• Valeurs du christianisme

    deux grandes valeurs du christianisme

    «Le christianisme est dans le monde l'immortelle semence de la liberté.»
    (Alexandre Vinet)
    «L'amour et la tolérance sont la seule réponse au problème de la vie. Ce précepte très simple et infiniment difficile à appliquer peut être accepté, compris par quiconque, croyant ou non-croyant. C'est la seule voie.»
    (Anthony Burgess)

       

    Le christianisme repose en effet sur les piliers jumeaux de la liberté et de la tolérance, deux valeurs essentielles qui, de surcroît et depuis longtemps, orientent les principes de la vie sociale dans nos démocraties occidentales. Pour le chrétien, deux notions inséparables s'articulant dans une logique d'amour inconditionnel. Avant de nous intéresser dans un second temps à la tolérance chrétienne, essayons tout d'abord de comprendre ce que la Bible entend par liberté.


    La liberté chrétienne

    «Il n'y a de liberté que chrétienne [affirme Roger Barilier, ancien pasteur de la cathédrale de Lausanne]. Saint Paul n'hésitait pas à dire : "Tout m'est permis", en ajoutant aussitôt : "mais tout n'est pas utile ; tout m'est permis, mais je ne me laisserai asservir par rien" (1 Corinthiens 6.12). Le Christ, de son côté, déclarait : "Si vous demeurez dans ma Parole, vous êtes vraiment mes disciples ; vous connaîtrez la vérité et la vérité vous rendra libres" (Jean 8.31-32) ; "Si donc le Fils vous affranchit, vous serez réellement libres" (Jean 8.36). Il y a donc une condition à remplir pour accéder à la vraie liberté [...] être greffé sur la Parole du Christ, le Libérateur par excellence, et se laisser affranchir par lui "de la servitude de la corruption" qui a pris possession de nos cœurs, "pour avoir part à la liberté glorieuse des enfants de Dieu" (Romains 8.21). Alors, si cette condition est remplie, si nous sommes intérieurement transformés, nous serons "véritablement" et "réellement" libres. Ces deux adverbes laissent entendre que, hors de Jésus-Christ, nous ne sommes libres que faussement, mensongèrement, en apparence ou en imagination.» (1).

    Jésus était un homme étonnamment libre, se réclamant d'une liberté dont nous devrions apprendre à nous saisir. Les lignes suivantes empruntées à l'Encyclopédie catholique Théo mettent bien en évidence ce trait de caractère du fondateur du christianisme : «Jésus était libre. Libre par rapport aux traditions et aux coutumes. Libre par rapport à ce qu'on appellerait aujourd'hui les conflits de classe : il les ignore superbement et va manger chez les uns et chez les autres. Libre par rapport au qu'en-dira-t-on : il parle aux prostituées comme aux "collabos". Libre par rapport aux prescriptions religieuses comme le sabbat. Libre par rapport aux femmes : alors que cela ne se faisait pas, il leur parle, en fait ses amies intimes, défend, éventuellement, leurs droits (Mt 5.31). Libre par rapport aux politiques : il paie l'impôt, mais sait traiter Hérode de renard. Libre par rapport à la maladie et à la mort : il guérit les uns, ressuscite Lazare. Libre par rapport aux contraintes naturelles : il marche sur la mer. Libre par rapport à sa famille : elle veut "s'emparer" de   lui, mais n'y arrive jamais. [...] Pour imposer cette liberté, il a une autorité naturelle qui laisse ses contemporains éberlués : "A cette vue, les foules furent saisies de crainte et rendaient gloire à Dieu d'avoir donné un tel pouvoir aux hommes" (Mt 9.8). Mais cette liberté extraordinaire a toujours semblé s'exercer en vue d'obéir au Père et de sauver les hommes.» (2).

    En matière de liberté, on sait déjà que Dieu a attribué à ces derniers le libre arbitre de la volonté. Les humains peuvent donc se déterminer librement face au chemin de vie proposé par leur Créateur, autrement dit, ils ont la capacité d'accepter ou de refuser le salut que Dieu leur offre gracieusement. Pour l'homme, il s'agit en fait du choix le plus crucial ici-bas puisqu'il commande son destin : la vie éternelle pour celui qui choisit de marcher avec Dieu ou la mort éternelle pour celui qui – préférant le péché – rejette son plan. Une perspective divine quant à la destinée humaine clairement confirmée par l'apôtre Paul dans son épître aux Romains : «Le salaire du péché, c'est la mort, mais le don gratuit de Dieu, c'est la vie éternelle en Jésus-Christ notre Seigneur.» (Romains 6.23). Dans cette lettre justement – sans oublier celle aux Galates –, Paul s'attarde sur les divers sens de la liberté chrétienne. Passons-les en revue brièvement.

    Libération du péché

    Tout d'abord, en choisissant Dieu comme maître, le croyant est libéré de la puissance du péché. «Le péché est une puissance qui nous éloigne du Christ ; uni à la mort du Christ, le chrétien meurt au péché et se trouve ainsi libéré de cette puissance. C'est ce que représente le rite du baptême, toujours pratiqué par immersion dans l'Antiquité. Le baptisé disparaît un moment sous la surface de l'eau : c'est une sorte de mort. Il resurgit ensuite à l'air libre comme s'il naissait à une vie nouvelle. Il a échappé définitivement au péché et à la loi qui en renforçait le pouvoir.» (3). C'est ce qu'explique Paul dans son épître : «Ignorez-vous que nous tous qui avons été baptisés en Jésus-Christ, c'est en sa mort que nous avons été baptisés ? Nous avons donc été ensevelis avec lui par le baptême en sa mort, afin que, comme Christ est ressuscité des morts par la gloire du Père, de même nous aussi nous marchions en nouveauté de vie. En effet, si nous sommes devenus une même plante avec lui par la conformité à sa mort, nous le serons aussi par la conformité à sa résurrection, sachant que notre vieil homme a été crucifié avec lui, afin que le corps du péché soit réduit à l'impuissance, pour que nous ne soyons plus esclaves du péché.» (Romains 6.3-6).

    Libération de la loi

    D'autre part, le croyant est libre par rapport à la loi : «Maintenant, nous sommes libérés de la loi, car nous sommes morts à ce qui nous retenait prisonniers. Nous pouvons donc servir Dieu d'une façon nouvelle, sous l'autorité de l'Esprit Saint, et non plus à la façon ancienne, sous l'autorité de la loi écrite.» (Romains 7.6, BFC). Rappelons en passant – ce fut la grande redécouverte de la Réforme – que l'obéissance à la loi ne sauve pas, seule la grâce divine libératrice, reçue par la foi, peut justifier l'homme devant la justice divine : «Ce n'est pas par les œuvres de la loi que l'homme est justifié, mais par la foi en Jésus-Christ.» (Galates 2.16). Ce qui signifie donc que l'action chrétienne est une conséquence du salut (obtenu par la seule foi) et non sa condition. «Les bonnes œuvres n'ont jamais fait un homme bon, mais un homme bon fait de bonnes œuvres.», écrivait le réformateur Luther (4) !

    Libération par l'Esprit

    Puis, au chapitre 8 de son épître aux Romains, Paul développe la notion de libération par l'Esprit. Mais déjà, au chapitre 7 – que nous venons de citer –, l'apôtre précise que «nous [les chrétiens] avons été soustraits au pouvoir de la Loi [...] A présent, nous possédons une nouvelle vie. Nous sommes libres de servir Dieu [...] avec les forces que nous donne l'Esprit de Christ en nous.» (Romains 7.6, Parole vivante par Alfred Kuen). Ainsi, l'Esprit joue un rôle dominant dans la libération du croyant : «Nous vivons à présent sous un nouveau régime, celui du Saint-Esprit. Cet Esprit nous donne la vie qui était dans le Christ Jésus et nous introduit dans la communion avec lui. Cette puissance vivifiante de l'Esprit me soulève hors du cercle vicieux du péché et de la mort ; cet ordre nouveau me permet d'échapper au régime du mal qui me menait à la ruine. [...] L'Esprit qui vous a été donné ne vous transforme pas en esclaves, il ne vous ramène pas sous la férule de la crainte, il vous a introduits de plein droit dans la famille de Dieu, il a fait de vous les fils adoptifs de Dieu.» (Romains 8.2 et 15, Parole vivante par Alfred Kuen) ; «Tu n'es plus un esclave, un serviteur subordonné ; tu es un enfant libre, un fils et, en tant que fils, tout l'héritage t'appartient parce que Dieu l'a voulu ainsi.» (Galates 4.7, Parole vivante par Alfred Kuen). En lui procurant la paix intérieure, l'Esprit libère l'homme du souci de gagner le ciel par ses œuvres et du sentiment d'incapacité à atteindre cette finalité par ses propres forces. Finalement, «là où est l'Esprit du Seigneur, là est la liberté.» (2 Corinthiens 3.17).

    Liberté en Christ

    Par ailleurs, dans l'épître aux Galates, Paul révèle le sens de la liberté en Christ : «Frères, c'est à la liberté que vous avez été appelés. Seulement, ne faites pas de cette liberté un prétexte pour vivre selon votre nature propre. Au contraire, soyez par amour serviteurs les uns des autres.» (Galates 5.13), ce qu'il confirme dans sa première lettre aux Corinthiens : «Bien que je sois libre à l'égard de tous, je me suis rendu le serviteur de tous, afin de gagner le plus grand nombre.» (1 Corinthiens 9.19). L'apôtre Pierre ne tient pas un autre langage puisque pour lui, la véritable signification de la liberté chrétienne est tout simplement... la possibilité de servir Dieu : «Comportez-vous en hommes libres, non certes comme des gens qui, sous couvert de liberté, justifient leur désir de suivre leurs mauvais instincts, mais comme des hommes qui, librement, servent Dieu.» (Première lettre de Pierre, 2.16, Parole vivante par Alfred Kuen). C'est ce qu'a bien compris Luther : «Le chrétien est l'homme le plus libre ; maître de toutes choses, il n'est assujetti à personne. Le chrétien est en toutes choses le plus serviable des serviteurs ; il est assujetti à tous.» (5), un apophtegme qui illustre bien le côté (apparemment) paradoxal de la liberté chrétienne ! Ainsi, le croyant est libéré... pour servir Dieu et son prochain ! Mais c'est justement ce que fut le Christ, libre et serviteur !

    Liberté dictée par l'amour des autres

    Enfin, pour celui qui est soumis à Christ, la liberté – qui, au premier abord, semble sans limites – doit néanmoins toujours être dictée par l'amour du prochain. Si, à l'égard des grands principes doctrinaux, l'unité s'avère absolument indispensable dans nos communautés chrétiennes, la liberté par contre demeure de règle pour tout ce qui n'est pas essentiel (6). Mais cette liberté – quitte à la restreindre – doit effectivement être sans cesse guidée par le respect des convictions personnelles des uns et des autres, le souci de leur édification, le renoncement à les juger et la crainte d'offenser notamment les plus jeunes dans la foi. A propos de cet autre sens de la liberté chrétienne, laissons à nouveau la parole à l'apôtre Paul : «Accueillez celui qui est faible dans la foi, sans critiquer ses opinions. Par exemple, l'un croit pouvoir manger de tout, tandis que l'autre, qui est faible dans la foi, ne mange que des légumes. Celui qui mange de tout ne doit pas mépriser celui qui ne mange pas de viande et celui qui ne mange pas de viande ne doit pas juger celui qui mange de tout, car Dieu l'a accueilli, lui aussi. Qui es-tu pour juger le serviteur d'un autre ? Qu'il demeure ferme dans son service ou qu'il tombe, cela regarde son maître. Et il demeurera ferme, car le Seigneur a le pouvoir de le soutenir.» (Romains 14.1-4 BFC). Et Paul de poursuivre dans une autre de ses lettres : «Prenez garde que la liberté avec laquelle vous agissez n'entraîne dans l'erreur ceux qui sont faibles dans la foi.» (1 Corinthiens 8.9 BFC).


    La tolérance chrétienne

    La tolérance – selon le dictionnaire – est le «respect de la liberté d'autrui, de ses manières de penser, d'agir, de ses opinions politiques et religieuses» (7). Comme notre propre liberté peut interférer avec la liberté individuelle des autres – une ancienne maxime ne dit-elle pas que la liberté de chacun s'arrête là où commence celle des autres –, on comprend facilement pourquoi la notion de tolérance s'articule étroitement avec celle de liberté. Or, sachant que l'amour du prochain est l'un des thèmes majeurs de l'enseignement du christianisme, il n'est donc pas surprenant que la tolérance – bien que ce terme ne relève pas du vocabulaire biblique – fasse partie des vertus caractérisant le chrétien.

    La Bible enseigne la tolérance de l'autre

    Tout d'abord, nous voudrions souligner avec Paul Wells, professeur à la Faculté libre de théologie réformée d'Aix-en-Provence, que «Dieu est intolérant vis-à-vis de la méchanceté, du péché, du mal, de tout ce qui s'oppose à sa sainteté et à sa justice [...] Cependant, la foi chrétienne ne nous recommande pas d'avoir cette attitude vis-à-vis des personnes» (8). Si Dieu n'est pas tolérant, par contre, il supporte patiemment – il est vrai, temporairement – le mal résultant du mauvais choix de ses créatures moralement libres. En effet, Dieu est patient... toutefois, il est en dehors de notre temps (Psaume 90.4) ! S'il semble retarder son jugement, c'est pour qu'un maximum de ses créatures puissent justement faire le bon choix : «Le Seigneur n'est pas en retard pour accomplir sa promesse, comme certains se l'imaginent, il est seulement très patient à votre égard, car il ne veut pas qu'un seul périsse : il voudrait, au contraire, que tous parviennent à la repentance et à la conversion» (2 Pierre 3.9, Parole vivante par Alfred Kuen).

    Cela dit, le chapitre 14 notamment de l'épître de Paul aux Romains que nous venons de mentionner précédemment abonde de préceptes de tolérance et de respect de l'autre. Par ailleurs, dans son épître aux Ephésiens, Paul nous exhorte à supporter patiemment les autres en dépit de leurs erreurs : «En toute humilité et douceur, avec patience, supportez-vous les uns les autres dans l'amour.» (Ephésiens 4.2). Et Paul de poursuivre dans une autre de ses lettres : «Ne faites rien par esprit de rivalité ou par désir de vaine gloire, mais avec humilité considérez les autres comme supérieurs à vous-mêmes.» (Philippiens 2.3).

    De son côté, l'apôtre Jacques souligne dans la même ligne de pensée que la vraie sagesse «aime la paix, elle est courtoise et douce, elle ne connaît pas les préventions de l'esprit de parti, elle agit sans duplicité, ni feinte. Elle est sans façons et sans fard. Elle se montre compréhensive et conciliante, elle est ouverte à la discussion et capable de céder, pleine de bonté et de compassion.» (Lettre de Jacques, 3.17, Parole vivante par Alfred Kuen).

    Enfin, concernant cette question de l'attitude que nous devons avoir envers les autres chrétiens, Jésus-Christ, lui-même, nous apporte la réponse dans une formule célèbre : «Qui n'est pas contre nous est pour nous. Et celui qui vous donnera à boire un verre d'eau en mon nom, parce que vous appartenez à Christ, je vous le dis en vérité, il ne perdra pas sa récompense.» (Marc 9.40-41). Bien que tous les chrétiens n'appartiennent pas à un groupe unique, tous proclament pourtant la même bonne nouvelle du Christ ressuscité ! Alors, pourquoi ne collaborions-nous pas volontiers avec les serviteurs chrétiens non rattachés à notre dénomination sans permettre à nos divergences doctrinales et aux frontières entre Eglises de faire obstacle à cet objectif commun ?

    La Bible conduit aussi à discerner les limites de la tolérance

    Mais la tolérance chrétienne ne doit pas glisser vers l'indifférence égoïste, la compromission ou pire, la complicité ! L'amour de l'autre en tant que personne libre – quoique imparfaite mais perfectible – demeure pour le chrétien la règle de conduite en la matière... sans pour autant nier les erreurs de cet autre ! «Pour le chrétien [écrit encore Paul Wells] tout péché, tout mal, est intolérable, même s'il revêt des gradations selon les situations et les actes ; il est une atteinte au bien, à la vie que Dieu veut pour nous. Nous sommes appelés à aimer Dieu et "à nous garder du péché" en pratiquant sa Loi. Cela n'implique pas que nous puissions "faire aimer" Dieu en cherchant à imposer aux autres des comportements. Agir contre ce qui est intolérable ne peut pas se faire au nom de Dieu, mais par amour pour le prochain, afin que le mal soit limité, que la justice et le bien soient promus, notamment la protection des "petits", des "enfants", des "pauvres". Dans cette perspective, le chrétien peut faire cause commune avec ceux qui, sans reconnaître la Loi de Dieu, y obéissent néanmoins. N'oublions pas, comme le dit Luther, que "Dieu se cache sous son contraire". S'il est intolérant vis-à-vis du mal, c'est pour notre bien. Christ a subi la punition que nous méritions afin que nous vivions. S'il est patient vis-à-vis du mal, ce n'est pas par indifférence, c'est pour que son appel au salut retentisse.» (9).

    Au sujet du respect de la personne humaine, définissant clairement les limites de la tolérance chrétienne, un document du Concile Vatican II déclare intolérables «tout ce qui s'oppose à la vie elle-même, comme toute espèce d'homicide, le génocide, l'avortement, l'euthanasie et même le suicide délibéré ; tout ce qui constitue une violation de l'intégrité de la personne humaine, comme les mutilations, la torture physique ou morale, les contraintes psychologiques ; tout ce qui est offense à la dignité de l'homme, comme les conditions de vie sous-humaines, les emprisonnements arbitraires, les déportations, l'esclavage, la prostitution, le commerce des femmes et des jeunes ; ou encore les conditions de travail dégradantes qui réduisent les travailleurs au rang de purs instruments de rapport, sans égard pour leur personnalité libre et responsable : toutes ces pratiques et d'autres analogues sont, en vérité, infâmes. Tandis qu'elles corrompent la civilisation, elles déshonorent ceux qui s'y livrent plus encore que ceux qui les subissent et insultent gravement l'honneur du Créateur.» (10).

    Notons que Dieu, lui-même, marque des limites à sa patience ! Ainsi, trouve-t-on plus de 300 passages bibliques se rapportant à la «colère de Dieu», expression désignant le jugement de Dieu sur le comportement pervers d'hommes au cœur endurci refusant obstinément de croire ! Autant dire que le péché ne doit pas être pris à la légère car il provoque la colère divine. C'est indéniable, – même s'il le supporte temporairement – Dieu est foncièrement intolérant vis-à-vis du mal, et ses dix commandements constituent des exigences absolues. Mais avant tout, il se proclame le Dieu unique, c'est justement l'objet du premier commandement : «Tu n'adoreras pas d'autres dieux que moi.» (Exode 20.3, BFC). Un commandement qui en fait délivre l'homme des servitudes des dieux et des religions !

    Remarquons que Jésus-Christ est aussi formel lorsqu'il déclare qu'il n'y a qu'un seul moyen d'accès au seul vrai Dieu : «Je suis le chemin, la vérité et la vie. Personne ne vient au Père autrement que par moi.» (Jean 14.6). Faisons-lui confiance, il est la seule voie qui mène à Dieu car il est à la fois Dieu et homme, le seul médiateur entre Dieu et les hommes (1 Timothée 2.5), nul autre n'a donné sa vie pour réconcilier l'humanité avec Dieu.

    On connaît par ailleurs l'affirmation péremptoire du Christ : «Celui qui n'est pas avec moi est contre moi, et celui qui ne rassemble pas avec moi disperse.» (Luc 11.23). Dans la lutte entre le bien et le mal qui oppose Dieu à Satan, la neutralité n'existe pas ! Il faut donc choisir son camp, prendre parti pour l'un ou l'autre. Seulement, nous connaissons déjà le vainqueur du combat, nous savons que la mort et la résurrection du Christ ont porté un coup fatal à la puissance de Satan. Alors pourquoi s'allier avec le perdant lorsqu'on connaît sa destinée ultime tout comme celle de ses adeptes ? Aussi, comprend-on mieux l'intransigeance de Jésus exprimée dans son grave avertissement.

    L'apôtre Jean n'est pas moins catégorique quand il s'agit de défendre la pureté de l'Evangile : «Celui qui ne reste pas dans les limites de ce que le Christ a enseigné, mais s'aventure au-delà, n'a pas de communion avec Dieu. Celui qui reste fidèlement attaché à cet enseignement, reste uni au Père comme au Fils. Si quelqu'un vient vous trouver, pour vous enseigner autre chose, ne l'accueillez pas chez vous, ne lui adressez pas la salutation (fraternelle). Celui qui lui souhaiterait la bienvenue se rendrait complice de son mauvais travail.» (2 Jean 1.9-11, Parole vivante par Alfred Kuen).

    A ce propos, on ne peut s'empêcher de rapprocher cette parole de Jean à ces deux déclarations de Paul, tout aussi absolues : «Même si moi ou un ange descendu du ciel nous venions proclamer au milieu de vous une Bonne Nouvelle contredisant celle que je vous ai annoncée, que la malédiction divine nous frappe. Je l'ai déjà dit autrefois, je le répète aujourd'hui : si quelqu'un vous prêche un autre Evangile que celui que vous avez reçu, mettez-le au ban de d'Eglise et interdisez-lui d'enseigner !» (Galates 1.8-9, Parole vivante par Alfred Kuen) ; «Si quelqu'un enseigne une autre doctrine et ne s'attache pas aux saines paroles de notre Seigneur Jésus-Christ et à l'enseignement qui est conforme à la piété, il est aveuglé par l'orgueil, il ne sait rien, il a la maladie des controverses et des querelles de mots. C'est de là que naissent les jalousies, les disputes, les calomnies, les mauvais soupçons, les vaines discussions entre des hommes à l'intelligence corrompue, privés de la vérité.» (1 Timothée 6.3-5).

    Une tolérance active contribuant au témoignage de l'Evangile

    Désapprouver clairement les mauvais choix des autres sans pour autant les rejeter est aussi pour le chrétien une manière de témoigner sa foi. Aussi, lorsqu'il rencontre l'incompréhension (ce qui n'est pas rare), celui-ci doit être prêt à défendre ses convictions, toutefois comme le recommande l'apôtre Pierre, «avec douceur et respect» : «Soyez toujours prêts à défendre l'espérance qui est en vous, devant tous ceux qui vous en demandent raison ; mais faites-le avec douceur et respect, en gardant une bonne conscience.» (1 Pierre 3.15-16).

    «La tolérance de Dieu, c'est sa patience [explique le pasteur Daniel Bergèse] et sa patience est en vue du salut du plus grand nombre. Car le temps vient où cette histoire s'achèvera et où la tolérance laissera la place au jugement dernier. Cela veut clairement dire que nous ne devons pas tant militer pour une tolérance vide, qui serait une fin en soi, que pour une tolérance qui nous laisse l'occasion d'annoncer clairement la Vérité de Dieu, avec l'appel qu'elle adresse à toute conscience humaine. Un tel appel, parce qu'il prétend être (et il l'est) la voix contraignante de Dieu, peut sembler troubler le climat serein de la tolérance (certains iront même jusqu'à dire que cet appel constitue en lui-même une intolérance). Mais peu importe, Jésus est effectivement venu apporter l'épée tranchante d'un jugement en ce monde (Matthieu 10.34) et sa Parole ne peut qu'exercer une pression sur les consciences. Pression qui sera salutaire pour beaucoup ! Professer la Vérité dans la charité (Ephésiens 4.15), c'est là le climat de la véritable tolérance, celle qui prend en compte la variété infinie des personnes, des consciences et des histoires humaines, tout en affirmant la réalité d'un jugement eschatologique qui, dès aujourd'hui, éclaire l'humanité en séparant le bien du mal et le vrai du faux, répondant ainsi pleinement à sa quête du sens. Mais nul ne devra anticiper sur la moisson dernière, nul ne pourra se substituer à Dieu en prononçant avant l'heure, et sur une personne, une condamnation que Dieu lui-même n'a pas encore prononcée. C'est pourquoi, avec patience, quelquefois dans la souffrance, toujours avec espérance, nous devons accepter le mélange du bon grain et de l'ivraie sachant qu'en vérité il sert le projet de salut de Dieu.» (11).

    La véritable tolérance chrétienne, en quelques mots !

    Pour conclure cet aperçu sur la notion de tolérance chrétienne, laissons la plume à Jean Hoffmann, ancien professeur de la Faculté de Théologie Protestante de Paris : «Si être tolérant signifie respecter la liberté et les opinions d'autrui, ne pas chercher à imposer aux autres nos propres vues et essayer de comprendre les leurs, alors nous sommes pour la tolérance et nous ne pouvons que condamner l'intolérance, cette "attitude hostile et agressive à l'égard de ceux qui ne partagent pas nos idées". Mais si, par tolérance, on entend cette ouverture à l'erreur, ce refus de prendre position pour ce qui est vrai et juste et contre ce qui est faux et inique selon les Ecritures, alors il ne s'agit plus de tolérance, mais d'une défaillance par laquelle on se rend complice du mal. [...] Le chrétien qui se veut fidèle au Seigneur doit certainement savoir écouter et respecter celui dont les opinions diffèrent des siennes et faire bon accueil à qui est faible dans la foi (Romains 14:1). Mais il lui faut aussi veiller à ne pas favoriser ce qui, à la lumière de la Parole de Dieu, lui apparaît comme une erreur et à ne pas se laisser lui-même gagner par celle-ci en se montrant à son égard plus tolérant que ne le furent Christ et les Apôtres. [...] Etre vraiment tolérant, c'est d'abord admettre que chacun puisse exprimer sa pensée et agir selon ses convictions, pour autant que cela ne porte pas atteinte à la liberté et aux droits d'autrui. Mais être tolérant, c'est aussi reconnaître à chacun la liberté et le droit de dire pourquoi il n'est pas d'accord avec telle orientation, tel enseignement ou telle pratique et de prendre les décisions que lui dicte sa conscience.» (12).


    Liberté et tolérance, deux ferments de la paix

    Finalement, ces deux grandes valeurs du christianisme (13) que sont la liberté et la tolérance contribuent efficacement au développement de la paix dans notre société. Deux ferments essentiels à la coexistence pacifique et respectueuse au sein d'une même Eglise mais également entre toutes les religions. Puissions-nous donc toujours être habités par la même soif de liberté et de tolérance selon le message véhiculé par l'Evangile !

    Claude Bouchot

     

    ___________________
    (1) Barilier Roger, Liberté ou Libertarisme, La Revue Réformée, n° 194, 1997.
    (2) Théo, l'Encyclopédie catholique pour tous, Droguet-Ardant / Fayard, 1992, p. 606 et 608.
    (3) Extrait d'une note de la Bible Expliquée, Société biblique française, 2004, p. 211-NT.
    (4) Luther Martin, Traité de la liberté chrétienne, 1520.
    (5) Ibid.
    (6) La véritable liberté chrétienne est aussi celle qui nous affranchit de toute idéologie humaine, traditions pesantes ou croyances populaires non fondées sur la Bible ainsi que du légalisme religieux entretenu par bon nombre de chrétiens de tout bord. Quand donc les Eglises se concentreront-elles sur ce qui est vraiment essentiel à la foi ? Quand prêcheront-elles d'abord l'évangile libérateur du Christ sans lui ajouter des préceptes accessoires, mais ayant force de loi ? Par ailleurs, la vraie liberté chrétienne implique une grande latitude par rapport à l'institution ecclésiale, le poids de celle-ci ne devant en aucun cas être un frein ou un obstacle à notre libre accès à Christ. C'est ce que confirme, en d'autres termes, Henri Fesquet, ex-chroniqueur religieux du journal Le Monde : «Ni telle philosophie, ni telle théologie, ni telle morale, ni tel canon, ni telle civilisation, ni telle nation, ni telle classe, ni telle race, ne constituent des idoles et ne doivent nous faire plier les genoux. Ce ne sont que des instruments provisoires [...] Dès que ces moyens se révèlent inadaptés, dès qu'ils font écran, il faut prendre ses distances par fidélité à Jésus-Christ.» (Rome s'est-elle convertie ?, Ed. Grasset, 1966, p. 35). Aussi, on peut exiger que, de leur côté, les Eglises reconnaissent volontiers à chacun de leurs membres le droit de changer librement d'affiliation religieuse dès que celle-ci n'est plus en phase avec ses convictions.
    (7) Le Petit Larousse 2003.
    (8) Wells Paul, Le Dieu de la Bible est-il intolérant ?, La Revue Réformée, n° 196, 1997.
    (9) Ibid.
    (10) Constitution pastorale Gaudium et Spes sur l'Eglise dans le monde de ce temps, [www.vatican.va], avril 2008.
    (11) Bergèse Daniel, Tolérance et vérité, Ichtus, N° 131, 1985.
    (12) Hoffmann Jean, Tolérance ou Intolérance ?, [http://sentinellenehemie.free.fr], novembre 2007.
    (13) Valeurs qui ne sont pas des exclusivités du christianisme puisque l'éducation laïque notamment enseigne aussi la liberté et la tolérance !

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