Le village perdu de Chavín de Huantar, niché dans une haute vallée des Andes du Nord Pérou, à 3500 m d'altitude, fut un grand centre religieux qui a donné son nom à une importante civilisation précolombienne : la culture de Chavín, qui associe au culte du jaguar les représentations du serpent et de l'oiseau de proie, se situe approximativement entre 1300 et 300 avant J.-C. Le village de Chavín de Huántar fut un grand centre religieux. Son influence s'étendit sur un vaste territoire, des Andes du Nord jusqu'à la côte centrale du Pacifique. Vers 400 à 300 av. J.-C., le temple Chavín est détruit. On ne connaît pas les raisons ni les circonstances de cette destruction.
Chavín est un site pré incaïque. Les archéologues pensent que la civilisation de Chavín est à la base de toutes les sociétés qui ont suivi. Les édifices religieux prennent la forme d'un U.
Les ruines de Chavín sont situées sur la rive gauche du Rio Mosna, un affluent du Marañon, et constituées d'un vaste ensemble de terrasses, de places, de temples comprenant plusieurs grandes pyramides en pierre percées de chambre et de passages intérieurs et sont décorées de bas reliefs représentant des figures humaines et animales grotesques et fantastiques. L’une d’elles est appelée Lanzón ou « Dieu souriant ».
Le temple le plus ancien (850 av. J.-C.), "El Templo Viejo" ou "Templo Lanzón" se compose de 3 pyramides qui depuis le ciel ont la forme d'un U. Il est précédé d'une "Plaza Circular Hundida" (Place Circulaire Enfouie). A l'intérieur de la pyramide ont été construits des passages très étroits, semblables à des souterrains, que l'on a appelé alors Galerías (les Galeries).
Ces galeries rappellent les couloirs égyptiens avec des canaux de ventilation qui servaient en même temps à amplifier des sons et voix. C’est là que les prêtres dirigeants pouvaient élaborer leurs rites. Dans certaines galeries les archéologues ont découvert des céramiques, des objets en pierre, des restes de sacrifices humains et d'animaux et des fragments de coquillages marins.
La plus importante est "la Galería del Lanzón", celle où se trouve l'idole appelé "Lanzón Monolítico" (Lance Monolithique) un des principaux icônes Chavín. Dans ce monolithe de 4,60 m de hauteur est taillée l'image du dieu du monde souterrain, également appelé "El Dios Sonriente" (le Dieu Souriant), responsable de la fécondité de la terre et des saisons.
Ce personnage est effrayant, combinant des traits anthropomorphes et des éléments anatomiques zoomorphes empruntés aux félins et aux reptiles: les bras collés au corps, une main retournée dans le dos, avec une tête de félin, où deux crocs recourbés jaillissent de la bouche. Au dessus de la tête, au centre de la haute partie frontale, est creusée une gouttière, laissant supposer qu'une chambre de sacrifices était situé au dessus du monolithe, communiquant avec celui-ci, et que le sang des sacrifices, empruntant cette gouttière, devait arroser la tête de l'idole jusqu'aux rainures de la bouche.
Le temple le plus important est connu sous le nom de El Castillo, également appelé Templo Tardío ("Temple Tardif", en opposition au Temple du Lanzón, bien plus ancien). Le temple à la forme d'un cube impressionnant par ses dimensions: 70 m de côté et 10 m de haut. Sa structure pyramidale rectiligne se compose de trois plates-formes superposées. Plusieurs galeries souterraines ont été creusées à l'intérieur de l'édifice comme dans l'ancien temple.
Le site a subi les outrages d'une crue du Rio Mosna en 1945.
La façade, orientée à l'est, possède un portique monumental au centre, la Portada, dont les colonnes et les linteaux étaient décorés de félins, qui débouche sur des escaliers latéraux au nord et au sud. Ces deux volées de marches mènent à deux petites plates-formes qui permettent d'accéder, au nord et au sud, à des escaliers conduisant à la plate-forme supérieure.
Au sommet on voit encore les vestiges de deux petits édifices jumeaux. Les murs de la dernière étape de construction du temple étaient ornées de têtes-clous (Cabezas Clavas) dont un seul exemplaire est encore en place sur le mur arrière, à l'angle sud-ouest de l'édifice. Elles sont aujourd'hui exposées dans les galeries du Temple du Lanzón. Ces têtes-clous, en pierre sculptée, représentent des visages d'apparence humaine combinée avec des traits de félin, de serpent ou de rapace.
En face de la pyramide principale s'étend la Plaza Cuadrangular Hundida (la Place Enfouie) qui mesure 48 m de côté. En son centre se dressait l'Obélisque Tello, principale oeuvre d'art taillée dans la pierre et représentant une métaphore de l'univers comme le concevaient les Chavín. Sur les 4 faces de l'obélisque sont gravés les dessins de deux lézards (ou deux caïmans, ou encore deux félins) un mâle et une femelle, qui habitait chacun une moitié de l'univers. Ils exprimaient leur pouvoir sur la terre à travers des messagers comme le jaguar et l'aigle.
Au Nord et au Sud de la place, deux bâtiments similaires se font face. Ils devaient servir de tribunes et recevoir le public assistant aux cérémonies de la Plaza Hundida.
Dans l'angle Sud-Ouest de la place, se trouve un curieux rocher, dit Choque Chinchay, où sept cupules creusées dans la pierre délimitent vaguement la silhouette du Dieu-jaguar de Chavín et semblent représenter les sept étoiles de la constellation d'Orion (laquelle domine le ciel équatorial pendant la saison des pluies).
La stèle Raimondi
Une autre sculpture, appelée stèle Raimondi, occupe une place fondamentale dans l'iconographie de Chavín et des civilisations de l'ancien Pérou. La pièce est une dalle de pierre de 1,95 mètres de haut et de 0,74 mètre de large.
Cette pièce fut découverte au milieu du XIXe siècle par un paysan qui l'emmena chez lui pour l'utiliser comme table. La face gravée de la dalle représente un personnage mythique, debout, tenant dans chaque main un sceptre ou un bâton ("báculo"). Cette figure et toutes celles qui lui ressembleront par la suite seront désignées sous l'appellation de « dieu aux bâtons ». La figure, à la posture anthropomorphe, combine les traits anatomiques empruntés au félin, au reptile et au rapace. Cette pièce peut être considérée comme la dernière écriture iconographique du divin réalisée par les prêtres du centre cérémoniel de Chavín de Huántar.
La société Chavín
La société Chavín était dominée par les prêtres et divisée en 3 classes sociales : les prêtres, les pèlerins et les artisans et agriculteurs. Les religieux vivaient sur le site (sûrement dans les pyramides), les artisans avaient des habitations autour du centre cérémoniel, les agriculteurs vivaient quant à eux sur leurs terres.
La culture Chavín est dite duale. De nombreux éléments symbolisent la dualité homme/femme, bien/mal, jour/nuit... Par exemple, il perdure encore des sculptures d’animaux à forme anthropomorphique, qui sont représentés sous leur forme masculine et féminine ou encore l’utilisation en alternance de pierres blanches et de pierres noires qui évoquent aussi des éléments opposés et complémentaires.
L'expansion de la culture Chavín entraînera aussi des progrès techniques dans les domaines du textile et de la métallurgie.
L'art Chavín
La technique du tissage est bien acquise, l’étoffe est douce et raffinée. Parallèlement, l’artisanat du bronze se développe. Ce qui a pour conséquence l’invention de la soudure, et la maîtrise de la technique de l'alliage or-argent. Les Chavín apprirent par la même occasion le commerce de la laine des camélidés, des plumes d'oiseaux tropicaux, etc. Mais la culture Chavín se démarque surtout par leur céramique qui est l'une des plus belles du Pérou précolombien. Son style est caractérisé par le motif du jaguar, abondamment représenté sur les poteries, les tissus et les objets métalliques.
A noter que l'art Chavín ressemble beaucoup à celui des Olmèques (Amérique centrale).