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    Arbre sephiroh


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  • Notre perception visuelle ou imaginaire de l'Arbre répond peut-être à celle de son mystère en nous. Parce qu'il participe entre le visible et l'invisible, que ce soit physiquement ou par abstraction, l'Arbre impose un questionnement éternel. Sa puissance ou sa fragilité sont la nôtre. Être comme un arbre, n'est-ce pas être fort et solide comme un chêne. Juste le fait de penser que l'on puisse épouser son tronc et ses feuilles, constitue autant d'invitations à épouser notre corps, notre énergie intérieure et nos pensées.

    L'Arbre représente donc notre destin soudé dans une seule vie, et pourtant divergent en mille branches. Nous ne pouvons échapper à l'Arbre pas plus qu'à nous-mêmes. Si l'Arbre est notre reflet, c'est qu'il nous ressemble dans sa diversité la plus extrême. À cet égard, la façon dont nous entretenons les arbres et les forêts ne correspond-t-elle pas à l'image que nous avons de nous-mêmes comme société? À l'image que nous offrons aussi aux étrangers qui viennent nous visiter?

    Notre attachement à l'Arbre, c'est l'attachement et le désir qui nous nouent littéralement à cette planète: comme si notre destin ou notre présence sur la Terre consistait précisément à comprendre ce qu'il y a d'étrange et d'inexprimable dans nos enracinements. C'est-à-dire être capables de vibrer sous le vent, de nous courber dans la tempête et de résister sans briser, d'entendre ou sentir la vibration entre le Ciel et la Terre et de percevoir l'énergie formidable qui monte et descend entre les racines et la cime de l'Arbre.

    L'Arbre met en relation les trois niveaux du cosmos que sont le souterrain, la surface et le milieu atmosphérique. Ses racines fouillent effectivement les profondeurs cachées du sol dans lequel elles se développent. Près de la surface, on retrouve son tronc et ses branches maîtresses et, enfin, dans les hauteurs cosmiques ou atmosphériques se balancent ses branches et ses ramures. L'Arbre réunit donc à lui seul tous les éléments, à savoir l'eau circulant dans sa sève, la terre envahie par ses racines, l'air pénétrant par ses feuilles et le feu jaillissant de son bois.

    En Chine, on considère d'ailleurs le bois comme un cinquième élément en soi.L'arbre de vie

    L'Arbre est universellement considéré comme un symbole des rapports qui s'établissent entre le ciel et la terre. En ce sens, il possède un caractère central au point de faire de l'Arbre du monde un synonyme de l'Axe du monde: un ferme soutien de l'univers, un lien entre toutes les choses et un support de la terre habitée.

    Ainsi en est-il en Chine de l'Arbre Kien-Mou dont les Dieux, les esprits et les âmes empruntent le chemin dressé au centre du monde, puisqu'il possède neuf branches et neuf racines avec lesquelles il touche aux neuf cieux, c'est-à-dire aux neuf sources de vie. C'est par lui que montent et descendent les souverains: ces médiateurs entre le Ciel et la Terre. L'Arbre central qui, du cosmos jusqu'à l'Homme, couvre tout le champ de la pensée par sa puissance et sa présence, c'est l'Arbre de vie puisqu'il est chargé de forces sacrées dû au fait qu'il est vertical et qu'il se régénère, meurt et renaît d'innombrables fois.

    La Bible mentionne que les arbres sont créés au troisième jour, c'est-à-dire avant la vie animale qui apparaît au cinquième jour et la vie humaine, au sixième jour. Il paraît que l'Arbre de vie qui se trouvait au centre du Paradis terrestre, possédait douze fruits: un chiffre symbolique qui est signe d'un renouvellement cyclique. Cet Arbre de la Connaissance ou de la Science du Bien et du Mal, était l'instrument de la chute d'Ève et d'Adam; comme l'Arbre de vie sera plus tard celui de leur rédemption par le biais de la crucifixion de Jésus.

    À propos des aïeuls du genre humain, il est intéressant de constater que c'est par l'entremise de l'Arbre qu'ils ont pris conscience de leur vulnérabilité face à Dieu, et que c'est avec les feuilles d'un arbre qu'ils cachèrent leur nudité pour la première fois. Ces organes auraient-ils donc servi de premier vêtement pour la race humaine, bien avant la fourrure et d'autres fibres végétales?

    Le parallèle entre l'Arbre de vie et l'évolution biologique fait de l'Arbre un symbole de fertilité dont on peut encore observer des témoignages de nos jours. En effet, les jeunes femmes de certaines tribus iraniennes s'ornent parfois le corps d'un arbre tatoué dont les racines partent de leurs sexes et dont les frondaisons aboutissent aux seins. Une très ancienne coutume du bassin Méditerranéen et de l'Inde, fait en sorte qu'il est possible d'apercevoir, isolés dans la campagne

     près d'une source, des arbres couverts d'une floraison de mouchoirs rouges, que des femmes stériles ont posé à leurs branches pour conjurer leur sort.

    Mais le symbolisme de l'Arbre est ambivalent en ce qui a trait au sexe. Au plan du monde phénoménal, le tronc dressé vers le ciel, symbole de force et de puissance solaire, serait le Phallus ou l'image archétypale du père. C'est particulièrement le cas des arbres au port fastigié qu'il est inutile de nommer. De son côté, l'arbre creux ou celui au feuillage dense et enveloppant dans lequel nichent les oiseaux, et qui se couvre périodiquement de fruits, évoque l'image archétypale et lunaire de la mère fertile. D'ailleurs, dans les légendes des peuples, l'abondance des arbres-pères et des arbres-mères conduit à l'arbre ancêtre dont l'image, dépouillée peu à peu de son enveloppe mythique, représente aujourd'hui l'arbre généalogique. L'Arbre est presque toujours associé à la naissance, à la généalogie ou à des cycles antérieurs de vie des individus et des communautés. C'est peut-être ce qui explique qu'on le plante aujourd'hui pour commémorer la naissance et la mort d'un être cher.

    L'Arbre de la Boddhi sous lequel, paraît-il, Bouddha atteignit l'illumination, est aussi un Arbre de vie. Une inscription sur l'un des nombreux temples d'Angkor, mentionne que ses racines sont Brahmâ, ses branches Vishnu et son tronc Shiva. Or, Brahmâ est une des principales divinités hindou. Il a été le premier dieu créé et il est le créateur de toute chose. Vishnu représente le principe même de la création du monde et Shiva, le dieu de la destruction. Nous revenons donc à la représentation de l'Arbre de vie chez l'hindou. L'association de l'Arbre de vie avec le divin se retrouve évidemment dans les traditions chrétiennes, ne serait-ce que par l'Arbre de la première ou de la nouvelle Alliance, par l'Arbre de vie de la Genèse ou par l'Arbre de la croix. Le symbole de la Croix érigée sur une montagne, au centre du monde, ramène entièrement l'image antique de l'Arbre cosmique.

    En Orient comme en Occident, l'Arbre de vie est souvent renversé. Cette conception serait attribuable au rôle du soleil et de la lumière dans la croissance des êtres, puisque le haut est source de vie et le bas l'endroit où l'Homme s'efforce de la faire pénétrer. La vie vient du ciel et pénètre dans la terre. Il est à remarquer que cette conception signifie que ses racines sont le principe même de la manifestation et ses b ranches, la manifestation qui s'épanouit.Le culte des arbres

    L'Arbre cosmique est fréquemment représenté sous la forme d'une essence particulièrement majestueuse telle le Chêne celtique, le Tilleul germanique, le Frêne scandinave, l'Olivier de l'orient, le Mélèze et le Bouleau de l'hémisphère nord... Ce sont souvent des arbres réputés pour leur longévité, leur dimension ou leur blancheur lumineuse.


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  • Symbole de paix et de prospérité, de sagesse et de victoire. Son tronc rugueux et fort, qui supporte, impavide, la rigueur du climat hivernal et les coups donnés dans ses branches pour gauler les olives afin les récolter au sol, nous parle d’endurance et de générosité qui prend la forme d’une huile dorée et parfumée.

    Les feuilles, petites et persistantes, vert sombre sur le dessus et argentées sur la face inférieure, nous rappellent l’éternelle dualité de la manifestation et de sa permanence par rapport à la cyclicité de la production de ses fruits. Ceux-ci, ronds ou ovales, sont le symbole de l’éternel féminin, berceau de la gestation et porteur d’espoir, générateur et nourricier, baume et apaisement pour l’homme.

    La tradition grecque nous rapporte que l’olivier était un cadeau de la déesse de la Sagesse à la cité d’Athènes. Un concours aurait eu lieu entre Athéna et Poséidon pour déterminer lequel des deux allait donner son nom à la cité. Les habitants de la cité décidèrent à l’unanimité de donner à leur ville le nom de la divinité qui leur ferait le cadeau le plus utile.

    Poséidon, d’un coup de trident, fit naître le cheval. Athéna, elle, fit pousser un olivier. Les Athéniens décidèrent que ce dernier don, qui avait aussi la sympathie des dieux, était le plus utile. Ainsi la nouvelle cité reçut le nom d’Athènes et l’olivier resta pour l’ensemble de la culture méditerranéenne le don, par excellence, de la déesse aux hommes.

    La signification, en tant qu’arbre sacré et symbole de victoire, de l’olivier, que tous les arbres, selon le prophète Isaïe, considèrent comme leur roi et seigneur, se retrouve dans toutes les traditions méditerranéennes à partir de la mythologie grecque.

    Porphyre, dans son oeuvre “L’Antre des Nymphes” parle de l’olivier situé devant le port de Forcis, à Ithaque, en tant que représentation du mystère que contient la description du paysage par Homère.  En effet,  « Devant le port, il y a un olivier, proche d’une agréable grotte, image de l’univers et symbole de la sagesse de la divinité. C’est, en effet, l’arbre d’Athéna, et Athéna est la sagesse, et, étant donné qu’elle est née de la tête d’un dieu, le théologien (Homère) lui a trouvé un endroit approprié et l’a consacré a l’entrée du port, laissant entendre par le biais de l’arbre que cet univers n’est pas le fruit de sa propre impulsion ou de l’action d’un quelconque hasard irrationnel, mais le résultat de l’action d’un principe intelligent et d’une sagesse… », « L’olivier, au feuillage persistant, présente une particularité étroitement associée aux vicissitudes des âmes dans l’univers, auxquelles la grotte est consacrée ». « L’univers aussi est organisé par un principe intelligent et mû par une sagesse éternelle et toujours florissante, de laquelle procèdent également les récompenses de la victoire pour les athlètes de la vie et le remède à nos nombreuses fatigues ; celui qui redonne courage aux malheureux et aux suppliants, c’est le démiurge qui soutient l’univers. »

    A Rome, lors des fêtes des Ides de juillet en honneur de Castor et Pollux, les cavaliers se présentaient avec le front ceint d’une couronne d’olivier. Il existe également des références à l’olivier en tant qu’arbre mythique et sacré, entre autres, dans la légendaire civilisation de Tartessos, sous le règne de Tarsis, petit-fils de Noé, ainsi que dans les livres de la Genèse et des Ecclésiastes.


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  • Les Romains et les Grecs connaissaient bien des arbres de notre entourage. À la plupart, ils vouaient un culte qu'ils justifiaient en leur attribuant une incarnation divine :

    Aubépine - dédiée à Maïa, mère d'Hermès, fêtée en Mai (de "Maïa").

    Aulne arbre des Morts - (dieu Cronos).

    Bouleau - les verges de bouleau ont été utilisées pour la flagellation et la " purification " des condamnés ; elles entouraient la hache symbolique des licteurs romains.

    Cerisier - son nom vient de Cerasus, ville d'Asie mineure.

    Châtaignier - la châtaigne était le "gland de Zeus".

    Chêne - arbre de Zeus-Jupiter, dieu du tonnerre. Couronnes de chêne pour les guerriers valeureux.

    Cognassier - son nom vient de La Canée (ville de Grèce). Son fruit est astringent.

    Cyprès - un chasseur nommé Cyparisse, ami d'Apollon, tua sa biche par erreur. De chagrin, il se métamorphosa en cyprès : dés lors, les cyprès veillent sur les morts. Ils sont consacrés à Hadès, dieu des morts. De leur bois, on faisait les cercueils des guerriers morts pour la Patrie. Le bois de cyprès, imputrescible, est utilisé en charpente de temples. La flèche d'Éros était aussi en cyprès. La tradition recommandait de planter un cyprès à la naissance d'une fille. À son mariage, l'arbre est abattu et exploité.

    Épicéa - dédié à Artémis, déesse de la Lune et de la vie sauvage, protectrice des femmes qu'elle assiste aux accouchements : l'épicéa est l'arbre de la naissance (tradition reprise avec l'arbre de Noël).

    Érable - dédié à Phobos, dieu de l'Épouvante.

    Figuier - arbre de Dyonisos, Priape, dieu de la fécondité.

    Frêne - arbre de Poséidon, dieu de la mer et des séismes.

    Houx - arbre de la Vie, parce qu'il mûrit en hiver, mais ses baies sont très toxiques (elles contiennent de la théobromine).

    Laurier - arbre d'Apollon. Le demi-dieu s'éprend de la nymphe Daphné, qui lui échappe en se transformant en laurier. Le nom grec du laurier est daphne. Aux Jeux pythiques, à Delphes (en souvenir du serpent Python qu'Apollon terrassa), les vainqueurs recevaient une couronne de laurier.

    Myrte - arbre d'Aphrodite. Ses baies sont appréciées par les buveurs qui leur attribuent le pouvoir de retarder l'ivresse. Les Grecs craignaient que l'ivresse ne rendit fou à vie.

    Olivier - arbre d'Athéna (qui remporta le concours sur Poséidon en offrant cet arbre à la ville d'Athènes) et symbole de chasteté. Héraclès en a planté à Olympie et utilisait une massue en olivier. Aux Jeux olympiques (à Olympie, donc), on décernait des couronne de branches d'olivier à défaut de médailles.

    Orme - arbre d'Oneiros, dieu des songes et de la nuit, fils d'Hypnos, dieu du sommeil, lui-même frère de Thanatos, le trépas. Dédié également à Hermès. Les fruits ailés accompagnaient les âmes des défunts devant le juge suprême.

    Pin - arbre de Poséidon (il pousse en bord de mer). La nymphe Pithys, convoitée par Pan, lui échappa en se métamorphosant en Pin noir. Aux Jeux isthmiques (Corinthe), les vainqueurs reçoivent une couronne de pin. Son bois sert aux bateaux de commerce. De la résine, on extrait soit le calfat pour étanche les coques de bateaux, soit un additif qui conserve les vins tout en les aromatisant.

    Peuplier blanc - la nymphe Leuké, convoitée par Hadès, lui échappa en se métamorphosant en Peuplier blanc qui est devenu l'arbre de la résurrection.

    Platane - symbole de la régénération (l'écorce se régénère, par plaques, comme la peau du serpent). Il servit à construire le cheval de Troie.

    Pomme arbre solaire (forme du fruit) ; fruit de l'immortalité ; Pomone est la déesse des fruits. Héraclès chercha des pommes au Jardin des Hespérides.

    Saule - arbre dédié à Hécate, gardienne des Enfers.

    Sureau - ses baies sont une nourriture des dieux.

    Tilleul - la nymphe Philyie conçut du père de Zeus un enfant monstrueux, et, de honte, se métamorphosa en tilleul.

    Des mythes similaires existent chez tous les peuples, Celtes, Germains, etc. Le chêne que les Romains associaient à Jupiter, dieu du tonnerre, était également assimilé au dieu de la foudre, Donar, chez les Germains. Pour les Germains et les Scandinaves, le frêne est l'arbre fondateur, Yggdrasil. Il supporte la voûte céleste et prend racine dans la Sagesse.

    Les Slaves attribuent au même frêne le pouvoir de repousser les serpents : on peut se reposer à son ombre sans crainte. Certaines croyances ont perduré jusqu'à nos jours : par exemple, toucher du bois de la main droite préserve du mauvais sort.

    Les forêts, parce qu'elles abritaient des loups, et occasionnellement les marginaux, les Robin des bois ou les hors-la-loi, ont toujours fait peur. Elles hantent l'imaginaire public et hébergent les lutins et les fées des contes. Les Druides y réalisaient leurs cérémonies, et, plus proche de nous, la religion a repris cette vénération des arbres remarquables.


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  • Ask et Embla: statue dans la ville de Sölvesborg (Suède).

    Introduction


    Historiquement, chez les Européens de l'ensemble germanique (comme sans doute chez d'autres peuples), l'arbre et la forêt ont tenu une place de premier ordre. Bien évidemment pour les propriétés du bois en tant que tel, qui a permis de construire des habitations, des statuettes religieuses, des bateaux (tels les drakkar), qui a permis de se chauffer, de se chausser (sabots en bois), de chasser (arcs, lances), de réaliser des enclos (avec du bois mort ou des haies plus ou moins travaillées), etc.

    Au-delà de cet aspect utilitaire (et vital), l'importance paraît plus grande encore. Par exemple, dans le Hainaut français (lieu de colonisation germanique avec les Saxons puis les Francs saliens et ripuaires), la toponymie est explicite: le Quesnoy (la chênaie), le Quesnes-au-leu (le chêne au loup en patois), Fresnoy-le-grand (la frênaie), Frasnoy, Aulnoye (aulnaie), Tilloy les Marchiennes (tilleul), sans parler des Preux-au-bois, Vendegies-au-bois, Raucourt-au-bois et de nombreux autres villages qui témoignent de l'importance accordée aux forêts. A ce sujet notons que pour cet article les termes « bois » et « forêt » seront considérés comme synonymes, bien que l'époque moderne considère que le terme « forêt » s'applique aux bois exploités par l'homme (d'où des redondance apparentes dans certains noms comme la « forêt domaniale de bois-l'évêque »).

    L'importance de la forêt chez les peuples germaniques s'exprime aussi dans la stratégie militaire: Arminius vainquit les Romains (habitué aux formations en lieux découverts) en les entraînant dans une forêt.

    I) L'arbre, objet de culte

    Les anciens chrétiens ne s'y sont pas trompés, tel « Saint » Boniface qui abattit en 723 un chêne légendaire (arbre sacré des Frisons consacré à Donar/Thorr) pour prouver aux païens que ce culte sylvestre n'était qu'idolâtrie. Il est dit que les païens présents s'attendaient à voir la foudre s'abattre lors de l'abattage de l'arbre; mais Donar ne s'étant pas manifesté, il se seraient alors convertis. Ce récit a sans doute été enjolivé par l'église; pour ma part j'y vois l'aveuglement fanatique d'un « saint » incapable de percevoir le sacré dans la Nature et n'ayant pas réussit (ni même sans doute essayé) d'établir un lien avec un être vivant que l'on peut supposer plus que millénaire. Il en va de même lorsque Charlemagne, sans doute pour des raisons politiques, abattit l'Irminsul des Saxons en 772.

    Cela n'a pas empêché de nombreuses traditions de type religieux de s'organiser autour de l'arbre à travers les âges. Ainsi il y a quelques années, à la Pentecôte, lors de la traditionnelle troménie de Landeleau (Finistère), une procession dédiée à saint Télo, l'évêque de Quimper s'était fâché d'assister à une scène surprenante. «Arracher des bouts d'écorce du chêne de Saint-Télo en guise de talisman, c'est une pratique païenne que condamne l'Église», avait déclaré le prélat fraîchement nommé dans la région. L'écorce était considérée comme un porte-bonheur.

    Nous pouvons aussi mentionner le tilleul aux épousailles de Lucheux (nord de la Picardie), dans lequel doivent passer les couple fraîchement mariés. Ou encore ces arbres des Flandres françaises couverts de loques appartenant à un malade, afin de lui apporter guérison...
    Nous pourrions multiplier les exemples à volonté. Juste pour l'amusement, voyons comme l'église justifie cela... Sur le chêne de Bonnoeuvre (Loire-Atlantique), les loques sont remplacées par des clous que les pèlerins plantent dans le tronc après en avoir fait sept fois le tour. «Le clou qui a touché la partie malade d'une personne est planté dans le tronc pour lui transférer le mal», explique James Eveillard, coauteur d'un ouvrage sur les croyances populaires en France. Voici la réaction du prêtre, Clarisse: «Ce clou est un symbole, assez révélateur du mélange des croyances dans les rites populaires, car il fait probablement référence aux clous du Christ sur la Croix». Eh oui, l'église arrive même à récupérer des « rituels » n'ayant rien de chrétien !

    Tacite, dans son ouvrage De origine et situ Germanorum écrit en 98, fait-il part de rites liés aux arbres ou à la forêt? Eh bien oui! Lisons la fin du chapitre IX:
    « D'autre part, conscients de la majesté des dieux, les Germains ne conçoivent pas de les emprisonner dans des murs ni de les représenter à l'image de l'homme. Ils leur consacrent des bois et des bosquets et donnent des noms de divinités à ce mystère, que seul leur sens religieux leur fait voir. »
    Poursuivons avec le chapitre suivant: « Ils manifestent le plus grand respect envers les auspices et les oracles. Voici leur procédé oraculaire, tout simple d'ailleurs. On coupe une petite branche d'un arbre fruitier, on la dépouille de ses rejetons, que certains signes permettront de reconnaître, et on les éparpille au hasard sur un tissu blanc. »
    Dans la description du culte de Nerthus, toujours une référence à un bois sacré: « Dans une île de l'Océan est un bois consacré, et, dans ce bois, un char couvert, dédié à la déesse. Le prêtre seul a le droit d'y toucher ; il connaît le moment où la déesse est présente dans ce sanctuaire ; elle part traînée par des génisses, et il la suit avec une profonde vénération. Ce sont alors des jours d'allégresse ; c'est une fête pour tous les lieux qu'elle daigne visiter et honorer de sa présence. »

    Voilà donc quelques exemples de l'aspect religieux liés à l'arbres dans l'histoire et les histoires. Mais pourquoi cet aspect religieux? En quoi l'arbre est-il considéré comme sacré dans nos légendes?

    II) Yggdrasil et Irminsul

    Yggdrasil est dans la religion germano-nordique le pilier, le soutien de l'univers. Considéré comme un Frêne (arbre très vivace) ou un If (feuillage persistant ; contient une toxine alcaloïde qui affecte le système nerveux central et qui, correctement préparé, peut être hallucinogène, de même que si l'on repose sous un if un jour de forte chaleur), la rune Eihwaz peut lui être associée: c'est l'axe vertical du monde, symbole de vie et de mort, garant de l'équilibre. La rune est un vecteur de communication, et non de séparation ; tout comme Yggdrasil qui relie l'ensemble des mondes de l'univers, qui en est la colonne vertébrale.

    Yggdrasil, c'est aussi l'arbre éternel, invincible, qui survivra au Ragnarök, même s'il « se mettra à trembler ». Bien que ses racines soient rongées par Nídhögg et son feuillage brouté par un cerf et une chèvre, il reste toujours aussi résistant. A propos de cet aspect d'éternité, nous pouvons aussi mentionner un autre arbre de nos légendes qui a son importance (et non des moindres): le pommier. En effet, la déesse Idunn (nom signifiant probablement « celle qui rajeunit ») est la détentrice des pommes qui permettent aux dieux de conserver leur jeunesse jusqu'au Ragnarök. Le vol des pommes à cause de Loki qui l'a entraînée dans une forêt est un épisode célèbre de la mythologie germano-scandinave.

    Yggdrasil c'est aussi la source du savoir. Tout d'abord parce qu'à son pied se trouve la fontaine de Mimir, source de sagesse et d'intelligence à laquelle Odin vint boire. Pour ce faire, il dut donner en gage l'un de ses yeux. Odin ira consulter la source lors du déclenchement du Ragnarök.

    Ensuite par le fait que la pendaison d'Odin durant neuf nuits et neufs jours se fit sur cet arbre; c'est lors de cette pendaison qu'Odin ramassa les runes en hurlant et acquis un savoir extraordinaire.
    Cet arbre qui est « le plus grand et le meilleur de tous les arbres » (quinzième chapitre de la Gylfaginning) a donc indirectement un rôle de dispensateur du savoir à qui consent des sacrifices.

    Il convient enfin de nommer ici un autre arbre majeur chez certains peuples germaniques: Irminsul. Son étymologie signifie « grand, majestueux, puissant, immense, « qui englobe le tout » ». Là encore il s'agissait de l'arbre colonne vertébrale du multivers. On lui rapproche le rune Tyr dont le graphisme rappelle celui d'Irminsul (la voûte du ciel soutenue par la colonne universelle). Cet axis mundi permet de relier la terre au ciel ; là encore l'aspect de communication (et même de transcendance) est évident. Cet rune est à connotation spirituelle et symbolise l'ordre du monde et la justice (un petit lien: la justice se rendait souvent sous un arbre...).

    III) Ask & Embla: l'humanité en lien avec les arbres

    Au 9ème chapitre de la Gylfaginning, à la question « Mais d'où viennent les hommes qui habitent sur terre? », le Très-Haut (Odin) répond : « alors que les fils de Bor [Odin, Vili et Vé] marchaient le long du rivage de la mer, ils trouvèrent deux troncs d'arbres. Ils les relevèrent et façonnèrent deux hommes : le premier leur donna le souffle et la vie, le second l'intelligence et le mouvement, le troisième l'apparence, la parole, l'ouïe et la vue. Il leur donnèrent aussi des vêtements et des noms : l'homme fut appelé Ask et la femme Embla. Ce fut d'eux que naquit la race humaine, laquelle fut établie sur des terres protégées par Midgard. ».
    Boyer donne une traduction légèrement différente de celle de Dillmann : « ils trouvèrent deux souches d'arbres et les prirent et en façonnèrent des êtres humains ».
    Celane change pas fondamentalement la signification: c'est à partir d'arbres que les humains prirent forme et vie. Ce fait à lui seul prouve l'importance majeure de ces solides végétaux qui s'enracinent dans la terre et s'élèvent vers le ciel. Le nom des deux premiers humains n'est pas anodin: Ask signifie « frêne » et Embla « Orme ». L'origine de l'humanité, pour les peuples germano-scandinaves, ce n'est pas le singe, mais l'arbre, animé par le premier des dieux.

    Qu'en est-il du Ragnarök, qui est presque la fin de l'humanité? L'arbre y joue-t-il encore un rôle? Évidemment! Reprenons l'Edda de snorri Sturlusson traduite par Dillmann: les deux derniers humains, Lif et Leif-Thrasir (« Vie » et « Vivace » selon Boyer), « se cacheront dans le bois de Hoddmimir, et de la rosée du matin ils se nourriront. Ce sont d'eux que les hommes naîtront ».

    La boucle est bouclée ! L'humanité, façonnée à partir d'arbres, trouvera son salut dans un bois (le « trésor de Mimir »).


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