• Sumer et sa civilisation


    Dans l'Ancien Testament, Sumer est la patrie d'origine d'Abraham, né à Ur. C'est aussi la région où tous les autres Patriarches ont vécu avant lui jusqu'à Noé et plus loin encore, Adam et Eve. Deux mille ans avant la Bible, le Déluge et Noé (Ziusudra) existent déjà dans la mythologie sumérienne... Mais quelle est l'histoire de cette civilisation...

    En l'état actuel de nos connaissances, Sumer est la première civilisation de l'humanité. Elle naît au quatrième millénaire avant J.-C. et s'éteint définitivement dans les années qui précèdent 2000 avant J.-C., dans le sud est de l'Irak actuel. On ne connaît pas l'origine du peuple sumérien. Ceux qui se nommaient eux-mêmes les « têtes noires » parlaient une langue unique, totalement isolée au milieu de langues sémitiques. Sa population se métissera d'ailleurs peu à peu avec des sémites. A la fin du troisième millénaire, elle traverse une période de pertes de suprématie et de renaissances successives jusqu'à la chute définitive de la dernière cité qu'on puisse qualifier de sumérienne : Ur est prise par les Elamites en 2004 avant J.-C. Jusqu'au vingt quatrième siècle avant J.C., Sumer a plus été un ensemble de cités états qu'un royaume uni, mais c'est l'unicité de langue, de mythes, de culture et de techniques, qui en fait une civilisation cohérente.

    La plus ancienne écriture au monde a été découverte à Uruk, la ville du roi mythique Gilgamesh, dans une couche géologique correspondant à Sumer. La tablette d'argile gravée de signes cunéiformes est datée de 3300 avant J.-C. Si l'on parle de mythe à propos de Gilgamesh, fils d'Enmerkar, c'est parce qu'il est le héros de l'épopée de Gilgamesh , dans laquelle mi-homme mi-dieu, il part en quête de l'immortalité. Mais Gilgamesh semble être un roi ayant réellement existé, son nom apparaissant sur la Liste des Rois sumériens retrouvée sur plusieurs tablettes. Il est d'ailleurs possible qu'une sépulture trouvée récemment à Uruk, semblable à celle décrite dans l' épopée , soit celle de ce souverain légendaire.

    Sumer marque un tournant pour l'humanité. Avec l'écriture, c'est l'histoire qui commence à Sumer (1). En remontant dans le temps, nous atteignons ici la frontière de la connaissance au-delà de laquelle les certitudes s'amenuisent au profit des hypothèses. Pour certains historiens, les premiers écrits laissent peut-être deviner le passage du règne d'une déesse mère aux dieux masculins et guerriers. Gilgamesh viole les hiérodules dans un texte, il est un roi devenu sage à la fin de l'épopée . On estime que c'est autour de 3500 avant J.-C. qu'ont eu lieu les premières grandes guerres avec armées constituées.

    On sait, avec une quasi-certitude qu'au-delà de la naissance de l'écriture, l'époque représente un bouleversement pour l'homme, une avancée soudaine.

    Jusqu'au premier millénaire avant J.-C., Sumer représente ce que la Grèce antique représente à nos yeux, c'est à dire la civilisation au sein de laquelle l'intelligence, les arts et les techniques ont explosé « brusquement » (en quelques siècles, soit peu de temps à l'échelle de l'Evolution), la mère des cultures de toute une région, l'ancêtre brillant et respecté tenant lieu de référence et de source commune pour de nombreux peuples pendant presque trois mille ans.

    Ceci ne se réduit pas à la vision déformée de chercheurs contemporains. En effet, de nombreux écrits de peuples ultérieurs à Sumer - Akkad, Babylone, Empire assyrien, Ugarit, Hébreux de Juda - attestent la place importante accordée à Sumer. La langue sumérienne a ainsi survécu au cours du deuxième millénaire avant J.-C., jouant en Mésopotamie le rôle du Grec chez les romains ou du Latin dans l'Europe moderne, c'est à dire la langue de brillants ancêtres, servant de référence, de langue commune ou au contraire, de langue de différentiation pour l'élite. Plus de quinze siècles après la disparition de Sumer, les Hébreux se donnent une filiation sumérienne en faisant venir Abraham d'Ur. Des mythes sumériens voyagent de peuple en peuple, et se retrouvent dans la mythologie d'Ugarit et dans la Genèse, presque mot pour mot. Au même moment, dans l'Empire assyrien, le mythe de Gilgamesh se perpétue, de même qu'une grande partie de la mythologie sumérienne, à peine déformée.

    L'usage de l'écriture cunéiforme et de la technique des tablettes d'argile gravées à l'aide d'un calame - roseau biseauté –, puis cuites pour leur donner leur dureté, survit longtemps à ses créateurs, au moins jusqu'à la fin du premier millénaire.

    D'autre part, les découvertes archéologiques et les écrits de civilisations ultérieures évoqués ci-dessus, témoignent d'un foisonnement indiscutable, d'une véritable explosion culturelle, politique et technique à Sumer. Il y a bien eu un « miracle sumérien » trois mille ans avant le « miracle grec » ; et l'influence de ces brillants ancêtres a perduré jusqu'à l'aube de notre ère.

    Mais elle survit ensuite même si le souvenir même de Sumer disparaît.

    Après l'oubli total, Sumer est redécouverte par l'archéologie et les linguistes au dix neuvième siècle. Malgré cela, en comparaison de l'Egypte ou de la Grèce antique, Sumer reste injustement méconnue. Peut-être a-t-elle pâti de sa trop grande influence et de son caractère de source première. La Mésopotamie « berceau de l'humanité » certes, mais dont on nous dit peu de choses. Les spécialistes de haut niveau et les ouvrages excellents sur cette période ne manquent pourtant pas. Mais la renommée de Sumer ne prend pas son essor parmi le grand public.

    On peut comprendre que dans le processus de constitution des identités nationales, les Européens se soient choisi des ancêtres européens avec les Grecs, en estompant, consciemment ou inconsciemment, les origines orientales ; en évitant de souligner que les Achéens venaient d'Asie mineure, transportant avec eux les mythes mésopotamiens ; qu'Ulysse est un lointain descendant de Gilgamesh ; que, bien avant Moise, Sargon d'Akkad fut sauvé des eaux et devint roi d'un peuple.

    Mais Sumer vit. Au cœur des mythes fondateurs de l'Occident.


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