• Le tatouage et la scarification sont sans doute les manifestations les plus complexes de l’esthétique humaine, car elles mêlent des préoccupations purement esthétiques à d’autres, psychologiques celles-là, plus profondes et plus difficile à cerner. Le tatouage et la scarification sont issus d’un même désir de porter une marque distinctive qui puisse résister eu temps. Dans les sociétés primitives et traditionnelles, ces marque indélébiles ont une triple fonction : déterminer l’appartenance à un groupe social constitué (tribu, clan, lignée, famille) en les distinguant des autres, relier les individus à un élément surnaturel supérieur (divinité, ancêtre disparu, animal totémique), satisfaire à des critères esthétiques locaux. L’idée d’initiation et de douleur revêt une grande importance.  C’est dans la souffrance, en effet, que l’individu accède magiquement à une réalité supérieure. Par elle, il rejoint les génies protecteurs et les ancêtres disparus.

    Cette faculté de mêler le visible et l’invisible, le naturel et le surnaturel, le matériel et l’immatériel se rencontre surtout dans les zones où la magie, la tradition ancestrale et la conscience étroite d’appartenance à un groupe occupent une grande place au quotidien, particulièrement lorsque le système coutumier local a longtemps été aux prises avec un pouvoir étranger colonisateur et qu’il a repris vigueur après le départ de ce dernier. Retrouver ses racines revient à proclamer son indépendance. C’est donc dans les forêts d’Afrique, d’Asie du Sud-Est et dans les îles isolées du Pacifique que l’on rencontre le plus grand nombre de tatouages et de scarifications rituels, là où l’homme, isolé et confronté aux mystères de la nature omniprésente, éprouve le besoin de se situer et d’affirmer son identité.

    D'où viennent les tatouages ? Quand apparaissent-ils ? Les origines de la pratique du tatouage sont assez floues. En effet, au-delà des traces relevées sur le corps d'Otzi, l'hibernatus autrichien, âgé de près de 5300 ans, les racines de la pratique se perdent dans l'histoire de l'humanité.
    Seule certitude, leur caractère est planétaire et leur histoire multimillénaire : Celtes, Eskimos, Egyptiens, Japonais, Polynésiens, Berbères, Africains... Le rite est si profondément ancré chez l'être humain, que rares sont les peuples du globe qui ne se soient marqués, par contre le sens des tatouages varie à travers leur histoire.

    Au Japon, des figurines au visage peint ou gravé, vieilles d'au moins 5.000 ans servaient vraisemblablement à accompagner la personne décédée dans l'au-delà. Pour les habitants de ce pays, les tatouages revêtaient une signification religieuse ou magique à cette époque.
    Plus tard, vers 720 après JC, les tatouages servirent à identifier les grands criminels et les bannis, dont les dessins reflétaient souvent le lieu du crime.
    En Égypte, les archéologues ont trouvé la momie d'une femme bien conservée, qui aurait été une prêtresse de la déesse Hathor il y a environ
    4 000 ans. Elle avait des lignes parallèles tatouées sur les bras et les cuisses, de même que sous le nez. Selon les spécialistes, ces lignes auraient une connotation érotique, comme la plupart des tatouages de l'Égypte ancienne.
    Au nord de la frontière séparant la Chine et la Russie, furent mis en évidence des tombeaux des Pazyryks, qui étaient de redoutables guerriers ayant vécu il y a plus de 3 000 ans. Certains corps quasi intacts portaient des tatouages, qui représentaient des animaux, tant imaginaires que réels. Les chercheurs croient que certains dessins plus abstraits, mais aussi apparents, étaient destinés à un usage thérapeutique. Aujourd'hui, quelques tribus vivant en Sibérie utilisent toujours le tatouage dans le but de soulager les maux de dos.
    En Inde et au Tibet, les tatouages accompagnent les grandes étapes de la vie : puberté, maternité, maladie, deuil. Le peuple Karen (Nord de la Thaïlande), dans sa lutte contre l'armée birmane arborait encore récemment des tatouages talismans qui devaient arrêter les balles de l'adversaire. De leur côté, les Grecs et les Romains utilisaient le tatouage pour distinguer les classes. Par exemple, ils marquaient les esclaves, les condamnés à mort et les prostituées afin que la population les reconnaissent.

    Le piercing consiste à percer la peau pour y insérer un anneau, un diamant ou tout autre forme de décoration. Le piercing est une pratique ancestrale, connue des Indiens Mayas (anneaux dans la langue), des Papous (osselets narinaires), des Massaïs (oreilles). Se faire percer les oreilles était naguère une tradition familiale. Le port de boucles d'oreilles était considéré comme normal. Mais de nos jours nombreux sont les adolescents et certains adultes qui se font poinçonner plusieurs fois la chair en de nombreux endroits. Il y a une vingtaine d'années, un nouveau mouvement culturel, les Punks, fit son apparition. Ce mouvement assez marginal, de tendance assez violente, ne voyait aucun futur, et se perçait le corps avec des épingles à nourrices. La mode du piercing s'est depuis répandue, pour atteindre maintenant de nombreuses couches de la société. Toutes les parties du corps sont concernées par le piercing.

    La scarification consiste en l'incision de la peau assez profonde de manière à laisser des cicatrices. Les lésions ainsi formées sont alors frottées avec des cendres chaudes et des morceaux de bois. Cette technique à pour but de laisser des traces de type brûlures. Les scarifications sont un moyen de montrer son appartenance à une ethnie (scarification Hodéa serpent python) ou scarification du crocodile du peuple sawas (papouasie nouvelle guinée) et sont aussi considérées comme l'expression d'une grande beauté.

    Aucune de ces " traditions " n'est sans danger, car elles nécessitent l'introduction de corps étrangers dans la peau, la rupture de la barrière cutanée et sont donc propices aux déclenchements d'infections qui peuvent rendre la cicatrisation de ces mutilations rituelles longues et douloureuses. Elles devraient être réalisées de manière stérile.


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  • Petite histoire des interdits humains

    La création des interdits est un des actes fondateurs de l'humanité.

    La civilisation humaine est issue de la nature.
    Pour s'affranchir des lois de la nature au profit de la culture, l'homme a dû s'imposer des interdits.
    Il a déclaré illégitimes des actes « légitimes » dans la nature. Grâce à ce mécanisme, notre espèce est parvenue à prohiber, à transformer ou à transcender, certains instincts.
    Par exemple, la prédation, la domination ou la thésaurisation des privilèges, sont devenus le vol, l'exploitation, l'égoïsme ou l'injustice.
    Ces instincts (que l'on pourrait qualifier de « négatif »), sont donc devenus des « phénomènes culturels ». En devenant des phénomènes culturels, l'homme peut agir dessus. Il peut les prohiber, les interdire, les moraliser, etc.
    La création des interdits (et de la morale), est donc une des pierres fondamentales de l'humanité. Elle fait parti des actes fondateurs de la transformation animal / humain.
    Dans la nature, des « interdits » existent. Ils existent à l'état d'instincts. Les prohibitions humaines, prennent racine sur ces « interdits instinctifs ». En passant dans le royaume de la culture, ces interdits peuvent évoluer. C'est ce qu'ils font au sein de l'humanité. Ils évoluent en permanence. Notre droit s'améliore, s'enrichit, se peaufine et s'universalise en permanence. En évoluant, le droit affaiblit les moyens d'abuser autrui. Et cette compression permet de faire émerger lentement mais sûrement, notre humanité.
    Entre ce qu'interdit d'un coup de dents le chimpanzé à son subalterne, et la multitude de lois gérant aujourd'hui notre société, un grand nombre d'étapes était nécessaire.

    1/ Le tabou.

    Une des toutes premières formes de prohibition d'actes humains connue, s'appelle le TABOU.
    Il s'agit d'une interdiction d'ordre magico-religieuse. Sa transgression entraîne un châtiment surnaturel.
    Le système des tabous peut être considéré comme le père du droit et de la morale actuelle. Il est l'un des tout premiers actes ayant distingué les actions humaines en actions « bonnes » ou « mauvaises », « autorisées » et « interdites ».

    2/ La morale religieuse et le droit.

    Avec l'arrivée des grandes civilisations de l'écriture (Inde, Égypte, Chine, hébreu, grecque), deux nouvelles formes de compression ont vu le jour. La morale religieuse et le droit.
    Notre système d'interdits est alors passé de « oral » à « écrit ».
    Ces 2 nouveaux outils de compressions des tendances abusantes, sont venus s'ajouter au précédent pour obliger l'homme à maîtriser toujours plus ses instincts.
    Les grandes religions offraient la morale à l'humanité. Autrement dit, la distinction entre le bien et le mal :
    Les premières formes de gouvernement et d'administration, quand à elles, mettaient au point les bases de la législation. Le droit civil, la distinction entre le légal et illégal sont apparues à ce moment-là dans des codes. (La plus ancienne loi écrite découverte à ce jour semble être le code d'Hammourabi).
    Pendant quelques millénaires, les tabous, la morale religieuse et le droit législatif, se sont unis pour humaniser l'être humain. Avec l'éducation, elles ont fait ce que nous sommes.

    Laïcisation progressive des interdits

    Mon pays est le monde, et ma religion est de faire le bien. Paine

    Tout au long de ce processus civilisateur, certains tabous et certaines prescriptions morales, sont tombés en désuétude. Ces prescriptions ont été jugées trop subjectives, trop contraignante, ou trop culpabilisantes et ont disparu.
    Le système législatif, au contraire, n'a pas cessé de se développer. Aujourd'hui tabous et morales religieuses existent encore, mais ils sont de plus en plus remplacés par les interdits laïques. Progressivement, le droit (légal et illégal), prend le pas sur le religieux ( bien et mal). Les religions cèdent progressivement leurs fonctions « civilisatrices » au monde laïque pour ne s'occuper que du spirituel.
    Évidemment, cette période de transmission de pouvoir est instable et chaotique. La morale religieuse disparaît peu à peu, mais les lois laïques ne sont pas encore suffisamment efficaces pour les remplacer. D'ou la recrudescence des transgressions morales dans cette période.
     

    Du tabou à la conscience

    « Ce qui distingue l'homme d'une manière spéciale, c'est qu'il perçoit le bien le mal, le juste et l'injuste, et tous les sentiments de même ordre » Aristote politique.

    La conscience du mal est une véritable nouveauté du phénomène humain.

    Depuis sa création, le système des interdits s'est constamment amélioré.
    D'abord constitué de tabous qu'il fallait respecter sous peine de malédictions ou de calamités, il s'est enrichi d'interdits religieux et philosophiques (morale et éthique) et d'interdits laïques - la loi, le droit ...
    L'évolution du système des interdits, nécessite le travail des moralistes, des législateurs, des juges, des gardiens de la paix. Mais cette évolution bénéficie également du « travail » des transgressants.

    En effet, le transgressant - autrement dit : celui qui, pour satisfaire ses tendances et ses intérêts égoïstes ou claniques, enfreint ou contourne le code civil, le code moral ou le code éthique de l'humanité - participe lui aussi (mais par le négatif), à l'évolution de la justice et du droit humain. Le délinquant participe donc à l'évolution humaine vers sa perfection...
    Si le transgressant est l'instrument du mal il est également un des outils du bien et l'artisan de sa propre disparition.


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  • L’ordalie ou le jugement de Dieu 
     
    L’ordalie, qui tire son origine étymologique d’un terme germanique « urthel » ou « urtheil », signifie jugement de Dieu. 
     
    L’ordalie désignait, principalement au Moyen Age, une procédure judiciaire plutôt étrange. L’autorité judiciaire ne faisait pas appel à des preuves établies mais à des forces supérieures pour conclure à la culpabilité ou l’innocence d’un suspect. 
     
    L’ordalie faisait donc appel à Dieu pour décider si un homme était coupable ou non. Le verdict du Jugement de Dieu servait de procès et était sans appel. 
     
    L’origine de l’Ordalie 
     
    Ce jugement très spécial était déjà présent dans l’Antiquité babylonienne, égyptienne, grecque et romaine.
     
    Cependant, l’ordalie a surtout été pratiquée du Ve au XIIIe siècle en Occident. 
     
    Cette procédure s’est répandue en Occident après les invasions du Ve siècle. On considère qu’il s’agit d’une pratique germanique christianisée sur le tard.
    Avant cette période, les origines se perdent et l’on ne sait pas d’où provenait exactement cet arbitrage surnaturel.
     

    On sait par contre que l’ordalie a été légitimée par les autorités séculières dès le VIIe siècle. Elle est alors utilisée à l’encontre des laïques et des clercs devant les tribunaux ecclésiastiques et à partir du XIe siècle devant les tribunaux séculiers.

    La première mention d’ordalie apparaît dans la loi salique, ou loi des Francs, qui remonte à 510 environ.
    Il s’agit de l’épreuve du chaudron, qui consiste à plonge rune main dans l’eau bouillante.
     
     
    Cependant, dès le IXe siècle, quelques évêques se sont élevés contre un principe qu’ils jugeaient superstitieux.
    Malgré tout, la papauté a toléré l’ordalie pendant plusieurs siècles.
     
     
    Qu’est ce que l’ordalie ? 
     
    Cette procédure représente à la fois la preuve, le jugement, l’exécution et l’épreuve. Elle s’oppose à la preuve objective et se substitue à toute rationalité quand aucune preuve ne peut être établie. 
    On peut définir l’ordalie comme un arbitrage divin. Elle se fonde sur une idée très simple, voire simpliste : la divinité s’exprime à travers les éléments et elle ne peut favoriser un coupable.
    Dieu étant supérieur aux hommes, il ne peut se tromper.
     
     
    A l’époque, on considérait qu’un coupable préférait avouer sa faute plutôt que de subir l’épreuve. 
     La mort n’était pas toujours la sentence ultime. L’ordalie pouvait être cruelle ou inoffensive. Elle pouvait également être appliquée à un seul individu ou de manière collective, être passive ou active. 
     
    Les différentes formes de l’ordalie 
     
    Les ordalies les plus inoffensives concernaient  en général plusieurs personnes. L’ordalie de la croix opposait au minimum deux personnes. Chacun devait rester le plus longtemps possible les bras en croix. Le premier qui les baissait démontrait sa culpabilité. 
     
    Sous le règne de l’empereur Charlemagne (800-814) et de son fils Louis le Pieux, plusieurs formes d’ordalie se développent dont la plus importante est celle du feu. 

    Le prévenu saisit avec sa main un fer rouge. Si après le contact avec l’eau ou le métal brûlant, la main présente dans les trois jours qui suivent une belle cicatrisation, c’est que la personne est innocente.
    Des plaies indiquent que la personne est coupable.

    Quelques variantes de cette épreuve existent : marcher sur des socs de charrues chauffés à blanc ou retirer d’un chaudron rempli d’eau bouillante un anneau ou une pierre. 
     
    Le jugement par l’eau froide était particulièrement utilisé au Moyen Âge. L’accusé était conduit en barque au milieu d’un plan d’eau ou une rivière puis jeté dans l’eau en étant lesté d’une grosse pierre.
    Après un certain temps, on repêchait l’accusé. S’il avait survécu (ce qui n’arrivait jamais), c’est qu’il était innocent.
    Le fait de remonter à la surface était considéré comme une preuve de culpabilité. Le fait de surnager prouvait  l’intervention du Diable.
    D’une manière ou d’une autre, le suspect était condamné.
     
     
    On comprend mieux pourquoi certaines personnes, coupables ou innocentes, préféraient avouer  plutôt que de subir ce jugement. 

    Le duel judiciaire est une autre forme de l’ordalie. Il a été pratiqué par les peules germaniques dès le VIe siècle et n’a décliné qu’à partir du XIVe siècle.

    Le duel entre le plaignant et le défenseur est une épreuve bilatérale qui se fonde uniquement sur l’intervention divine.
    La mort est toujours la sentence du duel. Parfois, le duel judiciaire oppose un homme à un animal.
    Celui qui meurt est tout simplement coupable. Celui qui gagne n’a plus qu’à remercier Dieu de lui avoir donné la victoire.
    Parmi les duels très célèbres, citons le duel de Macaire et du chien de Montargis. Ce combat a opposé un assassin et le chien de sa victime et c’est l’animal qui remporta la victoire.
     
     
    La fin du jugement de Dieu 
     
    C’est seulement en 1215 que le IVe concile de Latran interdit d’assortir les ordalies par l’eau et le fer de cérémonies religieuses.
    L’Eglise refuse donc officiellement la preuve religieuse. L’ordalie disparut alors de la majorité des Etats d’Europe occidentale.

     
    Mais, elle a ressurgit du XVe au XVIIe siècle pour les cas de sorcellerie. 
     
    Le duel judiciaire a perduré beaucoup plus longtemps car c’était un moyen pour la noblesse de démontrer son habilité aux armes.
    Le dernier duel de cette sorte s’est officiellement déroulé en 1547.

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    Ensemble des doctrines et des situations, des expériences et des faits par lesquels l'âme humaine accède à la rencontre immédiate de Dieu ou du monde divin.

    L'expérience mystique

    L'expérience mystique est un des aspects spirituels fondamentaux dans la plupart des religions. Elle suppose une connaissance directe du divin ou de la divinité, sans la médiation de la démarche discursive, volontiers rationnelle, ni, ce qui est moins évident, des symboles sensibles. L'intuition y est reine. Néanmoins, dans les systèmes religieux fondés sur un corps de doctrines, elle se manifeste obligatoirement dans le cadre de celles-ci (formellement, celui de la Trinité dans le christianisme). Si, parfois, sa trop grande indépendance vis-à-vis de la pensée abstraite et son ésotérisme au moins apparent entraînent à son égard la suspicion, voire la condamnation (ainsi pour Maître Eckart), elle ne dévie pas fondamentalement de la vraie foi.

    Formes et manifestations de la mystique

    On distingue, d'une part, une mystique de l'immanence, dans l'hindouisme par exemple : sa réalité se confond avec le sujet lui-même, saisi dans ses profondeurs, l'atman ; et, d'autre part, la mystique de la transcendance, propre aux religions juive, chrétienne et musulmane : le sujet " sort " de lui-même dans une extase (du latin exstare, " sortir hors de soi ") pour s'élever jusqu'à la réalité ultime. Cette élévation, qui peut aller jusqu'à une union comparée au mariage, dit alors " mariage mystique " (ainsi dans le Cantique spirituel de saint Jean de la Croix , comporte divers degrés. Des manifestations variées, non essentielles, relèvent du fait mystique ou accompagnent l'extase : la lévitation (du latin levitas, " légèreté "), qui consiste dans l'élévation au-dessus du sol sans appui aucun ; les stigmates, qui sont, sur le corps, les marques mêmes de la Passion du Christ ; les songes et les visions, les apparitions, par exemple, etc. L'écriture joue un grand rôle chez bien des mystiques (Jean, l'auteur du quatrième Évangile et de l'Apocalypse, Jean de la Croix, Pascal, etc.). L'initiateur de la " théologie mystique " est le (Pseudo)-Denys, auteur d'ouvrages du Ve siècle, attribués à Denys l'Aéropagite.

    Dans le judaïsme, on identifie un long et authentique courant mystique dont les premiers indices écrits se trouvent dans la fameuse vision du " char " (en hébreu merkabah) d'Ézéchiel (VIe s. av. J.-C.). Cette tradition, que les Juifs appellent " mystique de la Merkabah " n'a cessé de s'amplifier et de s'enrichir pour donner naissance, dès la rédaction du Talmud (entre le IIIe et le VIe s.) et surtout après (jusqu'au IXe s. et au-delà), à de nombreux textes, prières à visée quasi magique et récits de voyages célestes, rassemblés tardivement sous la forme de livres appelés globalement " littérature des Hékhalot (Palais célestes) ". La kabbale y trouve une bonne part de son inspiration.

    La mystique chrétienne de l'amour

    Les premiers moines chrétiens et certains Pères de l'Église – saint Augustin notamment – privilégiaient déjà la recherche d'une expérience personnelle de Dieu: ressentir et expérimenter plus que penser la grâce divine. Cette tradition du christianisme primitif, qui ne conçoit pas de vie mystique sans ascèse, se prolonge dans le monachisme orthodoxe.

    Mais c'est au Moyen Âge que s'impose véritablement la mystique de l'union à Dieu par amour, avec la grâce du Christ. Saint Bernard de Clairvaux au XIIe siècle, puis saint François d'Assise et sainte Catherine de Sienne au XIVe siècle ne cesseront de crier les exigences de l'amour de Dieu. Les grands mystiques espagnols de l'ordre du Carmel dominent le XVIe siècle: sainte Thérèse d'Ávila conçoit sa vocation religieuse comme un mariage spirituel, et sa thématique de l'itinéraire ascétique, toujours inachevé, vers Dieu sera également au centre de la mystique de Jean de la Croix. Le XVIIe siècle connut un affrontement d'écoles, les uns privilégiant l'ascèse, les autres – les quiétistes – l'abandon à Dieu. En France, ce furent les premiers qui l'emportèrent contre Fénelon et Mme Guyon, adeptes du pur amour. À partir de la fin du XVIIe siècle, la mystique déclina; saint Benoît-Joseph Labre au XVIIIe siècle et sainte Thérèse de l'Enfant Jésus, à la fin du XIXe siècle, demeurent des figures isolées.

    La mystique spéculative

    À travers l'œuvre du néoplatonicien Plotin (IIIe siècle apr. J.-C.), les thèmes mystiques de la Grèce antique, qui transparaissent chez Platon, sont la source d'un vaste courant de mysticisme spéculatif. Au sein même du christianisme s'y rattache la mystique rhénane et flamande des XIIIe et XIVe siècle – essentiellement représentée par Maître Eckart. Elle privilégie l'unité de l'être et l'idée d'une union immanente avec Dieu dans l'âme humaine.

    Moins orienté à ressentir qu'à découvrir par diverses opérations intellectuelles le principe fondamental de la vérité, que celui-ci relève de l'Esprit (théosophie) ou de la Nature (pansophie), ce mysticisme est à la fois une forme de gnose, connaissance sacrée, et d'ésotérisme au sens noble du terme; il considère en effet que le savoir suprême est caché et que l'on doit s'y initier par une longue ascèse. La religion juive, qui maintient une distance toute de respect avec Dieu, est relativement étrangère à l'idée d'union extatique avec le Créateur. Le plus grand mouvement mystique juif, la kabbale, constituée aux XIIe et XIIIe siècle, développe en revanche une profonde spéculation. Son livre majeur, le Zohar (ou Livre de la splendeur), est d'ailleurs très riche en inspirations néoplatoniciennes. Sa spécificité réside cependant dans une théorie de la contemplation des lettres du nom de Dieu, retrouvées dans l'Univers entier par un système de correspondances mystiques.

    La mystique musulmane

    L'islam a aussi sa mystique, le soufisme. Il s'agit d'une lignée historique, à travers tout l'islam, des origines à nos jours. L'itinéraire des soufis trouve ses repères dans l'exemple même du Prophète. Représenté d'abord par des ascètes et des sages, au IXe siècle, ce courant s'est organisé en écoles dans les grandes métropoles de l'empire musulman, et d'abord à Bagdad.

    Le soufisme place au premier plan non pas les règles et la Loi, mais l'amour mutuel entre Dieu et l'homme. Mais les docteurs de la Loi rejetèrent rapidement le soufisme, prétextant l'impossibilité d'un amour entre le créateur et l'homme. Martyr mystique, al-Halladj est ainsi condamné à mort en 922. Pourtant, à partir du Xe siècle, notamment sous l'influence du théologien mystique al-Ghazali (XIe siècle), le soufisme devient bientôt une connaissance religieuse reconnue par l'islam officiel. Cependant, à partir des théories monistes, presque panthéistes, d'Ibn al-Arabi (XIIIe siècle), le courant dominant de la mystique musulmane ne mettra plus l'accent sur le désir et l'amour de Dieu, mais sur la perte du sujet dans un univers où tout est Dieu.

    Le soufisme a conçu une méthodologie mystique qui analyse précisément la succession des différents états spirituels et qui propose des procédés tels que la répétition inlassable et rythmée du nom divin, Allah. Organisé en confréries hiérarchisées, le soufisme est largement diffusé dans les couches sociales populaires.

    Les religions orientales

    La mystique orientale privilégie une démarche d'immanence: elle tend à l'union avec un absolu unique, impersonnel et indifférencié, et présent au fond de tout être vivant, au-delà des apparences extérieures et de l'individualisation.

    Yoga et mystique hindouiste

    Les Upanishad védiques, textes religieux fondateurs datant environ du VIe siècle av. J.-C., développent le thème central de la mystique hindouiste: le «soi» de l'individu humain (atman) est de même nature que le principe absolu régissant l'Univers (brahman). En retrouvant l'unité essentielle de son être, le mystique atteint un état où il échappe à la loi de l'enchaînement des causes et des effets (karma), et à la transmigration douloureuse des âmes – de vies en morts – et des renaissances successives (samsara). La Bhagavad-Gita pose en même temps l'«identité de tout».

    Le yoga est la technique corporelle et spirituelle de cette libération. Il tend à aboutir à l'union mystique de soi à l'absolu à travers toute une série d'étapes décrites dans les Aphorismes du yoga (Yogasutra, encore nommé «yoga royal») – le yoga couramment pratiqué en Occident reprend seulement quelques-uns de ces exercices préparatoires (postures et discipline du souffle).

    La discipline mystique du yoga s'entend d'ailleurs en des sens très divers pour l'hindouisme. La Bhagavad-Gita (passage de l'épopée du Mahabharata) définit ainsi un yoga de l'action où il s'agit, sans abandonner la vie sociale, de se détacher des fruits de ses activités. Ce texte sacré propose aussi un yoga de dévotion amoureuse à une divinité personnelle (bhakti), tradition qui se rapproche de la religiosité occidentale. Mais cette mystique émotionnelle est souvent considérée comme une voie d'union, à travers un dieu particulier, à l'absolu indifférencié, plus inaccessible.

    Mystique de l'immanence

    Voie de salut n'impliquant aucune croyance en quelque divinité personnelle que ce soit, le bouddhisme se distingue radicalement de l'hindouisme en rejetant la notion d'un principe du soi (atman) qui transmigre, de façon identique, de vie en vie selon le principe karmique. Aussi le mystique recherche-t-il la délivrance dans le présent immédiat, dans une complète immanence au monde. Or celui-ci est le règne de la souffrance qu'entraîne automatiquement tout désir ou attachement. Le nirvana, état mystique d'«éveil» et de libération, est donc une extinction de la soif de vivre dans le bouddhisme. Tout homme qui parvient à un nirvana peut être qualifié de bouddha; ce terme désigne également l'essence spirituelle ultime de toute chose et de tout être

    L'école zen épurera encore l'expérience mystique bouddhiste en développant l'idée de vacuité au sein de la méditation et celle de renoncement salvateur au désir d'atteindre le nirvana, qui se trouve alors réalisé au sein du monde des phénomènes.

    La fascination pour le mysticisme

    Des philosophes – Henri Bergson ou William James –, des écrivains – Romain Rolland, René Daumal ou encore Aldous Huxley – ont en commun de considérer la communion mystique avec l'absolu comme la source unique – et seule véridique – de toute religion. Les croyances et les rites particuliers sont considérés comme des dérivés et des rationalisations inessentielles. Hors de tout contexte religieux, on a même pu qualifier de mystiques certaines expériences décrites en termes purement subjectifs: le «sentiment océanique» de Romain Rolland (lettre à Freud du 5 décembre 1927) ou l'impression d'anéantissement, «comme une goutte d'eau dans la mer», de Julien Green contemplant un paysage (Journal, 18 décembre 1932).

    La prédilection pour le mysticisme a cependant suscité des œuvres d'une grande rigueur intellectuelle, adoptant parfois les recherches les plus contemporaines, en psychanalyse, par exemple, avec les théories dissidentes d'un Carl Gustav Jung. Des perspectives nouvelles sont offertes par l'histoire des religions – Mircea Eliade notamment expose ses thématiques fondamentales dans la Nostalgie des origines. De tels penseurs ont contribué à l'élaboration d'une conception moderne de la mystique.

    Sous une forme intériorisée, souvent influencée par la spiritualité orientale, le mysticisme connaît, depuis les années 60, un engouement populaire en Occident. Celui-ci témoigne autant d'une contestation des valeurs sociales établies que d'une recherche d'un sens profond à l'existence.


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    Le rêve

     

    Forme d'activité cognitive, insolite et mystérieuse, constituée d'images pour la plupart visuelles, mais aussi, parfois, d'ordre tactile, olfactif, gustatif, moteur et sonore. Le rêve s'avère indispensable au maintien de l'équilibre psychophysique : nous rêvons tous, même si certains d'entre nous ne s'en souviennent pas à leur réveil.

    S'il est vérifié que le rêve emprunte aux activités de veille et aux préoccupations de l'individu, la plupart de leurs contenus, souvent extraordinaires, conservent un grand mystère quant à leurs origines.

    Le rêve, qui se produit en principe sans la volonté du dormeur, constitue le modèle de l'expérience non mortelle de l'au-delà : le dormeur reçoit la visite d'un messager, tel Oneiros dans l'Odyssée, qui vient s'exprimer au nom du monde des dieux et des héros, ou accomplit un voyage dans ce monde divin et se réveille en racontant ce qu'il y a vu.
    Le caractère allégorique de certains rêves expriment aussi quelques analogies avec les Expériences de Mort Imminente : sensation de voler, paysages magnifiques, rencontres de personnages étranges ou de familiers décédés... .

    La machine à guérir

    Les rêves sont dans de nombreuses cultures une des voies de la guérison et de ïa sagesse. Pour les Grecs et les Egyptiens, les songes pouvaient révéler l'origine et le traitement des maux physiques et mentaux. En Sibérie, sur le continent américain et en Afrique, les croyances veulent que les chamanes, en visitant d'autres mondes par les rêves, trouvent des remèdes aux diverses affections dont souffrent les personnes qui s'adressent à eux. Dans les traditions arabes, de la Chine ancienne, hindoues et bouddhistes, les rêves sont censés transmettre des indications et des avertissements concernant à la fois la vie intérieure et le monde extérieur.
    De la même façon, les psychologues contemporains considèrent que les rêves les éclairent sur les causes des névroses.
    Pour Jung notamment, les rêves pouvaient orienter et favoriser le processus de guérison de la psyché, du corps et de l'esprit. Les théories plus récentes de l'autothérapie utilisent les rêves pour découvrir les métaphores personnelles ensevelies susceptibles de contribuer à la guérison et de faciliter le développement personnel.
    La psychosynthèse, qui associe des traitements destinés à favoriser l'intégration des différentes facettes de la personnalité, exploite les découvertes révélées dans les songes. Les rêves fournissent également, dans une certaine mesure, la matière première des thérapies fondées sur la créativité artistique qui aident, au moyen de la musique, du théâtre et de la peinture, les patients à extérioriser les aspects jusqu'alors refoulés ou non exprimés de leur personnalité.

    La machine à rêver

    Les Occidentaux, qui sont moins patients et plus facilement séduits par le pouvoir de la technologie, se servent parfois de « machines à rêves» qui surveillent les premières étapes du sommeil paradoxal. Ces machines utilisent de faibles impulsions électriques pour indiquer aux dormeurs, sans les réveiller, qu'ils sont en train de rêver. La théorie sous-jacente est que le rêveur continuera à rêver, mais ce sera un rêve lucide. Les résultats obtenus sont variables. Certains constatent que même avec peu d'entraînement elles fonctionnent bien, mais !a question est de savoir si les « machines à rêves» sont en mesure de provoquer des rêves lucides de la qualité de ceux stimulés par le bon exercice de la méditation. Il est probable qu'elles peuvent créer les conditions nécessaires à l'« illumination intérieure», mais elles n'ont nullement les moyens d'apporter un contenu. Il est fondamental d'être patient.

    Pour Patricia Garfield, docteur en psychologie et spécialiste de l'étude des rêves, un rêve lucide est « tout simplement un rêve où l'on a conscience de rêver -- conscience allant de la simple réflexion : " ce n'est qu'un rêve ", à l'affranchissement de toutes les contraintes corporelles, spatiales et temporelles ». Elle ajoute encore que le rêveur peut interférer volontairement sur le déroulement de son rêve et utiliser pleinement ses ressources psychiques. Le rêve lucide laisse entrevoir la possibilité d'un contrôle du rêve par le rêveur lui-même.

    En 1913, le chercheur néerlandais Frederick Van Ecden, rêveur lucide prolifique, appelle «rêve lucide» celui ou nous restons parfaitement conscients. Si nous apprenons comment reconnaître que nous rêvons, nous pouvons maîtriser nos rêves, créer l'environnement de notre choix et, dans certains cas, «visiter» des lieux effectifs pour nous y acquitter d'une mission convenue.

    Le rêve lucide est une des phases incontournables pour permettre à la conscience de quitter le corps dans les expériences de «sortie du corps». Dans un rêve lucide, la conscience peut se déplacer à son gré dans des lieux de l'astral, univers créés par la pensée et l'imagination. En revanche, dans le cadre des expériences de sortie du corps, la conscience demeure au plan terrestre en contact avec la réalité physique, incluant le plus souvent l'enveloppe corporelle de son propriétaire. Entre ces expériences et le rêve lucide le partage est souvent difficile.

    Les bouddhistes tibétains enseignent que le rêve lucide est une pratique qui permet de se préparer à la maîtrise de notre vie dans l'au-delà, où l'environnement serait comparable au monde des rêves. Ainsi, il serait possible de se libérer du cycle illusoire de la vie et de la mort.
    Evans-Wentz, " découvreur" du Bardo Thödol, publia une traduction dans laquelle étaient exposés les principes du yoga de l'état de rêve. Celui-ci est destiné à contrôler la substance du rêve et à l'orienter vers le thème choisi ; généralement le Nirvana. Le disciple entrevoit alors la " Claire Lumière " de " Cela qui est ", la réalité ultime dont la nature est la vacuité.

    Le psychologue américain Charles Tart nous suggère d'utiliser le sentiment de liberté du rêve lucide pour rechercher ou créer un homme, ou une femme, d'une grande sagesse, susceptible de nous donner des conseils sur notre développement psychologique ou spirituel. Cette création peut être l'incarnation de notre propre sagesse inconsciente, mais elle doit être porteuse d'informations d'une authenticité et d'une profondeur inaccessibles à la conscience.
    Les thérapeutes occidentaux affirment depuis longtemps que le rêve lucide est une étape essentielle au développement intérieur. L'aptitude à maîtriser le contenu d'un rêve, nécessaire à l'exploration de la véritable nature de la conscience, constitue également une excellente discipline mentale qui renforce notre perception d'un aspect de nous-mêmes qui échappe encore aux sciences modernes.

    Le rêve du Chaman

    Les traditions chamaniqucs ont leur propre forme, très prisée, de rêves lucides qui donnent l'occasion aux chamanes de visiter le monde de l'esprit, d'y rencontrer les ancêtres tribaux, d'y apprenre des chants invoquant la puissance et d'y trouver un compagnon qui guidera le rêveur dans la vie éveillée.

    Pour les chamanes, le rêve et l'art de rêver sont très importants. Le rêve est une réalité aussi déterminante que notre vie éveillée, et en contrôlant les rêves ils agissent sur la réalité. En fait ils ne font pas de distinction, considérant notre vie comme un rêve que l'on peut modifier. Dans le livre de Carlos Castaneda, L'Art de rêver, Don Juan définit "rêver" comme un passage à l'infinité. Rêver est pour les sorciers une manière pratique de se servir des rêves ordinaires. "Rêver ne peut être qu'une expérience. Rêver ne signifie pas seulement avoir des rêves. Par l'acte de rêver, nous pouvons percevoir d'autres mondes, que nous pouvons assurément décrire. Mais nous ne pouvons pas décrire ce qui nous les rend perceptibles. Néanmoins nous pouvons sentir comment rêver ouvre ces autres royaumes. " Ainsi les chamanes, qui cumulaient plusieurs fonctions, pouvaient utiliser l'état de rêve pour guérir une personne, ou l'exorciser. D'après Jeremy Taylor, il s'agit de ce qu'on appelle le rêve lucide, et le pouvoir de guérison des ces rêves est très puissant. Voici un exemple de rêve chamanique raconté par Jeremy Taylor (cf. Where people fly and water runs uphill, Warner Books). Il fit ce rêve alors qu'il travaillait comme thérapeute auprès de jeunes autistes et schizophrènes :

    "Je me retrouve flottant dans un espace flou et gris. Eric, un des jeunes les plus perturbés et les plus violents, apparaît devant moi, riant en roulant les yeux comme quelqu'un de fou. Je le regarde pendant un long moment, puis je commence à voir son aura. Il est d'une drôle de couleur rose et il s'étend autour de lui jusqu'à une distance d'environ 20 pouces. L'aura ondule lentement et change de forme, comme un nuage de gaz. Je remarque qu'il y a d'étranges piquants noirs tout autour de lui. Ils ont à peu près un pied de long et un demi pouce d'épaisseur à leur base, là où ils sont attachés à son corps. Je me sens terriblement fatigué, j'ai envie de dormir. Comme je combat ma fatigue, je me dis qu'il serait absurde de dormir puisque je dors déjà. Je réalise alors que je suis en train de rêver.
    Maintenant je regarde Eric plus attentivement. S'agit-il d'une projection de moi-même, d'un aspect de moi ? C'est ce que je pense, mais j'ai pourtant le sentiment qu'il y a plus que cela. Mon épuisement augmente, et mon esprit est confus et lent. Pourquoi mon rêve m'offre-t-il cette image d'Éric couvert de piquants ? Quel est le sens thérapeutique de ce rêve ?
    Je réalise que peu importe le sens du rêve, ces piquants ne devraient pas être là. Alors je me dis que quoiqu'ils représentent, je devrais les enlever. Je me déplace vers Eric et je lui dis télépathiquement que je vais "déraciner" les piquants de son aura. Je commence donc à arracher, déraciner les piquants avec mes mains, et déraciner est le terme exact car si je ne fais que les casser j'ai le sentiment qu'ils repousseront . Il faut donc les déraciner pour s'en débarasser.
    Je viens à bout d'enlever tous les piquants, et je ressens un immense soulagement. Alors je m'éloigne d'Éric et je quitte le rêve."

    Le lendemain matin, alors qu'il n'avait raconté ce rêve à personne, J.T croise Eric qui bondit vers lui, très fâché, et lui crie : "Tu m'as volé quelque chose la nuit dernière !" J.T lui répond que la nuit dernière il dormait dans son lit, mais l'autre insiste : "Tu as enlevé quelque chose de moi ! Rends-le moi !"
    J.T lui demanda de quoi il s'agissait. Eric ne pouvait répondre. Alors J.T lui demanda comment il se sentait. Surpris, Eric répondit qu'il se sentait bien. Alors J.T lui dit : "Voilà qui est plutôt inhabituel, n'est-ce pas ? Peut-être que tu ne veux pas vraiment ravoir ce que tu as perdu la nuit dernière ?" Ils se regardèrent un long moment, puis Eric acquiesca.
    Voilà une expérience de rêve lucide chamanique qui montre bien comment le chamane peut utiliser l'art de rêver pour accéder à une autre énergie afin modifier la réalité. Ainsi plutôt que de considérer les rêves lucides comme des expériences amusantes, on devrait explorer leur potentiel de guérison, dans la même optique que les chamanes guérisseurs, pour notre bien et le bien de la communauté.

    Dans l'Antiquité,

    les Grecs pensaient que les rêves étaient envoyés par les dieux. Les songes porteurs d'un message important passaient sous des portiques de corne, tandis que les autres entraient par des portes d'ivoire. Avant de s'endormir, les Grecs demandaient au dieu de leur choix de leur transmettre des rêves favorables

    Dans l'Egypte antique, les rêves étaient considérés comme des prédictions envoyés par les dieux. Dans la bible, Joseph, fils de Jacob, interprétait les rêves du pharaon. Ce dernier rêvant de sept vaches grasses suivies de sept vaches maigres qui les dévoraient. Joseph compris que sept années de récoltes seraient suivies de sept années de années de famines. Le pharaon fit stocker du grain permettant aux égyptiens de survivre durant la famine.


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