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Le silence
Les silences sont de natures différentes. Il y a le silence entre deux bruits, le silence entre deux notes, et le silence qui s'élargit dans l'intervalle entre deux pensées. Il y a ce silence particulier, tranquille, pénétrant, qui vient par certains soirs dans la campagne; il y a le silence à travers lequel on entend l'aboiement d'un chien au loin, ou le sifflet d'un train alors qu'il gravit une pente raide, le silence dans une maison où tout le monde est allé dormir, et sa curieuse amplification lorsqu'on se réveille au milieu de la nuit et qu'on écoute un hibou qui hulule dans la vallée; et il y a le silence avant que ne réponde sa compagne. Il y a le silence d'une vieille maison désertée, et le silence d'une montagne; le silence entre deux êtres humains, lorsqu'ils ont vu la même chose, senti de la même façon et agi.
Un esprit méditatif est silencieux. Ce n'est pas un silence que la pensée puisse concevoir; ce n'est pas le silence d'un soir tranquille; c'est le silence total qui se produit lorsque s'arrête la pensée, avec toutes ses images, ses mots, ses perceptions. Cet esprit méditatif est l'esprit religieux; celui dont la religion n'est pas atteinte par les églises, les temples et leurs chants. L'esprit religieux est l'explosion de l'amour. Cet amour-là ne connaît pas de séparation. Pour lui le lointain est tout près. En lui il n'y a ni l'individu ni le nombre mais plutôt un état dans lequel il n'y a pas de vision. De même que la beauté, il n'appartient pas au monde mesurable des mots. L'esprit méditatif ne puise son action qu'en ce silence.
(Krishnamurti, La révolution du silence, p.40 et 143.)
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