• La mort et ses rituels


    Cruelle et omniprésente, nous sommes soumis comme des esclaves torturés à sa fantaisie mortelle. Fascinés par son mystère depuis l'aube des temps, nous essayons de l'apprivoiser afin de la pénétrer dans l'espoir de la vaincre. On peut retrouver de tous temps une touchante vénération des hommes pour les tombeaux, le culte constant dont ils entourent la dépouille ou les cendres de leurs ancêtres est une preuve directe de la croyance générale à l'existence de l'âme. Quelques grains de poussière mériteraient-ils nos hommages? Si nous respectons les cendres de nos morts, c'est parce qu'une voix intérieure nous dit que tout n'est pas éteint en eux, et, c'est cet appel que consacre le culte funèbre dans toutes les nations de la terre, car toutes sont également persuadées que le sommeil n'est pas éternel, même au tombeau, et que la mort n'est qu'une transformation glorieuse. Il a toujours existé une croyance spiritualiste puissante qui estime les défunts plus puissants que les hommes plein de vie, et leurs attribuent dans l'existence de l'au-delà une vertu prestigieuse, grâce à une association, à un commerce mystérieux avec une Force divine.

    De nombreuses tribus mangeaient soit tout ou une partie de leurs défunts afin de s'approprier les qualités de leurs morts. Les Bactriens nourrissaient de grands chiens de leurs défunts. Ils se faisaient autant de gloire de les nourrir grassement que les autres peuples de se bâtir de superbes tombeaux. Un Bactrien faisait beaucoup d'estime du chien qui avait mangé son père. L 'espoir dans une vie future existe depuis l'origine des âges, il en est de même de la survie de l'âme après le décès, ainsi, dans les plus anciennes sépultures explorées de la période paléolithique, on a retrouvé des corps dont les jambes étaient ramenées sur elles-mêmes, et les bras croisés par derrière, servaient d'appui à la tête, comme dans le sommeil. Au moyen de ligatures encore reconnaissables, le corps se trouvait maintenu dans une position repliée afin d'être comprimé dans de grandes amphores de terre ou de pierre, recouvertes elles-mêmes d'un vase plus grand, le tout dans le but manifeste de conserver la dépouille du mort en vue d'une résurection ultérieure.

    Les premiers hommes détachaient la chair des squelettes et transportaient ensuite les ossements dans des grottes sépulcrales ou dans leur demeure. On disposait ensuite les os côte à côte. Les Indiens de la Caroline du Nord plaçaient le cadavre des chefs sur un large morceau d'écorce bien exposé au soleil et l'enduisaient avec une poudre rouge vermillon tirée d'une petite racine et mélangée à de la graisse d'ours. Le corps ainsi préparé était recouvert avec l'écorce d'un pin ou d'un cyprès pour le protéger de la pluie et abandonné sur place jusqu'à ce que les chairs s'ammollissent suffisamment pour permettre de dégager les os. La chair était minutieusement enlevée et brûlée. Les os étaient enduits d'une substance oléagineuse et conservés dans une boîte en bois qui prenait place dans l'habitation familiale. Le crâne, qui était l'objet de soins particuliers, était enveloppé dans un tissu en poils d'opossum. En Inde, c'est la crémation qui est à l'honneur, le bûcher est la purification nécessaire, tandis que les corps de ceux réputés saints sont jetés dans la rivière “l'eau suffisant à laver les souillures légères”. La trépanation des crânes fût également une coutume assez courante et souvent observée, la tête est le réceptable sensé contenir l'âme, on découpait le plus souvent une rondelle osseuse de la taille d'une pièce, dans certains cas, on pratiquait une incision, c'est par cet orifice que l'âme pouvait s'échapper de son enveloppe mortelle inutile.

    Conserver à l'âme son fragile support matériel, embellir les restes corporels en sauvegardant ou en transformant les apparences de la vie, telles sont les préoccupations de l'embaumement et de la momification, un art qui a fait naître les premières connaissances anatomiques et physiologiques. On retrouve de nombreuses momies de par le monde, principalement en Egypte, au Pérou, en Océanie et en Orient. L'europe par contre, n'a jamais excellé dans l'art de l'embaumement. Malgré la nature exceptionnelle de cet art en France, on retrouve dans “La Chanson de Roland” la façon dont on conservait les corps vers les Xème et Xième siècles.

    L'empereur fait garder le corps de Roland
    Celui d'Olivier et de l'archevêque Turpin ;
    Il les fait tous ouvrir devant lui.
    On recueille leurs coeurs dans une pièce de soie,
    Et on les enferme dans des cercueils de marbre blanc,
    Puis on prend les corps des trois barons,
    On les met dans des cuirs de cerf
    Après les avoir frottés de piment et de vin.

    De trés bonne heure, l'homme a eu l'idée de perpétuer le souvenir de ses ancêtres en leur élevant des monuments dont la masse imposante pût braver l'effort du temps, les dolmens, menhirs ou cromlech en europe, les pyramides en Egypte et en Amérique du Sud.

    Une pratique courante consistait également à sacrifier des animaux en l'honneur des morts, des humains pouvaient également accompagner les défunts dans leur long voyage, ainsi en Egypte, on a découvert des tombeaux qui contenaient de nombreux squelettes, restes de serviteurs ensevelis en même temps que leur maîtres. Dans certaines tribus indiennes, les veuves se précipitaient dans le bûcher de leur époux. En Afrique et en Asie, certains peuples aux funérailles d'un homme riche, on égorgeait et on enterrait avec lui cinq ou six de ses esclaves.

    Les Dieux des morts inventés par les anciens afin de préserver leur sépulture sont assez nombreux, Hadès, Nergal, Anubis pour ne parler que d'eux reviennent fréquemment dans de nombreux écrits. Les morts et la Mort, ont été de tous temps les personnages principaux de nombreuses légendes et histoires qui ont marqué nos esprit à tout jamais. En voici une très belle intitulée “Les Arbres qui sont des Damnés”, écrite par Claude Seignolle dans “Les Evangiles du Diable” : “Dans la forêt de Darney (Vosges), un vieux bûcheron du Void d'Escles m'a autrefois mis en garde de ne jamais mutiler certains arbres à l'écorce boursoufflée et aux branches tordues. Ce sont des morts punis par le diable à cette sorte d'enfer. On les reconnaît mieux encore aux noeuds qui sont leurs yeux suppliants ou méchants.”

    Les rites funéraires évoluèrent au long de toutes ses époques de même que la façon d'ensevelir les morts. Nos cimetières sont les meilleurs représentants de plusieurs siècles d'histoire, dernière demeure de tant de personnages prestigieux dont ils rappellent le souvenir, lieux de recueillement des personnes qui veulent rendre hommage à leur défunts. Ils sont de par leur architecture, leur style, leur situation un livre ouvert sur notre passé. L'image de la mort est elle aussi très variable selon les époques, on peut la découvrir sous la forme d'un squelette, d'une dame habillée de noir tenant une faux, d'un cadavre, d'une trés jolie femme à l'allure angélique.

    L'enveloppe humaine des morts objets de frayeurs ou de désirs, est aussi sujette à de très nombreuses apparences suivant les époques, morts-vivants, goules, revenants de tout accabit, vampires, fantômes. Tous réveillent nos craintes ou nous font rêver, car tous représentent la vie éternelle. Une des question la plus préoccupante se pose quant à l'esprit des morts, que devient-il....où va t-il....rencontre t-il d'autres esprits, quels sont-ils, des démons, des anges? Pourrait-on éventuellement soumettre cet esprit à notre curiosité, pourrait-il nous aider à des fins plus ou moins obscures, cet esprit pourrait-il nous aider à pénétrer les secrets et le royaume des ombres.

    Pour répondre à ces questions, une véritable science de l'art de faire parler les morts et de se faire aider de leurs conseils est née, diverses méthodes constituent ce véritable enseignement. La pratique la plus répandue depuis des siècles est certainement la nécromancie, cet art d'évoquer les morts a toujours été très critiquée et pouvait même se solder pour toute personne soupçonnée de pratiquer cet art par de lourdes peines. La raison principale de cette sévérité provenait du fait que l'on devinait le futur par l'inspection des cadavres, on déchirait des parties du mort, on lui arrachait des ongles, des cheveux, des lambeaux de ses vêtements, bref, un peu de ce qui lui avait appartenu, la méthode préconisée pouvait être plus cruelle, suivant les régions, ainsi chez les Syriens, ils tuaient de jeunes enfants en leur tordant le cou, leur coupaient la tête, ils salaient celle-ci pour mieux l'embaumer, ils gravaient ensuite sur une lame ou une plaque d'or le nom de l'esprit malin pour lequel ils avaient fait ce sacrifice, et plaçaient la tête dessus, ensuite, ils l'entouraient de cierges, et adoraient cette idole, ils affirmaient alors en tirer beaucoup de réponses. Au moyen-âge, un procédé de nécromancie très répandu était l'épreuve du cercueil ou l'épreuve du jugement de Dieu, lorsqu'un assassin restait inconnu, on dépouillait entièrement le corps de la victime, on mettait ce corps sur un cercueil et tous ceux qui étaient soupçonnés d'avoir eu part au meurtre étaient obligés de le toucher. Si l'on remarquait un mouvement et un changement dans les yeux, dans la bouche, ou dans toute autre partie du corps, celui qui touchait le cadavre à ce moment était le coupable. Depuis plus d'un siècle, la façon la plus répandue de communiquer avec nos défunts est le spiritisme, rendu populaire par Alan Kardec, cette technique consiste à se mettre en contact avec les esprits par l'intermédiaire d'un médium, mais il existe d'autres moyens de faire réagir nos disparus, table tournante, tablette de oui-ja, etc...

    La mort et l'amour, cruelle et romantique à la fois, muse de beaucoup de poètes, source d'inspiration autant que de fantasmes peut conduire à l'amour de la mort. Nécrophilie et fétichisme macabre ont toujours été présents, ainsi Hérode, couche sept ans durant avec sa femme Mariamme après l'avoir tuée lui-même. Le tyran Périandre vit un an avec Mélissa morte. Charlemagne dans ses vieux jours, n'arrive pas à se débarrasser du cadavre de sa maîtresse allemande. Plus près de nous, le cas du sergent Bertrand et d'Ardisson sont toujours présents dans nos esprits. Le goût de l'appareil funéraire a toujours été omniprésent également, il était fréquent que dans les maisons closes du XIXè siècle, on aménageait des chambres mortuaires pour les amateurs de ce type de relations. Léo Taxil raconte, que dans un décor sombre représentant une chambre mortuaire : “Un fou luxurieux qui a payé dix louis pour cette séance est introduit. Il y a un prie-dieu où il s'agenouille. Un harmonium, placé dans un cabinet, joue le Dies Irae ou le De Profondis. Alors, aux accords de cette musique de funérailles, cette personne se rue sur la fille qui simule la défunte et qui a ordre de ne pas faire un mouvement quoi qu'il advienne”. Nous ne croyons plus au supplice des damnés, mais notre esprit se nourrit toujours de l'effroyable mystère du Chéol des Hébreux, de l'Hadès des païens ou de l'Enfer des Chrétiens, la mort reste et restera le plus grand et le plus redoutable mystère.


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