Le gardien des Enfers
Le chien est un gardien, il hurle à la lune et chasse souvent la nuit. C'est pourquoi, dans de nombreuses sociétés, il a été associé à la mort. Ainsi, il est le gardien des Enfers, empêchant les vivants et les morts de franchir la porte séparant les deux mondes. C'est alors Cerbère, le chien noir à trois têtes de la mythologie grecque, ou Garm, gardien du Nieflheim pour les Germains.
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Le guide des morts et de leurs âmes
Le chien, le compagnon de tous les jours, l'est aussi dans la mort. Il est le symbole du psychopompe, c'est-à-dire le guide des âmes dans leur voyage vers le royaume des morts. Le plus célèbre est Anubis, divinité de l'ancienne Égypte à tête de chien noir. Son rôle était de superviser l'embaumement du défunt puis de l'amener jusqu'à la salle du jugement des âmes. Enfin il atteste le résultat de la balance des âmes.
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On trouve un homologue d'Anubis chez les Mexicains. Il se nomme Xolotl, dieu chien couleur de lion qui avait accompagné le dieu Soleil lors de son voyage sous la terre. Dans la pratique, un chien jaune comme le soleil, de race Xoloitzcuintli, était sacrifié lors du rituel funéraire. On pouvait aussi sacrifier le propre chien du défunt. Ainsi le mort était veillé jusqu'à son arrivée aux portes de la mort. Au Guatemala, on préférait déposer des figurines de chien aux quatre coins des tombes ; pratique qui persiste encore de nos jours.
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Dans les sociétés orientales, on confiait les morts et les mourants aux chiens afin qu'ils les guident vers le paradis, résidence des divinités pures.
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Le messager entre l'au-delà et les vivants
Le chien passe aussi pour être un moyen de communication entre l'au-delà et le monde des vivants. Alors deux cas de figure se présentent : soit le chien délivre ses messages au sorcier en transe comme on le voit au Zaïre chez les Bantous, ou au Soudan, soit c'est lui que l'on charge d'un message pour les morts après l'avoir sacrifié comme le font les Iroquois d'Amérique du Nord et certaines peuplades soudanaises.
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Au travers de ces quelques exemples, on peut comprendre que l'association du chien et de la mort, ajoutée à ses activités de chasseur nocturne, a sans nul doute favorisé les rumeurs de sorcellerie et de maléfices autour de cet animal.
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La dualité du symbolisme du chien
La religion musulmane fait ressortir ce côté obscur du chien et en a fait l'être impur de la création au même titre que le porc. C'est un charognard qui fait fuir les anges, annonce la mort par ses aboiements. Il ne faut pas le côtoyer et d'ailleurs, si on le tue, on devient aussi impur que lui. Par contre, on se préservera des sortilèges en mangeant la chair d'un chiot et on reconnaît la fidélité du chien à son maître. Paradoxalement, l'Islam loue le Lévrier, animal noble, symbole de bienfait et de chance.
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La dualité de la symbolique du chien se retrouve dans les pays d'Extrême-Orient. Ainsi, en Chine, le chien est tour à tour le destructeur sous les traits d'un gros chien poilu nommé T'ien-k'uan et le compagnon fidèle qui escorte les immortels au paradis. Le penseur Lao-tseu le rattache à l'éphémère en rapportant une ancienne coutume chinoise au cours de laquelle des figurines de chien en paille sont brûlées pour éloigner les mauvais sorts. À l'inverse, pour les Japonais, le chien est l'animal du bien qui protège les enfants et les mères. Enfin, au Tibet, il est le symbole de la sexualité et de la fécondité. Il donne alors l'étincelle de la vie, ce qui amène à aborder un autre aspect de la symbolique du chien : celle du feu.
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Le chien et le feu
Étrangement, dans la plupart des cas, le chien n'évoque pas le feu par lui-même, mais il est reconnu comme étant celui qui l'a transmis aux hommes. Il prend alors la place de Prométhée dans certaines tribus africaines et amérindiennes. Dans les îles d'Océanie, le chien gronde et dort auprès du feu et en est de fait le maître. Pour les Aztèques, il est le feu lui-même tandis que chez les Mayas, il n'est que le protecteur du soleil pendant la nuit.
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Dans un tout autre registre, le chien peut aussi symboliser la guerre et la gloire comme c'était le cas chez les Celtes. Il est alors sujet d'éloges et être comparé à lui est un honneur.
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Ambiguïté de sa représentation symbolique
Au cours du temps, le chien a gagné une grande place en tant que représentation symbolique, mais qui témoigne de l'ambiguïté des sentiments que semblent lui avoir portés les sociétés humaines. Protecteur et gardien pour certains, malfaisant et démoniaque pour d'autres, le chien a vu son image symbolique évoluer pour progressivement disparaître dans les civilisations modernes.
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Cependant le chien y apparaît encore au travers d'expressions courantes mais, paradoxalement, dans ce cas-là, le qualificatif "chien" a presque toujours un sens péjoratif, par exemple comme attribut : «un temps de chien, un mal de chien, un caractère de chien, une vie de chien». S'il devient objet de comparaison, il exprime le mépris, la bestialité, la mésentente : «parler à quelqu'un comme à son chien, ce n'est pas fait pour les chiens, s'entendre comme chien et chat, réserver un chien de sa chienne, merci mon chien» ! Rares sont les expressions où le chien est à son avantage : «avoir du chien, être fidèle comme un chien…»
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Qui sait, compte tenu de la place grandissante du chien dans nos vies, si les prochaines civilisations préféreront donner une image culturelle plus élogieuse de notre compagnon à quatre pattes ?
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