• Foi, doute et intégrisme

    Mère Thérésa a douté de l’existence de Dieu. Pendant des décennies, elle a eu l’impression que le ciel était vide. Le fait paraît stupéfiant compte tenu des nombreuses références qu’elle faisait à Dieu. Pourtant le doute n’est pas la négation de Dieu, c’est une interrogation, et la foi n’est pas une certitude.

    On confond certitude et conviction. La certitude vient d’une évidence sensible indiscutable ou d’une connaissance rationnelle universelle. La foi est une conviction individuelle et subjective. Elle ne peut âtre une certitude sensible ou rationnelle : nul n’aura jamais une preuve certaine de l’existence de Dieu. Croire n’est pas savoir. Croyants et non-croyants auront toujours d’excellents arguments pour expliquer que Dieu existe ou n’existe pas : aucun ne prouvera jamais quoi que ce soit.

    Comme l’a montré Kant, l’ordre de la raison et celui de la foi sont de nature différente. L’athéisme et la foi relèvent de la conviction, et de plus en plus de personnes en occident se disent agnostiques : elles reconnaissent n’avoir aucune conviction définitive sur cette question. Puisqu’elle ne repose ni sur une évidence sensible ni sur une connaissance objective, la foi implique nécessairement le doute. Et ce qui apparaît paradoxal mais est tout à fait logique, c’est que ce doute est proportionné à l’intensité de la foi elle-même. Le doute devient une épreuve essentielle. C’est-ce que vivent et décrivent de grands mystiques.

    Il existe certes des croyants très engagés, très religieux qui affirment ne jamais connaître le doute : les intégristes. Mieux même, ils font du doute un phénomène diabolique. Pour eux, douter c’est trahir, sombrer dans le chaos. Parce qu’ils érigent à tord la foi en certitude, ils s’interdisent intérieurement et socialement de douter. Le refoulement du doute conduit à toutes sortes de crispations : intolérance, pointillisme rituel, rigidité doctrinale, diabolisation des incroyants. Les intégristes de toutes les religions se ressemblent parce qu’ils refusent le doute, cette face sombre de la foi, qui en est pourtant l’indispensable corollaire.

    Mère Thérésa a reconnu ses doutes, aussi douloureux fussent-ils à vivre et à dire, parce que sa foi était animée par l’amour. Les intégristes n’accueilleront ou n’admettront jamais les leurs parce que leur foi est fondée sur la peur, et la peur interdit de douter.


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