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Le triskèle et son symbolisme
Figure typique de l'art celtique, le triskèle (ou triscèle) est devenu notamment l'emblème de l'île de Man, de la Bretagne et de l'Irlande (après le trèfle et la harpe). Son dessin s'inscrit dans un cercle et reste inchangé après une rotation d'un tiers de tour à droite ou à gauche.Le blason du drapeau de l'île de Man est identique sur ses deux faces et représente un premier type de triskèle (du grec “triskélès” qui signifie “à trois jambes”): trois jambes, sanglées et réunies par la hanche au centre du cercle, tournent dans le sens des aiguilles d'une montre. Voilà une figure qui retombera toujours sur ses pieds comme en témoigne la devise de l'Île: “Stabit quocumque jeceris” (Il se tiendra debout où qu'on le jette). Ce type de représentation existe aussi sous d'autres formes orientées dans le même sens ou le sens opposé.
Une des formes les plus courantes d'un second type de triskèle consiste en trois doubles spirales dont les pôles coïncident deux à deux et sont équidistants du centre du cercle dans lequel elles s'inscrivent.
Il apparaît clairement que le triskèle fait référence au nombre 3. Un nombre important dans toutes les traditions et plus significatif encore dans la tradition celtique.
Le ternaire dans la tradition celtique1. La société celtique est entièrement organisée autour du sacré et de trois fonctions exercées par les représentants de trois classes:
- La classe sacerdotale dont la fonction est précisément d'administrer le sacré. En charge des rapports entre les sociétés humaines et les puissances divines, elle organise et contrôle les activités des deux autres classes;
- La classe guerrière dont la fonction est de recourir à la guerre et à la magie pour la défense de la société;
- La fonction artisanale et productrice dont la fonction est d'exercer les activités artisanales, agricoles, d'élevage et commerciales pour assurer l'abondance dans la société.
La fonction religieuse est interdite aux classes guerrière et productrice. Par contre, la fonction guerrière, et a fortiori productrice, est accessible aux membres de la classe sacerdotale.
Les couleurs attachées à ces trois classes montrent la prééminence indubitable de l'autorité religieuse sur l'ensemble des membres de la société celtique, Roi y compris:
- Le blanc est la couleur du sacerdoce car il contient tout le spectre des couleurs de l'arc-en-ciel représentatives du reste de la société;
- Le rouge, la couleur de la partie “supérieure” de l'arc-en-ciel, est la couleur du Roi et des guerriers;
- Le bleu (le vert) et le jaune figurent au “bas” ou au “milieu” de l'arc-en-ciel et représentent la classe productrice.
2. La classe sacerdotale est elle-même subdivisée en trois catégories:
- Le Druide, terme générique appliqué à tous les membres de la classe sacerdotale indépendamment de leur spécialité. Ce sont les “très savants” au triple sens du mot (Sagesse, Science sacrée et Connaissance);
- Le Barde ou “poète” qui chante les louanges ou les blâmes;
- Le Vate en charge de la partie pratique du culte; en particulier la prédiction, la divination et la médecine.
3. Le panthéon irlandais comprend trois dieux:
- Le dieu suprême multifonctionnel et hors classe, Lug et ses deux “frères”:
- Le dieu-druide de l'amitié et des contrats, Dagda;
- Le dieu-champion de la guerre, de la violence et de la magie, Ogme.
L'Unité du Monde, symbolisée par la divinité souveraine Lug, se manifeste sous l'apparence de facettes opposées:
- Dagda représentant tout ce qui est clair, réglé, ordonné et attrayant;
- Ogme recouvrant tout ce qui est sombre, déréglé, chaotique et sinistre.
Toutefois, Dagda, le dieu des contrats, peut aussi recourir aux ruses les plus perfides et ne pas respecter ses engagements car, étant dieu, il peut tout dans son domaine.
De même Ogme, dieu de la force et de la violence, peut se montrer lâche et peureux.
Ainsi les opposés n'existent pas seulement entre les polarités, mais également au sein des polarités elles-mêmes. La manifestation est riche de toute la diversité contenue dans l'Unité du Monde. Les facettes opposées évoquent les deux moitiés noire (yin) et blanche (yang) du fameux symbole yin-yang qui elles-mêmes renferment respectivement du blanc et du noir. Car, comme le souligne la tradition chinoise, il n'y a pas de yin sans yang ni de yang sans yin.
En conséquence, le résultat des rapports entre les deux facettes opposées ne doit pas obligatoirement être purement contractuel ou conflictuel. En effet, il peut également être neutre s'il est perçu comme une “alchimie” entre deux principes complémentaires qui s'équilibrent l'un l'autre. Il suffit d'évoquer, à titre d'illustration, une pratique celtique de maintien de la paix entre camps ennemis. Chaque camp gardait en otage, pour de longues périodes, des volontaires du camp adverse qui finissaient d'ailleurs souvent par s'intégrer totalement dans leur nouvelle société.
En outre, la similitude de forme entre la ligne de démarcation des parties noire et blanche du symbole yin-yang et la double spirale montre que ces rapprochements n'ont rien de fortuit.
4. Nous pourrions aussi mentionner, parmi bien d'autres exemples, les 3 jours qui précèdent et suivent le jour de la célébration de la “fête” celtique la plus importante, la “fête” de toutes les fonctions, Samain.
Le symbolismedu triskèleLe triskèle du premier type
Il s'agit d'un symbole giratoire tournant autour d'un pôle immobile représentant le Principe immuable d'où tout provient et où tout retourne.
Les trois jambes symbolisent à la fois le développement de trois facettes du Principe à partir du pôle et leur enveloppement autour du pôle au cours de leur retour vers ce même Principe. Le caractère identique des trois jambes indique que ces trois facettes relèvent du même ordre dans la hiérarchie des êtres et des choses manifestées. Il s'ensuit que la disposition du triskèle n'a que peu d'importance. En conséquence, ce triskèle du premier type ne peut que représenter une tripartition telle que celle de la classe sacerdotale dont les trois membres sont tous des druides, indépendamment de leur spécialité.
La rotation dans un sens ou dans l'autre n'est là que pour distinguer les deux mouvements de développement et d'enveloppement autour du pôle principiel. Retenir un mouvement de rotation plutôt que l'autre n'a pas plus de sens que de privilégier le swastika dextrogyre par rapport au sénestrogyre.
Le triskèle du second type
Ce symbole s'apparente à une autre interprétation du nombre 3 car le pôle supérieur se place sur un autre plan que celui des deux autres pôles auxquels il est néanmoins relié. Nous pouvons mettre ce triskèle en relation avec les trois dieux du panthéon irlandais.
Lug représente le Principe, l'Un qui produit 2 (polarité Dagda-Ogme), 2 produit 3 (Un + polarité) et 3 produit tout. En effet, le reste ne peut être qu'une variation indéfinie sur le thème de l'Un et de ses polarités. C'est pourquoi le panthéon irlandais est restreint au nombre 3.
Conformément à la figure du second type, le pôle supérieur symbolise le Principe et les deux autres pôles décrivent des facettes opposées. Il s'ensuit que:
Les deux doubles spirales inclinées représentent à la fois le mouvement descendant du Principe associé à Lug vers la manifestation des pôles opposés, Dagda et Ogme, et le mouvement ascendant de résorption des pôles opposés dans l'Unité.
La double spirale horizontale figure les mouvements de va et vient entre les deux pôles opposés à la recherche d'un état d'équilibre. Bien que Dagda soit plus important que Ogme dans le panthéon irlandais, le caractère horizontal de la double spirale indique qu'aucun de ces dieux ne prédomine sur l'autre du point de vue de la polarité qui seul importe ici.
Ce jeu indéfini entre opposées n'a que deux issues, en dehors du perpétuel balancement entre eux:
- Une résorption des oppositions dans le Principe à l'image de la figure précédente;
- La production d'un résultat neutre, fruit d'une mutation des oppositions apparentes en complémentaires qui s'équilibrent et représenté par le pôle inférieur de la figure suivante.
Notons que ce dernier dérive du premier à partir d'une rotation d'un sixième de tour dans un sens ou dans l'autre.
Nous pourrions poursuivre avec d'autres exemples, mais il apparaît clairement que le triskèle constitue un des modes de représentation du ternaire dont la tradition celtique offre nombre d'exemples.
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Commentaires
2juiouDimanche 24 Janvier 2010 à 17:24c cool ton blog
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Je porte moi m? le triskel ?on cou, symbole de mes origines bretonne qui resorte.
Merci pour ta d?nition du triskel!