Blog sur la spiritualité et les religions, poèmes personnels de sagesse et d'humanisme
L'intraitable
En dépit du discours sur la mort qui abonde depuis l'apparition de l'écriture, l'image reste le mode d'expression le plus dense et le plus direct de l'homme devant le mystère du passage, car la mort a quelque chose d'indicible. Si elle est une évidence de fait, la mort reste toujours un scandale éveillant chez ceux qui en sont les témoins curiosité et horreur mais aussi incompréhension. Comment alors représenter, « signifier » ce qui par nature échappe au sens ? Le caractère déconcertant et même vertigineux de la mort tient à cette contradiction : c'est d'une part un phénomène accidentel qui a des dimensions métaphysiques, infinies ou mieux, pas de dimension du tout, d'autre part un événement familier, naturel. Puisque la mort est à la fois une abstraction et une réalité empirique, l'analyse de son traitement artistique doit prendre en compte différents types d'image : il s'agit tantôt de véritables morts, d'individus singuliers et donc d'art ou de fonction funéraire ; tantôt d'images de morts plus ou moins imaginés qui sont à considérer en tant que motifs picturaux (l'image est alors pure représentation et non acte) ; enfin, il est aussi question de figures de la mort, plus ou moins allégorisée.
Au-delà de la représentation : l'art funéraire
Les représentations de la mort ou plutôt de morts trouvent leur origine dans l'art funéraire. Les tombeaux et cimetières de l'Antiquité sont marqués de peintures, de sculptures et d'inscriptions. Pour perpétuer les traits des Pharaons, les Egyptiens développèrent la pratique des masques mortuaires placés sur les sarcophages. On peut en voir une variante plus moderne dans les Portraits du Fayoum exécutés par des artistes grecs et romains du Ier au IVè siècle de notre ère ; ils représentaient le mort au cours des funérailles. Mais si l'art funéraire a pour but de préserver la mémoire du mort, de "l'immortaliser", il doit aussi parfois accompagner le mort dans l'au-delà et donc être essentiellement éphémère, à l'image des représentations en papier brûlées avec le défunt.
Danse macabre
A partir du onzième siècle, en Europe, pour les tombeaux de personnes importantes, on représente la forme corporelle du mort, révélant moins la ressemblance physique que l'idée du personnage. Ce sont les gisants. Derrière les apparences, ces personnages ne sont en fait ni morts, ni vivants, mais, bienheureux, ils reposent . La mort n'apparaît donc pas de manière choquante. Progressivement les sculptures sont de moins en moins idéalisées et de plus en plus individualisées. Dans la sculpture des tombeaux du quatorzième siècle apparaissent les transis, des cadavres en voie de déliquescence, qui mettent l'accent sur la réalité matérielle de la mort. Il ne s'agit plus de représenter une image du vivant, encore moins un état idéal du défunt, mais bien de montrer ce qu'est un mort. Du XIIIè au XVè siècle, on assiste ainsi à une invasion du thème macabre dans les représentations de la mort : on passe d'une mort acceptée , au sein d'un parcours chrétien attendu, à une mort redoutée, qui n'est plus que le couperet qui nous sépare à jamais de ce monde. Les triomphes de la mort figurent la mort comme une faucheuse qui écrase les vivants sans qu'ils s'en doutent. La plupart des historiens interprètent une iconographie aussi radicale comme une manifestation de la peur des pestes.
Si l'art funéraire rassemble des représentations hétéroclites de morts, il comprend aussi des monuments uniquement commémoratifs : stèles, cénotaphes (étymologiquement, tombeaux vides). La mort est en effet un sujet tout autant iconoclaste qu'iconophile. Il en est de même dans les autres arts : la mort d'une personne a donné lieu à bien des oeuvres de douleur et de deuil (épitaphes, consolation, déploration, "tombeau", chant de mort, marche funèbre...) mais elle requiert aussi une certaine retenue et peut bloquer l'inspiration artistique ; ainsi Mallarmé a-t-il essayé en vain d'écrire un tombeau sur la mort de son petit garçon ; s'il a écrit "Demain dès l'aube ...", Victor Hugo, dans Les Contemplations, figure la mort de sa fille par une page blanche ; et ce n'est qu'au dernier vers du Dormeur du val que Rimbaud, avec une froide indifférence, dévoile au lecteur que le sommeil en apparence tranquille du soldat est le sommeil d'un mort.
Conclusion
Que devient-on lorsqu'on meurt ? Une question qu'un jour ou l'autre on se pose. Lorsqu'on est jeune, on se croît immortel, on pense que la mort, ne concerne que les autres. Et puis un jour, un événement vient perturber cette vision peut-être utopique de la vie : un de nos proches meurt et en cet instant de deuil, porté par le sentiment d'injustice et de refus, notre esprit nous harasse avec cette question : qu'est-ce qu'il y a, après la mort ? D'ailleurs, de manière générale, plus cet événement survient tôt, et, plus la personne décédée est proche, plus l'esprit est tourmenté. Il peut devenir impossible de faire son deuil. Chez certaines personnes, cette question devient même obsessionnelle. Suivant les courants de pensées, suivant les religions, et suivant les personnes, le devenir de l'être après la mort est différent. Mais globalement, tous s'accordent à dire que la mort n'est pas une finalité, mais une étape. Même les plus agnostiques et athées d'entre nous se surprennent à dire lorsque nous parlons de notre prochaine mort à un proche, que nous serons toujours auprès de lui.
D'où vient cette certitude qu'après la mort vient la vie (ou une forme de vie) ? Peut être parce que nous ne n'arrivons pas à nous faire à l'idée que tous les efforts que nous pouvons rassembler pour construire quelque chose tout au long de notre vie, un jour, viennent à disparaître aussi brutalement. Les différentes religions parlent de la survie de l'âme après la mort, certains croient en la résurrection, à la réincarnation, d'autres plus terre-à-terre parlent de forme de conscience qui subsiste, dans le coeur de chacun, ou bien dans les édifices que chacun a pu construire. Que croire alors ? L'important n'est pas de se focaliser sur une doctrine et d'en faire un fait établi. Personne n'est jamais revenu de la mort, toutes les explications sont donc possibles. Le mieux, c'est de se laisser porter par ses convictions et d'en faire une force pour traverser les différentes épreuves qui nous attendent. La mort ne doit pas être un obstacle à notre vie. Le seul conseil que je pourrais vous donner va de soi, mais est pourtant d'une profondeur incommensurable: vivez, tout simplement !