• La distinction du sacré et du profane définit-elle la religion ?

    L’étymologie du terme religion est plus que douteuse : si le mot latin « religio » signifie scrupule, culte religieux, croyance religieuse, on ignore si « religio » vient de « relegere », rassembler, recueillir de nouveau, ou bien de « religare », relier, attacher. Cette dernière filiation étymologique nous renverrait à l’idée de la religion comme ensemble de rites ou de pratiques institutionnalisées reliant les hommes au sacré , tandis qu’une autre définition, s’appuyant davantage sur la subjectivité religieuse, pourrait ainsi s’énoncer : la religion désigne un ensemble de croyances permettant aux individus de découvrir, à travers la foi , la dimension surnaturelle de leur existence. La religion, loin d’être seulement sociale, apparaît également subjective et personnelle.
    Conçue comme institution objective, mais aussi comme ensemble individuel de croyances, la religion est en relation avec le sacré, qu’elle administre. Le profane représente ce qui se trouve à l’extérieur du lieu consacré (profane vient du latin « pro-fanum », en avant de l’enceinte consacrée). C’est la puissance terrible du sacré qui éclaire le phénomène religieux, et ce par contraste avec l’espace profane, ordinaire et banal.

    Tous ces opérateurs de pensée sont trop « pacifiés » pour être adéquats à ce qui jaillit lorsque le sacré se manifeste dans une expérience singulière. Bien plus, l'expérience religieuse n'échappe au « bon sens ». Otto montre que c'est une expérience terrible, dévastatrice, pour celui sur qui elle déferle. L'expérience référée par l'expression paulinienne « Dieu vivant » est celle d'une puissance terrifiante et écrasante pour l'humain, échappant à toute médiation mentale : « C'est une chose terrible que de tomber aux mains du Dieu vivant » (saint Paul, Hébreux, X, 31). Ce qui est rencontré (en rêve, par une vision, au cours d'une possession, etc.) est de l'ordre du « tout autre » Un être singulier est soudain mis en présence d'une réalité irréductible à tout ce qui relève de l'ordre du cosmos ou de l'humain. Ce qui est alors vécu et éprouvé échappe à toute pensée comme à toute volonté. De cette étrangeté radicale, ontologique, qui jaillit dans le champ de l'expérience humaine, naît en l'être qui la subit une attitude paradoxale, à la limite du supportable et qui peut faire basculer dans la démence un psychisme insuffisamment préparé. D'une part naît un sentiment d'effroi, de crainte, de terreur sacrée - sentiment écrasant que R. Otto désigne comme mysterium tremendum.


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