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Lémergence de la pensée scientifique et ses répercussions
Il a été dit beaucoup sur la naissance de la pensée scientifique ainsi que sur les transformations structurelles qu’elle a suscitée au sein de notre monde occidental. L’avènement du concept central de " progrès " a orienté notre quête de la compréhension du monde vers une lecture systématique de tout phénomène, qui visait à "rationaliser" les événements physiques, sociaux, médicaux, émotionnels,... les plus complexes. Cette mise à plat de nos environnements multiples sonnait le glas de toute approche au monde qui mettait l’accent sur la pensée magique, le discours populaire, les rituels prenant naissance dans la nuit des temps, ...Les impacts de l’émergence de la pensée scientifique sont d’ordre phénoménal, et ce paradigme du " progrès " a fait éclater les modes traditionnels de fonctionnement socio-économique, en même temps qu’il créait de nouveaux mythes, notamment le mythe du développement (rapport de l’Occident aux pays du Tiers-Monde), ainsi que celui de l’appropriation de tout phénomène recensé par la dite pensée scientifique, en même temps qu’un rejet quasi-systématique de ce qui n’était pas recensable selon les critères dominants.
Les modèles religieux, parentaux, économiques, ont été bouleversés, et ce grand tremblement collectif intérieur a permis aux sociétés occidentales de rénover leurs approches aussi bien de la nature extérieure que de la nature intérieure de l’Homme.
l’Homme a cru saisir l’essence du monde par son mental seul. Cette pensée structurante, linéaire, hiérarchisante, quant à la nature des phénomènes, a cependant paru présenter certaines failles lors de la naissance de la physique quantique. Comment en effet continuer à justifier nos visions classique de la réalité, alors que l’on remettait en question des principes aussi fondamentaux que ceux de l’espace et du temps !
Ère d’information, qu’en faire ?
Aujourd’hui, l’Homme semble être allé très loin dans son appropriation physique du monde, et son statut de Pygmalion n’a jamais été si puissant même au cœur de notre vie quotidienne. Le transgénie vient traîner sur nos tables, l’informatique et le virtuel structurent nos sociétés, ...bref, la technologie a élargi le champ des connaissances jusqu’à submerger l’Homme d’informations dont on ne sait que faire. Le monde a rétréci sous l’œil de nos médias trieurs et façonneurs, et cette masse de savoirs plus ou moins anecdotiques en a exacerbé les incohérences à l’infini. Une immense mosaïque est là, fruit de nos victoires sur la matière. Et l’Homme est plus que jamais à la quête de son essence. Ne pourrions-nous pas suggérer dans ce contexte, que cette part subtile de l’être reste encore en pleine friche et qu’elle dépasse largement le champ des explorations actuelles ?
Recherche d’un nouveau paradigme sensible à un monde qui converge
L’ère de l’information nous oblige à envisager des modes de pensée circulaires, on parle de systémique, de feedback, de pensée dynamique...De plus en plus, cette quête d’un nouveau paradigme atteint les dimensions plurielles de nos sociétés, elle se reflète dans les domaines de l’écologie, de l’éducation, de l’économie, des relations sociales, etc. " Gaia " est perçue comme un tout, en termes non seulement géophysiques mais également d’écologie humaine (relations interculturelles appelées à se multiplier...)
Le défi d’un monde apparemment fragmenté
Plus aucun système n’est considéré comme système fermé ; l’économie se vit plus que jamais comme système ouvert sur un environnement qui l’irrigue et dont elle se nourrit. On peut ainsi citer les travaux de Joël de Rosnay sur la "nature des relations entre écosystème naturel et écosystème sociétal " :
" transmission d’informations, cultures, exclusion compétitive, flux, réservoirs, décisions, marchés, échanges. L’évolution technico-sociétale et l’écosystème économique ne constituent pas le prolongement direct de l’évolution biologique darwinienne. Ils sont d’une autre nature. Des êtres conscients agissent aux nœuds des réseaux, mais les principes symbionomiques sont les mêmes. Ils démontrent l’unité de la nature et surtout indiquent des pistes pour l’action et la construction de l’avenir..."
C’est, comme l’exprime Joël de Rosnay, le défi d’un monde apparemment fragmenté.
Dans le domaine de l’éducation, on révise les définitions de l’apprentissage ; en Amérique du Nord la notion évolue de l’ancienne définition de somme de connaissances linéaires et d’informations, vers une capacité de réflexion qui puisse générer une synergie constante des connaissances emmagasinées. Le maître mot y est d’apprendre à apprendre.
La science occidentale a joué le jeu de l’enfermement culturel
La transmission, des connaissances, le développement d’habiletés fondamentales et de compétences transversales, à l’aide de ces nouveaux médias, commandent une révision en profondeur de nos propres programmes d’études, de nos modes d’évaluation et de nos pratiques pédagogiques, dans un esprit de formation continue.
Et encore, cette planète " Gaia " devenue si petite sans pour autant perdre de sa complexité, nous renvoie à des images démultipliées des êtres, par le biais des relations interculturelles qui s’intensifient. Ainsi l’anthropologue hispano-américain Panikkar appelle à une réflexion de fond sur nos modes de fonctionnement occidentaux actuels :
" Il existe des invariants humains : tous les hommes mangent, rient, ont un corps, dansent, ont une certaine socialité, parlent : mais, il n’y a pas d’universaux culturels c’est-à-dire qu’il n’y a aucune valeur culturelle qui tienne universellement et encore moins à priori... Tous les hommes ont un corps mais différente est la signification qu’ils attribuent au fait d’avoir un corps. Par exemple, où finit mon corps ? "
Commentaire : la science occidentale a joué le jeu de l’enfermement culturel. Elle fonctionne dans un monde où les cultures sont homogénéisées dans leur approche de la réalité matérielle. La science est pourtant d’abord culturelle, et ce, malgré le discours officiel de ses représentants. Elle n’est pas invariant humain. En revanche et à la suite de Panikkar, ne pourrait-on pas rajouter dans les invariants humains, la quête de la transcendance, besoin commun à toutes les cultures ? Cette science actuelle qui s’octroie le rôle de grille explicative universelle des phénomènes du monde, met délibérément de côté une des dimensions premières de la nature humaine, lors de ses cheminements. Au nom de quoi ?
Panikkar pose également sur la sellette, le concept de développement : " On devrait se demander quels sont les présupposés anthropologiques du mot " développement ". Qu’arriverait-il, si au lieu de dire développement, on disait " pays en voie d’éveil ou d’approfondissement " ? Même en voulant conserver le terme développement, en le rendant beaucoup plus humain, et plus graduel, nous demeurons toujours à l’intérieur de la même mentalité avec tout ce qui est inconsciemment ou implicitement contenu dans le mot " développement ". Les mots sont conscients et ont une charge de signification supérieure au petit contenu sémantique dont nous sommes conscients.
Panikkar remet en cause un des sacro-saints principes de base de notre civilisation occidentale, en évoquant la justification de ce qui fait qu’un mot , une catégorie, sont choisis pour en faire un symbole plus ou moins universel qui serve le gouvernement mondial pour les autres cultures. J’ai parlé d’éveil, d’approfondissement, j’aurais pu dire croissance, qui ne signifie pas nécessairement développement, qui peut aussi signifier cancer. Un mot beaucoup plus cher à tant de religions orientales pourrait être celui de " réalisation ", de se " réaliser ". La différence est irréductible et c’est de cette irréductibilité que nous devons tirer des forces pour progresser dans notre connaissance des êtres, non pas par l’homogénéisation. Ne pas chercher à niveler mais plutôt vivre les heurts, les jaillissements comme une dynamique inhérente et fondamentale de la vie.
Redéfinir notre compréhension du monde en incluant la part de mystère comme dynamique d’évolution
On pourrait probablement appliquer l’exercice de style à l’ensemble des dimensions de la vie humaine. De cette complexification et apparente fragmentation, de cet univers presque inabordable, c’est pourtant toujours l’homme, le même dont on parle, celui qui sait rêver, chevaucher de vastes imaginaires sans toit ni loi, celui qui sait parfois faire régner l’absurde, celui qui tente aujourd’hui de se recentrer sur le cœur de son être.
Cet homme est toujours aussi vulnérable, pétri de magie parce qu’il appartient beaucoup plus qu’il ne croit à des dimensions qui le dépassent, et c’est là le cœur du problème. Magie, rapport magique de l’Homme au Cosmos, pensée magique, tous ces dénominatifs ne sont que des concepts béquilles, de pauvres pis-aller, qui nous permettent d’évacuer la plus large remise en question, celle des êtres vivants comme participants de plusieurs dimensions, et ce, pris au sens ontologique du terme.
Les empreintes, les TREI, sont la trace du mystère de la vie, mystère qui déborde de cadres tronqués de la réalité, les cadres conceptuels scientifiques actuels. Le discours scientifique dominant du vingtième siècle a évacué ces empreintes soit en les abandonnant aux dogmes et aux discours religieux, soit mieux encore, en les traitant par le biais des sciences sociales comme une manifestation anecdotique de ce que l’on nomme la pensée magique.
Il apparaît évident que dans cette jungle d’entités cybernétiques, surgiront de nouveaux mythes, de nouvelles demeures possédant leurs rituels et leurs maîtres. Mais il y aura en parallèle, détournement des technologies les plus pointues, au profit de cette quête intérieure de l’Homme. Ceci parce que le progrès, l’avancée matérielle ne chapeautent pas ces multiples dimensions de l’être, et ne sont que révélateurs d’une facette de ce grand mystère qui nous habite et qui reste à défricher. Comme l’exprime Marilyn Ferguson :
" La science de pointe lance un défi : s’il est vrai que notre mémoire est aussi vaste que le montre la recherche, notre conscience aussi étendue, notre cerveau et notre corps aussi sensibles, s’il est vrai que nous pouvons modifier à volonté la physiologie d’une seule de nos cellules, que nous sommes les héritiers d’une telle virtuosité évolutionnaire, alors comment se fait-il que nos performances et notre apprentissage soient si médiocres ? Riches de telles capacités, pourquoi sommes-nous si peu intelligents ?"
Les empreintes, ou TREI ne représentent que la pointe de l’iceberg d’une réalité d’abord spirituelle de l’Homme, ce qui pourrait expliquer pourquoi les schémas explicatifs des réalités physique et sociale n’ont pas enrayé la force de la quête. La trans-communication est un exemple type de l’utilisation de nouvelles technologies à des fins spirituelles ; la technologie ne sera qu’un outil de plus dans la quête de l’homme vers sa vraie nature. Et parce que la civilisation actuelle est devenue si difficile à capter dans toute sa complexité, ses chemins analytiques, ses découpages kabbalistiques, il y aura de plus belles échappées, des trouées de ciel, des événements inexpliqués, pour nous rappeler collectivement à notre devoir de recherche, pour nous exhorter à ne plus gommer à tout prix l’espace infini qui nous unit au monde.
Plaidoyer pour de vraies questions
Quel pourrait être le ciment qui tienne cette convergence, ces chemins transverses que doit emprunter aujourd’hui l’humanité pour appréhender la nature du monde ? N’y aurait-il pas un paradigme qui englobe cette nouvelle prise de conscience, que tout se tient dans tout, que tout est irréductible et différent, en même temps que complémentaire ? N’y aurait-il pas une façon d’extirper l’esprit d’une dimension intellectuelle devenue trop étroite, qui nous permette de hisser les voiles et d’explorer au-delà des limites matérielles auxquelles nous semblons nous heurter ? Quel pays, quelle culture peuvent prétendre imposer un paradigme qui fonctionne pour l’ensemble de l’humanité ? N’y a t il pas moyen de construire cette alliance philosophique et spirituelle Orient-Occident , et d’en extraire une appréhension du monde qui inclue la pensée scientifique sans que cette dernière ne devienne la référence unique de notre approche cohérente au monde ? Et cet éternel regard humain ayant traversé les temps, qui cherche malgré et encore sa source, n’est-il pas le révélateur d’une vérité intérieure encore si peu explorée, à part chez les grands mystiques (religieux ou non) ? Où est ce chemin qui nous manque, ce fil d’Ariane qui permettrait de lier les choses les unes aux autres ? Les empreintes nous ramènent de façon crue à ce manque, à ce moment crucial de notre époque, où il nous faut relire les données, et reconstruire un sens.
Tant que collectivement, nous remettrons au lendemain les recherches sur la nature fondamentale de notre être, collectivement il y aura soif et insatisfaction, incohérence et souffrance. Les empreintes du mystère de la vie sont là pour nous ramener à des rivages encore inexplorés.
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