• Un roi est très préoccupé. Il se dit : « Si moi j’ai des préoccupations, tout le monde doit en avoir. Y a-t-il dans mon royaume quelqu’un qui n’ait aucune préoccupation ? »

    Il envoie ses messagers dans son royaume voir si un tel homme existe et on lui apprend qu’il en existe un.

    « Mais comment fait-il ? De quoi vit-il ? Demande le roi.
    - Chaque jour il gagne six pièces de monnaie, avec lesquelles il fait un bon repas, c’est tout. Il est gai, répond le messager.
    - Ce n’est pas possible ! » s’exclame le roi.

    Il se déguise en mendiant et se rend chez cet homme. Celui-ci est en train de dîner et il lui propose aussitôt de partager son repas. Le roi accepte et en mangeant il lui demande :

    «  Comment gagnes-tu ta vie ?
    - C’est très simple. Je répare tout ce qui est cassé. Les montres, les couteaux, n’importe quoi. Voilà comment je gagne ma vie… »

    Le roi se précipite au palais et fait diffuser dans tout le royaume un édit stipulant que personne ne doit faire réparer un objet cassé ! Obligation est faite dans ce cas d’en acheter un autre !

    Le lendemain l’homme ne trouve aucun client. Personne ne lui demande de réparation. Pas du tout inquiet, l’homme rencontre en chemin un vieillard en train de couper du bois. « C’est une tâche trop dure pour vous. Voulez-vous que je coupe ce bois à votre place ? » lui demande-t-il.

    Le vieillard accepte et lui donne six pièces de monnaie en échange de son travail. L’homme s’offre un bon repas ; à ce moment le roi arrive.

    « Mais comment as-tu fait pour t’offrir ce bon repas ?
    - C’est très simple. J’ai coupé du bois pour quelqu’un. »
     
    Le roi rentre au palais et ordonne que toute personne qui se fait couper du bois par quelqu’un d’autre soit châtiée !

    Le lendemain, l’homme très heureux cherche à couper du bois, mais personne n’accepte ses services. Passant devant une écurie, il propose au propriétaire de la nettoyer. Ce dernier accepte. L’homme passe sa journée à nettoyer plusieurs écuries, et le soir il a gagné six pièces de monnaie qui lui permettent de s’offrir un bon repas.

    Apprenant cela, le roi ordonne que tout propriétaire d’écurie la nettoie lui-même sous peine de châtiment !

    Le lendemain, l’homme ne trouve aucun travail. Il ne se laisse pas démoraliser pour autant. Voyant des personnes faire la queue, il la fait aussi. En fait ce sont des hommes qui s’engagent pour être mercenaires au service du roi. Quand son tour arrive, il signe le contrat et on lui donne une épée. En échange, l’homme demande qu’on lui donne chaque soir six pièces de monnaie. Le bureau de recrutement accepte. Le soir même il reçoit son argent et s’offre un bon dîner.

    Le roi arrive et lui demande :
    « comment as-tu fait pour pouvoir manger ?
    - Mais dans l’armée… On me paie six pièces par jour ».

    Le roi retourne à son palais. Il ordonne qu’on ne paie plus les soldats tant qu’il n’en aura pas donné l’ordre. Le lendemain soir, l’homme n’est pas payé. On lui explique que sa solde va s’accumuler et qu’on le paiera plus tard. Mais l’homme se débrouille pour trouver six pièces et s’en va dîner.

    Le roi, comme d’habitude déguisé en mendiant, arrive et lui dit :
    « Mais comment as-tu fait pour te payer à dîner ?
    - Je vais te confier un secret. J’ai coupé mon épée en morceaux et j’ai vendu un bout de métal pour six pièces. J’en vendrai chaque jour un morceau. Quand on me paiera, comme je sais tout réparer, je réparerai mon épée. Voilà comment je mange. En plus, pour que personne ne s’en rende compte, j’ai remplacé le métal par un morceau de bois. »

    Le roi s’en retourne au palais. Il fait venir un prisonnier :
    « Je condamne cet homme à mort. Qu’on lui coupe la tête ! Allez chercher le soldat que je vous indique pour qu’il exécute la sentence ! »

    Quand l’homme arrive, le roi lui ordonne :
    « Soldat, coupe la tête de ce prisonnier ! »
    L’homme blêmit :
    « Mais mon roi, je n’ai jamais tué personne ! Peut-être ce pauvre homme est-il innocent… Comment peut-on savoir s’il est coupable ou non ? Il n’est pas possible de détruire ainsi une vie que Dieu a créée !
    - Es-tu soldat ou non ?
    - Oui je suis soldat.
    - Alors coupe la tête de cet homme ! Tue-le ! »

    L’homme tombe à genoux :
    « Mon Dieu, toi qui es le Roi des Rois, montre par ta puissance si cet homme est coupable ou non ! S’il est coupable, laisse-moi lui couper la tête ! S’il ne l’est pas, transforme mon épée en bois ! »
    L’homme sort son épée de son fourreau : elle est en bois ! Tout le monde crie au miracle. Le roi ne peut rien faire. Il dit au soldat :
    « Tu es vraiment un homme qui a confiance en Dieu. »


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  •  


    Cinq chasseurs affamés patirent chasser une oie. Le premier était aveugle, le deuxième boiteux, le troisième sourd, le quatrième nu et le cinquième avait une carabine sans canon ni détente. Au milieu des arbustes qui n'avaient pas poussé, ils cherchaient un oiseau qui n'était pas encore né...

    Ils marchèrent et marchèrent dans les montagnes, dans les vallées et les déserts, ils franchirent des cimes et des abîmes. Lorsqu'ils regardèrent en arrière pour voir le chemin parcouru, ils s'aperçurent qu'ils n'avaient avancé que de dix centimètres...

    Le sourd dit : "attention, j'entends un oiseau battre des ailes !" L'aveugle mit sa main en visière et dit : "je vois venir une oie !" Celui qui avait une carabine sans canon ni détente tira et tua l'oiseau. Le boiteux alla le chercher. Celui qui était nu mit la dépouille dans l'une de ses poches.

    Au bord d'un lac sans eau ni berges, ils firent une flambée avec les branches des arbustes qui n'avaient pas encore poussé. Ils mirent l'oiseau dans une marmite sans fond et commencèrent à le faire cuire dans une eau qui n'était pas humide, sur un feu sans flamme.

    Mais l'oie étira le cou et ne se laissa pas cuire. Elle regardait le ciel, rien d'autre, laissant passer les jours.

    Lorsqu'ils voulurent la manger, ils virent que sa chair était plus dure que ses os. Malgré cela, ils la dévorèrent, mais elle ne leur remplit pas l'estomac. Les cinq chasseurs ne sourirent pas et n'éprouvèrent aucun plaisir.

     


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  • Les amis inséparables

    Le génie de la culture de la Mésopotamie, qui couvre pour une bonne part l'Irak contemporain, nous offre un récit d'une puissance tragique incomparable dans l'Épopée de Gilgamesh, malheureusement très peu connu en Occident.
    Ce poème épique raconte la rencontre entre deux hommes hors du commun: Gilgamesh, le grand roi d'Uruk, et Enkidu, le sauvage vaillant. Il chante l'amitié indissoluble qui lie les deux héros, la démesure de leurs exploits communs et la superbe de leur affrontement avec la mort qui se révélera plus forte qu'eux.

    En évoquant les hauts faits du roi bâtisseur qu'est Gilgamesh, on ne peut que s'exclamer: « Entre la multitude des hommes, il n'y en eut aucun qui pût rivaliser avec lui en souveraineté et déclarer comme lui: Le roi, c'est moi, moi seul! ». En revanche, ce roi est un tyran, un «buffle arrogant» qui abuse de ses sujets: « Ce Gilgamesh qui ne laisse pas un fils à son père [ ... ], ne laisse pas une fille à sa mère, [ ... ] même déjà promise.» Afin de mâter son despotisme, les dieux préparent pour lui un rival dans la personne d'Enkidu, un être robuste et libre qui vit dans la nature à l'instar des bêtes. Gilgamesh en est averti dans un songe qu'il confie à Ninsuna, sa mère :

    «Ma mère, voici le rêve que j'ai fait cette nuit: tandis que m'entouraient les étoiles célestes, un bloc venu du ciel est pesamment tombé près de moi. J'ai voulu le soulever: il était trop lourd pour moi. J'ai tenté de le déplacer je ne le pouvais remuer ! Devant lui se tenait la population d'Uruk: le peuple s'était attroupé alentour. [ .. ] Les gaillards s'étaient massés pour le voir et, comme un bambin, ils lui baisaient les pieds; moi je le cajolais comme une épouse. Puis, je l'ai déposé à tes pieds et toi, tu l'as traité d'égalité avec moi!

    Et la mère de lui interpréter ce songe:

    «C'est qu'il t'arrive un compagnon puissant, secourable à son ami, le plus fort du pays, le plus vigoureux, aussi solide qu'un bloc venu du ciel ! Que tu l'aies cajolé comme une épouse: c'est que lui ne t'abandonnera jamais !

    Quant à Enkidu, une double rencontre va accomplir son entière transformation. Une courtisane, envoyée par les dieux, l'initie à l'amour et parvient à l'apprivoiser. Le sauvage vient s'asseoir aux pieds de la femme qui «examinait l'expression de son visage» tandis que «lui écoutait attentivement ce qu'elle disait.» A travers la gestuelle de la sexualité, les bienfaits de la communication lui sont révélés et, grâce à la découverte de la féminité, il pourra désormais habiter parmi les humains. En compagnie de la courtisane, Enkidu se met en route vers Uruk et fait une deuxième rencontre. Des bergers lui offrent l'hospitalité et lui apprennent à boire et à manger, à se laver et à se tenir parmi les humains. Dès lors, il goûte les joies de la convivialité: «Son âme alors fut à l'aise et ravie, et son cœur [fut] en tel enchantement que son visage s'éclaira, [...] Il ressembla à un homme.» Grâce à la femme, il se reconnaît en tant qu'individu distinct de la nature et grâce aux bergers, il est une personne, marquée par le sceau de la socialité, et devient Ieur semblable.

    Lors de noces d'un de ses serfs, Gilgamesh se conduit mal à l'égard de la mariée et Enkidu le provoque au combat dont ni l'un ni l'autre ne sortiront vainqueurs. Les deux adversaires scellent alors leur amitié pour toujours en appréciant leur force et leur puissances respectives. Ils sont devenus plus que des frères. et des amis, ils sont devenus des jumeaux identiques, des passionnés de conquête et d'honneur posthume, des héros dont on proclamera éternellement la gloire. Ensemble ils se lancent dans l'assaut d'une foret de cèdres au Liban, gardée par un monstre redoutable. Enkidu fait montre de sa prudence et manifeste sa réticence: «Humbaba, lorsqu'il crie, c'est l'épouvante; sa bouche, c'est du feu, son haleine le montre ! Pourquoi mettre en tête pareille entreprise? C'est un combat impossible que l'accès au repaire d'Humbaba.» Nous sommes perdus, si nous affrontons si cavalièrement la mort! Gilgamesh tente de convaincre son ami: «Sus ! N'aie pas peur ! Si je succombe, du moins, me serai-je fait un nom! » Dans sa témérité, il se croit invincible et dénie la mort: «Prend-moi la main, ami: marchons ensemble ! Que ton cœur brûle à l'idée du combat ! Méprise la mort, ne pense qu'à la vie ! » Et il a recours à des arguments, infaillibles aux yeux d'Enkidu et qui touchent à la fois l'amitié fidèle et la gloire: «Qui veille sur quelqu'un doit être à toute épreuve. Qui marche devant l'autre préserve et garde sain et sauf son compagnon! Jusqu'à leurs plus lointains descendants, ils se seront acquis la gloire ! » La récompense de la fidélité sera donc infinie.

    Enkidu ne peut pas résister aux appels de son ami et les deux héros, poussés par la soif inaltérable de la gloire immortelle, tuent Humbaba. La démesure de leur héroïsme se révélera dans une seconde épreuve, celle d'abattre le Taureau céleste, bête monstrueuse qui ravage le pays. Une fois l'animal dépecé, Enkidu en lance une patte au visage d'Ishtar, déesse amoureuse, répudiée de Gilgamesh, en lui criant: «Si seulement je t'avais attrapée, toi aussi, je t'en aurais fait autant! Je t'aurais suspendu aux bras sa tripaille! » Le nouveau «civilisé» n'a pas encore pu prendre conscience des frontières de son action et des limites de son être, La prudence, qu'il avait manifestée au début, s'estompe comme si elle n'avait été que ruse et habilité de la raison. Celle-ci n'est pas encore visitée par l'expérience de la mort qui ouvre à l'interrogation et à l'invention éthique.

    Un destin mortel
    Lorsque les deux héros sont au comble de leur démesure, l'avènement imprévu de la maladie et de la mort d'Enkidu les frappe de plein fouet. Le premier concerné est le héros souffrant lui-même qui ne veut pas mourir et se révolte contre son sort. Il dirige son indignation contre ceux qui l'ont le plus aidé, c'est-à-dire contre le chasseur qui l'avait découvert dans le désert, contre la courtisane, qui lui avait ouvert la voie à un autre mode de vie, et même contre son meilleur ami Gilgamesh dont il se sent rejeté: «Comme il me l'avait promis à Uruk, il m'était venu en aide lorsque j'avais peur de me battre. Mais lui, lui m'avait alors secouru, m'a abandonné à cette heure. Et pourtant, toi et moi, ne devions-nous pas rester inséparables !» Il se crut invincible et dénia la mort. Et pourtant, il fut touché mortellement et ne sut comprendre. À la mort de son compagnon de lutte, Gilgamesh est inconsolable et son désespoir, immense. S'identifiant à son ami, il éprouve sa vulnérabilité et expérimente les limites de son être mortel. Lui, ne pourra désormais plus dénier la mort:

    Enkidu, mon ami, que tant je chérissais
    Et qui avait avec moi traversé tant d'épreuves,
    Le sort commun à tous les hommes
    L'a terrassé!
    Six jours et sept nuits, je l'ai pleuré
    [ ... ]
    Alors, je me suis mis à craindre et redouter la mort
    Et à vagabonder par la steppe !
    [ ... ]
    Mon ami, que je chérissais, Est redevenu argile!
    Et moi, ne me faudrait-il pas comme lui.
    Me coucher
    Pour ne plus me relever,
    Jamais, jamais.

    Ainsi Gilgamesh se rend compte de la vanité de l'immortalité glorieuse des héros. Il abandonne ce rêve inaccessible et choisit la voie de l'errance à travers le monde à la recherche du secret d'une vie terrestre qui n'aura pas de fin. Il ne dénie pas la mort, mais il veut la vaincre ou la contourner. Durant son périple, Siduri, une tavernière, lui chante les bienfaits de la vie quotidienne et lui enseigne les joies de la proximité des êtres:

    «Pourquoi rôdes-tu Gilgamesh? La vie sans fin que tu cherches, tu ne la trouveras jamais. Quand les dieux ont créé les hommes, ils leur ont assigné la mort, se réservant l'immortalité à eux seuls. Toi, plutôt, remplis la panse; demeure en gaieté, jour et nuit;. accoutre-toi d'habits bien propres; lave-toi, baigne-toi, regarde tendrement Ion petit qui te tient par la main, et fais le bonheur de ta femme serrée contre toi. Car telle est l'unique perspective des hommes.»

    Ébranlé par ce message de bonheur domestique, Gilgamesh arrive chez Utnaphistim, seul rescapé du déluge et possesseur du secret d'une vie terrestre sans fin. Ce sage vieillard lui réserve un long discours sur le destin mortel des humains :

    Comme un roseau de la cannaie
    L'humanité doit être brisée !
    Le meilleur des jeunes hommes,
    La meilleure des jeunes femmes
    Sont enlevés
    Par la main de la Mort.
    La Mort que personne n'a vue
    Dont nul n'a aperçu
    Le visage.
    Ni entendu la voix;
    La mort cruelle
    Qui brise les hommes!
    [...]
    On n'a jamais reproduit l'image de la Mort,
    Et pourtant l'homme, depuis ses origines,
    En est prisonnier,
    [Les dieux] nous ont imposé
    la mort comme la vie,
    Nous laissant seulement ignorer
    Le moment de la mort.

    Quand Utnaphistim exhorte l'ami en deuil à s'en retourner à la maison et à vieillir en paix, sa femme lui parle en faveur de Gilgamesh. Elle l'implore de lui révéler le secret de l'existence, d'une plante de jouvence qui rajeunit celui qui en absorbe la sève. Aussitôt informé de ce nouveau moyen de rajeunissement et de vie éternelle, le roi se met de nouveau en route et, au péril de sa vie,, arrache la plante pour l'emporter avec lui. Mais, pendant son sommeil, il se fait dérober son précieux butin par un serpent. Au réveil, Gilgamesh ne peut que constater l'absurdité de sa quête démesurée d'une vie sans fin et choisit sagement de rentrer chez lui. En arrivant à Uruk, Gilgamesh couvre de son regard la ville où Iil compte servir désormais son pays et ses proches afïn de leur assurer la paix. Le retour à la maison signifie la rentrée chez soi, le besoin d'intériorité et de recueillement, l'écoute de la voix de la conscience, l'attention aux choses sacrées du cœur, la modestie ou la saisie de la finitude de son être, la proximité des êtres et des choses, Ies joies et les peines de la vie quotidienne.

    La démesure
    Gilgamesh se dessine avant tout comme un conquérant qui, avec arrogance, cherche à vaincre et à subjuguer les autres, à suivre ses passions et ses désirs. Il est en quête d'une gloire immortelle qu'il croit pouvoir arracher aux. dieux par des exploits qui dépassent les limites de la condition humaine. À la mort de son ami, il se rend compte de la fragilité et de la vulnérabilité de son corps mortel et il abandonne son rêve initial. Désormais, il se lancera dans une nouvelle forme de démesure et ira à la recherche du secret d'une vie terrestre sans fin. Lorsqu'il constate l'inaccessibilité de ce rêve, il renonce à l'absurdité de sa quête démesurée pour consacrer désormais ses efforts à l'édification de la paix à l'intérieur des frontières de sa mesure d'homme.

    Les figures tragiques de Gilgamesh et d'Enkidu peuvent éclairer brillamment toutes les formes de démesure qui frappent le monde contemporain, notamment: le jeu compulsif, les sports extrêmes, les conduites extrêmes comme la vitesse au volant, l'alcoolisme et la toxicomanie, le «star-system» et ses dérives, la guerre et le militantisme terroriste. La société dite moderne est une terre fertile à la démesure en science et en technologie, en médecine et en agriculture. Tous les possibles ne sont pas nécessairement bénéfiques ni à la planète ni à l'humanité. Les relations morbides avec l'argent se manifestent dans le gaspillage et l'avarice, conduites excessives qui entraînent bourreaux et victimes en chute libre. Aujourd'hui, la cupidité ou le désir indécent et démesuré de gagner de l'argent par tous les moyens est considéré comme un noble vice. L'arrogance devient une stratégie à la fois de séduction et d 'exclusion. Elle attire les uns et repousse les autres. Elle produit de la «distinction» en imposant les critères de la beauté, de la santé et de l'excellence. Elle revêt désormais les attraits de la vertu, car la réussite financière garantit la reconnaissance sociale et assure le succès. Elle se manifeste autant dans les hautes sphères des finances et dans les coulisses du pouvoir que dans la vie quotidienne des «simples» citoyens, condamnés à suivre le tempo de la course, s'ils veulent «arriver» quelque part, ils ne savent pas où. Parfois on est tenté de qualifier la mega-société contemporaine de « kafkaïenne », car elle se dessine comme une gigantesque araignée tentaculaire qui emprisonne les sujets humains dans le filet de la démesure tissé par les nombreux dictats de la publicité et de la mode, de la consommation et du vedettariat, de la performance et de l'excellence à tout prix, du pouvoir de l'argent et de la gloire.


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