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Le mvet Fang : conception de la divinité
Aujourd’hui éparpillés entre le sud du Cameroun, la Guinée Equatoriale et le Gabon, les Fang, venus du nord-ouest au XVIIIe siècle, dont l’importance numérique est difficilement recensable, sont un peuple de chasseurs et d’agriculteurs. Cet éparpillement n’a jamais entamé l’homogénéité des Fang qui trouvaient une sorte de cohésion sociale autour des sociétés Ngil et So, et autrefois, le culte du Byéri.
Conception endogène de dieu chez les fangLa définition du terme mvet, ne saurait se faire ici, sans une restitution du terme dans la société productrice. Ainsi, pour Owono Mba, le lexique de la langue Fang a donné le terme avet. Ce terme serait le fait d’essayer d’atteindre, d’acquérir, de s’approprier quelque chose, qui n’est pas immédiatement à notre portée. Cette chose n’est pas directement accessible, ce qui explique le fait que cette quête demande que l’on se surpasse à chaque fois. Lorsque quelqu’un se met sur la pointe des pieds pour se donner une taille qu’il n’a pas. Les Fang disent avet ntégn, c’est-à-dire se donner une taille que nous n’avons pas. Mais cette position n’est guère reluisante, elle exige des efforts. Le terme avet a donné mver ou mvet. Il désigne celui qui aspire à quelque chose de supérieur. Cette aspiration et l’acquisition passe par le sacrifice, le travail. Il faut chaque fois travailler pour devenir un virtuose du mvet, un grand penseur, un grand planteur, un homme d’affaires. Avoir accès au mvet exige un travail perpétuel de la part du mbom et de l’assistance.
Le mvet est aussi appelé oyeng. On dit aussi mvet oyeng. Le terme oyeng renvoi au manche de l’instrument de musique, qui est lui en palmier raphia. Ainsi certains mbom mvet diront akur oyeng. Ce qui veut dire approximativement frapper l’oyeng. L’expression frapper l’oyeng peut s’employer à la place de jouer le mvet « abom mvet ». Nous avons également relevé le fait que la relique, ou l’objet sacrificiel, qui boucle l’initiation du mbom mvet est appelée éyeng. Or il eut un temps ou la magie était beaucoup utilisée dans le mvet. Le barde en ce moment avait besoin de faire ressortir sa puissance pour faire exprimer sa virtuosité. Les bardes disent d’ailleurs qu’il faut avoir un éyeng pour jouer le mvet.
Pour faire intervenir l’éyeng, il faut se frapper la poitrine. Se frapper la poitrine « akur nkuk » dans la culture fang veut dire « faire de la sorcellerie ». Si la magie était très usité dans le mvet et que le terme abom mvet « jouer le mvet » peut être remplacé par akur oyeng. Nous pouvons très bien dire que le terme qui était approprié est celui d’akur éyeng. Mais les temps ayant changés, le mvet lui-même a connu d’importantes transformations. Nous pouvons penser que mvet éyeng a été remplacé par mvet oyeng.
Ainsi, cette quête perpétuelle de dieu peut se traduire par une certaine hiérarchie du discours par les bardes. L’Elar mvet (le tissage du mvet) : c’est un discours qui est exclusivement axé sur les conditions d’initiation et le contexte mystico-religieux qui ont prévalu lors de l’initiation du mbom mvet. Il ressort que lors de ce moment, les jeunes initiés sont soumis à une série d’épreuves mystiques ou spirituelles engagées dans le but de tester sa résistance et la sensibilité aux choses. L’Atamane mvet (la généalogie) : c’est le discours qui vient tout de suite après l’elar’mvet. Dans ce discours, il est question pour le diseur de déclamer la généalogie des diseurs qui appartiennent à la filiation de son maître initiateur jusqu’au premier ancêtre qui fut Oyono Ada.
Après cette définition polysémique du mvet nous pouvons introduire cet élément de corpus de Tsira Ndong (mbom mvet) sur la création de l’univers.
Récit fang 2 de Ndong Ndoutoume sur l’origine mythique du monde par Oyono Ada celui qui apporta le mvet aux Fang. éyo éñ’aŋgáyó, abyé ŋgos éyo : ŋgos éyo ñabyé akí ŋgos. akí ŋgos abyé miŋkur-mí-akí. miŋkur-mi-akí abyé biyəməyəma-mí-ŋkúrú. biyəməyəma-mí-ŋkúrú ñabyé dzóp- biyəməyəma. dzóp- biyəməyəma abyé bikoko-bí-dzóp. bikoko-bí-dzóp abyé ŋgbέ bikoko. ŋgbέ bikoko abyé mba ŋgbέ. mba ŋgbέ abyé ñabyé zokóm mba. zokóm mba ñabyé ŋkpέ zokóm. ŋkpέ zokóm abyé məbəgə-mə- ŋkpέ. 1. Ce fut éyo qui vomit et engendra le cuivre d’éyo
le cuivre de éyo, lui, engendra l’œuf de cuivre de éyo, l’œuf de cuivre engendra les nuages de l’œuf, les nuages de l’œuf engendra les vides de nuages, les vides de nuages engendra ciel de vides, ciel de vides, lui, engendra les nébuleuses de ciel, les nébuleuses de ciel engendra le mélange de nébuleuses, le mélange de nébuleuses engendra l’horizon de mélange, l’horizon de mélange, quant à lui, engendra la fin de l’horizon, la fin de l’horizon engendra à son tour la suprématie de la fin,
məbəgə-mə- ŋkpέ ñabyé nà :
zamə-yə-məbəgə, ntó,
karə- məbəgə ñabərə,
ñíŋgòn- məbəgə, minəŋá, éñambá məsúglə.
ndoŋ məbəgə bá zóŋ məbəgə bəŋgá sò mvuá. 2. la suprématie de la fin engendra le dépositaire de la suprématie le dépositaire de la suprématie engendra à son tour :
de qui suis je de dépositaire de la suprématie, l’aîné,
l’insupportable de dépositaire, le puîné,
la vraie fille de dépositaire, Ndong et Zong arrivèrent les derniers.akoanə zamə aman ăbon éniŋ :
ndoŋ məbəgə éñakálə sí bəwú,
zóŋ məbəgə ñakálə ébor bábò abé así,
karə məbəgə éñavávələ ébor éŋgong,
zamə ñàvələ ébor émo. 3. À ce moment là, Zame avait déjà fini de parfaire la vie.
Ndong se charge de surveiller la terre des morts,
tandis que Zong, lui, surveille les êtres maléfiques sur terre,
c’est Kare Mebaghe qui créa le peuple d’Engong,
Zame, lui, est le créateur des hommes de émo.Mais le religieux dans le mvet ne se limite pas seulement à cette dimension. En effet, nous avons aussi la référence à d’autres domaines tels que la musique. Aussi bien la danse, la gestuelle, le chant et la musique instrumentale sont porteurs d’une forte dimension religieuse. Pour ce qui est de la musique instrumentale ; nous pouvons dire que les trois principaux instruments qui rythment la musique du mvet sont porteurs d’une grande dimension religieuse pour les mbom mvet. Les mbom mvet pensent que chaque instrument permet à l’homme qui l’utilise de pouvoir communiquer avec Eyo, même si, la majeure partie des instrumentistes n’est pas toujours consciente des voix qu’elle ouvre en les manipulant dans les séances de mvet.
Les déclarations endogènes des interprètes attitrés des différents instruments de musique du mvet nous permettent d’analyser la signification des instruments à travers les mythes et la vision du monde, la sémantique et le symbolisme de certaines expressions culturelles comme la cosmogonie fang et sa notion du religieux. Ainsi, d’après les mbom mvet, le mvet est la voix d’Eyo. Il leur a été donné pour guider le peuple, pour faire entendre les conseils de Dieu Eyo. Les mélodies du mvet ne pouvant atteindre tout le monde, Eyo donna les grelots à Oyono aux mbom mengong afin que ces derniers soient le prolongement de sa voix. Les grelots sont là pour amener les gens au calme, afin que ces derniers puissent entendre les conseils d’Eyo qui est lui la harpe cithare. Eyo ne voulant pas enfin que le mvet et sa parole ne soit pas la seule propriété des mbom mvet et des mbom mengong. Il donna les Bikpwara a ebor’mvet le peuple afin que ceux-ci s’approprient a leur tour le mvet.
Le découpage ainsi fixé donne encore d’autre regroupement à fort caractère religieux. Ainsi, pour la harpe cithare mvet. Nous constatons que chaque partie a une valeur symbolique que les mbom mvet l’attribuent.
Selon Elloue Engoune « les quatre cordes du mvet renvoient à des réalités diverses ; les quatre moments du temps : le passé, le présent, le future et l’imparfait. Les quatre dimensions que sont, la longueur, la largeur, la hauteur et la profondeur ; le nord, le sud, l’est et l’ouest. Les quatre éléments : l’eau, le feu, l’air et la terre, les quatre saisons : la grande saison sèche, la grande saison des pluies, la petite saison sèche et la petite saison des pluies ; le bas age, l’enfance, la jeunesse et la maturité... »
Cette dimension signifiante des cordes nous ramènent au phénomènes que soulèvent souvent les mbom mvet à propos des voix éparses qui résonnent dans le mvet et qui permettrent à celui qui les entends de connaître le mvet. Selon Pascal Boyer « Les chanteurs ne manquent jamais d’en parler : il y a un byang « fétiche » dans leur musique, qui résonne plus loin qu’il ne le croit, il y a des « voix » diverses qui parlent dans les mélodies du mvet. Pour Ze Nzeng, ce sont même tous ses secrets qui sont dans la musique, et celui qui pourrait la reproduire vraiment connaîtrait l’envers et l’endroit du mvet. De même pour Owona Apollinaire, il faut apprendre bien longtemps avant d’entendre vraiment la musique de mvet ; une voix y parle, mais si bien cachée que l’initié seul peut l’y discerner.
D’autres mbom encore me confiaient que les formules musicales contiennent beaucoup de notes « éparses » destinées avant tout à « cacher » la vraie voix du mvet. Ce thème est très important car la musique est pour les mbom mvet le seul idiome dans lequel on puisse représenter et expliquer les secrets et les complications de la littérature épique et des secrets de fantômes. Lorsqu’un mbom forme un apprenti, il ne lui enseigne que des formules musicales, qui sont explicitement conçues comme la voix d’accès à tout le reste de la mythologie du mvet.
De même la calebasse symbolise le déséquilibre, la rupture de l’œuf de cuivre Aki Ngoss> cette énergie doit être compassée par le cœur du mbom mvet, qui lors du jeu de l’instrument doit posé cette demie calebasse sur sa poitrine. Il peut également faire cette compensation en en amplifiant sa voix à l’aide de cette dernière.
Le chevalet quand a lui représente les différents niveaux d’initiation. Il est la mesure qui détermine le progrès à fournir par chaque mbom mvet dans sa quête de l’immortalité. Il faut signaler que cette quête est progressive et individuelle. Elle nécessite aussi un travail ardu et continu.
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Commentaires
1NeithVendredi 4 Octobre 2013 à 15:45Les Fangs reviennent d\'Egypte et non du Nord-Ouest. N\'inventez rien PLEASE.Répondre2meye m'angoue franciMardi 31 Décembre 2013 à 11:33Votre article est tres interressant et instructif .-
keza Ekankang effaJeudi 19 Octobre 2017 à 11:20
Bonjour! Je suis ravis que cette article que j'ai publié sur le site du département d'anthropologie de l'université omar bongo existe toujours. C'est bien que notre culture soit vulgarisé. La seule chose que je regrette, c'est que mon nom n'est même pas cité. En effet, cette article est tiré d'une fiche de mon rapport de licence de 2003 et de mon mémoire de maîtrise de 2004. Pensé quand même à citer l'auteur, c'est cela qui nous encourage à faire plus. Je pourrais vous produire l'ensemble de ce travail au lieu de bribe que vous avez.
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3keza Ekankang effaJeudi 19 Octobre 2017 à 11:32Monsieur Biribibi bonjour! Je suis ravis que cet article existe toujours. Il aurait été aimable que l'auteur que je suis soit au moins cité. Je suis un fervent vulgarisateur de la culture fang, citez quand quand même c'est le fruit des travaux de recherche
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