• "Fais attention à l'homme dont l'écriture penche telle un roseau au vent". Tout comme Confucius, le graphologue fait des inférences à propos de la personnalité, en examinant des aspects de l'écriture. Dans les décennies passées, des organisations, dans le monde entier, ont commencé à utiliser les évaluations graphologiques comme aide à la décision dans la sélection de leur personnel. Le recours à la graphologie, lors de cette sélection, est surtout importante en Europe, plus particulièrement en France, où le pourcentage estimé de son utilisation varierait entre 38% (Shackleton & Newel, 1994) et 93% (Bruchon-Schweitzer & Ferrieux, 1991). Aux Etats-Unis, cette estimation s'établirait entre 500 en 1970 (Mickels, 1970) et 3000 en 1977 (Hager, 1977). Bien qu'il soit difficile d'évaluer avec précision combien d'organisations utilisent encore la graphologie, il apparaît que les décisions d'embauche, pour un nombre important de candidats à l'emploi dans le monde, sont déterminées, en fin de compte, par des inférences faites sur la base de leur écriture. Pour que la pratique de la graphologie persiste, il doit exister une perception, chez ses utilisateurs, leur faisant croire que la méthode présente une certaine utilité, ou validité prédictive. En effet, de nombreux DRH apportent des témoignages positifs de la puissance prédictive de la graphologie, et continuent à avoir recours aux services de graphologues (Hooper & Stanford, 1992; McCarthy, 1988). Bien que l'idée d'un diagnostic de la personnalité sur une base scripturale puisse être intuitivement séduisant, les preuves de sa validité sont faibles.

    Malgré quelque lointain soutien de la communauté scientifique (Allport & Vernon, 1933; Downey, 1923), les résultats de la recherche récente, testant la validité de l'utilisation de l'écriture dans le but de prédire des traits de personnalité, ont été constamment négatifs. Par exemple, Furnham et Gunter (1987) étudièrent la méthode graphologique des "traits", qui prédisent des traits de personnalité spécifiques à partir de caractéristiques scripturales individuelles. Les participants complétèrent le questionnaire de personnalité Eysenck (EPQ; Eysenck & Eysenck, 1975) et copièrent un passage textuel à la main. Les échantillons d'écritures étaient codés en 13 dimensions caractéristiques (par ex. leur taille, inclinaison, etc. ) que les graphologues rapportent comme étant des caractéristiques permettant un diagnostic fiable de la personnalité. Seules des corrélations aléatoires ont été observées entre les différentes caractéristiques des écritures, et les scores du questionnaire EPQ en ce qui concerne l'extraversion, la névrose, la psychose et la mythomanie. Autre exemple, Bayne et O'Neill (1988) demandèrent à des graphologues d'estimer le type psyclogique de personnes (extraverti-introverti, sensible-intuitif, rationnel-émotionnel, jugement-perception) à partir d'échantillons d'écriture. Bien que très confiants dans leurs jugements, aucune des estimations des graphologues ne fut capable de prédire avec précision les profils Myers-Briggs des écrivains.

    Dans une méta-analyse de plus de 200 études mesurant la validité des inférences graphologiques, Dean (1992) ne trouva seulement qu'un petit effet d'inférence de la personnalité à partir de l'écriture, et nota que l'inclusion d'études ayant des défauts méthodologiques pouvait avoir gonflé l'estimation de l'effet-taille. L'effet taille, estimé à r=.12 pour inférer une personnalité à partir d'un manuscrit à contenu neutre (i.e. manuscrit contenant un texte figé qui n'est pas sous le contrôle de l'écrivain), n'est pas assez important pour revendiquer une valeur pratique, et serait certainement trop petit pour être perceptible par le jugement humain (Jennings, Amabile, & Ross, 1982). Ainsi, même un petit, mais réel, effet ne peut pas compter dans la magnitude des relations entre les traits de personnalité, et les caractéristiques de l'écriture, rapportées par les graphologues et leurs clients. Le sexe (Furnham, 1988), le statut économique (Hines, 1988), et le taux d'alphabétisation (Osborne, 1929), tous prévisibles par l'écriture, peuvent prédire quelques traits de personnalité.

    Ainsi, toute faible capacité de la graphologie pour prédire la personnalité peut reposer sur une information sur le sexe ou le statut socio-économique, apportée par l'écriture. La précision graphologique attribuable à ces variables est de médiocre valeur parce que simpliste, il existe bien d'autres méthodes plus valables que celle-là. Les résultats de la recherche étudiant la validité de la graphologie, pour ce qui est de prédire des performances professionnelles, ont toutes été autant négatives (Ben-Shakhar, Bar-Hillel, Bilu, Ben-Abba & Flug, 1986; Rafaeli & Klimoski, 1983). Les affirmations des graphologues, en ce qui concerne la sélection du personnel, se focalisent sur des traits désirés, tels que la détermination, le caractère commercial et l'honnêteté. Étant donné son manque de validité pour prédire la personnalité, il serait surprenant que la graphologie fasse la preuve de sa capacité à prévoir les performances d'un futur employé. En effet, dans une revue de 17 études, ayant recours à des critères plus stricts d'inclusion, pour une méthodologie plus poussée que celle que fit Dean en 1992, Neter et Ben-Shakhar (1989) trouvèrent que les graphologues ne faisaient pas mieux que des non-graphologues pour ce qui est de prédire des performances professionnelles. Lorsque les échantillons d'écritures étaient autobiographiques, les deux groupes étaient peu précis dans leurs pronostics.

    Lorsque le contenu des textes était neutre (i.e. identique pour tous les écrivains), aucun groupe n'était capable de faire des inférences à propos des performances dans l'activité professionnelle. Ainsi, la croyance dans la validité de la graphologie, utilisée pour évaluer et prédire la performance d'un futur employé ou collaborateur, manque de preuves empiriques pour la fonder. Comme condition nécessaire (mais non suffisante) pour pouvoir faire une inférence valide, la confiance dans les prédictions graphologiques doit d'abord être établie (Goldberg, 1986). Cependant, cette confiance dans le pronostic graphologique possède ses propres conditions préalables : les caractéristiques sélectionnées de l'écriture doivent d'abord être correctement encodés. Cette condition semble exister, les consensus entre les différents juges, mesurant les caractéristiques scripturales objectives, telles que l'inclinaison ou déclinaison, est de r=.85, et le consensus au sujet de caractéristiques subjectives, telles que le rythme, reste respectable à r=.60 (Dean, 1992).

    Le consensus sur ce que signifient ces caractéristiques est quelque peu moins marquant. Dans les études examinées par Dean (1992), les interprétations considérées comme significatives (i.e. les inférences) faites par les graphologues professionnels est de r=.42. Ce qui est intéressant, c'est que même les juges profanes font montre d'un certain consensus dans leurs interprétations naïves, avec un indice de confiance (r=.30) inférieur de peu à celui des graphologues. D'un point de vue socio-psychologique, le consensus entre les juges est lui-même intrigant, parce qu'un tel accord constitue un ensemble de croyances partagées, mais apparemment invalides, sur les relations entre la personnalité et l'écriture. Bien que l'origine de telles croyances, au sein des graphologues, pourrait provenir de leurs habitudes, une telle explication ne peut pas rendre compte du consensus existant entre des juges sans expérience non graphologues, qui n'ont pas l'habitude de la graphologie. Dans une recherche menée par Vine (1974), des juges profanes faisaient des prédictions invalides à propos de la personnalité, sur la base d'écritures, et pourtant le consensus était élevé. Plus récemment, James et Loewenthal (1991) rapportèrent l'existence d'une croyance compatible, mais invalide, que des participants naïfs formèrent dans leurs jugements au sujet de la dépression à partir de l'écriture.


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  • C’est la crise. Du moins c’est ce que racontent les multinationales qui veulent virer des salariés pour augmenter les profits des actionnaires. Vous voulez nourrir votre famille ou vous en fourrer plein les fouilles? Arrêtez de jouer au loto, c’est cher et ça rapporte que dalle. Devenez escroc à la voyance. La mise de fond est faible et le rapport énorme si vous suivez ces conseils.

    1) Faîtes comme le pape, oubliez vos scrupules. Ben oui, vous allez détruire la vie de centaines de personnes en situation de détresse morale et financière. Elles vont venir à vous emplies d’espoirs et repartir chargées de dettes. La moindre once de compassion serait fatale à votre nouvelle activité.

    2) Trouvez un pseudo à consonance mystérieuse. Avouez que Lucinda, ça en jette plus que Josette. Toutefois n’allez pas trop loin dans l’étrange. Avec Lucifer ou Morticia, vous feriez fuir la clientèle et vous risquez de vous attirer des ennuis d’êtres qui n’admettent pas la concurrence…

    3) Installez-vous en ville. Le potentiel de clientèle y est plus important. Sans oublier que le manque de solidarité et la pollution qui y règnent prédisposent à la dépression et au cancer. Deux maux qui seront vos amis tant les personnes qui en sont atteintes sont vulnérables et prêtes à tout vous donner en échange d’un peu d’espoir. A la campagne, vous n’aurez aucune chance. Les gens y sont suspicieux et les charlatans sont vite démasqués.

    4) Prévoyez un bon budget pub. Le bouche à oreille ne fonctionnant que pour les vrais voyants, seule la pub peut remplir votre cabinet.

    5) Ratissez large. Amour, argent, santé, travail: rien ne vous résiste. Vous venez à bout de tous les problèmes grâce à vos multiples et incomparables talents. Tant qu’à être un charlatan, ne faîtes pas les choses à moitié: vous êtes le Mozart de la voyance. Vous savez tout faire à l’instant même où vous ouvrez votre cabinet.

    6) Obtenez dès aujourd’hui un maximum de diplômes. Pour cela, nul besoin d’être un génie, rassurez-vous. Les pseudos écoles de parapsychologies sont légions. Certes, elles ont été créées par des escrocs. Mais qui d’autre qu’un escroc pourra vous apprendre à escroquer les gens? Mieux encore, achetez un ordinateur, une bonne imprimante, et créez votre propre diplôme. Si possible, inventez-vous des études aux Etats-Unis; c’est un must have et personne n’ira vérifier.

    7) Inventez-vous une longue, très longue expérience dans la pratique des arts divinatoires. Et loin, très loin. Mais sachez demeurer mystérieux quant aux dates et aux lieux. Ça évite de se mélanger les pinceaux.

    8) Les dons étant généralement révélés, si ce n’est transmis, par quelqu’un du milieu, multipliez vos parrains et marraines. Plus ils seront nombreux et plus les dons qu’ils vous transmettent seront extraordinaires, plus vous pourrez extorquer d’argent. N’oubliez pas cependant que vos marraines et parrains doivent vivre très loin ou bien être carrément morts. Des fois que quelqu’un serait tenté d’aller leur causer…

    9) Inventez-vous des témoignages de reconnaissance. Demandez à vos parents et amis de vous écrire pour vous remercier d’avoir gagné au loto ou d’avoir guéri d’un cancer incurable. Evitez toutefois de mettre leur numéro de téléphone, à moins qu’ils ne soient très doués pour la comédie.

    10) Ayez une clientèle de stars. Ça épate toujours et c’est si facile. Les célébrités acceptent souvent d’être prises en photos avec leurs fans. Tapissez votre bureau de ces photos et vous pourrez faire croire à tout le monde que vous êtes la voyante des stars, le marabout des politiques. Il y a même beaucoup d’ex-vedettes de showbiz qui accepteront de dire que vous êtes un voyant extraordinaire, pourvu que leur payiez une bonne bouteille.

    11) Voyagez! Et profitez de vos vacances en voyage organisé pour vous faire prendre en photo devant un temple shintoïste ou une case africaine. Qu’importe si le temple est en fait un bordel ou si la case est en carton. Vous pourrez affirmer que vous avez été initié à des pratiques anciennes auxquelles nul occidental n’avait jamais eu accès. Etant l’unique élu, vos tarifs en seront d’autant plus élevés.

    12) Rapprochez-vous des médias. Plus ils parlent de vous, plus vous êtres crédible. Le top, c’est la télé. Mais attention, pour être invité sur les plateaux de télé, il faut donner dans l’extra. Vous tirez les cartes aux canaris, vous lisez l’avenir dans les pots d’échappement ou vous dialoguez avec les esprits réincarnés dans le cabécou? C’est la notoriété assurée.

    13) Préservez-vous des détracteurs. En vous initiant, vos parrains et marraines (voir au n°6) vous ont prédit que des jaloux tenteraient de vous discréditer, mais aussi qu’ils auraient de gros problèmes. Car vous êtes presque un saint. J’ai bien dit presque.

    14) Faîtes parler vos clients. Après une heure de conversation, ils ne sauront plus faire la différence entre vos dons supposés et votre mémoire.

    15) Fidélisez les gogos. Pardon, les clients. Si dans les témoignages que vous avez inventés, vous résolvez tous les problèmes de façon aussi éclatante que foudroyante, pour les vrais clients, les choses doivent être longues et difficiles. Une victime qui revient, c’est de l’argent tous les matins, proverbe d’escroc. Plus le cas est compliqué, plus le compte en banque est élevé.

    16) N’oubliez pas les travaux occultes. C’est une incomparable source de revenus. D’autant plus qu’elle ne nécessite ni investissement, ni le moindre effort. En effet, un travail occulte quel qu’il soit possède deux caractéristiques essentielles: il n’existe pas et il coûte très cher. Qu’il s’agisse d’une cérémonie dans un pays exotique ou d’une poudre de perlimpinpin, le travail occulte nécessite que vous passiez du temps au bord de votre piscine dans votre superbe villa sur la Côte d’Azur. Cela vaut bien quelques milliers d’euros, non?

    17) Comptez sur l’effet placebo. La guérison par autosuggestion existe en médecine comme dans le charlatanisme.

    18) Ne soyez pas modeste. Si le hasard veut que vous tombiez juste pour seulement 1% de vos clients, n’hésitez pas à affirmer que 99% de vos victimes sont satisfaites de vous. Chacun croira faire partie des 1% restants et se dira que, décidément, la chance n’est pas de son coté.

    19) Evitez de dire que vous tenez votre don de Dieu lui-même. On vous rétorquerait que les vrais saints ne se sont jamais fait payer. Et puis il faut éviter de se fâcher avec le grand patron, rappelez vous Sodome et Gomor…

    20) Prévoyez de déménager dès que le vent tournera. Car un jour ou l’autre, quelqu’un prouvera que votre unique don est celui d’escroquer les autres.

    21) Lancez vous dans l’écriture, vantez vos mérites, étalez vos réussites. Publicité, droits d’auteur et clients garantis.

    22) Réfléchissez avant de vous lancer. "Qui joue avec le feu, périra par le feu". Vous vous apprêtez à jouer avec des forces dont vous n’imaginez pas l’ampleur. Un certain Docteur Faust y perdit son âme. Sans aller jusque là, apprenez que l’Inad a aidé de nombreuses victimes, à défaut d’un arrangement amiable, à se pourvoir en justice et à obtenir gain de cause.


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  • « Ondes positives » (et « ondes négatives » bien sûr), « ondes de forme », « ondes nocives », « ondes de colère », « ondes maléfiques » (mais bien plus rarement des « ondes bénéfiques » ?), « ondes colorées » (c’est poétique)… Un parcours de la littérature astrologique et ésotérique nous fait découvrir des tas d’ondes insoupçonnées. Des formes d’ondes que les physiciens, il faut bien le dire, ont du mal à s’approprier.

    Pourquoi un tel engouement pour ce terme ? Avançons une explication : les ondes sont associées en physique à la transmission d’énergie sans transmission de matière. Elles incarnent d’une certaine manière les actions à distance, des actions où l’être humain ne voit pas de support matériel (voit-on vibrer l’air ambiant quand nous parlons ? pouvons-nous voir l’onde qui réchauffe notre repas à l’intérieur d’un four à micro-onde ? Voit-on l’onde de TF1 arriver sur notre antenne de télévision avant de se transformer en Star Académie sur notre écran cathodique ?). Or le paranormal repose largement sur des actions mystérieuses se produisant à distance (l’astrologie, la psychokinèse, la télépathie, etc.). Alors, dans leur quête de respectabilité scientifique, il est logique que les tenants du paranormal se soient emparés du terme. Autre intérêt : les ondes, parce que très souvent invisibles, font peur. A ce titre, elles fascinent. Elles deviennent alors « maléfiques », « nocives », « négatives »…

    En physique, il n’y a ni « onde positive » ni « onde négative », elles ne s’additionnent pas pour donner une « onde nulle ». Les ondes n’ont pas d’intention, ni maléfique ni bénéfique, elles peuvent toutes provoquer le meilleur et le pire. Les vagues du bord de mer enchanteront nos enfants alors que la vague du Tsunami a dévasté une région immense. Une parole susurrée à l’oreille peut être très agréable, une onde sonore suite à une explosion peut déchirer nos tympans. Les ondes sont des objets fascinants et mystérieux. Mais l’effort pour les comprendre passe par la physique. C’est elle qui nous dévoilera des océans de choses fascinantes, proprement incroyables. Ces tristes « ondes positives » et « négatives » à l’envi répétées à longueur de thème astral, laissons-les de côté !


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  • Discuter de l’utilité des religions permet d’éviter de poser une autre question, première et fondamentale, celle de la vérité des doctrines religieuses. Dans le temps, les chrétiens ne nous disaient pas que la religion soulage, fonde nos valeurs ou donne un sens à la vie, mais qu’il est vrai que Dieu existe, qu’il y a une vie après la mort, un ciel et un enfer, que Jésus est mort pour nos péchés etc. Et c’était parce que ces doctrines étaient vraies que la religion avait une dimension morale.

    La vérité des doctrines religieuses s’appuyait soit sur des arguments a priori – les « preuves » métaphysiques de l’existence de Dieu – soit sur des arguments a posteriori, principalement sur l’idée que le monde, dans toute sa complexité, ne peut pas surgir de « rien » ni être « dû au hasard ».

    C’est une erreur fréquente de croire que la science a réfuté ces idées, en apportant une réponse non religieuse à ces questions (par exemple, le darwinisme comme explication de l’origine de la complexité). En effet, les croyants peuvent, et pourront toujours, déplacer les questions et en trou-ver d’autres auxquelles la science ne répond pas. Mais la science, ou plu-tôt les philosophies qui se sont appuyées sur elle (matérialisme, empirisme, positivisme logique) ont changé l’idée que nous avons de ce qu’est une réponse valide à une question donnée.

    D’un point de vue scientifique, invoquer comme explication d’un phénomène quelconque, l’univers par exemple, un être tel que Dieu dont on n’a aucune connaissance, même indirecte, et qu’on ne peut caractériser d’aucune façon précise, revient à dire « on ne sait pas » ou « c’est dû au hasard ».

    Les atomes, par exemple, ne sont pas directement observables, exactement comme Dieu – mais la théorie atomique, contrairement à toutes les doctrines théologiques, a des conséquences spécifiques, précises et observables. La science moderne a permis d’élever les normes de ce qui peut être considéré un savoir véritable et, par là même, nous a permis de comprendre que le discours religieux est une pure illusion.

    Pour ce qui est des arguments a priori, la critique empiriste, au moins depuis le 18e siècle, a montré que ceux-ci étaient pertinents en logique et en mathématique mais ne nous apprenaient rien sur le monde réel (y compris sur des sujets tels que Dieu).

    Comme argument en faveur de la religion, il y avait aussi évidemment la Révélation – qui était sans doute l’argument le plus populaire – mais, lors-que l’on s’est rendu compte de la multiplicité de ces « révélations », pratiquement chaque tribu au monde ayant sa propre « parole sacrée », on a compris qu’il est impossible, sans faire de raisonnement circulaire, de déterminer quelle est la vraie révélation, ni d’ailleurs, à l’intérieur d’une révélation don-née, de déterminer quelle est la « bonne » interprétation des textes « sacrés ».

    La contribution directe des sciences – géologie, cosmologie, archéologie – à la réfutation de la religion, est d’avoir montré que les textes religieux sont presque entièrement faux là où ce qu’ils disent est vérifiable. Il faut alors beaucoup de bonne volonté pour imaginer une divinité toute-puissante et omnisciente qui nous révèle de grandes vérités métaphysiques et morales dans des textes où elle nous trompe systématiquement (et forcément de façon délibérée, vu qu’elle est omnisciente) sur tous les faits vérifiables. Et si la faute en incombe aux pauvres humains qui ont transcrit maladroitement ces « vérités », alors pourquoi ne pas se méfier d’eux également lorsqu’ils nous parlent de valeurs et de morale ?

    C’est après avoir été vaincus sur le plan scientifico-philosophique que les croyants ont adopté la position de repli, si courante aujourd’hui (et acceptée, malheureusement, par bon nombre de laïques), qui consiste à justifier la religion par son « utilité ». Celle-ci est souvent présentée sous une double forme, soit comme fondement de la morale, soit de façon plus vague, comme nous fournissant « du sens ».

    Pour la première idée, imaginons un texte sacré qui prescrit que, lorsqu’on met ses chaussures, on doit mettre la chaussure droite avant la gauche. Il est évident que cela ne rendrait pas cette action bonne et l’action contraire mauvaise. Par conséquent, il doit bien exister en nous une notion de bien et de mal, peut-être vague, mais indépendante de toute doctrine religieuse. En réalité, dans la mesure où les prescriptions religieuses nous paraissent morales, c’est uniquement parce qu’elles coïncident avec notre sentiment non religieux de bien et de mal. Mais alors, à quoi servent ces doctrines ?

    Bien sûr, on peut donner un sens banal à l’idée que la religion fonde nos valeurs, sens qui a été historiquement celui qui a permis à la religion d’être le « fondement » de la morale (et que les chrétiens libéraux modernes essayent d’oublier) : la peur de l’enfer. Mais cela suppose évidemment que l’on arrive à se convaincre de l’existence de celui-ci et, de plus, cela nous ramène à la question, première, de la vérité des doctrines religieuses.

    Finalement, il y a la question, très vague, du « sens ». Mais si l’on admet que les doctrines religieuses sont fausses, en particulier l’idée de vie après la mort, et que la religion n’apporte aucun éclaircissement sur le bien et le mal, il est difficile de comprendre ce que peut bien vouloir dire l’idée que la religion donne un « sens à la vie ».

    Il me semble que rien ne peut mieux illustrer la déroute intellectuelle du christianisme au 20e siècle que le fait qu’aujourd’hui, ce sont les croyants qui insistent sur l’aspect « consolation » ou « morale » de la religion, plutôt que sur sa vérité. Ce sont eux qui soulignent que la religion est l’opium du peuple, même s’ils utilisent d’autres mots, comme « valeur » ou « sens de la vie », et considèrent que nous avons besoin de ce genre d’opium. Si ces positions de repli sont adoptées, c’est parce que les croyants eux-mêmes ont compris qu’il est difficile de trouver des arguments valides en faveur de l’existence de Dieu ou de l’immortalité de l’âme, mais refusent de l’admettre ouvertement, et surtout d’accepter les conclusions radicales que cela implique pour les aspects « moraux » de la religion qu’ils espèrent sauvegarder.

    Finalement, si l’on pense, comme Bertrand Russell, aux « millions de victimes innocentes qui sont mortes dans de grandes souffrances parce que, dans le temps, les gens ont réellement pris la Bible comme guide de leur conduite », on ne peut que se réjouir du recul progressif de la religion depuis le 18e siècle en Europe, et voir cela comme une étape importante dans l’histoire de l’émancipation humaine.

     



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  • Une pseudo-science est une démarche qui se prétend explicitement scientifique mais sans utiliser la méthode scientifique. Le terme « pseudo-science » signifie donc qu'une connaissance ou une démarche non scientifique a la prétention d'être scientifique, dans un but de mystification.

    Comment identifier une pseudo-science ?

    Pour être nommée science, il faut qu'une discipline propose des moyens de vérifier empiriquement les hypothèses qu'elle avance. Or, une pseudo-science se repère par l'absence de vérification empirique des hypothèses proposées. Par exemple, la psychanalyse n'avance aucune hypothèse vérifiable empiriquement, elle se distingue donc de la médecine.

    L'impossibilité de réfuter les hypothèses soumises est un indicateur qu'on est en présence d'une pseudo-science. En effet, pour être admise comme scientifique, une théorie doit être réfutable. Par exemple, en parapsychologie et dans le paranormal, la force psi a la caractéristique de ne pas se manifester lorsque l'on tente de l'étudier en laboratoire, alors que ses partisans l'affirment responsable des phénomènes de télékinésie ou de télépathie. Ainsi, l'hypothèse de la force psi est impossible à réfuter car si aucune expérience ne met cette force en évidence, cela ne vient pas en contradiction avec l'hypothèse de départ. Dans la méthode scientifique, peu importe le résultat, ce qui compte c'est que l'hypothèse soit susceptible de pouvoir être infirmée.

    Une pseudo-science utilise fréquemment des méthodes erronées et n'hésite pas à manipuler les statistiques des résultats. Par exemple, un laboratoire homéopathique affirme que son nouveau produit est efficace dans 25 % des cas, mais en revanche ce labo omet de rappeler qu'un placebo produit une amélioration des symptômes dans la même proportion, ce qui annule la “preuve” d'efficacité du produit. En effet, pour être valide, un résultat doit donner de meilleurs scores que le hasard, ici en l'occurrence un échantillon de produit-témoin.

    Une pseudo-science se borne souvent à des conclusions hâtives ou fausses par rapport aux résultats. Par exemple, un astrologue obtient un taux de succès, pour ses prédictions, de 75 %. En revanche, seulement quatre prédictions par l'astrologue ont fait l'objet de l'étude. Les résultats, fondés sur un échantillon peu significatif, peuvent être le résultat du hasard. Une étude statistique n'est valable que pour un échantillon significatif d'un assez grand nombre d'essais, afin de pouvoir observer si l'expérience se démarque du hasard.

    Une pseudo-science se réfère à des sophismes pour appuyer ses conclusions. Par exemple, les croyants de l'ufologie demandent systématiquement aux sceptiques de prouver que le phénomène OVNI n'est pas d'origine extraterrestre. En logique, il est impossible de prouver l'inexistence d'une chose. La charge de la preuve revient à ceux qui affirment l'existence d'une chose.

    Les stratégies mises en oeuvre par les pseudo-sciences sont les suivantes : les pseudo-sciences portent des suffixes en “-logie”, comme la graphologie, l'astrologie, la numérologie ; la publication de brevets et la référence à des normes (ce n'est pas un critère de scientificité pourtant) ; le détournement de titres universitaires ; la création de pseudo-centres ou de pseudo-instituts universitaires (sous forme d'association loi 1901 par exemple). En effet, n'importe qui peut créer une simple association qu'il peut appeler, par exemple, Centre européen de Recherche Scientifique et d'Observation des Petits Hommes Verts, ou Université Internationale de l'Astrologie  ou encore Institut de Science et de Théologie sans que cela ne confère évidemment le moindre crédit ni le moindre statut scientifique aux “recherches” effectuées en son sein.
    Les pseudo-sciences présentent leurs thèses et contredisent les théories scientifiques reconnues, en employant souvent des arguments fallacieux contre les scientifiques établis.

    Les pseudo-sciences prennent leur défense en avançant la “théorie du complot”.

    Les publications scientifiques s'appuient sur un système de comité de lecture (referee), qui se charge de s'assurer de la rigueur des articles (qu'ils font bien référence à des publications antérieures, qu'ils s'appuient sur des données expérimentales dont la réalisation est décrite afin qu'elles puissent être reproduites). Les pseudo-sciences échappent et se dérobent à cette règle nécessaire, car pour elles, s'y soumettre revient à être démasquées et dénoncées.

    Sur un mode plus amusant, pour discréditer les pseudo-sciences, on utilise le raisonnement par l’absurde par le biais de pseudo-sciences parodiques. C’est ce qui est fait notamment avec la création ludique de la jumbologie qui consiste à noter la position de tous les avions dans le ciel au moment de la naissance d’un individu afin de lui faire un « thème jumbologique », ou avec la pratique encore plus loufoque de la netologie, qui consiste à étudier la configuration de tous les écrans disponibles au moment de la conception d’un enfant.

    La caractéristique la plus évidente d'une pseudo science est que celle-ci doit concerner l'homme, soit directement (astrologie, homéopathie), soit par des êtres fantasmatiques proches (OVNIs, cryptozoologie, qui ne font que potentiellement interagir avec l'homme). Ce caractère de proximité avec l'homme rend donc les pseudo-sciences populaires.

    Les pseudo-sciences se reposent sur des bases inexpliquées ou lacunaires. Il n'y a jamais de théorie concordant avec l'expérience en pseudo-sciences, il n'y a (selon elles) que des faits “inexplicables par la Science Officielle”, mais sans qu'il soit proposé une nouvelle théorie comme la relativité a “expliqué” (ou “correctement décrit”) l'expérience de Michelson-Morley. L'astrologie et l'homéopathie ont des “règles” mais qui ne découlent d'aucune théorie axiomatisée.

    Les pseudo-sciences sont souvent connues pour être des “pompes à fric”, et n'être que des doctrines qui restent inchangées dans le temps. La science, elle, progresse et change de théories, mais pas les pseudo-sciences qui ne sont que des idéologies.


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