• Unité sous la diversité et diversité dans l'unité


    Les contrastes d'opposés et l'union des contrastes constituent le trait le plus manifeste révélé par la nature. Le schéma général et unitaire de la vie à peine entrevu, toutes les parties apparaissent inéluctablement fortement inter dépendantes. Inversement, la perception des relations entre les parties ne peuvent que dévoiler une unité sous-jacente les contenant toutes. De manière analogue, l'être humain est inconcevable sans l'empreinte de l'unité. En quoi consiste l'unité de la nature ou de l'être humain reste la voie incontournable pour comprendre la diversité de leur manifestation qui, dans nombre de traditions, dérive des systèmes d'éléments.

    Les divers systèmes d'éléments représentent les principes de base de l'ordre le plus bas de la manifestation, l'ordre physique ou substantiel. Dans la plupart des traditions, ils se composent de quatre éléments plus un, leur unité ou état indifférencié. Les éléments n'existent pas en dehors de l'unité et l'unité garantit que toutes les transformations s'effectuant entre eux sont proprement équilibrées. Cette vision se retrouve dans les différentes traditions qui établissent une distinction entre la Nature ou l'unité de l'état indifférencié et la nature ou la diversité des états manifestés.

    La diversité de la nature résulte de processus de génération-destruction au sein des écosystèmes. Toutefois, livrée à elle-même, cette diversité pourrait rapidement se transformer en chaos. Assurer l'équilibre entre les processus de génération-destruction s'effectue selon deux voies:

    • L'intégration de ces processus dans l'unité du système;
    • les échanges de matière, d'énergie et d'informations avec l'extérieur.

    Prendre ces échanges en considération indépendamment de l'unité du système ne peut que produire des ruptures d'équilibre dans l'environnement. Découvrir comment ces processus s'insèrent harmonieusement au sein de l'unité, comprendre comment choses et êtres travaillent de concert est la seule voie qui garantisse l'équilibre au sein de la nature en général et de nous-mêmes en particulier.

    Les divers systèmes d'éléments

    Les éléments représentent les principes fondamentaux de la manifestation de l'ordre le plus bas, celui du monde physique. Comme tels, ils ne font pas référence aux éléments chimiques propres à la science, mais à des états de manifestation de l'ordre substantiel.

    • La tradition grecque distingue quatre éléments (Feu, Eau, Air, Terre), disposés selon les points cardinaux ou les saisons associées. La tradition Alchimique, dérivée de la grecque, a ajouté un cinquième élément, appelé Éther ou “quintessence”, bien qu'il ne soit pas une essence, mais une substance. Contenant tous les autres éléments dans un état indifférencié, il trouve sa place au Centre.
    • La tradition indienne comprend les mêmes éléments que l'Alchimique, mais disposés différemment. L'Éther au Centre; trois d'entre eux (Feu, Eau, Terre) situés le long d'un axe vertical en conformité avec leur mouvement ascendant ou descendant; le dernier, l'Air, associé à un axe transversal comme le suggère son mouvement.
    • La tradition chinoise fait aussi référence à cinq éléments, mais non identiques: la Terre située au Centre et les autres (Feu, Eau, Bois et Métal) disposés selon les points cardinaux ou les saisons.

    Les éléments du travail

    La tradition Grecque établit une distinction entre les principes actifs (Feu et Air) et les principes passifs (Eau et Terre). Afin de représenter la génération de toute la manifestation, les éléments sont disposés selon deux axes associant les principes opposés: un vertical (Feu, Eau) et un horizontal (Air, Terre).

    La distinction entre les éléments apparaît plus clairement au sein de la tradition indienne où le Feu participe d'un mouvement ascendant, l'Air d'un mouvement transversal tandis que l'Eau et la Terre sont en relation avec un mouvement descendant. L'ascension signifie se mouvoir en direction du Ciel (le Principe actif pur), la descente se déplacer vers la Terre (le Principe passif pur) et le mouvement transversal maintenir l'équilibre entre le Ciel et la Terre. L'Éther, l'état indifférencié de l'ensemble des éléments, symbolise le fluide immobile résidant au Centre et se répandant dans toutes directions associées aux éléments (Nord, Sud, Est, Ouest).

    Dans la tradition chinoise, le Bois symbolise le mouvement centrifuge tandis que le Métal caractérise le mouvement centripète. Naturellement, il serait inconcevable que les éléments puissent agir indépendamment de leurs relations au yin et au yang. Conformément à leur représentation spatiale, le Feu et le Bois, localisés au Sud et à l'Est, sont yang par rapport à l'Eau et au Métal, situés au Nord et à l'Ouest, qui eux sont yin.

    L'imbrication du yin et du yang dans le symbole yin-yang nous aide à comprendre pourquoi les éléments ne sont pas fixes, mais font partie d'un processus dynamique. En fait, ils se génèrent et se détruisent l'un l'autre continuellement en accord avec les constants changements en ce monde:

    • Au cours de la phase de génération, le Bois engendre le Feu qui, devenu cendres, engendre la Terre; la Terre génère le Métal dans son sein; le Métal chauffé engendre la vapeur qui devient Eau en se refroidissant; l'Eau engendre le Bois.
    • Durant la phase de destruction, le Bois craquelle la Terre; la Terre absorbe l'Eau; l'Eau éteint le Feu; le Feu fait fondre le Métal le Métal fend le Bois.

     

    Dans la tradition chinoise, la Terre est bien évidemment en relation avec la nature. Néanmoins, une question doit être soulevée. Comment la Terre peut elle d'une part contenir tous les éléments à l'état indifférencié et d'autre part être l'un d'eux au cours du processus de génération-destruction ? En fait, il est possible d'appréhender la Terre à deux niveaux. Située au Centre, elle symbolise l'état premier et indifférencié de la Nature, source de notre nature contrastée et manifestée. Partie prenante de la nature manifestée, elle participe au même titre que les autres éléments au processus de génération-destruction. Qui peut le plus peut le moins. La Terre symbolise à la fois les aspects “actif” (Nature) et “passif” (nature) du monde substantiel, ce que la tradition du Moyen Âge dénommait la nature “naturante” (naturans) et la nature “naturée” (naturata).

    Le processus de génération-destruction n'est rien d'autre qu'une succession de cycles de vie et de mort. Toute destruction ou mort dans un état de manifestation est toujours suivie d'une ré-génération ou re-naissance dans un autre en attendant qu'un autre cycle prenne la relève. Une succession indéfinie de cycles source de la diversité de la nature. Une diversité contenue en puissance dans le Centre où toutes les oppositions sont pleinement intégrées dans l'unité de la Nature.

    Au cours de la manifestation de la nature, la Terre ou l'Éther vient en premier, suivi des éléments les plus actifs pour terminer par les plus passifs. Sur la voie du retour à l'état indifférencié, la Terre ou l'Éther vient en dernier après les éléments les plus actifs précédés des plus passifs. Ce retour par degrés à l'état parfaitement équilibré constitue le premier pas sur le chemin conduisant du monde “substantiel” au monde “essentiel”.

    Que pouvons-nous en retirer au sujet de l'environnement ?

    Concernant l'environnement, la relation entre le Centre ou l'unité de la Nature et la diversité de la nature manifestée se reflètent dans l'unité fonctionnelle de base de l'écologie, l'écosystème. L'écosystème consiste en une communauté indépendante d'êtres vivant en relations étroites au sein d'un milieu physique (sol, eau etc.). Il peut être aussi petit qu'une mare de jardin et aussi grand que la biosphère, l'écosystème de la planète terre.

    Tous les écosystèmes dépendent entièrement du milieu par l'intermédiaire de flux continus:

    • De substances essentielles à la vie et qui obéissent à des cycles bien connus de génération-destruction. Leur bilan est rarement équilibré au sein des écosystèmes, en particulier urbains. Aussi, des compensations doivent s'effectuer entre eux comme, par exemple, entre écosystèmes aquatique ou marin et terrestre.
    • D'énergie, en particulier l'énergie radiante du soleil. Captée par les organismes auto trophiques, essentiellement les plantes vertes et le phytoplancton, l'énergie est convertie sous d'autres formes pour être stockée dans les molécules organiques.
    • D'informations régulatrices. Les êtres vivants ont développé des processus informatifs variés sur leur milieu (thermiques, hygrométriques, chimiques, électromagnétiques, gravitationnels, vibratoires, mécaniques etc.). Grâce à ces processus, des messages sont captés, interprétés et reçoivent une réponse appropriée.

    La diversité des espèces au sein d'un écosystème crée des interdépendances que traduit souvent la variété des chaînes alimentaires. En tant que producteurs primaires de toute chaîne alimentaire, les plantes servent de nourriture aux herbivores occupant un rang plus élevé dans la chaîne (consommateurs primaires). Les herbivores constituent des proies pour les carnivores d'un rang encore plus élevé dans la chaîne (consommateurs secondaires) etc. Les plantes non utilisées, laissées aux décomposeurs, retourneront au milieu après recyclage.

    Il est évident que les plantes, localisées au début d'une chaîne alimentaire, ne peuvent qu'abonder comparativement aux grands prédateurs en fin de chaîne. En conséquence, chaque chaîne alimentaire prend l'aspect d'une pyramide alimentaire. Sa base est occupée par les plantes, les niveaux intermédiaires par les diverses espèces animales et le sommet par un type unique de grand prédateur. Dans ces conditions, nous comprenons mieux comment l'homme est à même de troubler les équilibres écologiques à l'instar de toute perturbation externe dépassant un seuil au-delà duquel les changements deviennent irréversibles. Ce n'est pas par hasard que les interventions de l'homme perturbent le principal facteur externe de la stabilité relative des écosystèmes, le climat. Le changement de climat peut avoir d'importantes conséquences car la relative stabilité de l'écosystème favorise la diversité des espèces par le biais de l'expansion des niches écologiques et plus un écosystème est diversifié, plus il sera en mesure de répondre de manière appropriée aux défis du milieu.

    Les écosystèmes représentent des centres secondaires du Centre principal, la biosphère. Leur manifestation prend l'apparence de constants balancements entre processus de destruction et de génération régularisant la vie des espèces:

    Quelques processus de génération-destruction d'un écosystème


    Dans les conditions naturelles, tous ces processus sont équilibrés au sein de l'unité de l'écosystème. Considérer la diversité des processus de génération-destruction hors de leur unité finit en une série indéfinie de ruptures d'équilibre. D'autant plus qu'un écosystème n'est pas clos, mais ouvert, où flux entrants et sortants contribuent à maintenir en équilibre les différents processus de génération-destruction. Génération, destruction et maintien (de l'équilibre) sont les trois facettes de la conservation de la vie des espèces


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