• Développement des croyances

    La spectaculaire augmentation de la taille du cerveau humain a commencé il y a 2.5 millions d'années et a atteint le volume présent, de 1350 cc, il y a 100 000 ans quand l'Homo Sapiens-Sapiens était encore assez primitif comparé à l'homme moderne. Parmi tous les avantages d'avoir un plus grand cerveau, qui ont pu entraîner l'évolution de l'homme, la faculté d'apprendre en imitant les actes réussis des autres humains, semble avoir été la plus décisive car elle a permis l'accumulation de découvertes et d'inventions. Des connaissances précieuses telles que comment fabriquer des outils en pierre, comment chasser divers animaux et comment utiliser le feu, ont été transmises par imitation bien avant que l'homme n'ait développé le langage. Le partage de la collection accumulée de telles "unités de connaissance" entre tous les membres d'une communauté (par leurs réplication d'un cerveau à un autre), a déterminé le mode de vie (ou culture), de chaque groupe.

    Le développement graduel de la capacité de l'homme de se créer des représentations mentales de son environnement et de les échanger avec ses pairs a été essentiel à sa capacité de fonctionner efficacement en groupe. Un homme qui n'avait jamais vu un éléphant pouvait néanmoins participer à la préparation de la chasse à l'éléphant si un autre homme utilisait le langage pour lui décrire un tel animal. Une fois défini, le nom verbal de l'éléphant introduisait l'image d'un éléphant dans la simulation du monde stockée dans son cerveau. De la même manière, l'univers de cet homme contiendrait des licornes si quelqu'un lui avait dit à quoi ressemblaient les licornes, bien que de tels animaux n'aient jamais existé dans la réalité. La capacité accrue de l'homme à conceptualiser, a entraîné sa capacité à construire dans son cerveau, des mondes virtuels sans aucun rapport de correspondance avec le monde réel qui l'entoure.

    Le gros cerveau de l'homme, et plus particulièrement ses grands lobes frontaux, lui ont donné la capacité d'associer des concepts ensemble et d'approfondir sa conscience de lui-même bien au-delà du moment présent afin de se projeter en avant dans le temps. Sa capacité à créer une "réalité virtuelle" dans son esprit n'était pas aussi élaborée que les simulateurs de vols d'aujourd'hui, mais le résultat était le même: un environnement en trompe oeil où il pouvait tester sans risque les actions à exécuter plus tard dans le monde réel extérieur. Cette capacité à projeter des scénarios d'action imaginaires dans le futur et de les communiquer aux autres membres de son groupe pour coordonner leurs actions plaçait l'homme bien en avant de tous les autres animaux qui n'avaient que leur instinct ou que des réactions accidentellement conditionnées pour les guider. C'était probablement cet avantage décisif qui a permis aux humanoïdes Sapiens-Sapiens d'étendre leur zone géographique en facilitant leur adaptation à des environnements très variés. Cette considérable supériorité explique peut être aussi pourquoi les Sapiens-Sapiens ont pu remplacer complètement ou absorber les Néandertaliens moins doués qui ont disparu il y a environ 50 000 ans.

    Le Cannibalisme est très commun à tous les animaux carnivores et il a survécu parmi les humains jusqu'à une époque relativement récente. Nous avons donc toutes les raisons de penser que nos ancêtres éloignés ne laissaient pas la bonne viande se gaspiller inutilement. Nous avons trouvé cependant que l'Homo Sapiens-Sapiens a commencé à enterrer ses morts il y a environ 50 000 ans, au lieu de les manger ou de les laisser aux autres carnivores. Nous pouvons spéculer que l'enterrement des morts est peut être un signe que l'homme pensait que la mort n'avait pas le même sens pour lui que pour les autres animaux.

    Nous pouvons aussi imaginer que sa conscience accrue de lui-même et sa supériorité sur les autres animaux, ont fait qu 'il était intolérable pour lui de se rendre compte que sa propre mort était aussi irrévocable que celle de tous les autres êtres vivants autour lui. Il n'est pas déraisonnable de penser que l'homme a réagi à ce trauma en utilisant sa capacité conceptuelle extraordinaire pour refuser cette réalité douloureuse en imaginant une autre vie "dans un terrain de chasses heureuses". L'enterrement des cadavres aurait pu n'être qu'un signe du respect des survivants pour le défunt, mais l'inclusion d'outils rares et d'objets utiles dans les tombes implique l'espoir qu'ils soient d'une façon ou d'une autre utilisés par leur ancien propriétaire, en dépit de toutes les attentes raisonnables basées sur l'évidence physique de la chair en putréfaction. Les mèmes de ces croyances irrationnelles d'un monde "surnaturel" idéalisé se sont vite répliqués car ils donnaient l'espérance d'une vie éternelle contre très peu ou pas d'effort.

    La capacité de l'homme à se projeter dans l'avenir a naturellement ouvert le voie aux interrogations sur son passé. Il a dû se demander d'où il était venu, avec tout ce qui était autour de lui, aussitôt que la "réalité virtuelle" dans son esprit a étendu son horizon au-delà du moment immédiat. Il a probablement imaginé toutes sortes de réponses, mais les premières que nous connaissons, ont été enregistrées il y a seulement environ 5000 ans quand il a inventé l'écriture. C'est une très courte période dans l'échelle du temps depuis que nos premiers ancêtres se distingués des primates en marchant debout il y a 5 million d'années. Comparé à l'échelle de la vie d'un homme, cela représente moins d'un mois! Ces chiffres nous rappellent que nos premières hypothèses sur l'origine de l'univers sont encore très récentes. Nous sommes encore très nouveaux au jeu de chercher à comprendre l'univers.

    La conscience de soi de l'homme et son aptitude à manier des "réalités virtuelles" couvrant de longues périodes de temps lui ont donné un énorme avantage sur ses cousins primates dont les cerveaux moins sophistiqués pouvaient modéliser à peine plus que le moment présent. Cet éveil l'a aussi probablement laissé terrifié par l'immensité de l'univers qu'il pouvait maintenant découvrir. Comprendre le comportement des animaux avait été assez simple car il pouvait les comparer à lui-même mais il n'avait pas de telle référence quand il s'agissait de comprendre les forces de la nature qui l'impressionnaient le plus, le soleil, le vent, la pluie et le tonnerre, la fertilité qui crée la vie et la mort qui lui met fin.

    Il était donc naturel pour l'homme d'inventer des références anthropomorphiques pour représenter les forces le plus importantes de la nature dans son modèle subjectif de l'univers. Ainsi il a inventé l'esprit du tonnerre qui était à l'image d'un homme très puissant mais invisible, et il l'a appelé Dieu du tonnerre, Thor ou Zeus, ou Jupiter etc. De même, les forces abstraites comme la fertilité, la mort, l'amour, l'ordre, etc., ont donné naissance à des déesses et des dieux équivalents. Il importait peu qu'il n'y ait pas de tels êtres dans le monde réel pourvu que leurs images dans l'univers subjectif de chaque homme remplisse un vide et rende cet univers opérationnel.

    Dans chaque communauté primitive, les individus les plus doués pour inventer des dieux et déesses appropriés comme références des forces de la nature, et les histoires les plus crédibles sur leur interactions entre eux et avec l'humanité, pouvaient se bâtir une influence considérable parce que les explications réconfortantes qu'ils donnaient réduisaient le niveau d'anxiété et de stress de toute la tribu. Des ensembles de mèmes se soutenant mutuellement (mèmeplexes), qui décrivaient les êtres surnaturels et leur comportement avec une foule de détails pouvaient être facilement propagés et entretenus par des individus astucieux prétendant avoir un accès privilégié au monde spirituel. De telles aptitudes spéciales étaient souvent transmises de père en fils, créant des lignées de "détenteurs-du-savoir" que nous appellerions aujourd'hui chamans, guérisseurs ou prêtres. L'échange de telles "connaissances spéciales" entre les chamans de différentes tribus a naturellement conduit à l'élaboration d'ensembles plus ou moins uniformes de croyances communes aux groupes de tribus partageant la même langue et la même culture. L'essentielle valeur de ces croyances était leur effet sur ceux qui les adoptaient. Les religions étaient nées.

    Les religions semblent avoir été basées à l'origine surtout sur le besoin humain d'un refuge contre les dures réalités de la vie mortelle, et peut-être dans une moindre mesure, sur son besoin de connaissance. Elles ont cependant vite donné naissance à des systèmes sociaux et des structures de pouvoir basés sur les "Vérités Divines" que les rares initiés prétendaient détenir sur la nature de l'univers, et plus important encore, sur un au-delà où la bonne conduite est récompensée et où la désobéissance est punie.


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