• Les musulmans croient en Allah qui est unique, miséricordieux, clément et dispose de tous pouvoirs. La foi islamique est fondée sur cinq «piliers» auxquels le musulman doit adhérer s'il veut espérer être sauvé.

    Les piliers sont :
    1. La confession de foi (chahada) :
    «Il n'y a pas d'autre Dieu qu'Allah et Mohammed est son prophète».
    2. La prière rituelle (salat) :
    A cinq moments précis de la journée. (Une sixième prière est recommandée mais ce n'est pas obligatoire).
    3. Les aumônes (zakat) :
    Des offrandes obligatoires et volontaires pour le pauvre.
    4. Le jeûne (saum) :
    Surtout pendant le mois «saint» du Ramadan.
    5. Le pèlerinage (hadj) :
    Au moins une fois dans sa vie à La Mecque.

    Même s'il observe chacun des piliers de la foi, un musulman n'aura pas l'assurance d'être sauvé au sens chrétien. L'islam est une religion basée sur la propre justice. Les musulmans croient souvent, qu'au jour du jugement, Allah (ou un ange) se munira d'une balance et pèsera les actes de chaque personne. Leur espoir est que les bonnes actions l'emporteront sur les mauvaises, mais le jugement reste soumis à la volonté d'Allah, indépendamment de la justice.

    Une autre interprétation est que les actes des hommes sont écrits dans un livre qu'Allah ouvrira au jour du jugement. Il placera les ouvres de l'homme soit dans sa main droite, soit dans sa main gauche. Le véritable chemin pour gagner le paradis est de mourir comme martyr au djihad, la guerre sainte islamique.

    Mohammed est le plus grand prophète de l'islam, mais le Coran parle souvent de Jésus, aussi connu comme Isa. Le Coran présente également Jésus comme Kalimatou Allah, la Parole de Dieu. Il y est enseigné que Jésus est né de la vierge Marie par un miracle de Dieu. Les musulmans ne croient pas en sa mort sur la croix, ni en sa résurrection, ni en sa déité. Bien que Jésus soit le second prophète de l'islam, l'Isa du Coran n'est qu'un prophète parmi d'autres.

    Le Coran, sourate 112, déclare : «Dieu est unique et éternel. Il n'engendre pas et n'est pas engendré. Il n'a pas d'égal». C'est pourquoi, sur les murs d'une grande mosquée de Jérusalem, il est écrit : «Dieu n'a pas de fils». Certains musulmans pensent que l'expression «Fils de Dieu» signifie que Dieu a eu un fils au travers d'une relation physique, ce qui est blasphématoire même pour les chrétiens.

    La croyance dans les anges et les mauvais esprits, les djinns, joue un rôle très important dans la vie quotidienne de beaucoup de musulmans. Le Coran stipule que "bons et mauvais esprits viennent d'Allah", mais les croyances de l'islam populaire donnent une dimension réelle et souvent terrifiante à cette doctrine.

    Comme toute religion, l'islam imprègne tous les aspects de la vie. Dans le Coran et les Hadith se trouvent toutes les instructions réglant chaque détail de la vie quotidienne d'un musulman.


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  • 1.- Dieu est unique. Même l’affirmation chrétienne de la Trinité de Dieu trahit, pour les juifs, le message révélé. Le shema l’illustre d’ailleurs très bien (Dt 6,4). Il est différent de la nature qu’Il a créée entièrement. Dieu n’est pas une puissance obscure mais un être agissant continuellement dans l’histoire humaine.

    Il faudrait ajouter ici quelques éléments pour mieux comprendre la nature de Dieu. Au départ, le Dieu d’Israël n’est pas un Dieu limité à Israël. Il est le Dieu de tout l’univers et de tous les humains. Sa relation historique avec Israël ne l’empêche pas d’être le Dieu de tous, au contraire. Nous verrons plus loin qu’Israël aura d’ailleurs pour tâche de proclamer ce Dieu aux nations. Mais le Dieu d’Israël est un Dieu qui dépasse toutes choses. L’univers entier lui est soumis et il est en droit d’être le seul à recevoir honneur et gloire. En ce sens, Dieu est transcendant. Mais la relation privilégiée d’Israël avec son Dieu a amené le peuple à découvrir au delà de cette effrayante transcendance, un Dieu aimant, gratuitement, des êtres qui sont constamment indignes de Lui. En agissant dans l’histoire, Dieu montre sa tendresse et son amour envers les humains. Il est près d’eux, comme un père doit l’être de ses enfants. Et à travers cette relation historique privilégiée, le peuple d’Israël a découvert l’immanence de Dieu, par les liens intimes qu’il a entretenu avec son peuple.

    En même temps que le sens de la transcendance, a grandi en Israël le sentiment de la proximité de Dieu, de l’intimité avec Lui, d’une familiarité profondément religieuse. Nombre de Psaumes exprimaient déjà cette composante de la révélation biblique et l’ont imprimée profondément dans l’âme juive. De même, déjà dans les confidences dont Dieu charge ses porte-parole, un Osée, un Isaïe, un Jérémie, on devine une immense tendresse pour ses enfants et en particulier pour son peuple. La bonté et la miséricorde apparaissent, dans bien des textes bibliques, comme le dernier mot de la manifestation de Dieu. Ainsi la frayeur primitive - qui, en elle-même, n’excluait pas la familiarité, comme nous le voyons par exemple chez Abraham - se transforme de plus en plus en crainte filiale. Dieu se révèle de plus en plus comme un Père à l’égard de son peuple, mais aussi à l’égard de chacun de ses fidèles et envers tous les hommes. On ne loue pas seulement sa Majesté sacrée et sa Puissance redoutable, mais également et plus encore le Dieu "miséricordieux et compatissant, lent à la colère, riche en bonté et en fidélité" (Ex 34, 6 ss). (Démann pp.56-57)

    Nous voyons ainsi mieux pour quelle raison nous répétons depuis le début de cet ouvrage que le Judaïsme est un monothéisme éthique. Il est en fait la réponse de l’humain à l’appel de Dieu. Il est la réponse d’un peuple à la manifestation de Dieu dans l’histoire, à l’élection du peuple d’Israël. Et en tant que réponse, il devra se traduire par des actes.

    Ce Dieu n’a pas agi dans l’histoire un jour il y a longtemps. Il agit constamment dans l’histoire. Ses interventions sont essentiellement guidées par sa justice. Elles ont un sens moral (Szlakmann, p.38). Dieu punit ou récompense l’humain pour ses actions.

    2.- Dieu a créé l’être humain à son image. Doté du libre-arbitre, l’être humain a fait entrer le mal dans le monde.

    Le Judaïsme insiste énormément sur cette liberté fondamentale et radicale de l’être humain qui contraste énormément avec la doctrine du péché originel du christianisme. Dans le Judaïsme, l’être humain n’a pas cette impossibilité radicale de faire le bien sans le secours de la grâce de Dieu. Dieu l’a doté de tout ce qu’il lui fallait pour faire le bien et, bien que le mal soit entré dans le monde par la faute d’Adam, l’humain n’a pas perdu cette capacité de faire le bien. La seule différence, c’est qu’il doit lutter contre une tendance à faire le mal qui coexiste en lui avec la tendance à faire le bien. Il peut toutefois choisir le bien par ses propres forces.

    Selon Szlakmann, le Judaïsme prône que l’humain présente un double aspect. D’une part il est constitué de matière et cela fait qu’il est poussé par ce qu’il appelle l’instinct du mal. D’autre part, il a été créé à l’image de Dieu, ce qui veut dire que Dieu a mis en lui une âme qui le pousse à rechercher le bien et le juste. C’est ce que l’on appelle la conscience morale et que le Judaïsme nomme l’instinct du bien.

    "...par souci d’une éducation rigoureuse du sens moral et par réaction contre la conception chrétienne de la grâce et contre le fatalisme musulman, les penseurs et les docteurs du judaïsme on été amenés à insister très fort, et parfois très exclusivement, sur la liberté de choix totale de l’homme placé devant la vie et devant la mort, devant le bien et le mal. Ils reconnaissent, certes, dans l’homme un mauvais penchant à côté d’un bon penchant, mais maintiennent fermement que, malgré tous les déterminismes qui enserrent la vie de l’homme, celui-ci, avec les lumières de la Loi et de sa conscience, et avec une aide d’en haut qui laisse sa liberté intacte, peut toujours choisir le bien. Selon une sentence talmudique, «à sa naissance, Dieu décide si l’homme sera faible ou fort, sage ou sot, riche ou pauvre, mais non s’il sera juste ou méchant.» Toute la vie juive ayant pris la forme d’une observance salutaire, en dehors de laquelle il n’y a que transgression coupable, on comprend cette insistance sur la liberté et la responsabilité de l’homme." (Démann, p.74)

    3.- Dieu a fait Alliance avec l’humain afin qu’il ne se perde pas et il lui a donné la Torah afin qu’il se perfectionne et se sauve lui-même. L’ensemble des préceptes viennent de Dieu et ont été révélé à Moïse au mont Sinaï. Seul le peuple d’Israël a entendu la voix de Dieu et désormais Israël a une mission dans le monde: celle de témoigner de Dieu par la mise en pratique de la Torah qui est universelle (pour tous les peuples, de toutes les époques).

    Nous avons vu plus haut que l’être humain, par son âme, aspire au bien. Cependant, même s’il aspire au bien de toutes ses forces, il ne sait pas ce qui est bien. C’est précisément ici que s’insère la révélation. C’est non seulement Dieu qui détermine dans sa justice ce qui est bien mais c’est aussi Lui qui l’a enseigné aux humains dans la Torah. Il est donc fondamental que tout juif l’étudie. D’ailleurs cette étude occupe une place essentielle dans la vie juive. Démann commente d’ailleurs cette assertion avec éloquence:

    "Le prix qu’on attache dans le judaïsme traditionnel à l’étude de la Torah, qui est un devoir pour tout israélite, constitue un hommage significatif a la Loi, à sa place centrale dans la vie juive. [...] En dépit des dangers d’étroitesse et de formalisme qui guettent toute tradition d’école et toute spécialisation trop poussée, dans l’ensemble cette vaste entreprise d’étude a su garder l’esprit de la religion de la Torah et n’a pas perdu de vue ce qui était son but: non pas une connaissance théorique de la Torah, mais un accomplissement plus exact, plus fidèle, plus parfait de ses prescriptions, qui sont une voie qui mène à la vie, à la justice, à la sainteté. Même quand la discussion se fait le plus subtile ... le but reste l’action, la pratique, l’application, l’observation de la Loi de Dieu. Dans un passage caractéristique du Talmud, on rapporte une discussion, à Lydda, sur la question: qu’est-ce qui importe davantage, l’étude ou la pratique? "Rabbi Tarfon répondit: c’est la pratique. Mais Rabbi Aqiba répliqua: c’est l’étude. Enfin tous se mirent d’accord: c’est l’étude qui est plus grande, car c’est l’étude qui mène à l’action." On retrouve la même hiérarchie des buts dans cette prière du Rituel juif: "Notre Père, qui es un Père plein de miséricorde, aie pitié de nous et rends notre coeur apte à comprendre, à savoir et à écouter, à apprendre et à enseigner, à observer et à pratiquer avec amour toutes les paroles de ta Torah." (Démann, pp.68-69)

    On comprend ainsi pourquoi le Judaïsme est essentiellement l’obéissance à la Torah dont l’étude est un devoir non pas pour lui-même mais précisément parce qu’elle mène à la mise en pratique des préceptes, les mitsvot. L’humain, entièrement libre de ses actes, devra en répondre tôt ou tard à Dieu qui est toute vérité, toute justice et toute paix, les trois valeurs de base du Judaïsme.

    Tout cela étant posé, il faut maintenant se demander ce qui arrive à la personne qui n’obéit pas à la Torah.

    Pour bien comprendre cela, il faut revenir sur une notion que nous avons vue lors de notre présentation de la Kabbale, la notion de Shekhinah. Il faudra aussi compléter maintenant la notion d’Alliance.

    Lorsque Dieu fait Alliance avec le peuple, l’enjeu pour les juifs est d’y rester fidèles, globalement, même si il est envisageable que des infidélités passagères viennent ternir cette Alliance. Cette fidélidé, nous l’avons vu, est essentiellement obéissance à la Torah. Ainsi sont posés deux éléments constitutifs de l’Alliance: le peuple et la Torah. Mais un troisième élément doit aussi entrer en ligne de compte pour bien comprendre le judaïsme, c’est la Terre Sainte. En effet, au coeur de la promesse de Dieu se situe le Terre promise que les juifs reçoivent en échange de cette fidélité. Cette Terre est celle de la Révélation. Cette Terre est celle où la gloire de Dieu, la Shekhinah, se manifeste en plénitude. La Terre Sainte fait donc également partie de l’Alliance et en est indissociable. Cela est tellement vrai que dans l’esprit des rabbins, lorsque les juifs habitent une terre étrangère, lorsqu’ils sont en exil, la Shekinah aussi est en exil. L’obéissance à la Loi ne peut donc pas être aussi parfaite qu’en Terre promise. Il en ressort que l’infidélité est toujours péché et jamais excusable mais qu’il faut s’attendre à plus d’infidélité en Exil qu’en Terre Sainte.

    Le péché, qui est donc transgression de la Torah, a une conséquence importante pour tout le peuple. Celui-ci marque la rupture de l’Alliance et chasse la Shekhinah. Pour l’ensemble du peuple, il retarde la venue du règne de Dieu, et pour celui qui l’a commis, il entraîne inévitablement un châtiment de la part de Dieu. Souvent, cette sanction n’est pas immédiate, car Dieu espère toujours que le pécheur reviendra à Lui. Pour cela, il faut que l’humain se repente. Le repentir (Techouvah) n’est pas le regret. Car le regret n’est pas suffisant pour obtenir le pardon. Le Techouvah est bien sûr regret de sa faute mais aussi changement de comportement, rejoignant ainsi le coeur du judaïsme pour qui l’obéissance à la Loi est fondamentale. On aura beau regretter de toutes ses forces, si l’on ne change pas son comportement, on n’est pas pardonné.

    Si l’on revient à Dieu, cela attire récompense et bénédiction. Si l’on s’obstine dans le péché, alors cela est très grave car on attire sur soi le jugement divin.

    Après la mort, tout peut donc arriver, selon la vie qu’on a menée. Citons ici Epstein qui explique bien l’idée de rétribution développée par le Judaïsme. On notera au passage que d’une part les châtiements y sont moins sévères que dans le christianisme et que d’autre part le Judaïsme reste fidèle à sa conception d’universalité de la Loi en prévoyant cette rétribution autant pour les juifs que pour les non juifs.

    Le Judaïsme enseigne qu’il y a une géhenne, qui est identifiée à la fosse en flammes dont il est question en Is 30, 33, et un lieu de bénédiction, le Gan Eden (Jardin des Délices), et c’est tout. Il est dit que les méchants, sauf cas exceptionnels, passent douze mois dans la géhenne, après quoi ils entrent au Gan Eden pour y goûter en compagnie des justes, selon le mot d’un rabbin, la splendeur de la Shekhinah (Présence divine) et la vie éternelle. Il ne s’agit pas d’une existence inactive. Commencée dans cette vie, la coopération avec Dieu pour Son dessein dépasse, dans la pensée juive, la vie terrestre. Même après que l’individu s’est dépouillé de son apparence périssable, son esprit immortel continue de progresser, accroissant le trésorde force morale qui avance la consommation du dessein éternel de Dieu. [...] Le Gan Eden n’est d’ailleurs pas réservé au seul Israël. Dans la doctrine juive, une récompense attend dans l’Au-delà les pieux des nations du monde. Le Judaïsme fait dépendre le salut de la bonne conduite et, en conséquence, toutes les nations ont part aux bénédictions de la vie future. (Epstein, pp.134-135)

    4.- Le Peuple d’Israël, bien que dispersé, verra un jour son peuple rassemblé en Terre Sainte et, en ces temps messianiques, l’humanité acceptera Dieu et atteindra la connaissance et l’amour de Dieu.

    Nous avons dit plus haut que la Terre Sainte est indissociable de l’Alliance car elle est constituante de la promesse de Dieu. Sa possession est toutefois conditionnelle au respect de la Torah et toute désobéissance peut entraîner le rejet de la Terre. Ainsi, le Judaïsme attribue généralement à ses propres fautes son exil ainsi que les persécutions dont il fut l’objet. Cependant, cela n’excuse pas les persécuteurs qui auront un juste châtiment.

    Mais le Judaïsme est animé également d’une espérance fondamentale: l’avènement du règne messianique. Le messianisme a été développé dès le 6e siècle avant Jésus-Christ par les prophètes et s’est affiné durant toute l’histoire juive. Cette attente est le coeur de la foi juive et c’est ce que nous tenterons de résumer bien schématiquement ici.

    Un jour, l’ère messianique arrivera. En quoi consistera-t-elle? En fait, il s’agit de la conviction qu’un jour Dieu règnera sur Israël et, par Israël, sur le monde tout entier.

    Un Messie viendra d’abord. Ce ne sera pas Dieu mais un homme issu de la lignée du roi David, choisi spécialement par Dieu et qui rétablira Israël sur sa Terre. Ce sera un retour (Techouvah) tant sur le plan matériel du retour en Terre promise que sur le plan spirituel de repentance. Sur cette terre, Israël pourra vivre en paix. D’ailleurs, à ce moment, aucune nation ne se battra plus. Ce sera l’avènement définitif de la paix universelle. L’humanité reviendra au végétarisme qui prévalait avant Noé, et l’humanité toute entière reconnaîtra en Dieu le vrai Dieu et acceptera sa souveraineté sur le monde. Le monde entier se réconciliera alors avec Israël et Jérusalem deviendra le centre spirituel mondial.

    Cela s’accomplira en son heure et les spéculations sur la date de la venue des temps messianiques ne sont pas pertinents. Tout au plus peut-on affirmer que la droiture du peuple juif a le pouvoir de hâter ces temps comme son infidélité la retarde. On sait aussi que cela viendra après de nombreuses catastrophes, au cours du 7e millénaire. Or, selon le calendrier juif, nous sommes à la fin du 6e millénaire et c’est sans doute pourquoi plusieurs ont vu dans l’installation d’Israël sur son territoire un signe précurseur de cette ère. A ce moment, le monde continuera de fonctionner selon les lois naturelles qui prévalent aujourd’hui et tous vivront en paix. Après cela viendra la résurrection des morts.

    En guise de conclusion, il faut citer Epstein qui résume tout cela dans un très beau texte:

    Le Royaume de Dieu, dans sa conception terrestre et sociale, donne la clé de toutes les manifestations du Judaïsme et, en fait, la solution à l’énigme de l’existence du peuple juif. Les Juifs, on l’a dit, espèrent contre toute espérance. Aucun peuple n’a souffert plus que les Juifs de l’inhumanité de l’homme envers l’homme, et pourtant ils ont refusé de désespérer du monde ou de l’humanité, et n’ont jamais renoncé à croire à la regénération et perfection finales de l’homme. Cette croyance n’est pas le produit d’une époque récente, dû à un sentiment de déception et de désespoir cherchant le soulagement dans le vague espoir de jours meilleurs; c’est une véritable tradition historique, fondée sur la conviction que Dieu a choisi ce monde pour en faire le théâtre d’un ordre divin où la bonté et la vérité règneront sans restriction.

    Pour le Judaïsme, le Royaume de Dieu sera inauguré par le Messie. Le Messie sera le personnage central d’une époque qui verra le règne de la justice sur la terre, justice qui apportera à tous la paix et une plénitude parfaite de ce qui est nécessaire pour mener une vie droite, mais sans enlever le besoin du sacrifice exigé par un idéal sans cesse élargi. Mais le Messie juif n’est pas un être surnaturel, pas plus qu’un être divin fondé à pardonner les péchés; il ne saurait a fortiori être confondu avec Dieu. Tout au plus est-il un mortel qui sera l’instrument de la pleine réhabilitation d’Israël à posséder son ancienne patrie et, par l’intermédiaire d’un Israël restauré, opérera la regénération morale et spirituelle de toute l’humanité, en rendant chaque homme propre à devenir citoyen du Royaume. Alors le règne du Seigneur sera universel. Comme le dit le prophète: "L’Éternel sera roi de toute la terre; en ce jour-là, l’Éternel sera le seul Éternel, et Son Nom sera le seul nom." (Zach. 14,9); et, dans cette universalité d’une religion véritable, professée par tous les hommes et réalisée dans toutes leurs relations avec Dieu et avec leurs semblables, le dessein de Dieu trouvera son accomplissement sur la terre.

    Le Royaume de Dieu sous sa forme messianique et terrestre ne fait que préparer la consommation du Royaume dans le monde à venir, qui sera au-dessus de l’histoire et au-dessus de la Nature, monde que, selon le mot d’un rabbin, "aucune oreille n’a entendu et aucun oeil n’a vu" (cf. Is. 64,3). À cet ordre de choses qui transcende la Nature et l’histoire sont associées les doctrines de la résurrection des morts et de l’universel Jugement Dernier, quand la fin de toutes les voies de Dieu sera manifestée et que la parfaite consommation de Son dessein sera accomplie. (Epstein, pp.131-132)


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  • Le soufisme, q'est-ce que c'est ?


    Le soufisme est le mysticisme de l’Islam. Comme tel, il a la particularité d’exister aussi bien dans l’Islam sunnite que dans l’Islam chiite. Décrire le soufisme est une tâche redoutable. Comme tout mysticisme, il est avant tout une recherche de Dieu et son expression peut prendre des formes très différentes. D’autre part, par ses aspects ésotériques, il présente des pratiques secrètes, des rites d’initiation, eux aussi variables selon les maîtres qui l’enseignent.

    Bien que le soufisme se veuille rigoureusement musulman, l’Islam traditionnel, sunnite et chiite, considère le soufisme avec la plus grande méfiance.

    En Iran, la grande majorité des mollas y est vivement opposée et dans l’Islam sunnite, la plupart des Ulema sont beaucoup plus intéressés par la lettre du Coran et ses interprétations juridiques que par les spéculations des soufis auxquelles ils trouvent une odeur de soufre. Cette opposition généralisée contribue à la discrétion du soufisme.

    En outre le soufisme n’a aucune unité. Chaque maître se constitue une cohorte de disciples attirés par la réputation de son enseignement. Tout au plus, ces maîtres déclarent se rattacher à une ” confrérie “, elle même fondée par un célèbre soufi des siècles passés ; personne ne vérifie une quelconque orthodoxie de l’enseignement donné, du moment qu’il se réfère à l’Islam.

    L’importance de cet Islam secret n’en est pas moins remarquable. Historiquement, il a joué un rôle de premier plan dans la naissance des déviations du chiisme que sont l’Ismaëlisme et la religion druze. En littérature, il a profondément inspiré certaines des oeuvres arabo-persanes les plus remarquables comme les Contes des Mille et Une Nuits ou le poème d’amour deLeyla et Majnoun.

    C’est cependant par sa spiritualité que le soufisme est le plus original. Dans la conception soufie, l’approche de Dieu s’effectue par degrés. Il faut d’abord respecter la loi du Coran, mais ce n’est qu’un préalable qui ne permet pas de comprendre la nature du monde. Les rites sont inefficaces si l’on ignore leur sens caché. Seule une initiation permet de pénétrer derrière l’apparence des choses. L’homme, par exemple, est un microcosme, c’est-à-dire un monde en réduction, où l’on trouve l’image de l’univers, le macrocosme. Il est donc naturel qu’en approfondissant la connaissance de l’homme, on arrive à une perception du monde qui est déjà une approche de Dieu.

    Selon les soufis, toute existence procède de Dieu et Dieu seul est réel. Le monde créé n’est que le reflet du divin, ” l’univers est l’Ombre de l’Absolu “. percevoir Dieu derrière l’écran des choses implique la pureté de l’âme. Seul un effort de renoncement au monde permet de s’élancer vers Dieu:
    ” l’homme est un miroir qui, une fois poli, réfléchit Dieu “.

    Le Dieu que découvrent les soufis est un Dieu d’amour et on accède à Lui par l’Amour : ” qui connaît Dieu, L’aime ; qui connaît le monde y renonce “. ” Si tu veux être libre, sois captif de l’Amour. “

    Ce sont des accents que ne désavoueraient pas les mystiques chrétiens. Il est curieux de noter à cet égard les convergences du soufisme avec d’autres courants philosophiques ou religieux: à son origine, le soufisme a été influencé par la pensée pythagoricienne et par la religion zoroastrienne de la Perse ; l’initiation soufie, qui permet une re-naissance spirituelle, n’est pas sans rappeler le baptême chrétien et l’on pourrait même trouver quelques réminiscences bouddhistes dans la formule soufie ” l’homme est non-existant devant Dieu “.

    Même diversité et même imagination dans les techniques spirituelles du soufisme : la recherche de Dieu par le symbolisme passe, chez certains soufis, par la musique ou la danse qui, disent-ils transcende la pensée ; c’est ce que pratiquait Djalal ed din Roumi, dit Mevlana, le fondateur des derviche tourneurs ; chez d’autres soufis, le symbolisme est un exercice intellectuel où l’on spécule, comme le font les Juifs de la Kabbale, sur la valeur chiffrée des lettres ; parfois aussi, c’est par la répétition indéfinie de l’invocation des noms de Dieu que le soufi recherche son union avec Lui.

    Le soufisme apporte ainsi à l’Islam une dimension poétique et mystique qu’on chercherait en vain chez les exégètes pointilleux du texte coranique. C’est pourquoi ces derniers, irrités par ce débordement de ferveur, cherchent à marginaliser le soufisme. C’est pourquoi aussi les soufis tiennent tant à leurs pratiques en les faisant remonter au prophète lui-même: Mahomet aurait reçu, en même temps que le Coran, des révélations ésotériques qu’il n’aurait communiquées qu’à certains de ses compagnons. Ainsi les maîtres soufis rattachent-ils tous leur enseignement à une longue chaîne de prédécesseurs qui les authentifie.

    Cette légitimité par la référence au prophète n'entraîne cependant pas d'uniformisation du mouvement soufi : les écoles foisonnent et chacune a son style et ses pratiques. Ces écoles sont généralement désignées en français sous le nom de confréries. Avant de procéder à l'étude de quelques unes d'entre elles, il faut toutefois garder à l'esprit que les confréries sont devenues, non pas une institution, mais au moins une manière de vivre l'Islam si généralement admise que toutes sortes de mouvements, mystiques ou non, se parent du titre de confrérie pour exercer leurs activités. Qu'on ne s'étonne donc pas de rencontrer parfois des confréries fort peu mystiques à la spiritualité rudimentaire, bien éloignée des spéculations élevées qui ont fait du soufisme l'une des composantes majeures de la spiritualité universelle.

    Soufisme, mysticisme et ésotérisme

    Le Soufisme recouvre des réalités très différentes dans l’Islam. En quelques mots nous voudrions proposer une réflexion pour distinguer ” mystique ” et ” ésotérisme “.

    La ” mystique ” au sens propre consiste à vivre le plus possible uni à Dieu. Par exemple Marie de l’incarnation, une religieuse française du XVIIeme qui avait été mariée, mère de famille et veuve , qui avait dirigé une entreprise de transport avant d’entrer chez les sœurs Ursulines, fut envoyée au Canada où elle construisit un collège pour jeunes filles françaises et indiennes. Elle était tout le temps en union à Dieu que ce soit chez le notaire pour signer les actes ou avec les entrepreneurs pour suivre la construction. Et même lorsqu’un hiver le bâtiment prit feu, et qu’on ne pouvait éteindre l’incendie parce qu’il faisait moins vingt degrés et que l’eau était gelée, Marie de l’Incarnation tomba à genoux dans la neige et loua Dieu. Cette façon de tout vivre en union avec Dieu dans la vie quotidienne, que l’on soit religieux ou laïc, c’est la vie mystique. On vit d’une certaine façon caché en Dieu, on est déjà entré dans le mystère sans fin de la vie éternelle, la vie avec Dieu. Le Roi des Belges Beaudouin s’efforçait de vivre de cette façon sa vie publique comme sa vie privée sans que rien ne parut nuire aux devoirs de sa charge ni à son amour d’époux.

    Ainsi comprise, la vie mystique est ouverte à tous, il s’agit de laisser Dieu, par amour, vivre en nous. Comme dit saint Paul, ce n’est plus moi qui vit, mais c’est le Christ qui vit en moi. La mystique n’est pas une disparition de la personne qui garde son caractère, son histoire, son génie même, et tout ce qui fait qu’elle est unique et lui permet d’être aimée.

    Toutes les religions proposent elles une mystique ? A l’évidence seulement celles qui ont rencontré Dieu comme personne et donateur de vie. Dans ce sens il n’est pas impossible à des Musulmans de vivre la mystique, Soufistes ou non. Il est certain que le Soufisme met l’accent sur cette union à Dieu. Mais est ce toujours dans des conditions dignes de Dieu et de l’homme ? C’est ici qu’il est nécessaire de voir la distinction radicale entre ” mystique ” et ” ésotérisme “. Car l’Esotérisme tourne véritablement le dos à la Mystique. Alors que la mystique est accueil de Dieu, de sa révélation et de son amour, l’ésotérisme prétend donner le pouvoir d’acquérir Dieu, voire de devenir Dieu en franchissant par ses propres efforts des degrés de ” connaissance ” réservés à des ” initiés ” qui se réservent ces pouvoirs.

    Il n’est sans doute pas difficile de comprendre que si Dieu existe véritablement il est encore plus ” personne ” que l’Homme. Il a donc aussi une liberté. Et s’il est libre de se donner comment pourrait on mettre la main sur lui par des ” connaissances ” et des ” initiations “. Dieu ne s’atteint que s’il se donne lui même, et si on l’accueille.

    L’Esotérisme c’est la volonté de puissance spirituelle par l’accession à des ” secrets ” ou des techniques . Loin de libérer l’homme ces secrets et ces techniques fabriquent un spiritualisme artificiel dans lequel le ” connaissant ” s’enferme. L’illusion de ” connaître ” empêche d’entendre Dieu qui se révèle en parlant à qui est assez humble pour désirer le connaître tel qu’il se dit. Ainsi certains s’enferment dans un théorie numérologique, d’autres dans les différents tiroirs d’une caractériologie déterministe, d’autres encore dans des rubriques d’horoscopes, d’autres dans des techniques de méditation .

    Le vrai Dieu c’est celui qui rend libre et qui propose son amitié à tout homme, non à quelques initiés : ” Il s’attache à moi et moi je le rend libre , il m’appelle et moi je lui réponds “(Psaume 91,versets 14 et 15). Ce Dieu là est entré dans l’histoire des hommes par la porte des humbles, en se faisant petit enfant , à Bethléem il y a deux mille ans.


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  • Les Mandéens, peuplade dont les restes subsistent encore aujourd'hui dans la Mésopotamie méridionale, aux environs de Bassora et de Wasit, ainsi que dans les parties limitrophes du Khouzistan persan, ont une religion de caractère essentiellement syncrétiste dont les éléments constitutifs proviennent du paganisme babylonien, du judaïsme, du christianisme primitif, du manichéisme et du parsisme sassanide.
    C'est la seule religion dérivée de l'ancienne gnose qui se soit maintenue, à travers les siècles, jusqu'à nos jours. Les Mandéens parlent un dialecte sémitique qui se rapproche de l'araméen du Talmud babylonien (cf. Th. Nceldeke, Mandoeische Grammatik,
    Dans cette langue ils se nomment Nâsôrdyê, terme qui, chez les Arabes, désigne les chrétiens et qui est probablement identique à celui de Nazôraïoï dans le N.T. (cf. Ac 24:5,Mt 2:23) M. Lidzbarski pense que ce terme désigne primitivement une secte d'«observantins». Ils s'intitulent encore Mandâyê, c-à-d, gnostiques, initiés, tandis que, pour les mahométans, ils portent le nom de Subbâ (Sabéens =baptistes) et jouissent ainsi de la tolérance que le Coran accorde à ceux qui portent ce nom (5:73 2:59 22:17). En effet, le baptême joue un grand rôle dans leurs rites, et Jean-Baptiste est en grand honneur chez eux. C'est pourquoi les premiers missionnaires chrétiens qui ont fait leur connaissance, le Carme déchaussé Ignace a Jesu, auteur d'une Narratio originis, rituum et errorum Christianorum Sancti Johannis (Rome 1652), et Angélus a Sancto Josepho, qui déposa, au temps de Colbert, les premiers manuscrits mandéens connus en Europe dans la Bibliothèque Royale, devenue depuis Bibliothèque Nationale de Paris, les ont nommés «chrétiens de saint Jean».

    Les Mandéens possèdent une littérature sacrée qui est du plus haut intérêt.

    Les écrits qui la composent sont:

    1. Le Ginzâ (Trésor) ou Sidrâ Rabbâ (le Grand Livre), nommé aussi Livre d'Adam, vaste compilation de fragments différents d'âge et de provenance qui contient toute la doctrine religieuse des Mandéens. Le Ginzâ est divisé en deux parties, celle de droite (Ginzâ Yâmînâ) concernant les vivants, et celle de gauche (Ginzâ Semâlâ) concernant les morts. Édité en 1867 par M. Petermann, i! a été traduit en allemand par M. Lidzbarski, en 1925.

    2. Le Sidrâ d'Yahyâ (Livre de Jean), nommé aussi Derâshé d'malké (Discours des rois), édité en 1905 par M. Lidzbarski, et traduit en allemand par le même savant en 1915.

    3. Le Qolastâ (=quintessence), recueil de liturgies, d'hymnes et de prières se rapportant principalement au baptême et à F «ascension de l'âme». Édité par M. Euting en 1867, il a été réédité et traduit en allemand par M. Lidzbarski (Mandoeische Liturgien, Berlin 1920) qui a ajouté, d'après des manuscrits d'Oxford et de Paris, d'autres textes liturgiques, notamment des cantiques pour le mariage.

    4. Le Dîwân, consacré aux rites destinés au rachat des délits religieux, édité par M. Euting (Strasbourg 1904).

    5. Le Asfar malwâshé (Livre des signes du zodiaque), ouvrage astrologique connu par un manuscrit de Berlin non encore édité. A mentionner encore une série d'inscriptions magiques mandéennes: cf. H. Pognon, Inscr, mandaïtes des coupes de Khouabir, Lidzbarski, Ephetneris I, Giessen 1900.

    Les manuscrits mandéens que nous possédons sont tous d'origine récente: aucun n'est antérieur au XVI e siècle. Mais les textes qu'ils contiennent sont certainement bien plus anciens. On lit par exemple à la fin de la première partie du Sidrâ Rabbâ que la domination des rois arabes est de 71 ans: nous sommes donc en présence d'un texte écrit au début du VIII° siècle. Mahomet, d'ailleurs, paraît faire allusion à la littérature mandéenne en désignant, dans le Coran, Jean-Baptiste avec Moïse (7:140 et suivant) et Jésus (19:31) comme initiateur d'une religion fondée sur un livre (19:13, passage où, dans le texte primitif, on lisait peut-être même le nom de Sabéens). Il est possible et même vraisemblable que certains textes contenus dans cette vaste littérature datent d'une époque encore ancienne. Malheureusement il ne s'agit là que d'hypothèses: l'origine et l'histoire primitive de la religion mandéenne nous sont inconnues.

    Cette religion est nettement dualiste: le monde de la Lumière est opposé au monde des Ténèbres. L'âme humaine, exilée dans le royaume des Ténèbres, aspire à retourner dans celui de la Lumière. Celle-ci, nommée aussi la Grande Vie, est une personnification de la divinité. Parmi les êtres célestes qui forment toute une hiérarchie, les Manas, les Ùthras, etc., le personnage principal est Manda d'Haiyé (en grec  gnôsis tes zôês), identifié aussi avec Hibil-Zîwâ et Enôsh-Uthrâ.
    C'est lui qui sauvera le monde. Car le monde a été induit en erreur par une série de faux prophètes allant d'Abraham et de Moïse jusqu'à Yishu-Meshihâ (Jésus-Christ). Celui-ci trompa le seul vrai prophète, Yôhânâ ou Yahyâ (forme arabe du nom), c-à-d. Jean-Baptiste, qui le baptisa. Mais Enôsh-Uthrâ descendit du ciel et, baptisé par Jean dans le Jourdain, fit crucifier le faux Messie. Avant son retour au royaume de la Lumière, il prêcha la vraie religion, la religion mandéenne.

    Les Mandéens professent donc une haine implacable contre les Juifs et les chrétiens, tout en se nommant Nazaréens comme ces derniers: Adonaï, que les Juifs adorent, est un faux dieu, Jésus est un imposteur, et le Saint-Esprit des chrétiens--Rûhâ--est une diablesse. Faut-il conclure de cela que les Mandéens, après avoir été primitivement liés aux «observantins» de la Palestine, s'en seraient, à un moment donné de leur histoire, séparés violemment?

    Les savants ne sont pas d'accord sur l'origine et la formation de la doctrine mandéenne. D'après les uns (cf. M. Goguel, Jean-Baptiste, Paris 1928, p. 122), ces spéculations auraient vu le jour en Babylonie, et leur base serait le paganisme babylonien. Manda d'Haiyé, par exemple, serait le dieu babylonien Mardouk. Les réminiscences juives et chrétiennes s'expliqueraient par des contacts ultérieurs des Mandéens avec ces deux communautés religieuses. D'après d'autres--l'école de Reitzenstein--le mandéisme serait né de la gnose juive plus ou moins hérétique. Ils insistent sur l'importance du baptême chez les Mandéens, qui consiste en une immersion totale dans de l'eau vive--le «Jourdain»--pour rattacher les Mandéens aux sectes baptistes des Juifs et des judéo-chrétiens, et M. Behm (Die mandoeische Religion und das Christentum, Leipzig 1927, p. 28) va jusqu'à considérer le mandéisme comme un mouvement religieux parallèle et rival du christianisme primitif. En effet, d'après M. Lidzbarski, les Mandéens, ainsi que le prouvent et leur langue et leur écriture, seraient venus de l'ouest, c'est-à-dire de la Palestine ou plus exactement des contrées transjordaniennes du Hauran, et M. Odeberg (Die mandoeische Religionsanschauung,  Upsala 1930) constate des rapports entre la mystique mandéenne et celle du 3 e Hénoch qui est d'origine palestinienne. En France, le P. Lagrange (La gnose mandéenne et la tradition évangélique, Rev. Bbl., 1927, pp. 321SS, 481SS; 1928, pp. 5ss) admet également la provenance palestinienne des Mandéens, qu'il considère comme une secte judéo-syncrétiste, mais sans les identifier avec les disciples de Jean-Baptiste. M. Lagrange cite en outre le décret d'extermination promulgué en 425 par Théodose II («Manichoeos omnesque hoereticôs vel schismaticos sive maihematicos omnemque sec-tam catholicis inimicam ab ipso adspectu urbium diversarum. exterminari debere proecipimus ») pour expliquer la migration des Mandéens de la Palestine en Babylonie.

    Ce qui paraît certain, c'est que là gnose mandéenne présente de curieux rapports avec des écrits tels que les Odes de Salomon, et surtout avec la littérature johannique du N.T. Sans insister sur la possibilité que l'évangile selon Jean ait été rédigé primitivement en araméen (cf. CF. Burney, The Arainaic Origin of the fourth Gospel , Oxford 1922) et sans entrer dans les détails, il suffit de rendre attentif à la tendance polémique qui anime l'auteur du quatrième évangile à l'égard de Jean-Baptiste et de ses disciples. Il est vrai que M. Goguel a raison de signaler que le Jean-Baptiste de l'évangile est entièrement différent du Jean-Baptiste mandéen: d'un côté un baptême unique reposant sur la repentance, donc de caractère moral, et de l'autre côté un baptême fréquemment répété, acte magique ayant pour but de faire participer le fidèle à la vie du monde supérieur, l'eau qui vient du ciel étant, d'après une ancienne croyance sémitique, un élément divin.


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  • "Le culte de Mithra me conquit un moment par les exigences de son ascétisme ardu, qui retendait durement l’arc de la volonté, par l’obsession de la mort, du fer et du sang, qui élevait au rang d’explication du monde l’âpreté banale de nos vies de soldats (…) Ces rites barbares, qui créent entre les affiliés des liens à la vie à la mort, frappaient les songes les plus intimes d’un jeune homme impatient du présent, incertain de l’avenir et par là même ouvert aux dieux. Je fus initié dans un donjon de bois et de roseaux…"

    Marguerite Yourcenar, Mémoires d’Hadrien

    Aucune Bible mithriaque, aucun Livre sacré exposant le dogme et les rites du vieux Dieu perse évoqué avec tant de justesse dans le roman de Marguerite Yourcenar ne nous est parvenu. Ce que nous savons de lui et de ses mystères ne peut alors provenir que de l’interprétation des sources littéraires ou archéologiques parvenues jusqu’à nous. Mais aujourd’hui comme hier, Mithra se dérobe dans un brouillard hostile à toutes les certitudes. Ses fidèles n’ont pas trahi leur obligation de secret. Et son culte trois fois millénaire (il survit encore aujourd’hui dans certains rites des derniers zoroastriens) est à nos yeux comme un livre d’images sacrées dont le texte serait perdu.

    Le long trajet du Dieu

    Ses origines sont indiennes : le Dieu « Mitra » est alors le pendant du terrible et obscur Varuna. Dieu de la parole donnée, de l’amitié fidèle, il est aussi Dieu de lumière - et ce ne sera pas le moindre des paradoxes de voir ce dieu solaire adoré dans des grottes obscures. Les chants sacrés (védas) le lient déjà au sacrifice rituel du taureau (symbole qui dans l’Inde ancienne est … féminin !), dont la sang par lui répandu sauve l’univers du dépérissement. Le sang et la peur, l’obscurité opposée à la lumière caractériseront toute l’histoire du Dieu : d’Inde, il passe en Perse, où le réformateur religieux Zarathoustra, dans sa volonté d’hénothéisme, en fait un simple archange (yazata) du positif Ahura Mazda, l’assistant dans son combat contre le Principe négatif, Ahriman. Mithra y gagne sa forte connotation guerrière, il est décrit dans les textes sacrés d’alors comme faisant moisson des têtes des ennemis. Sous les souverains achéménides, époque des rites savants des Mages, le culte du Dieu au bonnet phrygien se charge d’un ésotérisme et d’une symbolique astrologique qui ne le quittera plus.

    L’épopée d’Alexandre met pour la première fois l’occident au contact de Dieu tauroctone (sacrifiant le taureau). Suit une longue éclipse, si l’on ose dire de ce Dieu confondu avec le Soleil dans une même adoration par Darius III, adversaire malheureux d’Alexandre. Pendant deux ou trois siècles, seuls des noms en apportent la trace dans le monde hellénistique. C’est au cours d’opérations destinées à débarrasser la Méditerranée des pirates de Cilicie qui l’écument que le grand Pompée favorise sans le savoir son arrivée en Italie : 40 000 prisonniers, vendus comme esclaves agricoles , s’installent en Italie du Sud, selon Plutarque, la première de nos sources à l’évoquer. Ils amènent avec eux selon l’auteur romain des sacrifices étranges et des mystères inconnus .

    Mithra et l’Empire

    "Si le christianisme eût été arrêté dans sa croissance par quelque maladie mortelle, le monde eût été mithriaste."

    Ernest Renan

    Arrivé au temps de la République moribonde, Mithra connaîtra son plus fort développement aux deuxième et troisième siècles. Dans un Empire qui déjà craque aux entournures, le Dieu tauroctone multiplie les fidèles, jusque dans la cour impériale, jusqu’aux empereurs eux-mêmes : Néron peut-être, Commode et les Tétrarques sans aucun doute furent mithriastes. Pourquoi une telle faveur ? Dieu de la fidélité, du respect des hiérarchies, il a fasciné les militaires par ses valeurs et par la violence de ses rites. Dieu venu de Perse, colporté par les marchands et les étrangers, il a pour lui l’exotisme de l’Orient, cet éternel désir du Romain (Antoine et Cléopâtre !), jamais totalement assouvi. Dieu sauveur enfin, il sait répondre aux angoisses et aux questions du temps bien mieux qu’une religion romaine ritualiste et figée dans un formalisme mécanique aux froids cérémoniels. Dans l’Empire en quête de religieux plus que de religion, l’avantage est aux cultes les plus chargés de significations et d’étrangetés.

    Croyances et rites

    Et le culte du Tauroctone ne manque des unes ni des autres. Fermé aux femmes, il se pratique loin des regards, dans des grottes naturelles (telle celle de Bourg Saint-Andéol en France) ou artificielles, aux plafonds voûtés sur lequel est souvent figurée une voûte céleste. La pièce, rectangulaire, comporte sur les deux côtés de larges banquettes sur lesquelles s’étendaient les croyants, la tête tournée vers l’autel ou l’estrade où se situe invariablement une représentation de la tauroctonie. Les multiples stèles retrouvées permettent de reconstituer la geste du Dieu. Mithra naît de la terre, sortant d’un rocher sous le regard du Soleil (Sol) et de la Lune (Luna), aidé par des bergers.

    Chose importante : il ne crée donc pas le monde, qui lui est antérieur ; son rôle est seulement de le conserver : tu nous as sauvé en répandant ton sang créateur d’éternité , proclame un graffiti romain. Comment ?

    La tauroctonie nous le raconte.

    Appelé à l’aide par le messager du soleil, un corbeau, il poursuit le taureau, puis l’ayant immobilisé, et sans doute à contrecœur (le dieu détourne toujours la tête de l’animal qu’il frappe au cou), il l’égorge d’un coup de poignard, répandant son sang sur la terre, revivifiant ainsi le monde : des épis de blé germent sous la bête. Les destructeurs du monde de restent pas inactifs. Aux pieds de l’animal, un chien et un serpent tentent de s’abreuver à la blessure.

    Derrière, un scorpion pince les testicules de l’animal, symbole évident qui se passe de commentaires. Sur les côtés, deux petits personnages, les dadophores, portent l’un une torche dressée (soleil levant) l’autre une torche baissée (soleil couchant). Une fois sa tâchez accomplie, Mithra rejoint (ou prend la place) du Soleil, avec qui il partage un repas rituel sur la peau du taureau sacrifié, puis prend les rênes du char solaire.

    Telle est l’image de base, le catéchisme premier, visible par tous lors de l’entrée strictement surveillée dans le mithraeum. Mais n’oublions pas l’essentiel : cette scène, mal discernable au fond d’une grotte tenue dans la pénombre, où l’obscurité est à peine trouée de torches et de candélabres, dans la fumées des sacrifices montant des autels dédiés au Dieu DEO INVICTO MITHRAE et sur fond de mélopées dont les résonances barbares effraient les simples de telle sorte que moins ils comprennent plus ils admirent , selon Saint Jérôme, ne constitue que le premier stade. Les mystères de Mithra sont bien autres… et nous échappent complètement. La foi du Pater, chef de la communauté mithriaque de telle ou telle ville, n’était pas celle du simple participant, au premier grade. Au fur et à mesure que l’on progressait dans la secte se dévoilaient de nouvelle révélations. La hiérarchie de la communauté compte sept grades.

    On entre dans la secte comme Corbeau, simple officiant -mais quelle émotion devait étreindre le nouveau croyant, initié par ses aînés en Mithra ! Puis l’on gravit les échelons, se rapprochant ainsi progressivement du Dieu : on est successivement le Caché, le Soldat, le Lion, le Perse, le Courrier du Soleil et enfin, grade suprême de la connaissance, le Père. A chaque grade correspond un habit précis, d’or et de rouge pour le courrier du Soleil, habillé en femme pour le Caché… des masques de bêtes recouvrent parfois les visages. Les auteurs chrétiens, plus qu’hostiles à ce Dieu qu’ils accusent d’imiter les mystères de leur propre foi (cf. infra), critiquent fortement ses aspects généraux - qu’ils ne connaissent que par ouï-dire. Ainsi Firmicus Maternus, chrétien tardivement converti : Quant à ses rites, ils en font la révélation dans des antres cachés : toujours plongés dans la sombre désolation des ténèbres, ils fuient le grâce d’une lumière éclatante et sereine. Répugnantes fictions d’un rituel barbare !

    Chaque progression correspond une série d’épreuves, et ce sont elles qui ont permis aux chrétiens désormais de plus en plus dominants dans l’Empire de construire une légende noire du culte de Mithra. L’initiation, à quelque grade que ce soit, était présidée par le Pater de chaque communauté. De rigoureux serments devaient décourager toute trahison. Des peintures abîmées permettent d’entrevoir ces « terribles épreuves », simulacres ou réalités propres aux cultes à mystères comme aux sociétés secrètes -et le mithriacisme tient à bien des titres des deux tendances. Dénudés, les yeux bandés, sans doute soumis au feu (Tertullien dit qu’on marquait au front, par un fer brûlant, le nouveau desservant), soumis à des enterrements temporaires, les croyants étaient ensuite soumis à des simulacres de noyade et d’exécution au glaive. Toutes choses destinés à éprouver le courage de ceux qui « frôlaient le seuil de Proserpine ». Attachés par des boyaux de poulets, ils étaient aussi confrontés la précipitation dans les abîmes, à des simulacres ( ?) de bastonnades, à des squelettes ou des cadavres à qui on les attachait joue contre joue. La réalité des épreuves n’est certes pas niable.

    Quelle était par contre leur degré de fiction ? On a retrouvé en Gaule, en Angleterre différents ossements humains, des squelettes enchaînés, placés face contre terre dans des temples détruits. L’Histoire Auguste affirme que l’empereur Commode, sinistre bouffon persuadé d’être le nouvel Hercule, profita des ces rites horrifiques pour commettre un véritable crime : Il souilla par un sacrifice humain réel le culte de Mithra pour lequel d’ordinaire on se limite à raconter ou simuler quelque scène capable d’inspirer l’effroi . Mais cette partie est la partie négative du culte. A ces terreurs succédait une consolatio, par une sorte de baptême compréhensible dans ce culte aux forts échos naturistes. Baptême, le grand mot est lâché pour les chrétiens, qui accusent Mithra de parodier sous l’influence du Diable les mystères de la foi chrétienne. Et de citer ces ressemblances qui les gênent tant. Ils arrosent les croyants d’eau, comme au cours des rites chrétiens. La fête de Mithra se fait au solstice, le 25 décembre - jour de la naissance du Christ. Le Père porte un anneau et une crosse, comme l’évêque ; ils pratiquent l’oblation du pain, et comme les chrétiens, partagent un repas dans le temple sous le regard et dans l’intimité du Dieu. Comme le Dieu chrétien, il semble qu’il promette à ses fidèles l’espoir d’une vie future conditionnée par la vie terrestre. Suffisamment de ressemblances agaçantes pour les dignitaires chrétiens… Lorsque l’Empire devint chrétien, le mithriacisme comme les autres cultes païens, n’eut plus qu’à mourir lentement. La « fête païenne » était finie.

    Les grands yeux d’orientaux des mithriastes figurés sur les mosaïques du mithraeum de Sainte-Prisque, en Italie, semblent fixés sur des réalités hors du monde, sur ce qu’œil n’a jamais vu , sur des réalités austères et rudes, correspondant bien à la réalité des vies de soldats, socle fondamental du mithriacisme. Le mithriacisme ne mourut peut-être pas tout à fait, et le christianisme où se devine tant de pratiques païennes le perpétue peut-être inconsciemment, dans ce qu’il avait de meilleur. De cette religion fraternelle et accueillante émane la nostalgie d’un monde antique qui s’enfuit.


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