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Blog sur la spiritualité et les religions, poèmes personnels de sagesse et d'humanisme

La graphologie... Qu'en dire ?


"Fais attention à l'homme dont l'écriture penche telle un roseau au vent". Tout comme Confucius, le graphologue fait des inférences à propos de la personnalité, en examinant des aspects de l'écriture. Dans les décennies passées, des organisations, dans le monde entier, ont commencé à utiliser les évaluations graphologiques comme aide à la décision dans la sélection de leur personnel. Le recours à la graphologie, lors de cette sélection, est surtout importante en Europe, plus particulièrement en France, où le pourcentage estimé de son utilisation varierait entre 38% (Shackleton & Newel, 1994) et 93% (Bruchon-Schweitzer & Ferrieux, 1991). Aux Etats-Unis, cette estimation s'établirait entre 500 en 1970 (Mickels, 1970) et 3000 en 1977 (Hager, 1977). Bien qu'il soit difficile d'évaluer avec précision combien d'organisations utilisent encore la graphologie, il apparaît que les décisions d'embauche, pour un nombre important de candidats à l'emploi dans le monde, sont déterminées, en fin de compte, par des inférences faites sur la base de leur écriture. Pour que la pratique de la graphologie persiste, il doit exister une perception, chez ses utilisateurs, leur faisant croire que la méthode présente une certaine utilité, ou validité prédictive. En effet, de nombreux DRH apportent des témoignages positifs de la puissance prédictive de la graphologie, et continuent à avoir recours aux services de graphologues (Hooper & Stanford, 1992; McCarthy, 1988). Bien que l'idée d'un diagnostic de la personnalité sur une base scripturale puisse être intuitivement séduisant, les preuves de sa validité sont faibles.

Malgré quelque lointain soutien de la communauté scientifique (Allport & Vernon, 1933; Downey, 1923), les résultats de la recherche récente, testant la validité de l'utilisation de l'écriture dans le but de prédire des traits de personnalité, ont été constamment négatifs. Par exemple, Furnham et Gunter (1987) étudièrent la méthode graphologique des "traits", qui prédisent des traits de personnalité spécifiques à partir de caractéristiques scripturales individuelles. Les participants complétèrent le questionnaire de personnalité Eysenck (EPQ; Eysenck & Eysenck, 1975) et copièrent un passage textuel à la main. Les échantillons d'écritures étaient codés en 13 dimensions caractéristiques (par ex. leur taille, inclinaison, etc. ) que les graphologues rapportent comme étant des caractéristiques permettant un diagnostic fiable de la personnalité. Seules des corrélations aléatoires ont été observées entre les différentes caractéristiques des écritures, et les scores du questionnaire EPQ en ce qui concerne l'extraversion, la névrose, la psychose et la mythomanie. Autre exemple, Bayne et O'Neill (1988) demandèrent à des graphologues d'estimer le type psyclogique de personnes (extraverti-introverti, sensible-intuitif, rationnel-émotionnel, jugement-perception) à partir d'échantillons d'écriture. Bien que très confiants dans leurs jugements, aucune des estimations des graphologues ne fut capable de prédire avec précision les profils Myers-Briggs des écrivains.

Dans une méta-analyse de plus de 200 études mesurant la validité des inférences graphologiques, Dean (1992) ne trouva seulement qu'un petit effet d'inférence de la personnalité à partir de l'écriture, et nota que l'inclusion d'études ayant des défauts méthodologiques pouvait avoir gonflé l'estimation de l'effet-taille. L'effet taille, estimé à r=.12 pour inférer une personnalité à partir d'un manuscrit à contenu neutre (i.e. manuscrit contenant un texte figé qui n'est pas sous le contrôle de l'écrivain), n'est pas assez important pour revendiquer une valeur pratique, et serait certainement trop petit pour être perceptible par le jugement humain (Jennings, Amabile, & Ross, 1982). Ainsi, même un petit, mais réel, effet ne peut pas compter dans la magnitude des relations entre les traits de personnalité, et les caractéristiques de l'écriture, rapportées par les graphologues et leurs clients. Le sexe (Furnham, 1988), le statut économique (Hines, 1988), et le taux d'alphabétisation (Osborne, 1929), tous prévisibles par l'écriture, peuvent prédire quelques traits de personnalité.

Ainsi, toute faible capacité de la graphologie pour prédire la personnalité peut reposer sur une information sur le sexe ou le statut socio-économique, apportée par l'écriture. La précision graphologique attribuable à ces variables est de médiocre valeur parce que simpliste, il existe bien d'autres méthodes plus valables que celle-là. Les résultats de la recherche étudiant la validité de la graphologie, pour ce qui est de prédire des performances professionnelles, ont toutes été autant négatives (Ben-Shakhar, Bar-Hillel, Bilu, Ben-Abba & Flug, 1986; Rafaeli & Klimoski, 1983). Les affirmations des graphologues, en ce qui concerne la sélection du personnel, se focalisent sur des traits désirés, tels que la détermination, le caractère commercial et l'honnêteté. Étant donné son manque de validité pour prédire la personnalité, il serait surprenant que la graphologie fasse la preuve de sa capacité à prévoir les performances d'un futur employé. En effet, dans une revue de 17 études, ayant recours à des critères plus stricts d'inclusion, pour une méthodologie plus poussée que celle que fit Dean en 1992, Neter et Ben-Shakhar (1989) trouvèrent que les graphologues ne faisaient pas mieux que des non-graphologues pour ce qui est de prédire des performances professionnelles. Lorsque les échantillons d'écritures étaient autobiographiques, les deux groupes étaient peu précis dans leurs pronostics.

Lorsque le contenu des textes était neutre (i.e. identique pour tous les écrivains), aucun groupe n'était capable de faire des inférences à propos des performances dans l'activité professionnelle. Ainsi, la croyance dans la validité de la graphologie, utilisée pour évaluer et prédire la performance d'un futur employé ou collaborateur, manque de preuves empiriques pour la fonder. Comme condition nécessaire (mais non suffisante) pour pouvoir faire une inférence valide, la confiance dans les prédictions graphologiques doit d'abord être établie (Goldberg, 1986). Cependant, cette confiance dans le pronostic graphologique possède ses propres conditions préalables : les caractéristiques sélectionnées de l'écriture doivent d'abord être correctement encodés. Cette condition semble exister, les consensus entre les différents juges, mesurant les caractéristiques scripturales objectives, telles que l'inclinaison ou déclinaison, est de r=.85, et le consensus au sujet de caractéristiques subjectives, telles que le rythme, reste respectable à r=.60 (Dean, 1992).

Le consensus sur ce que signifient ces caractéristiques est quelque peu moins marquant. Dans les études examinées par Dean (1992), les interprétations considérées comme significatives (i.e. les inférences) faites par les graphologues professionnels est de r=.42. Ce qui est intéressant, c'est que même les juges profanes font montre d'un certain consensus dans leurs interprétations naïves, avec un indice de confiance (r=.30) inférieur de peu à celui des graphologues. D'un point de vue socio-psychologique, le consensus entre les juges est lui-même intrigant, parce qu'un tel accord constitue un ensemble de croyances partagées, mais apparemment invalides, sur les relations entre la personnalité et l'écriture. Bien que l'origine de telles croyances, au sein des graphologues, pourrait provenir de leurs habitudes, une telle explication ne peut pas rendre compte du consensus existant entre des juges sans expérience non graphologues, qui n'ont pas l'habitude de la graphologie. Dans une recherche menée par Vine (1974), des juges profanes faisaient des prédictions invalides à propos de la personnalité, sur la base d'écritures, et pourtant le consensus était élevé. Plus récemment, James et Loewenthal (1991) rapportèrent l'existence d'une croyance compatible, mais invalide, que des participants naïfs formèrent dans leurs jugements au sujet de la dépression à partir de l'écriture.

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