Il est téméraire et simplificateur de vouloir résumer en quelques lignes les objectifs éducatifs de l’humanisme laïque. En effet, loin d’être codifiés, ils sont en perpétuelle évolution. Je n’en suggérerai que deux, en adoptant un point de vue assez inhabituel :
1. la liberté de conscience et le libre choix des convictions religieuses ou philosophiques sont des droits certes reconnus par la Déclaration des droits de l’homme, celle des droits de l’enfant, et celle sur la laïcité au 21e siècle. Mais, sans doute par crainte de paraître intolérant ou peu conciliant, personne ne se demande si ces droits ont une chance de se concrétiser, si cette liberté est effective. Il est clair qu’elle ne l’est pas, notamment chez les musulmans et les chrétiens évangéliques américains, quasi tous croyants, et enclins à la soumission. Et pour cause : non seulement aucune alternative ne leur est offerte, mais leur milieu familial et culturel les ont conditionnés dès l’enfance.
Dans les pays européens, de tous temps, même d’éminents intellectuels et scientifiques sont restés marqués affectivement par la foi de leur enfance, avec des nuances certes, mais tout se passe comme si, ne leur en déplaise, elle avait laissé des traces indélébiles dans leur cerveau limbique, perturbant à des degrés divers l’acquisition de leur esprit critique ultérieur en matière de foi. A mes yeux, pour que le libre choix des convictions religieuses ou philosophiques ait une chance de devenir effectif, il faudrait à la fois que les parents prennent conscience de leur influence affective sur leurs enfants et que les enseignants, croyants comme incroyants, nuancent cette influence unilatérale en acceptant de faire découvrir toutes les options (croyance, déisme, agnosticisme, incroyance, athéisme …).
Enfin, n’est-il pas temps, de nos jours, de compléter l’approche traditionnellement philosophique et socioculturelle du phénomène religieux en faisant découvrir toutes les hypothèses actuelles quant à ses fondements : psychologique, neurophysiologique, génétique, éducatif, de manière à exclure toute suspicion de conditionnement, de prosélytisme, ou de récupération : simplement par honnêteté intellectuelle.
2. Sur le plan moral, les valeurs et les principes ne pouvant plus être imposés par les religions, (qui, à des degrés divers, ont toutes prouvé leur faible aptitude à développer la tolérance et le respect de la différence), il importe de les faire découvrir et accepter librement.
En effet, la conscience morale, le sens des valeurs, le respect de l’autre et de sa différence, celui de la nature …, loin d’apparaître spontanément, ne s’acquièrent que par une éducation adéquate, "humanisante", fondée essentiellement sur l’apprentissage des limites et du respect, sur l’exemple des éducateurs et surtout à partir d’expériences affectives, vécues ou suggérées par empathie, parfois a contrario, de manière à développer l’autonomie, l’esprit critique et la responsabilité individuelle. Alors que se développent de nouvelles formes de religiosité, dont les sectes, qui spéculent sur le besoin de repères, de mystère, de rêve, de convivialité, et sur celui de donner un sens moins individualiste à l’existence, l’humanisme laïque peut apparaître comme une alternative non aliénante et enrichissante, notamment en contribuant, chacun selon ses moyens, au progrès humain à long terme, par exemple en recherchant un consensus sur des valeurs respectées par tous.
N’est-il pas urgent, dans le secondaire, de concevoir un "cours" d’humanisme abordant en priorité l’apprentissage de tous les aspects de la vie en commun, pour tenter de réduire préventivement le nombre de cas de mésententes, de divorces, de séparations, de délinquants, de drogués, de suicides, voire d’endoctrinements fanatiques …) ? Viendrait ensuite l’analyse critique de tous les aspects de la vie sociale, politique et économique, l’étude des religions et des autres options philosophiques, dans leur contexte historique, etc. Quitte à moins approfondir dans le secondaire certains cours généraux souvent calqués sur des modèles datant du XIXe siècle.
En bref, apprendre à penser, à être libre et ouvert au monde.