• La Méso-Amérique : les grandes civilisations dualistes

    C’est en Méso-Amérique que sont nées les plus grandes civilisations amérindiennes connues regroupant les cultures préclassiques (Zacatenco, Ticomán, La Venta), les civilisations classiques (Teotihuacan, Monte Albán, vallée d’Oaxaca) et les civilisations historiques (toltèque, mixtèque, aztèque, zapotèque, tarasque, etc.) ainsi que la civilisation maya. Mais ces grandes civilisations ont toutes connu, après une période hégémonique, un déclin brutal et définitif. Avec l’extermination et la soumission de ces peuples par les Européens, ont disparu les civilisations, les cultures orales ou écrites, dont il ne reste aujourd’hui que quelques vestiges lapidaires et quelques pictogrammes, parfois encore assez obscurs. L’art amérindien n’avait pas une fonction esthétique, mais il devait interpréter les mythes, exercer les cultes et témoigner de la grandeur des divinités. On suppose qu’il existe entre ces civilisations plusieurs liens, et certaines divinités — comme le serpent à plumes, la déesse de l’eau ou le dieu du feu — déjà présentes dans la civilisation de Teotihuacan se retrouvent dans une grande partie des civilisations plus tardives (toltèque ou aztèque).

    Le dualisme est au cœur des religions précolombiennes de la Méso-Amérique. La lutte entre les forces de la nature, les dieux bienfaisants (pluie, tonnerre, foudre) et les divinités malfaisantes (sécheresse, tempête, guerre), entre le Soleil et la Lune, le Jour et la Nuit, ainsi que la destruction des quatre mondes régissent la mythologie méso-américaine. Ainsi, chez les Toltèques et les Aztèques, les deux grands adversaires divins sont Quetzalcoatl et Tezcatlipoca, qui détruisent chacun à leur tour le monde créé par l’autre. Le principe fondamental de ces croyances est la dualité nécessaire à l’unité universelle. La civilisation maya, que l’on connaît aujourd’hui le mieux, possède, outre un panthéon particulièrement riche, une cosmogonie très étudiée.

    Les Mayas croient en un Créateur suprême, Hunab, dont le fils Itzamna — sorte de dieu civilisateur, seigneur des Cieux, de la Nuit et du Jour — offre aux Hommes l’écriture, le codex et peut-être le calendrier. La déification des phénomènes naturels et de l’agriculture est très importante et les cultes sont strictement observés (Chac, le dieu de la Pluie, Kukulkan, dieu du Vent ou encore Yum Kax, dieu du Maïs ou de l’Agriculture).

    Certaines croyances et rites anciens subsistent dans la plupart des tribus mayas actuelles (notamment chez les Lacandon) — on retrouve effectivement la divinité mythique de la pluie, les gnomes des champs de maïs, les sirènes malignes, etc. — mais la théogonie, la cosmogonie, le codex de la période précolombienne ont été totalement abolis par la christianisation.

     L’Amérique du Sud : les jumeaux civilisateurs

    Dans les mythologies d’Amérique du Sud, le thème de l’origine du monde n’est jamais énormément développé, que ce soit dans les régions andines, caraïbes ou amazoniennes. Le mythe étiologique varie, pour sa part, énormément et l’on distingue des croyances plus ou moins locales très diverses pour expliquer l’apparition du monde naturel (animaux, végétaux), ainsi que du monde matériel (mouvements des tribus, émergence et déclin des cultures).

     Il existe toutefois souvent un Dieu créateur (chez les Guajiro, le démiurge Maleiwa, chasseur qui crée les Hommes à partir d’argile). La création des Hommes par le Dieu suprême est souvent reliée au mythe du déluge, punition divine. Ce Dieu suprême, après avoir provoqué le déluge, est également souvent à l’origine de la création des montagnes, des animaux, des rivières, mais aussi du soleil et des constellations.

    Un héros culturel, civilisateur, quelquefois identifié au Dieu créateur, au fils du Créateur ou encore à un homme aux pouvoirs divins, apparaît à la suite du déluge. Il est considéré comme l’ancêtre légendaire des tribus. Tout comme en Méso-Amérique, la plupart des mythes et légendes des Indiens d’Amérique du Sud sont associés aux cycles agricoles, mais aussi à la dualité. C’est effectivement l’opposition entre les forces divines, les saisons, les sexes, etc., mais aussi l’importance des mythes gémellaires et de la force divine et civilisatrice des jumeaux qui caractérisent les principales civilisations d’Amérique du Sud.

     Les figures mythiques traditionnelles sont celles du Jaguar (ou félin comme le puma), de la Mort (âmes des morts et culte des ancêtres) et de l’El Dorado. Chez les Andins, les tribus indiennes, la plupart du temps héritières des Incas, croient en une multitude d’esprits et de forces : tout est sacré, mais le panthéon reste assez restreint. Outre un dieu suprême (le plus ancien de la mythologie panandine), Viracocha (ou Wiraqocha), qui crée l’Univers, fabrique les Hommes, le Soleil, la Lune avant de disparaître, les principales divinités incas sont celles du Soleil (Inti, qui a aujourd’hui totalement disparu), de la Lune (Killa, qui conserve encore aujourd’hui ses caractères divins, surtout dans les sociétés agricoles), de la Foudre (Illapa), de la Terre Mère (Pachamama), etc. (voir mythologie inca).


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  • La plupart des civilisations amérindiennes ont été soumises très rapidement par les Européens après la découverte de l’Amérique. Les massacres des Indiens, l’oppression, les maladies européennes et la christianisation des peuples autochtones ont, au fil des siècles, éteint les principales cultures et religions de ce « Nouveau Monde ». Les Indiens ont connu l’humiliation, l’expropriation, la spoliation, l’assujettissement, mais aussi l’acculturation. Cependant, certaines sociétés se sont défendues et ont combattu l’influence européenne afin de préserver, dans une certaine mesure, une relative autonomie ainsi que leurs structures sociales, politiques et religieuses.

     Pourtant, aujourd’hui encore, les coutumes et les croyances amérindiennes, l’appréciation de la nature centralisatrice et globale de la spiritualité sont considérées par les civilisations monothéistes comme des superstitions primitives auxquelles le rationalisme occidental s’oppose.

     Pour la plupart des peuples amérindiens d'aujourd'hui et d’hier, l'esprit meut l'individu et la collectivité et demeure au centre de la compréhension de la culture et de l'histoire du peuple. Chaque être humain ou animal, chaque chose est un « esprit passant à travers le monde » qui est relié au Créateur. La quasi-totalité des Amérindiens croit, effectivement, en un Être suprême (Dieu ou Grand Esprit) qui aurait créé un monde dans lequel les Hommes n’ont pas un rôle dominant sur la nature et son environnement. Au contraire, l’Homme appartient à un ensemble harmonieux et équilibré, dans lequel il est l’égal de toute autre chose.

     Les témoignages des colonisateurs et les traditions orales de certaines tribus encore existantes permettent, aujourd’hui, malgré la diversité tant linguistique et culturelle que géographique de ces communautés, de donner un aperçu global des mythes et légendes des Indiens d’Amérique.

    LA NATURE DU MYTHE AMÉRINDIEN

     Le mythe, de tout temps, permet d’expliquer les vérités sacrées d’un peuple et de révéler la nature humaine. Il reflète la recherche de la vérité, du sens, de la signification de la naissance, de la vie, de la mort. Dans les sociétés de tradition orale, il est l’expression d’une pensée, d’une manière d’appréhender, de représenter le monde naturel, social et culturel, d’interpréter la réalité, d’expliquer la nature et d’offrir une orientation spirituelle. Pour les Amérindiens, le mythe a plusieurs valeurs. Il est, avant tout, mystique (réflexion sur le « possible »), mais aussi cosmogonique (explication de l’Univers), sociologique (explication de l’ordre social), pédagogique (enseignement de l’Homme) ou encore étiologique (explication des phénomènes naturels).

     Transmis à travers des contes, des légendes, des rituels, des danses et des chansons, les mythes expliquent la cosmogonie et offrent une compréhension de l'Univers, qui renforce la cohésion sociale et culturelle d'un peuple. La plupart des langues amérindiennes étant dénuées de mots désignant des concepts abstraits, les mythes sont souvent des récits simples usant de nombreuses images et métaphores.

    QUELQUES THÈMES COMMUNS DES MYTHES AMÉRINDIENS

    1  Le grand cercle

    Les croyances amérindiennes reposent sur l’harmonie, la communion et l’interaction entre l’humain, la vie animale, la nature et la Terre. Elles se fondent sur un monde et sur une pensée circulaires où tout est sacré et indivisible. Chaque élément de ce grand cercle, humain ou non, possède une âme et doit œuvrer afin de conserver l’harmonie du Créateur, en apprenant le respect, le partage, l’honnêteté, la générosité et la vénération. L’Homme, dans ce monde circulaire, est très respectueux de la nature environnante et des éléments, qui contribuent à son développement, à son éducation, à son bien-être. Il se doit ainsi de leur rendre hommage et de les remercier par des rituels, des offrandes ou des célébrations.

     2 Les animaux

    La tradition orale amérindienne fait souvent référence à des récits mythiques qui mettent en scène des personnages ayant vécu dans des temps très anciens, mais aussi et surtout, à des animaux qui ont, au même titre que les humains, une âme et possèdent parfois des qualités supérieures aux Hommes. Dans le monde circulaire, les Hommes se doivent de rester humbles et de respecter les animaux, afin de préserver l’harmonie. Ils peuvent entrer en contact avec ceux-ci par des moyens spirituels, tels le jeûne, les médecines et les rituels. Pour sa part, l'animal établit un contact avec l'Homme par les rêves et les visions.

    Dans les mythes, les animaux ont souvent des rôles de nature cosmogonique, étiologique ou encore des rôles civilisateurs et protecteurs.

     3 La médecine traditionnelle

    Les Amérindiens croient en une « médecine » traditionnelle spirituelle qui peut aussi bien faire appel à des plantes ou des remèdes qu’à des objets, des paroles ou encore des cérémonies. Les Indiens distinguent en général deux sortes de médecines, celle du corps et celle de l’âme. Si la médecine du corps ne fonctionne pas, la médecine de l’âme prend le relais avec des cérémonies, des danses, des rituels de purification, etc.

      LES DIFFÉRENTS MYTHES AMÉRINDIENS DU NORD

     Les régions arctiques : les esprits de la Mer et du Ciel

    Les croyances des régions du Grand Nord américain sont dominées par les pouvoirs des esprits et ne font généralement pas appel à un dieu créateur, excepté chez certaines tribus d’Alaska où la figure mythique du corbeau serait à la source de la création de la Terre, des Hommes, des mondes végétal et animal et aurait un rôle civilisateur.

    Les principaux esprits inuit sont, la plupart du temps, des esprits bienveillants, bien que sensibles à la mauvaise conduite des Hommes. Ils peuvent faire pression sur les Hommes et sur la tribu, en faisant intervenir le mauvais temps, en provoquant une chasse infructueuse, des maladies, etc. Vénérés et respectés, ils sont en constante relation avec les Hommes, grâce aux chamans ou aux amulettes qui assurent leur protection. Le « panthéon » inuit est assez important, mais les principaux esprits sont ceux de la Mer (Sedna, qui influence la chasse et règne sur le monde animal), de l’Air (Sila, qui contrôle les éléments) et de la Lune (Takkik, qui influence la fertilité, la rectitude morale et contrôle la chasse). La culture inuit connaît également de nombreux esprits secondaires, plus ou moins bienveillants (esprits d’animaux, d’objets, de personnes mortes, etc.) qui sont chacun dotés d’une âme propre et que l’Homme doit respecter.

    Aujourd’hui les cultures inuit survivent, malgré la christianisation des territoires, sans compter certains amalgames et certaines juxtapositions de croyances liés à la colonisation religieuse. Ainsi, le dieu chrétien a été identifié et accepté comme l’un des esprits inuit.

      L’Amérique du Nord : « les premiers Hommes »

    Dans la multitude de groupes ethniques et linguistiques que compte l’Amérique du Nord, il n’existe que peu de cohérence culturelle. On peut cependant dénombrer des thèmes, une pensée et quelques mythes analogues ou proches, notamment les mythes cosmogoniques ou ceux du héros civilisateur. Avant toute chose, la principale caractéristique des tribus d’Amérique du Nord est de se situer au centre du monde et de se considérer comme le « vrai peuple ». Ainsi d’un groupe à l’autre, les Indiens se dénomment « les premiers Hommes » ou « les Êtres humains ».

    Pour la plupart des Indiens d’Amérique du Nord, le monde a été créé par un Être suprême qui, bien que vénéré et respecté, n’a en général qu’un rôle de créateur. Il crée notamment d’autres forces divines auxquelles il délègue ses pouvoirs. Les épisodes de la création varient d’une ethnie à l’autre, mais font en général intervenir des animaux (souvent le corbeau) dans les légendes cosmogoniques.

    Les principales divinités, après l’Être suprême, sont la Terre (souvent la Mère), le Ciel (souvent le Père), le Soleil, la Lune et les éléments (vent, pluie, tonnerre, éclair) qui sont autant de moyens de communication entre le terrestre et le céleste. Par ailleurs, tout ce qui entoure le groupe, l’environnement, les phénomènes naturels, est sacré (rivières, montagnes, étoiles, éclipses, etc.). Le déluge, la fin du monde, l’incendie universel ainsi que l’existence d’un au-delà (à l’exception des Navajos qui ne croient pas en l’immortalité des Hommes et qui ne respectent pas les morts) sont autant de mythes partagés par un grand nombre des Amérindiens d’Amérique du Nord.

    Ces peuples croient également en un dualisme universel opposant certaines forces, certains dieux, les sexes, un être bénéfique à un être maléfique. Dans la plupart des croyances se retrouvent également les figures du héros civilisateur et du décepteur. Intervenus après la création du monde, les héros civilisateurs ont pour objectif de guider et de suivre les Hommes. Soit anthropomorphes, soit zoomorphes, ils introduisent le feu, la lumière, l’eau, le végétal et l’animal, l’Homme, le langage. Par ailleurs, les populaires décepteurs sont des antihéros, souvent zoomorphes (coyote, vison, pie, corbeau, geai), qui parcourent le monde. Ces personnages ambigus et tricheurs permettent aux sociétés d’évacuer leurs tabous et de projeter leurs fantasmes. Imposteurs et philosophes à la fois, les décepteurs sont plus proches de l’Homme.

     Comme dans la plupart des croyances amérindiennes, l’Homme fait appel aux chamans (ou « medecin men ») pour entrer en relation avec les dieux et recevoir une protection divine, mais use également de rites cérémoniels divers (comme le calumet de la paix dans les Plaines). Dans la plupart des civilisations amérindiennes, les thèmes centraux des mythes sont au cœur de la vie sociale : maïs et tabac pour les tribus agricoles sédentaires, pêche et chasse pour les tribus nomades.


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  • Témoignage :

    Les Amérindiens vivent de manière écologique. Leur existence participe des rythmes de la nature, de la vaste étendue du ciel et de la terre ; elle se déroule en affinité avec le Grand Esprit (Wakan Tanka, pour le peuple Lakota sioux), origine-fin de toutes choses ; elle immerge, comme dans un rêve ou une vision, dans les profondeurs symboliques du mystère, ou bien s’ élève, à l’ instar des vols des shamans, à des niveaux de perception élargies. L’ écologie des Amérindiens est sacrée : c’ est dans la nature (la roue médecine), à la fois mère et sœur, que le destin de l’ homme revêt tout son sens et s’ accomplit . Les Natifs d’ Amérique ont une vision écocentrique du monde : ils font de la nature, et non de l’ homme, le centre de toutes choses . Qu’ il s’ agisse des plantes, des animaux ou des paysages, l’ homme est le gardien et le responsable du devenir sacré de la nature, de sa réalisation et de sa création . Le parcours de l’ homme dans la roue médecine débouche sur la conscience de ce destin . Il existe un mystère bien plus grand que nous, dont nous sommes issus et à qui nous appartenons; nous sommes nous-mêmes ce mystère et, avec toutes les autres créatures vivantes, nous composons cette fresque extraordinaire, cette symphonie magistrale, cette éclatante œuvre d’ art qu’ aucun esprit humain ne pourra jamais concevoir et que seule la nature peut engendrer . L’ histoire de la nature est une histoire créatrice, un interminable récit ; c’ est en elle que s’ inscrit aussi notre histoire, que se célèbre le mystère même de la nature, qui est la vie éternelle .
    Les Indiens d’ Amérique assimilent la nature au transcendant, car le Grand Esprit, le Grand Mystère, ne se situe pas au-delà de la nature, mais dans la nature et le Grand Tout qui nous entoure.
     
    Une indienne Pueblo disait :

    La question n’ est pas de savoir si dieu est ou n’ est pas la-haut.
    L’ important est qu’ il soit autour de moi,
    En moi, en toi, dans l’herbe …
    L’ important est qu’ il soit partout.
    Je le perçois qui m’ entoure et je me sens à l’ abri.
    Merci !

    Les Indiens et leur culture écologique ont été annihilés par les colonisateurs et leur culture anthropocentrique . Le résultat s’ étale sous les yeux de chacun : en ce début de troisième millénaire, la nature se meurt et l’ homme a perdu son sens et son destin . Résigné au fatalisme, il s’ enchaîne à la machine qui l’ entraîne au loin et regarde l’ horizon s’ éteindre dans l’ obscurité menaçante . Du néant derrière lui jaillit non pas le fantôme qui le sauve, mais le monstre d’ acier qui l’ anéantit . Les Amérindiens peuvent cependant encore nous apprendre _ et je souhaite que cet écrit soit d’une quelconque utilité en ce domaine _ à assumer nos responsabilités envers la nature et envers les générations futures . Ainsi, seulement, leur sacrifice n’ aura pas été inutile et nos enfants, petits-enfants, arrières-petits-enfants, ainsi que l’ ensemble des générations à venir pourront encore profiter de la vue de la nature, eux aussi gardiens et responsables, comme nous, de cette vertigineuse beauté qu’ est la vie.

    Puissiez vous aussi prendre conscience de l'importance de respecter notre Mère-Terre, et tout ce qui nous entoure.

    Alors vous marcherez sur le Sentier de la Beauté.

    A toute ma parenté! Mitakuye Oyasin!

     

    Wanbli Ska


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    La mythologie Guaraní fait référence aux croyances du peuple Guaraní localisé dans la zone amazonienne de l'Amérique du Sud, et plus spécialement les peuples originaires du Paraguay et des régions entourant l'Argentine, le Brésil, et la Bolivie.

    Vue d'ensemble


    Il n'existe aucune trace écrite des anciens mythes et des légendes associés au peuple Guaraní. La langue Guaraní ne fut transposée sous forme écrite qu'avec l'arrivée des Jésuites qui développèrent une graphie et une grammaire propre. Avant cela, la totalité de leurs croyances religieuses n'était donc transmise que par voie orale. Ceci explique pourquoi les récits sur les dieux, et les mythes et légendes associés, peuvent varier d'une région à une autre. Les différences régionales peuvent être tellement importantes qu'elles attribuent parfois un rôle différent à une même divinité.

    Bien qu'un grand nombre de peuples d'origine Guaraní se soit intégré à la société moderne et que leurs croyances aient été altérées ou remplacées par le christianisme (dû en grande partie au travail d'évangélisation des missionnaires jésuites du XVIe siècle), plusieurs de leurs croyances profondes sont toujours en vigueur dans les zones rurales de la région Guaraní. Les mythes et légendes peuvent ainsi se perpétuer à notre époque.

    Mythes fondateurs

    Contrairement à ce que l'on pensait, le peuple guaraní n'était pas monothéiste. Aussi, bien que Tupá fut une divinité de premier ordre, il existait d'autres dieux suprêmes qui créèrent la "Terre sans Mal" et qui sont à l'origine des autres dieux. Les missionnaires jésuites tireront avantage de la place centrale de Tupá en l'identifiant au dieu chrétien pour détourner le sens initial du grand mythe fondateur.

    Théogonie et cosmogonie guaraní

    Les guaranís croyaient qu'à l'origine des temps était le chaos, formé de la nébuleuse primitive (Tatachina) et des vents originels. Ñamandú, aussi appelé Ñanderuvusú, Ñanderuguasu ("notre grand-père") ou Ñanderu pa-patenonde ("notre premier ancien grand-père") se créa lui-même à partir du chaos.

    Le processus d'autocréation de Ñamandú se divise en étapes, à la manière d'une plante : il se basa sur ses racines (les divines plantes des pieds), étendit ses branches (des bras avec des mains bourgeonnantes de doigts et d'ongles), construisit sa cime (un diadème de fleurs et de plumes Yeguaka) et se dressa comme un arbre. Une fois sa création achevée, le cœur de Ñamandú commença à rayonner, ce qui élimina les ténèbres primitives. Il décida ensuite de créer la Parole Créative (Ayvú) qui sera par la suite confiées aux humains pour permettre le développement du langage.

    Il termina la création de son corps en générant les autres dieux principaux qui l'aideront à accomplir sa lourde tache : Ñanderu py'a guasu (le père des mots, littéralement "Notre père au grand cœur"), Karaí (le maître des flammes et du feu solaire), Yakairá ou Yaraira (le maître de la brume, du brouillard et de la fumée de pipe que respire les chamans) et Tupã (le maître des eaux, des pluies et du tonnerre). Il leur fut accordé la conscience de leur propre divinité et l'essence sacrée de l'Ayvú.

    Les quatre compagnons procédèrent alors à la création de la première Terre. Ñamandú croisa deux bâtons indestructibles et posa la Terre dessus. Afin de s'assurer que les vents originels ne l'emporteraient pas, il l'attacha à l'aide de cinq palmes sacrées : une au centre et les quatre autres à chaque extrémités. Une en direction de la demeure de Karaí (vers l'ouest), la seconde en direction de l'origine des vents nouveaux (au nord), la troisième vers la demeure de Tupã (à l'est) et la quatrième en direction de l'origine de l'espace-temps primitif (au sud). Le firmament repose sur ces colonnes.

    A côté de cette terre, nommée Yvy Tenonde (la Terre Originelle), il créa la mer, puis le jour et la nuit. Ils commencèrent à la peupler d'animaux et à créer les premières plantes. Les hommes apparurent par la suite et cohabitèrent avec les dieux. Les hommes, les animaux et les plantes qui habitent ce monde ne sont qu'un simple reflet de ceux créés à l'origine par Ñamandú.

    Le cycle des deux frères

    Ñamandú rencontra Ñanderu Mba'ekuá ("notre père savant") et lui proposa y de partir en quête d'une femme. Pour cela, ils construisirent un récipient de glaise et le recouvrèrent. Quand ils le rouvrirent, Ñandesy ("notre mère") en ressortit.

    Ñandesy fit l'amour avec les deux dieux et engendra un fils de chacun. Quand Ñamandú eu vent de l'adultère de sa femme, il récupéra ses affaires et se retira dans sa demeure céleste. Abandonnée, Ñandesy partit à la recherche de son mari mais elle se perdit en chemin et fut dévorée par des jaguars avant d'avoir pu accoucher. Néanmoins, étant d'origine divine, les enfants survécurent et furent nourris par la grand-mère des jaguars. Les jumeaux se prénommaient Ñanderyke'y (le grand frère), fils de Ñamandú; et Tyvra'i (le petit frère), fils de Ñanderu Mba'ekuá.

    Après une succession d'aventures et de mésaventures, les problèmes continuèrent avec Añá (l'oncle mais néanmoins ennemi des jumeaux) qui tenta de leur rendre la vie impossible. Les deux frères réussirent à se mettre à l’abri en rejoignant la demeure éternelle de Ñamandú. Ils y retrouvèrent également leur mère qui avait été ressuscitée par son époux. Une fois là-bas, Ñamandú leur accorda des pouvoirs divins et attribua le contrôle du Jour à Ñanderyke'y, qui changea alors de nom pour Ñanderu Kuarahy (“notre père le Soleil”), et celui de la nuit à Tyvra'i, qu'on appela alors Ñanderu Jasy (“notre père la Lune”).

    Le cycle du Déluge

    Sur Yvy Tenonde, la première Terre, les hommes vivaient aux côtés des dieux. Ils ne manquaient de rien et ils ne tombaient jamais malades. Cependant, l'un d'eux, nommé Jeupié, transgressa le plus grand des tabous : l'inceste, en couchant avec la sœur de son père. Les dieux punirent cet acte par un déluge (Mba'e-megua guasu) qui détruisit la première Terre et ils partirent vivre dans les cieux.

    Ñamandú décida alors de créer une deuxième Terre, imparfaite, et sollicita l'aide de Jakairá qui répandit la brume vivifiante sur la nouvelle terre. Les survivants du déluge s'installèrent alors sur cette nouvelle Terre où régnaient la maladie, les douleurs et les souffrances. Les hommes de cette nouvelle Terre, appelée Yvy Pyahu, cherchèrent dés lors à retourner vers la première Terre, la "Terre sans Mal".


    La troisième Terre

    Les mythes guaraní transmis par la tradition orale parlent d'une troisième reconstruction qui donnerait jour à une Terre sans imperfection. Malgré tout, bien qu'ils attendent l'arrivée de cette nouvelle Terre, les hommes peuvent avoir accès à Yvymara'e&ytilde;, dés lors qu'ils observent un comportement irréprochable vis à vis de la communauté. Ni les punitions, ni la malchance ou les épreuves n’existeront sur cette Terre mythique.

    Mythe Guaraní de la Création

    Tupã est la première figure qui apparaît dans la plupart des légendes Guaraní lors de la création du monde. Il s'agit du dieu suprême de toute création. Avec l'aide de la déesse lunaire, Arasy, Tupã descendit sur Terre sur une colline de la région d'Aregúa, au Paraguay, d'où il créa tout ce que l'on peut trouver à la surface de la Terre : océans, forêts, animaux... Il est dit également que les étoiles furent créées à cet instant.

    Tupã donna ensuite naissance à l'humanité dans une cérémonie élaborée, où il façonna deux statues de glaise d'un homme et d'une femme, à partir de plusieurs éléments de la Nature. Après avoir insufflé la vie dans ces formes humaine, il les laissa en compagnie des esprits du Bien et du Mal. Selon la plupart des mythes Guaraní, le peuple Guaraní était le premier peuple à prendre vie, dont descendent ensuite toutes les autres civilisations.

    La création de l'homme n'apparaît sous cette forme qu'à partir de l'évangélisation des jésuites qui « fusionèrent » les diverses histoires et légendes de héros mythiques guaraní. Tout correspondait alors à la Genèse du point de vue de l'anthropogenèse.

    Humanité primitive

    Les premiers humains à avoir été créés par Tupã était Rupave et Sypave, dont les noms signifient Père et Mère du peuple. Le couple eut trois fils et un grand nombre de filles. Le premier fils s'appelait Tumé Arandú, et était considéré comme l'homme le plus sage et comme le grand prophète du peuple Guaraní. Le second, Marangatú, était un commandant bienveillant et généreux, et fut le père de Kerana, la mère des 7 monstres légendaires du mythe Guaraní. Leur troisième fils, Japeusá, fut considéré dés sa naissance comme un menteur, un voleur et un escroc, qui n'agissait qu'à l'insu des gens pour en tirer avantage. Il finit par se suicider, en se noyant, mais ressuscita sous la forme d'un crabe, et depuis ce jour, tous les crabes sont condamnés à marcher à l'envers tout comme Japeusá.

    Parmi les filles de Rupave et Supave, on trouve Porâsý qui se sacrifia courageusement pour débarrasser le monde de l'un des sept monstres légendaires en réduisant ses pouvoirs (et donc le pouvoir du Mal).

    On considère que plusieurs des premiers humains ont effectué leur ascension à leur mort et devinrent ainsi des divinités mineures.

    Les sept monstres légendaires

    Keranan, la magnifique fille de Marangatú, fut capturée par la personnification ou l'esprit du mal appelé Tau. Ensemble, ils eurent sept fils qui furent maudits par la déesse Arasy. Celle-ci les rendit tous monstrueux sauf un. Les sept sont des personnages de proue de la mythologie Guaraní, et pendant que des dieux mineurs ou mêmes les premiers hommes sont oubliés, ces sept-là restent vivaces dans la mémoire collective. Dans certaines zones rurales, ils sont encore vénérés.

    Les sept enfants de Tau et Kerana sont, par ordre de naissance :

    * Teju Jagua, le dieu des cavernes et des fruits ;
    * Mbói Tu'i, le dieu des cours d'eau et des créatures aquatiques
    * Moñái, le dieu des champs. Il fut vaincu par le sacrifice de Porâsý ;
    * Jasy Jaterei, le dieu de la sieste, le seul à ne pas ressembler à un monstre ;
    * Kurupi, le dieu de la sexualité et de la fertilité ;
    * Ao Ao, le dieu des collines et des montagnes ;
    * Luison, le dieu de la mort .

    Autres dieux et personnages importants

    * Angatupry, l'esprit du Bien, l'opposé de Tau ;
    * Pytajovái, le dieu de la guerre ;
    * Pombero, l'esprit de la malice ;
    * Caá Porá, fantasme féminin étrange et changeant de la jungle ;
    * Caá Yarí, maitresse du maté, déesse des cheveux argentés et qui récompense les hommes en leur offrant l'herbe du maté ;
    * Abaangui, le dieu à qui l'on attribue la création de la Lune ;
    * Jurupari, un dieu qui ne peut être vénéré que par les hommes. Son culte n'est présent que dans des tribus isolées du Brésil ;
    * Yande Yari, « la grand mère », l'esprit de la rivière Parapetí en Bolivie.


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  • Sitting Bull (Tatanka Iyotake) grand chef Sioux Hunkpapa.

    Les Indiens d'Amérique du Nord, qu'ils soient sioux, cheyennes, apaches, crows, navajos, comanches, etc. partagent les mêmes principes.
    Tout d'abord, ils se considéraient comme faisant partie de la nature et non maîtres de la nature. Leur tribu ayant épuisé le gibier d'une zone migrait afin que le gibier puisse se reconstituer. Ainsi leur ponction n'épuisait pas la Terre.

    Dans le système de valeur indien l'individualisme était source de honte plutôt que de gloire. Il était obscène de faire quelque chose pour soi. On ne possédait rien, on n'avait de droit sur rien. Encore de nos jours, un Indien qui achète une voiture sait qu'il devra la prêter au premier Indien qui la lui réclamera.

    Leurs enfants étaient éduqués sans contraintes. En fait, ils s'autoéduquaient.
    Ils avaient découvert les greffes de plantes qu'ils utilisaient par exemple pour créer des hybrides de maïs. Ils avaient découvert le principe d'imperméabilisation des toiles grâce À la sève d'hévéa. Ils savaient fabriquer des vêtements de coton dont la finesse de tissage était inégalée en Europe. Ils connaissaient les effets bénéfiques de l'aspirine (acide salicylique), de la quinine...

    Dans la société indienne d'Amérique du Nord, il n'y avait pas de pouvoir héréditaire ni de pouvoir permanent. A chaque décision, chacun exposait son point de vue lors du pow-wow (conseil de la tribu). C'était avant tout (et bien avant les révolutions républicaines européennes) un régime d'assemblée. Si la majorité n'avait plus confiance dans son chef, celui-ci se retirait de lui-même.

    C'était une société égalitaire. Il y avait certes un chef mais on n'était chef que si les gens vous suivaient spontanément. Etre leader, c'était une question de confiance. A une décision prise en pow-wow chacun n'était obligé d'obéir que s'il avait voté pour cette décision. Un peu comme si, chez nous, il n'y avait que ceux qui trouvaient une loi juste qui l'appliquaient !

    Même à l'époque de leur splendeur, les Amérindiens n'ont jamais eu d'armée de métier. Tout le monde participait à la bataille quand il le fallait, mais le guerrier était avant tout reconnu socialement comme chasseur, cultivateur et père de famille.

    Dans le système indien, toute vie, quelle que soit sa forme, mérite le respect. Ils ménageaient donc la vie de leurs ennemis pour que ceux-ci en fassent de même. Toujours cette idée de réciprocité : ne pas faire aux autres ce qu'on n'a pas envie qu'ils nous fassent.
    La guerre était considérée comme un jeu où l'on devait montrer son courage. On ne souhaitait pas la destruction physique de son adversaire. Un des buts du combat guerrier était notamment de toucher l'ennemi avec l'extrêmité de son bâton à bout rond. C'était un honneur plus fort que de le tuer. On comptait « une touche ». Le combat s'arrêtait dès les premières effusions de sang. Il y avait rarement des morts.
    Le principal objectif des guerres interindiennes consistait à voler les chevaux de l'ennemi. Culturellement, il leur fut difficile de comprendre la guerre de masse pratiquée par les Européens. Ils furent très surpris quand ils virent que les Blancs tuaient tout le monde, y compris les vieux, les femmes et les enfants. Pour eux ce n'était pas seulement affreux, c'était surtout aberrant, illogique incompréhensible. Pourtant, les Indiens d'Amérique du Nord résistèrent relativement longtemps.

    "Vous avez remarqué que toute chose faite par un indien est dans un cercle. Nos tipis étaient ronds comme des nids d'oiseaux et toujours disposés en cercle. Il en est ainsi parce que le pouvoir de l'Univers agit selon des cercles et que toute chose tend à être ronde. Dans l'ancien temps, lorsque nous étions un peuple fort et heureux, tout notre pouvoir venait du cercle sacré de la nation, et tant qu'il ne fut pas brisé.
    Tout ce que fait le pouvoir de l'Univers se fait dans un cercle. Le ciel est rond et j'ai entendu dire que la terre est ronde comme une balle et que toutes les étoiles le sont aussi. Les oiseaux font leur nid en cercle parce qu'ils ont la même religion que nous. Le soleil s'élève et redescend dans un cercle, la lune fait de même, et tous deux sont rond.
    Même les saisons forment un grand cercle dans leur changements et reviennent toujours là où elles étaient. La vie de l'homme est dans un cercle de l'enfance jusqu'à l'enfance, et ainsi en est-il pour chaque chose où l'énergie se meut."
    Hehaka Sapa, ou Black Elk, indien Oglala, branche des Dakotas (Sioux)

    "Nous voyons la main du Grand Esprit dans presque tout: le soleil, la lune, les arbres, le vent et les montagnes; parfois nous l'approchons par leur intermédiaire. (...) Nous croyons en l'Etre Suprême, d'une foi bien plus forte que celle de bien des Blancs qui nous ont traité de païens... Les Indiens vivant près de la nature et du Maître de la nature ne vivent pas d'ans l'obscurité.
    Saviez-vous que les arbres parlent? Ils le font pourtant ! Ils se parlent entre eux et vous parleront si vous écoutez. L'ennui avec les Blancs, c'est qu'ils n'écoutent pas ! Ils n'ont jamais écouté les Indiens, aussi je suppose qu'ils n'écouteront pas non plus les autres voix de la nature. Pourtant, les arbres m'ont beaucoup appris : tantôt sur le temps, tantôt sur les animaux, tantôt sur le Grand Esprit."
    Tatanga Mani (ou Walking Buffalo), indien Stoney (Canada)


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