que la basilique soit dédiée aux deux Saint-Jean: Jean le Baptiste fêté le 24 juin et Jean l'Évangéliste fêté le 27 décembre. Ce n'est par hasard que la première basilique chrétienne en appelle à deux saints célébrés aux solstices. La référence à Janus et à son symbolisme est patente.

    Bien que l'entrée principale de la basilique de Latran actuelle soit encadrée par deux énormes colonnes de chaque côté, nous n'avons pas de représentation de la façade frontale de l'ancien édifice. Néanmoins, il existe une reconstitution imagée (d'après K.J. Conant) de la première basilique Saint Pierre, presque aussi ancienne que la basilique de Latran. Elle se présente sous laforme du plan rectangulaire suivant:

     

     

    1. Nef;
    2. Bas-côté;
    3. Transept;
    4. Abside;
    5. Narthex;
    6. Atrium.

    L'ancienne basilique Saint Pierre a pu être construite selon un plan conforme à celui des anciennes basiliques civiles qui se limitait à une base rectangulaire réduite à la nef (1) et aux bas-côtés (2). Or, le rapport des dimensions de ce rectangle est du même ordre de grandeur que le rapport correspondant de la basilique de Latran. De plus, le plan ci-dessus (tout comme une représentation en trois dimensions) montre une façade frontale ornée de quatre colonnes.

    Les quatre sommets du rectangle à la base de construction de l'édifice étaient repérés par des poteaux préfigurant les futures colonnes. Cela est patent dans le cas du temple de Janus offrant deux ouvertures: l'une à l'est, l'autre à l'ouest. Dans le cas des basiliques où l'entrée ne se fait plus que par l'ouest, les colonnes situées à l'est n'avaient plus de raison d'être. Dès lors, les colonnes associées à l'ouverture orientale ont été jumelées avec celles de l'ouverture occidentale pour rappeler aux fidèles la signification des portes.


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    L'Oeuf du Monde, symbole du Principe à la source de la manifestation, est commun à nombre de traditions. En particulier, dans les traditions égyptienne et celtique, un serpent enroulé autour de l'Oeuf offre, comme nous allons le voir, une représentation de la double spirale.

    Les anneaux du serpent représentent l'ensemble des cycles de la manifestation universelle. Chaque cycle reflète un état de manifestation ou l'une de ses modalités. La fin d'un cycle coïncide avec le début du suivant, c'est-à-dire que la mort d'un cycle survient toujours avec la naissance d'un autre. En conséquence, les changements dans les états manifestés peuvent être mesurés le long d'un axe vertical qui traverse chaque anneau ou cycle en son centre, là où tous les aspects propres à l'état considéré sont en parfait équilibre, en parfaite harmonie. Cet axe, appelé Axe du Monde, symbolise la direction de la manifestation de l'Être ou de l'Unité Primordiale.

    Tous les états de manifestation ou cycles proviennent du Principe indifférencié et y retournent après leur plein développement. En conséquence, ils se présentent comme sur le diagramme illustrant cet article où chaque cycle est généré et absorbé par le point principiel situé au centre d'une sphère (en pointillés). En effet, l'Unité Primordiale contient tout en principe et ne peut devenir autre chose qu'elle-même car cela impliquerait une dualité du Tout.

    Selon ce diagramme, deux mouvements inverses ont lieu. Les cycles peuvent soit se répandre à partir du point principiel intérieur vers la surface extérieure de la sphère soit se contracter de la surface extérieure au centre intérieur ou point principiel. En fait, les deux mouvements reflètent deux aspects d'une unique force liée à l'être

    • Le point de vue métaphysique ou la sortie du monde non manifesté vers le monde manifesté qui correspond à une corporification de l'Esprit.
    • Le point de vue cosmologique du retour du monde manifesté vers le monde non manifesté qui exprime une spiritualisation du corps.

    Ce mouvement alternatif de la mort d'un monde et de la re-naissance d'un autre, au sens très large des termes, correspond aux processus de “condensation-dissipation” de la tradition taoïste ou aux opérations de “coagulation-dissolution” propres à la tradition hermétique.

    Une telle force peut être comparée, au niveau de l'individu, aux deux phases de la respiration (expiration-inspiration) ou de la pulsation cardiaque (diastole-systole). Au plan du monde cosmique, les couples évolution-involution et développement-enveloppement ont le même sens. En effet, le macrocosme et le microcosme se reflètent l'un l'autre et tout ce qui se trouve dans l'univers se retrouve dans l'être humain en fonction d'une analogie appropriée. Cependant, la force unique se rapporte au symbolisme de l'Oeuf du Monde qui concerne principalement le macrocosme ou le monde cosmique et sera dénommée par la suite force cosmique.

    Polarisation de la force cosmique

    Dans les différentes formes traditionnelles, la sortie dans le monde manifesté s'opère généralement sous l'influence ou l'attraction terrestre et le retour vers le Principe indifférencié sous l'influence ou l'attraction céleste. Aussi, l'Oeuf du Monde est-il souvent scindé en deux moitiés représentant ce que la tradition chinoise dénomme le Ciel et la Terre. Et les deux courants inverses de la force cosmique peuvent être symbolisés par un unique serpent enveloppant l'oeuf, appelé amphisbène, pourvu d'une tête à chacune des extrémités, elles-mêmes enroulées dans des sens opposés. Les deux têtes correspondent aux pôles céleste et terrestre de la force cosmique.

    Comme le Ciel est généralement associé à la lumière (yang) et la Terre à l'obscurité (yin), les deux hémisphères de l'oeuf peuvent être distingués par leur couleur blanche et noire. Coupées le long de leur ligne de démarcation, les deux moitiés peuvent être déposées sur leur surface plane, l'une à côté de l'autre, reliées uniquement par l'enroulement extérieur ou cyclique. Les deux hémisphères fournissent alors une image de la double spirale qui reflète le rythme alternatif de la manifestation composé de deux phases. Un mouvement descendant du Ciel vers la Terre ou de la mort de l'Esprit à la vie corporelle et un mouvement ascendant de la Terre au Ciel ou d'une mort corporelle symbolique à une re-naissance spirituelle. Les deux points autour desquels la double spirale s'enroule sont bien entendu les deux pôles. Voir le diagramme ci-dessous.

    La double spirale fournit une représentation de la force cosmique unique agissant dans des directions opposées sur les deux pôles. Tout cela est en étroite relation avec les deux sens de rotation du swastika qui montrent une même révolution vue du pôle céleste ou terrestre. Comme l'influence combinée du Ciel et de la Terre s'exerce dans des sens opposés, chaque opération de “dissipation” ou de “dissolution” à l'un des pôles s'allie avec une opération de “condensation” ou de “coagulation” à l'autre pôle afin de maintenir un équilibre d'ensemble. 

    La double influence du Ciel et de la Terre ne traduit rien d'autre que la complémentarité du yin et du yang, respectivement associés aux phases descendante et ascendante. Il est aisé de voir, qu'au sein du symbole yin-yang, la double spirale correspond à la ligne de démarcation entre les zones claire et sombre. De plus, le point noir dans la partie blanche ainsi que le point blanc dans la partie noire représentent les deux pôles.

    Le rythme alternatif du yin et du yang, des phases descendante et ascendante, de la sortie et du retour peuvent difficilement être mieux décrites que dans le symbole du yin-yang. L'ordre des deux phases dépend de l'état pris en compte comme point de départ.

    Partir d'un état non manifesté et se mouvoir vers un état manifesté signifie que le yin vient en premier; le yang suivra lors du retour vers le non manifesté. Cela explique pourquoi le pôle à l'intérieur de la partie sombre du symbole est représenté par un point blanc.

    Inversement, lorsque l'état manifesté constitue le point de départ en direction du non manifesté, le yang doit prévaloir et le yin être associé à un mouvement ultérieur vers un autre état manifesté comme l'indique le pôle noir au sein de la partie blanche.

    En conséquence, le yang est présent dans la phase descendante qui est yin; de même, le yin ne peut être omis dans la phase ascendante qui est yang. Même distinguées, les deux phases descendante et ascendante agissent de concert. Il n'y a pas de yin sans yang ni de yang sans yin. Exprimé autrement, les dix mille êtres, symbolisant la manifestation universelle, sont modifiés par le yin et le yang, depuis leur apparition dans le manifesté jusqu'à leur retour dans le monde non manifesté.

    Séparaion des courants de la force cosmique

    Lorsque les deux courants inverses de la force cosmique sont non seulement distingués comme dans l'amphisbène, mais également séparés, ils peuvent être représentés sous la forme de deux serpents enroulés dans des sens opposés autour d'un axe commun comme dans le caducée.

    La légende dit que Hermès (Mercure en latin) vit deux serpents se battre (image du chaos originel) et qu'il les sépara (scission des opposés) avec un bâton (axe le long duquel le chaos va s'ordonner et devenir le cosmos). Puis, les deux serpents s'enroulèrent autour du bâton dans des sens opposés (équilibre de deux forces opposées opérant symétriquement par rapport à l'Axe du Monde). Le caducée est un attribut caractérisant les deux fonctions d'Hermès: le messager des dieux associé à la phase descendante et le psychopompe transportant les humains d'un état d'être à un autre au cours de la phase ascendante.

    En tant qu'emblème médical, le caducée fait référence aux deux aspects de la force cosmique représentés par les deux serpents reliés aux phases descendante et ascendante. Ainsi, la médecine hermétique se fonde sur les opérations de “coagulation” et de “dissolution”. Dans la médecine chinoise, la “condensation” et la “dissipation”, liées aux forces du yin et du yang, jouent un rôle similaire.

    Représenté par un unique serpent enroulé autour du bâton d'Esculape comme sur la figure ci-contre, l'emblème fait essentiellement référence à la phase ascendante qui mène les êtres humains vers des états supérieurs. Cette représentation explique pourquoi, dans les temps anciens, la médecine relevait de l'art sacerdotal et non du pouvoir temporel.

    La double opération de “coagulation-dissolution” correspond exactement à ce que la tradition chrétienne dénomme le pouvoir des clés. Un pouvoir double car il recèle la capacité de “lier” et “délier”, équivalent à “coaguler” et “dissoudre”. Ce pouvoir appartient à deux clés relevant de deux ordres différents. Une clé d'or propre au pouvoir spirituel et une clé d'argent en relation avec l'ordre temporel. Les deux clés, chacune dans leur domaine respectif, ont le double pouvoir de “lier” et “délier”, mais dans des proportions différentes. En effet, le pouvoir de “lier” prévaut dans le domaine temporel et celui de “délier” dans la sphère spirituelle, de sorte que les deux clés sont yin et yang l'une par rapport l'autre. Aussi, dans la représentation la plus commune, les deux double spirales, associées aux deux clés, sont plutôt croisées que parallèles et évoquent le swastika.

    Une étroite connexion avec le symbole de Janus (de “janua” qui signifie porte), le dieu romain de l'initiation aux deux visages, peut être signalée à ce propos. Ici, la clé d'argent (ou le sceptre) et la clé d'or ont chacune le double pouvoir “d'ouvrir” et de “fermer” les portes d'accès respectivement aux “petits mystères” et aux “grands mystères”

    • Les “petits mystères” consistent en une ré-génération psychique produisant un individu centré. Comme il appartient toujours à l'ordre temporel, cette initiation ne peut être associée qu'à la double spirale horizontale.
    • Les “grands mystères” donnent accès au monde spirituel, domaine des possibilités supra-individuelles. N'impliquant aucun retour vers le l'état humain, cette initiation ne peut être liée qu'à la double spirale verticale.

    “Ouvrir” et “lier” correspondent à un mouvement yin, “fermer” et “délier” à un mouvement yang. En effet, après avoir ouvert la porte donnant accès à un cycle et l'avoir accompli, l'être humain re-naît dans un nouveau cycle, sans possibilité de retour au précédent. Il voit, par conséquent, la porte se fermer derrière lui.

    Dans la tradition hindoue, les deux courants de la force cosmique sont représentés par le “Brahma-danda” ou le bâton brahmanique composé de deux hélices enroulées dans des sens opposés autour d'un axe vertical symbolisant, comme toujours, l'Axe du Monde. Les deux hélices se rencontrent le long de l'axe en sept lotus ou noeuds qui doivent être dénoués pour atteindre la pleine Connaissance.

    Au pouvoir des clés correspond dans la tradition hindoue le double pouvoir du vajra. En tant que symbole de la foudre, il possède un pouvoir sous les deux aspects opposés ou  plutôt complémentaires de “génération” et de “destruction”. Génération d'un nouveau cycle ou vie; destruction d'un cycle précédent ou mort. Dans sa représentation la plus répandue, les deux extrémités se terminent par trois flammes: la flamme centrale correspond à l'axe, les deux latérales aux courants de la force cosmique. Tenu verticalement en tant qu'attribut sacerdotal, il représente l'Axe du Monde reliant le Ciel et la Terre ou la “Voie du Milieu”. Tenu incliné d'un côté ou de l'autre, il dépeint les voies tantriques de droite et de gauche, de la dévotion à la Déesse et de l'union des êtres, et forme un swastika.

    Une signification similaire se retrouve dans la mythologie grecque avec le trident de Poséidon ainsi que dans la tradition nordique et le marteau de Thor.

    Ajouter des exemples n'apporterait rien de plus au sens profond de la double spirale.


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  • Construit à partir de la géométrie sacrée, le Temple était divisé en trois lieux essentiels en relation aussi bien avec le macrocosme (ou monde cosmique) que le microcosme (ou monde individuel):

    • Le Vestibule (“Oulam”), relié à la Terre dans le macrocosme et au corps dans le microcosme, humain et inondé par la lumière du jour.
    • Le Saint lieu (“Hikal”), associé à l'Atmosphère dans le macrocosme et l'âme humaine dans le microcosme, reçoit la lumière du jour réfléchie.
    • Le Saint des Saints (“Debhir”), représentant le Ciel dans le macrocosme ou l'Esprit dans le microcosme, est plongé dans l'obscurité.

    Sur les deux côtés du Vestibule, se tenaient deux colonnes appelées Jakin et Boaz, disposées le long d'un axe “vertical” qui a son équivalent tant dans le macrocosme que le microcosme.

    L'axe du microcosme

    L'axe symbolise la voie spirituelle suivie par l'être humain qui entend s'élever constamment et atteindre finalement la pleine réalisation. Dans les limites du microcosme, cette direction, appelée “sushumnâ”, s'étend de la base de la colonne vertébrale à la couronne de la tête et se prolonge au-delà. Le long de “sushumnâ” se trouvent les “chakras”, centres subtils de l'individu. Leur éveil successif correspond aux différentes étapes le long de la voie axiale de la pleine réalisation. Le passage d'un état à un autre consiste toujours en une mort dans un cycle précédent et une naissance dans le cycle suivant. Ce processus de mort et re-naissance, appelé initiation, a lieu dans le Temple, creuset du voyage intérieur et image symbolique du Cosmos ou du monde manifesté. Les étapes essentielles du développement de l'être humain peuvent être reliées aux trois domaines mentionnés précédemment:

    • Le corps est associé à la naissance physique.
    • L'âme ou la psyché est en relation avec une seconde naissance. Liée au domaine des possibilités subtiles de l'individualité humaine, cette seconde naissance consiste en une ré-génération psychique produisant un être humain centré et correspond l'initiation aux petits mystères accessibles par la porte des hommes.
    • L'Esprit, rattaché à une troisième naissance, relève de l'ordre spirituel et non plus psychique. Elle donne accès au domaine des possibilités supra-individuelles associées à la porte de dieux et l'initiation aux grands mystères.

    Dans la forme traditionnelle hindoue, la porte des hommes donne accès au “pitri-yâna”, la voie des ancêtres ou des êtres d'un cycle précédent, et la porte des dieux s'ouvre sur le “dêva-yâna”, la voie des dieux. Bien que relevant du même processus d'initiation, les deux portes diffèrent néanmoins quant à leurs finalités.

    Après sa manifestation dans un certain stade de développement au sein du Cosmos, du Temple ou de la caverne cosmique, l'être franchira l'une ou l'autre porte en fonction du degré spirituel atteint.

    La porte des hommes ouvre l'accès à l'état d'être primordial, intermédiaire entre l'homme ordinaire et l'être spirituel. Si l'être n'a pas atteint la ré-génération psychique complète, il re-passera la porte des hommes et se re-trouvera dans un nouveau cycle du monde manifesté.

    L'être psychiquement ré-généré pourra alors emprunter la porte des dieux pour passer du monde individuel au monde spirituel et quitter définitivement le monde manifesté. En d'autres termes, la porte des hommes est une sortie-entrée tandis que la porte des dieux représente la seule sortie définitive de la caverne cosmique, but ultime de l'initiation.

    L'axe du macrocosme

    Cette notion peut être éclairée par le concept de sphère céleste couvrant l'horizon et utilisé en astronomie pour représenter le mouvement apparent des étoiles et des “astres errants” dans le ciel.

    Dans les diverses formes traditionnelles, la sphère céleste et l'horizon sont des représentations des mondes céleste et terrestre. Ils sont reliés par l'intermédiaire d'un axe “vertical” dénommé Axe du Monde. Comme la sphère céleste correspond dans le microcosme à la couronne de la tête, l'axe du macrocosme devrait prolonger la colonne vertébrale de l'être jusqu'au Zénith. Néanmoins, les étoiles tournent en apparence autour d'un axe qui perce la voûte céleste au voisinage de l'étoile polaire. Aussi, l'axe joignant les pôles célestes Nord et Sud est plus approprié pour caractériser le macrocosme que l'axe Zénith-nadir qui, lui, se rapporte davantage au microcosme ou monde individuel.

    La forme biblique prend en considération le lever du soleil, l'aube, la région émergente entre l'obscurité et la lumière. L'orbite apparente du soleil ou écliptique se déplace en direction du Pôle Nord céleste entre les solstices d'hiver et d'été et vers le Pôle Sud céleste entre les solstices d'été et d'hiver. Il s'ensuit que le point associé au soleil levant se meut le long de l'horizon en direction du nord terrestre quand le soleil de midi s'élève vers le Nord céleste. Inversement, quand le soleil de midi descend vers le Sud céleste, le point du soleil levant glisse le long de l'horizon en direction du sud terrestre. La phase ascendante est naturellement associée à la voie des dieux (“dêva-yâna”) et la descendante à la voie des ancêtres (“pitri-yâna”).

    La phase ascendante, allant du solstice d'hiver au solstice d'été en direction du Nord céleste, correspond à la voie de la clarté; la phase descendante, menant du solstice d'été au solstice d'hiver en direction du Sud céleste, s'apparente à la voie obscure. Cela est en plein accord avec la “Bhagavad-Gitâ” qui dit: “feu, lumière, jour, lune croissante, semestre ascendant du soleil vers le nord” sont les signes lumineux qui mènent à Brahma; “fumée, nuit, lune décroissante, semestre descendant du soleil vers le sud” sont les sombres signes de la voie du retour au monde manifesté.

    Ainsi, la porte des dieux ne peut être qu'associée au solstice d'hiver et la porte des hommes au solstice d'été comme dans le diagramme du plan de l'horizon suivant:

    L'angle formé par les deux directions associées au lever du soleil aux solstices d'hiver et d'été dépend de la latitude du lieu de l'observateur.

    Les colonnes du temple

    A ce stade, nous sommes en mesure d'identifier les colonnes du Temple avec les deux portes. Pour y être autorisés, nous devons connaître où se trouvaient les deux colonnes Jakin et Boaz. Leur situation découle de l'orientation du Temple. Pour les uns, le Temple était orienté le long d'un axe est-ouest et ouest-est pour les autres. Selon la Bible, il ne devrait pourtant pas y avoir d'ambiguïté sachant qu'en hébreu “droite” signifie toujours sud et “gauche” nord, indication d'une orientation tournée vers l'est. De plus, les chroniques mentionnent: “quant à la Mer de bronze, il l'avait placée à distance du côté droit (sud-est), donc du côté de Jakin”. En conséquence, le Temple était construit comme sur le schéma suivant:

    En se tournant vers l'est, le temple se présente comme les deux feuillets d'un livre grand ouvert où la page de droite se lit avant la gauche (en hébreu), où la voie de droite (sud) précède la gauche (nord), celle qui débouche sur un autre monde, une fois la page tournée.

    Ces deux aspects évoquent les deux visages du dieu romain de l'initiation, Janus, avec sa face droite tournée vers le passé et le recommencement et sa face gauche regardant vers le futur, sans espoir de retour en arrière (vers le passé).

    Un rapprochement avec les formes traditionnelles maçonniques s'impose ici. Notons que dans les Rites Maçonniques Écossais et Français, la Loge est orientée selon l'axe ouest-est à l'instar des églises du Moyen Âge, une orientation apparemment opposée à celle du Temple Jérusalem.

    Cependant, dans le Rite Écossais (Ancien et Accepté), Jakin et Boaz sont respectivement placées au sud-ouest et au nord-ouest. Ainsi, Jakin pouvait être assimilée au solstice d'hiver et Boaz au solstice d'été. En dehors du fait que les colonnes sont face au soleil couchant plutôt que levant, il n'y a pas de réelle différence avec la disposition du Temple de Salomon.

    Dans le Rite Français, au contraire, Jakin et Boaz sont situées respectivement au nord-ouest et au sud-ouest. En conséquence, Jakin est associée au solstice d'été et Boaz au solstice d'hiver. Cette inversion par rapport à la disposition du Temple de Jérusalem correspond à une vision exclusivement terrestre (au lieu de céleste) où la voie de la clarté est tournée vers la pleine lumière ou le sud terrestre (au lieu du Nord céleste) et la voie de l'obscurité orientée en direction des ténèbres ou du nord terrestre (au lieu du Sud céleste). En effet, cette inversion est conforme à la “Table d'émeraude” qui stipule: “ce qui est en haut (dans l'ordre céleste) est comme ce qui est en bas (dans l'ordre terrestre)” et inversement. Ou encore selon les paroles de l'évangile, “les premiers (au Ciel) seront les derniers (sur Terre)”.

    De fait, ces deux dispositions reflètent deux perceptions d'une même réalité à des niveaux différents (céleste et terrestre).

    Nous pouvons trouver, dans l'identification de Jakin et Boaz respectivement à la porte des dieux et à la porte des hommes une confirmation de leur dénomination.

    • Boaz traduit la force, mais autre que physique. Elle évoque une force supérieure, la force spirituelle de conscience de l'indestructibilité de l'être réel, l'Esprit.
    • Jakin exprime la solidité, la stabilité; elle signifie que l'initié a dépassé le stade des fluctuations humaines et atteint l'état de l'Être se tenant dans l'éternel présent.

    Notons que l'orientation du Temple s'accorde parfaitement avec le symbolisme de la caverne cosmique. En effet, le Vestibule était éclairé par la pleine lumière du soleil visible (lumière extérieure), le Saint lieu par la lumière indirecte du soleil (lumière réfléchie) et le Saint des Saints par le soleil invisible ou spirituel (lumière intérieure), aussi appelé soleil de minuit dans l'ésotérisme islamique. De sorte que les soleils visible et invisible ne pouvaient être respectivement associés qu'à la lumière (est) et à l'obscurité (ouest). L'obscurité ne doit pas être entendue ici en tant qu'absence de lumière, mais comme son principe non manifesté, la source invisible à l'origine de son aspect manifeste ou visible.

    Le lien entre le Saint des Saints et l'initiation aux grands mystères fait comprendre clairement pourquoi son accès était restreint au(x) Prêtre(s) en tant que représentant(s) du pouvoir spirituel.

    L'admission du postulant au Saint lieu s'effectuait par une double porte frontale située entre les deux colonnes. Placé au “centre” du Saint lieu et se tournant vers l'est, il était en mesure de voir le soleil se lever, à toute époque de l'année, dans l'intervalle défini par les colonnes. Autrement dit, les colonnes touchaient extérieurement les côtés de l'angle délimité par les deux directions des levers du soleil aux solstices. Cela a pu être de quelque conséquence pour la construction du Temple de Salomon en tant que caverne cosmique.


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  • Illustration de El Codice (Titre) de Totonicapan.

    Les sociétés traditionnelles ont construit leur cité, symbole de leur culture, comme une image de l'ordre cosmique. La cité terrestre est une imitation de la cité céleste et sa structure provient de l'archétype éternel. Le plan de la cité des hommes doit être calqué sur les nombres et mesures qui régissent l'univers, et une manifestation rituelle du plan divin exécuté par les dieux. La cité et la culture tout entière témoignent de cette attitude et de cette connaissance exprimée à travers les lois de l'analogie, ou de la correspondance inverse; elles établissent ainsi une communication avec le céleste, un lien entre un plan connu et un inconnu, entre les êtres visibles et les énergies des esprits invisibles. De cette manière, la cité –la communauté– prend part à cette relation à un degré plus ou moins fort, puisqu'elle se trouve articulée à partir d'un centre qui doit établir effectivement le flux continu des émanations sacrées assurant l'ordre et la culture, et même davantage: la vie. Cet axe ou centre est représenté par le temple, ou la maison cultuelle, centre de la cité ou du village –ou par le prêtre, le chef ou le chaman, dans la communauté–, à partir duquel se structurent toutes les catégories.

    Comme on le sait, en Amérique précolombienne et spécialement en Méso-Amérique, la pyramide tronquée a été le temple par antonomase, et c'est sa verticalité dégradée, du plus grand au plus petit, qui permet d'établir le contact avec les mondes, invisibles et toujours présents, appelés cieux. Le symbole de la pyramide est exactement équivalent à celui de la montagne –comme l'homme– symbole de la verticalité, de la communication axiale, et établit la relation ciel-terre en les complétant. Cette union s'effectue au cœur de la montagne, dans la caverne, ou au plus obscur et au plus épais de la forêt vierge, ainsi que dans le cœur de l'homme.

    Dans la symbolique du temple chrétien, ce lieu de rencontre et de réalisation est représenté par le sanctuaire –le sancta sanctorum hébreu–, et l'assimilation de la montagne et de la caverne sacrée respectivement au temple et au tabernacle (ou à la crypte), est générale. Les Égyptiens, qui ont également construit des pyramides sacrées, plaçaient en leur centre une suite d'espaces ou de chambres véritablement funéraires où se réalisaient les rites d'initiation; la maison cultuelle est donc fondamentalement l'espace ou le lieu où se produit l'initiation à la connaissance. C'est à partir d'un axe central qui établit le lien ciel-terre (ainsi que monde souterrain), que se réalise la vie d'une culture. Et cela est également applicable à l'homme qui, en tant que microcosme, est un temple construit à l'image et à la ressemblance du macrocosme, temple divin ou maison de Dieu, car un plan et des lois analogues les ont cimentés tous deux.

    Dans le cas du grand temple de Tenopchtitlan, cœur du peuple aztèque, le symbolisme magique et théurgique est évident, puisque les temples et les constructions qui caractérisaient cette citadelle sacrée furent érigés à l'emplacement exact où les Mexicains antiques reçurent les signes, les signaux divins qui leur ordonnaient de s'installer là après cinquante-deux ans de dures pérégrinations. C'est un exemple patent –comme celui des Incas à Cuzco, ou d'autres, vérifiés historiquement dans la zone précolombienne– de comment une culture s'établit et s'irradie au cours des constantes migrations de l'espèce humaine, et de quelle façon ses structures symboliques peuvent être transposées à l'être individuel, dans la mesure où celui-ci est apte à établir, à un moment ou à un autre de sa vie, à travers ses propres signes et signaux, un lien direct avec d'autres mondes, sur différents plans d'intégration d'une unique réalité, observée au moyen de ses manifestations de plus en plus subtiles et impalpables. Ce qui équivaut à l'expérience des états secrets de l'Être Universel, et à la connaissance d'une cosmogonie symbolisée, dans ce cas, par la pyramide à la base carrée et les différents niveaux qu'il faut escalader, degré par degré, jusqu'à la cime.

    Si nous projetons sur le plan la figure volumétrique de la pyramide, nous obtiendrons un petit carré central et une autre série de carrés qui l'entourent –en une série numériquement identique aux états pyramidaux– de l'intérieur vers l'extérieur, du centre jusqu'à la périphérie, du tout juste virtuel jusqu'à la limite de sa propre manifestation. Ce qui symbolise la possibilité de retour à cette virtualité mystérieuse, impassible, par l'intermédiaire du temple pyramidal qui s'échelonne depuis la base jusqu'à la culmination centrale ou axiale. Cela dessine un parcours inverse considéré en fonction de la perspective de l'homme qui a construit le temple terrestre par rapport à celle de l'Architecte Universel, qui a créé le plan céleste depuis son Unité jusqu'à la multiplicité de ses expressions, tandis que l'homme –l'une de ces expressions– doit aller de la manifestation à la non-manifestation, du créé au non-créé, de l'humain au supra-humain ou divin. C'est un retour aux origines, à la source, à l'invisible qui se manifeste toujours en œuvres. Ces thèmes ayant déjà été mentionnés ailleurs, nous indiquerons seulement ici que le temple, ou centre cultuel,5 réunit les énergies verticales et les horizontales, capturant le temps successif et fugace dans l'espace sacré qui est le récipiendaire des énergies ou vibrations divines, de l'éternel, pour les diffuser au niveau de la terre, dans l'horizontalité de la communauté sociale qui s'organise en fonction de la proximité ou de l'éloignement de ce centre, puisqu'il représente le symbole de la réceptivité, de la révélation de la sagesse sacrée. Le temple est la vivante image du cosmos, la conjonction et la complémentarité de la terre et du ciel, qui sont données, dans le cas de la pyramide, par le carré de base (la terre) et le triangle des côtés (les cieux). Dans certaines sociétés traditionnelles, ce ciel est représenté par un cercle ou un demi-cercle qui devient, en tridimensionnel, la voûte ou la coupole qui couronne le carré de base de l'édifice, bien que dans certaines traditions comme la grecque (ainsi que certaines constructions romaines et chrétiennes), c'est aussi la forme triangulaire, en alternance avec la circulaire, qui surmonte portes, monuments et autels; le triangle et le cercle, ou le demi-cercle, sont équivalents et indistinctement utilisés comme figures du ciel,en contraste avec le quadrangle de la terre, quoique formant cependant avec lui un ensemble harmonieux, une seule construction assimilable au cosmos tout entier. Torquemada nous dit à ce sujet, citant les Étymologies de Saint Isidore:

    «Jadis, les gentils fondaient les temples et demeures de leurs idoles de bien des manières... mais si une seule chose fut toujours stable et permanente ce fut de leur donner quatre parties, leur constituant tête et pieds et bras, dextre et senestre... De cette manière les anciens, qui eurent le meilleur parcours, construisirent leurs temples; et c'est de cette façon que nous découvrîmes que les utilisait la gent indienne... De même faisons-nous communément, nous chrétiens, en édifiant les maisons et les temples de Dieu...»

    À l'arrivée des Européens, il y avait à Texcoco une magnifique pyramide-temple qui comptait neuf étages symbolisant les neuf cieux –dans la plupart des documents, ces cieux sont au nombre de treize, ou bien le neuf et le treize sont utilisés comme équivalents– ou les degrés de connaissance successifs de la véritable réalité de l'homme et de la vie –qui est, selon la pensée traditionnelle, plus invisible que visible– qui constituent la cosmogonie des peuples nahuas. La construction de cette pyramide fut commandée par Nezhualcoyotl, personnage symbole de la sagesse précolombienne, et était son orgueil et son testament. Ces neufs cieux étaient contrebalancés par neuf enfers souterrains, une sorte de réplique inversée des premiers. Pour la pensée traditionnelle américaine, comme nous l'avons déjà dit, la terre est un plan quadrangulaire prolongé par les eaux de la mer et qui s'unit au ciel –les eaux supérieures– à la ligne d'horizon. Les astres, représentations célestes de la déité, parcourent le firmament d'un bout à l'autre de l'horizon, mourant à l'occident pour s'élever de nouveau à l'est, ce qui est considéré comme une résurrection. La période au cours de laquelle l'astre est invisible est vue comme une visite ou un passage dans l'inframonde, dans la terre les morts. Cela est particulièrement évident dans le cas du Soleil, de la Lune, et surtout de Vénus, et des déités associées à ces astres, dont le plus bel exemple est la figure de Quetzalcóatl, l'Hermès américain, peut-être le dieu le plus important du panthéon indigène et qui a été appelé de plusieurs noms selon les langues et les coutumes des peuples qui le connaissaient et le vénéraient, ainsi que nous l'avons dit.

    Il se passe de même avec la terre, qui meurt en hiver et naît à l'arrivée des pluies, ainsi qu'avec la vie et les coutumes d'une série d'animaux qui, pour cette raison –pour leur participation à la dialectique de la déité–, sont sacrés. Ainsi, le colibri, qui hiverne pendant des mois et semble effectivement comme mort pour renaître finalement dans toute sa splendeur, sa beauté et sa gaieté; et, chez les tribus d'Amérique du Nord et du nord-ouest du Canada, le saumon qui, à une certaine époque de l'année, émigre vers la mer pour revenir remonter les fleuves à contre-courant et pondre ses œufs en son lieu d'origine, complétant tout un cycle de vie-mort-vie; le papillon également, qui subit la transformation d'animal terrestre en animal volant et naît au printemps, à la saison des pluies et de la génération, en même temps que les fleurs, ce qui est, bien sûr, lié aux lois de la construction du cosmos et à l'exécution permanente du plan divin qui comprend une constante régénération vitale. Cela se trouve intimement associé à l'initiation, en ceci qu'elle instaure, comme nous l'avons déjà dit, à travers un mécanisme analogue de vie-mort-vie, l'être authentique, l'homme véritable, l'incroyable possibilité de l'humain utilisant la terre comme support pour déroulement et le développement de ce potentiel.


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  • Le symbolisme de la brebis n'est pas différent de celui du mouton ou de l'agneau, lequel dépend étroitement du symbolisme courant dans le christianisme. Le récit gallois du Mabinogi de Peredur dépeint deux troupeaux de moutons, les uns blancs, les autres noirs, séparés par une rivière. A chaque fois que bêlait un mouton blanc, un mouton noir traversait l'eau et devenait blanc ; à chaque fois que bêlait un mouton noir, un mouton blanc traversait l'eau et devenait noir. Sur les bords de la rivière, qui symbolise probablement la séparation entre le monde terrestre et l'Au-Delà, se dressait un grand arbre, dont une moitié brûlait depuis la racine jusqu'au sommet et dont l'autre portait un feuillage vert. Les moutons blancs devenant noirs symbolisent les âmes descendant du ciel sur la terre; les moutons noirs devenant blancs figurent au contraire celles qui montent de la terre vers le ciel. Mais il n'est pas certain qu'un tel symbolisme soit antérieur au christianisme ; il peut représenter l'adaptation du principe, formulé par César, suivant lequel il faut une vie humaine pour que les dieux acceptent de rendre une vie humaine. C'est un des principes fondamentaux de la transmigration des âmes.

    «Doux comme un agneau», «pur comme l’agneau qui vient de naître», «innocent comme l’agneau qu’on mène à l’abattoir». Tous ces dictons montrent qu’à l’image de la laine blanche qui le recouvre, l’agneau est devenu le symbole de la pureté et de l’innocence.

    Tellement symbolique que deux des grandes religions révélées, la religion juive et surtout la religion catholique, donnent à l’agneau un rôle symbolique important, voire primordial.

    Commençons par la plus anciennement pratiquée, chaque année pour la Pâques juive, la fête de Pessah, chaque famille égorgeait un agneau qui était mangé selon des rites précis.

    «Le dix de ce mois (le mois d’Abib), que chacun de vous se procure une tête de petit bétail par maison […] Vous le prendrez parmi les agneaux et les chevreaux. Vous le garderez jusqu’au quatorzième jour de ce mois et l’assemblée entière de la communauté d’Israël l’immolera entre les deux soirs. On prendra du sang et on en mettra sur les deux montants et sur le linteau des maisons dans lesquelles on la mangera. On mangera la chair cette nuit-là ; on la mangera rôtie au feu, avec des azymes et des herbes amères. Vous n’en mangerez rien qui soit cru ou simplement bouilli dans l’eau, mais seulement rôti au feu, la tête avec les jambes et avec les entrailles. Vous ferez qu’il n’en reste rien jusqu’au matin, et ce qui en resterait au matin, vous le brûlerez par le feu. Et voici comment vous le mangerez : ceinture aux reins, sandales aux pieds et bâton à la main, et vous le mangerez à la hâte : c’est une Pâque pour Yahvé.»

    Livre de l’Exode 12, 3-12

    Dans l’Ancien Testament comme dans le Nouveau, l’agneau est une image symbolique forte.

    Prenons l’exemple d’Abel, berger de son troupeau, qui sacrifie à Yahvé «Les premiers-nés de son troupeau ainsi que leur graisse», sacrifice qui plait à Yahvé offrande de grande valeur. A l’image d’Abel, Jésus sera le berger du troupeau des serviteurs de Dieu.

    L’agneau est le symbole du serviteur de Dieu maltraité, de la victime expiatoire : «On le maltraite, et lui s’humilie et n’ouvre pas la bouche. Comme un agneau qu’on mène à l’abattoir, comme une brebis muette devant ceux qui la tondent, il n’ouvre pas la bouche.»Isaïe 52,7

    L’agnus Dei

    C’est dans l’évangile de Jean que le terme apparait lorsqu’il raconte le baptême de Jésus par son cousin Jean-Baptiste qui s’écrie «Voici l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde» (Jn I, 29). L’agnus Dei est intégré dans la liturgie catholique, les fidèles invoquent l’Agnus Dei qui lave le péché du monde lors de la messe.

    Jean reprend la figure de l’agneau tout au long du «Livre des sept sceaux» de son Apocalypse, «L’Agneau debout sur le mont Sion» (14, 1)

    L’Agneau deviendra le symbole du Christ, l’agneau portant la Croix, l’agneau pascal qui triomphe de la mort, le symbole de la, que l’on retrouve sur les sculptures des églises et les miniatures, associé aux symboles des quatre évangélistes.

    L’agneau sera aussi l’attribut de quelques saints comme Jean-Baptiste et de martyrs tels Agnès dont le nom est directement dérivé du mot agnus.

    L’agneau symbole de la victime innocente fut repris  par la littérature : «le Loup et l’agneau» de Jean de la Fontaine inspiré d’Esope, «L’Agneau» de François Mauriac. Mais aussi par le 7ème art, souvenez-vous de ce film terrible «Le Silence des Agneaux» au titre tellement évocateur.


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