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Croyances liées à la mort dans l'antiquité
En Grèce antique
Vers le VIe siècle avant Jésus-Christ arrive de l'Orient, de Thrace et peut-être d'Inde, l'idée de la transmigration des âmes. On en trouve les premières traces dans l'Orphisme. Cette religion de salut, culte à mystères inspiré du personnage mythique d'Orphée, enseignait que l'âme, prisonnière d'un corps créé par les Titans, était condamnée au cycle perpétuel des réincarnations du fait d'une souillure primitive. L'initiation orphique, accompagnée d'une certaine ascèse, permettait à l'âme d'avoir accès au monde divin et la libérait de la métempsycose.
Les Champs Élysées
Les croyances populaires, chez les Grecs de l'ère classique, s'enracinaient dans la mythologie traditionnelle : un Hadès souterrain (ou situé dans une île lointaine) entouré des quatre fleuves du Styx, de l'Achéron, du Cocyte et du Pyriphlégéton, que l'on atteignait grâce au Cocher Charon et à sa barque. Les mystères d'Eleusis vont y situer également trois Juges évaluant les mérites des défunts, aidés par le chien Cerbère à la triple gueule.
On distingue habituellement deux contrées dans ce monde d'outre-tombe :
- les Champs Élysées destinés aux justes, dans un paysage de prairies, de fleurs et d'arbres merveilleux baignant d'une douce lumière (on retrouve ces descriptions dans les actuels récits des personnes revenues d'un coma avancé et d'une « expérience aux portes de la mort » ou nde),
- le Tartare, lieu de supplices éternels pour les méchants décrit à la fois comme un abîme, un brasier et une salle de torture. Dans le peuple, l'idée courait que cet Hadès était le lieu de séjour du double corporel, tandis qu'une sorte d' « âme » demeurerait près de la famille, qu'il fallait honorer par des offrandes rituelles.
Les classes cultivées, dans la suite des philosophes ( Socrate, Plato), ne croyaient plus guère à l'imagerie populaire, et s'inspiraient de schémas philosophiques.
Les mystères d'EleusisLes mystères d'Eleusis font partie des rituels les plus profonds et les plus secrets de la religion grecque. C'étaient eux, pensait-on, qui « constituaient le ciment de la race humaine ». Il était donc essentiel d'en célébrer chaque année les rites.
Les Grecs, en effet, estimaient que les enseignements les plus sacrés ne pouvaient être communiqués qu'à ceux qui étaient passés du monde profane au monde divin grâce à l'initiation. De la même façon, non seulement les oracles, mais beaucoup de poètes et la plupart des philosophes usaient de symboles, d'allégories et parfois d'énigmes tels qu'ils n'étaient compris que de ceux qui en étaient dignes.
Les initiés étaient considérés comme des êtres d'une essence supérieure, car ils avaient eu une vision de la vie dans l'autre monde; l'âme, immédiatement après la mort, errant dans les ténèbres, et assaillie par toutes sortes de terreurs, avant d'être éblouie par une clarté soudaine et d'apercevoir le séjour des bienheureux.
Tout laisse donc à penser qu'il s'agissait d'un processus de mort suivie d'une renaissance, tel qu'on en trouve dans la plupart des religions traditionnelles. De ce fait, les mystères peuvent non seulement se comparer aux initiations égyptiennes , mais être rapprochés des pérégrinations de l'âme, telles que les décrivent aussi bien le Livre des morts égyptien que le Bardo Thôdol tibétain.Ces « Mystères » furent célébrés pendant deux mille ans, et ne prirent fin qu'en 396 av. J.-C., avec le sac d'Eleusis par Alaric, roi des Goths.
Orphée
Apparu dans les textes grecs à partir du VIe siècle av. J.-C., l'orphisme procédait, selon la tradition, d'Orphée, être à demi divin, originaire de Thrace qui charmait les animaux sauvages et descendit aux Enfers. Le personnage d'Orphée peut être rapproché des anciens chamans, et l'orphisme est sans doute une reviviscence de croyances et de rites préhelléniques, constituant une réaction contre le système politico-religieux de la cité. Ce n'est que tardivement que l'on invoqua comme raison de sa descente aux Enfers la perte de son épouse, Eurydice. Contrairement à l'engagement qu'il avait pris, Orphée se retourna et perdit celle-ci de nouveau, cette fois définitivement. Inconsolable, Orphée aurait été massacré par des femmes jalouses, les Bacchantes, mais sa tête coupée vogua sur les eaux sans cesser de chanter. Cette légende qui devait rester célèbre ne fut élaborée par les poètes latins Virgile, et Ovide, dans les Métamorphoses.
Chez les LatinsLes inscriptions que l'on trouve sur les tombes des Romains de la grande époque - celles-ci étaient placées souvent le long des routes pour que les défunts n'aient pas le sentiment d'être mis à part et oubliés - expriment à la fois un certain matérialisme exaltant les joies de la terre, et un certain scepticisme sur l'au-delà. Sa description, telle qu'on la trouve au livre VI de l' Enéide de Virgile, est marquée par l'influence grecque classique. Enée entre par une grotte dans le séjour des Enfers, arrive au bord de l'Achéron, le traverse sur la barque de Caron, amadoue le chien Cerbère, laisse sur la gauche le chemin des lieux de torture du Tartare et prend à droite le chemin des non moins classiques Champs Élysées baignant dans la fraîcheur et la lumière, où il pourra bénéficier des multiples distractions du gymnase, du théâtre et de l'académie. Il voit encore des âmes buvant une eau qui leur permet d'oublier leur vie précédente afin de pouvoir renaître. Anchise lui montre un défilé d'âmes destinées à renaître et qui deviendront de grands Romains, parmi lesquels Romulus et les empereurs de Rome
Notons toutefois qu'à la période antérieure, les Romains partageaient aussi certaines représentations des croyances populaires des Etrusques et des anciens Latins. Pour ceux-ci les défunts continuaient à vivre dans la tombe une vie en demi-teinte. On doit leur offrir des cultes funéraires car ils demeurent présents dans la famille. Les Mânes des Ancêtres sont gardiens du foyer, et on leur dédie aussi des honneurs constants par des offrandes quotidiennes et des fêtes à date fixe. Bien différente de ces croyances populaires est la philosophie des Stoïciens, pour lesquels l'existence d'ici-bas n'est qu'une propédeutique pour l'au-delà.
En MésopotamieEntre le Tigre et l'Euphrate, du IVe millénaire au VIe siècle avant notre ère, sur le pays correspondant approximativement à l'actuel Irak, se sont succédé de multiples civilisations - babylonienne, assyrienne, sumérienne, phénicienne, - civilisations évoluées mais marquées par le peu d'attention donnée à la mort et un pessimisme radical sur l'au-delà. On se le représente comme un monde souterrain dénommé la Terre sans retour, la Terre lointaine, la Maison des Ténèbres et de la poussière.
L' épopée de Gilgamesh
Enkidu, le compagnon de Gilgamesh dans la grande saga suméro-akkadienne, y voit en songe comme « la maison où l'on entre sans espoir d'en sortir » par « la route dont les chemins ne servent qu'à l'aller et jamais au retour », comme « la demeure dont les habitants manquent de lumière » et où « la poussière est leur nourriture, leur aliment, la boue ». Pour pénétrer dans ce lieu sinistre, l'Arallou, l'ombre doit accomplir un périlleux voyage en passant en particulier les sept enceintes par sept portes, avant de traverser le fleuve infernal sur la barque du passeur des ombres, Khoumout Fabal. Les rites funéraires l'aident dans ce périple. Si elle échoue, la mort restera pour hanter les vivants.
Devant de telles perspectives, un seul espoir anime les Mésopotamiens : acquérir l'immortalité, à l'instar de Gilgamesh dans sa quête inlassable. Mais hélas c'est toujours l'échec. La leçon dernière sera donnée à notre héros par Siduri la cabaretière : « 0 Gilgamesh, pourquoi erres-tu de tout côté ? La vie que tu poursuis, tu ne l'atteindras pas. Lorsque les dieux ont créé le genre humain, Ils lui ont fixé le destin de mourir Et ils ont gardé l'immortalité entre leurs mains. Pour toi, 0 Gilgamesh, remplis ton ventre ! Jour et nuit, fais bombance ! »
Les HittitesA la différence de l'Egypte qui avait ouvert les portes de la survie à tout le peuple et non plus seulement aux pharaons, les Hittites réservaient la pleine vie dans l'au-delà aux seuls souverains. Ils partageaient la vie des dieux dans un décor fastueux et bucolique. Devenus dieux eux-mêmes, les couples royaux étaient l'objet d'un culte se prolongeant dans les grands rites funéraires de quatorze jours destinés à leur ouvrir la porte du monde céleste : incinération, dépôt des ossements en place d'honneur, offrande de bœufs et de moutons, repas cultuels. Autre était le salut des gens du peuple. Ils poursuivent une survie peu enviable dans le monde des Enfers, lieu de séjour des dieux détrônés. On y accède par des rivières qui font penser à l'Achéron hellène. On y rencontre sept portes, comme chez les Babyloniens, et neuf lacs ou cours d'eau. Les survivants essayent d'apaiser les morts par des offrandes de pain et de miel, pour que ceux-ci ne reviennent pas les tourmenter, spécialement en s'incrustant dans la maison de la famille.
Chez les primitifs
A l'âge du renne on l'enterre dans les grottes-abris des vivants, parfois sous le foyer, comme pour établir un lien de continuité avec le disparu. Le corps est souvent peint en rouge, retenu à l'occasion par des pieux ou des os le fixant au sol : " pour qu'il ne revienne pas tourmenter les vivants " diront certains primitifs actuels. Ces rites d'inhumation laissent déjà entendre qu'ils sont intentionnels. Le doute n'est plus permis à l'époque néolithique où commencent à apparaître des sépultures purement artificielles : dolmens, tombes recouvertes de cinq dalles plates, tumulus. Le mort est presque toujours enseveli avec ses objets familiers, ses armes, ses bijoux. Il est souvent inhumé en position repliée, les genoux sur la poitrine ; parfois incinéré. Se soucier ainsi du corps du défunt, l'entourer de pratiques rituelles codifiées, semble signifier : qu'on perçoit en lui une réalité exigeant culte et respect, dans l'idée qu'il poursuit " ailleurs " des activités personnelles pour lesquelles il a encore besoin de son environnement familier ; qu'il faut se préserver d'éventuelles actions hostiles de sa part ; voire qu'il existe en lui un principe indépendant du corps. L'étude ethnographique des sociétés archaïques dites " primitives " va éclairer certaines de ces hypothèses.
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