• L'hypnose n'est pas de la magie

    Trois regions (en rouge) sont systématiquement activées sous hypnose : la jonction temporo-pariétale (à gauche), le cortex prémoteur (au centre) et le cortex frontal inférieur (à droite).

    L’hypnose est un état particulier de conscience qui diminue la perception de ce qui se passe autour de soi. Pourtant, le sujet reste sensible à certaines suggestions. L’équipe de Patrik Vuilleumier et Yann Cojan, à l’Université de Genève, vient de confirmer qu’elle repose sur des mécanismes cérébraux particuliers.
    Les chercheurs ont utilisé l’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle pour déterminer si le blocage d’un mouvement de la main par suggestion hypnotique (« Votre main est lourde, très lourde ») repose sur des mécanismes cérébraux similaires à un blocage volontaire.

    Douze sujets, dont on avait au préalable établi qu’ils sont particulièrement sensibles à l’hypnose, étaient dans un état normal de veille, ou placés sous hypnose. Ils devaient alors effectuer une tâche dite de Go-No Go, consistant à appuyer ou non sur un bouton. On commençait par projeter sur un écran une main grise (gauche ou droite) qui indiquait de se préparer à appuyer sur le bouton et avec quelle main. Puis ils devaient appuyer le plus rapidement possible s’ils percevaient une main verte (Go) ou, au contraire, ne pas bouger si la main projetée était rouge (No Go). Durant l’hypnose, il leur était suggéré que leur main gauche était paralysée. Par ailleurs, six autres volontaires étaient chargés d’agir comme s’ils étaient incapables de bouger la main gauche.

    L’imagerie fonctionnelle mesurait, d’une part, l’activation des régions cérébrales aux différents stades de la tâche – préparation, exécution (Go), ou inhibition (No Go) –, d’autre part, les changements des liens entre régions (pour suivre les régions qui s’activent en même temps ou dont l’activité change). Les résultats révèlent que l’hypnose provoque une reconfiguration de la communication entre plusieurs régions du cerveau.

    Ainsi, au moment de l’exécution du mouvement sous hypnose, l’activité augmente (plus que chez les sujets non hypnotisés) dans le cortex frontal inférieur droit, associé au contrôle volontaire des tâches, et dans l’aire de Broca, qui assure la production et le traitement du langage. Simultanément, le cortex moteur, activé dans la phase de préparation, apparaît déconnecté des aires prémotrices, impliquées dans la planification des mouvements (normalement, il n’est pas déconnecté). En revanche, le cortex moteur communique davantage avec une aire pariétale, le precuneus, associé à la création d’images mentales, à la mémoire autobiographique et aux représentations de soi (ce que l’on ne constate pas normalement).

    Selon Y. Cojan, une telle activité cérébrale suggère non pas une inhibition directe du cortex moteur par les ordres adressés par l’hypnotiseur, mais un changement d’activité du cortex frontal et du cortex pariétal. L’exécution des mouvements serait déconnectée de l’intention et de l’attention. Des représentations mentales et une attitude centrée sur soi (introspection) déclenchées par les suggestions de l’hypnotiseur prendraient le contrôle du comportement. Le pouvoir de la suggestion hypnotique, mais aussi celui de l’imagerie intérieure, sont ainsi confirmés.

    Comment l’hypnose soulage-t-elle ou guérit-elle ? Des études ont montré que par un simple travail mental, comme le propose l’hypnose, on peut moduler le fonctionnement de son système nerveux. Ainsi, les sportifs répètent-ils mentalement, avant une épreuve, les gestes qu’ils accompliront. Par cette méthode, ils gagnent en précision, voire en force : Guang Yue du département d’ingénierie biomédicale de l’Institut de recherche Lerner, à Cleveland, aux États-Unis, a ainsi démontré que s’imaginer régulièrement soulever des poids avec le petit doigt procurait au bout de trois mois un gain de 35 % dans la force de traction !

    Les techniques modernes de neuroimagerie ont fourni l’explication à ce pouvoir de la pensée sur le corps : répéter mentalement et pratiquer une activité activent les mêmes zones du cerveau, autrement dit "s’imaginer, c’est faire". Des résultats similaires ont été obtenus pour la gestion de la douleur par hypnose : Pierre Rainville, de la faculté de médecine dentaire de Montréal, a montré que sous état hypnotique, si on suggère au patient que sa souffrance diminue alors l’activité de la zone du cerveau impliquée dans la sensation de la douleur (appelée cortex cingulaire antérieur) diminue. Là aussi, s’imaginer souffrir moins, c’est déjà souffrir moins.

    Paradoxalement, aussi convaincantes soient-elles, ces découvertes semblent donner raison aux sceptiques de l’hypnose. Ceux-là remettent en cause la pierre angulaire même de la guérison hypnotique : le pouvoir de la suggestion. Pour eux, la suggestion n’existe tout simplement pas : le sujet hypnotisé réagit en réalité parfaitement consciemment aux suggestions de l’hypnotiseur (du genre "Vous allez moins sentir la douleur" ou "Vous dormirez mieux ce soir"), mais son envie fervente de croire en l’hypnose l’empêche de reconnaître qu’il s’agit d’un acte délibéré. Une façon de réduire l’hypnose médicale à un super effet placebo (par ailleurs réellement efficace): le patient guérit tout bonnement parce qu’il est convaincu de guérir. Après tout, la science a bien montré la puissance de l’imagination sur le corps, non ?

    En 2005, par une expérience spectaculaire, Amir Raz, professeur assistant de neuroscience clinique à l’université de Columbia, a réfuté cette théorie. Amir Raz est un personnage singulier, ancien magicien devenu chercheur pour étudier les phénomènes hypnotiques. Il a reproduit sous hypnose une expérience classique en psychologie expérimentale : on demande aux sujets de quelle couleur sont écrits des mots, l’astuce étant que les mots eux-mêmes désignent des couleurs. Par exemple, la réponse pour VERT est rouge. Le résultat habituel de ce type d’expérience est que les personnes répondent correctement, mais seulement après une fraction de seconde de réflexion. C’est l’"effet Stroop" : le réflexe de lire est si ancré que nous devons nous violenter pour ne pas répondre "vert" mais "rouge".

    Dans le protocole d’Amir Raz, les sujets étaient au préalable hypnotisés et il leur était suggéré que les mots qu’ils allaient lire n’étaient que des symboles sans signification. Conclusion : les sujets ont répondu instantanément ! La suggestion avait annulé l’effet Stroop ! Soit un comportement normalement impossible à outrepasser. L’expérience de Amir Raz a montré que la suggestion hypnotique ouvre véritablement une porte vers l’inconscient. Ce serait cette porte qu’emprunte l’hypnothérapeute pour soigner. Même si cela reste à démontrer.

    La suggestion ne serait pas la seule clé du succès de l’hypnose médicale. Cette réussite thérapeutique tiendrait également dans sa façon "plus humaine", que dans la médecine scientifique, de prendre en charge les patients. "L’amour, le plaisir, les émotions… ne sont pas considérés par la médecine scientifique, note Jean-Marc Benhaïem, alors qu’il est prouvé qu’ils modulent la souffrance et, de façon plus générale, notre expérience de la maladie." Par conséquent, il arrive qu’une séance d’hypnothérapie prenne des airs de psychothérapie, avec recherche de tout ce qui pourrait influencer de près ou de loin le mal du patient. Nous aider à démêler, grâce à la force de la suggestion, l’écheveau de nos émotions et de nos troubles physiques : voilà peut-être une des explications à la réussite de l’hypnose médicale.


  • Commentaires

    1
    chtis du nord
    Lundi 26 Avril 2010 à 14:14
    Bonjour mon amie.
    me voici chez vous pour que je puisse vous saluez et au pouvoir
    d'admirer votre blog qui se trouve nul doute extra par la beauté
    de vos billets ,et je vous encourage a une très bonne continuation.
    bonne journée et au plaisir de vous lire.
    le Chtis du Nord

    1 slogan du ch'ti. un comms chez moi ,demain ces chez toi
    2 un sondage perso a votre disposition et votre cadeau de participation
    2
    le chtis
    Samedi 22 Janvier 2011 à 15:45
    très bonne lecture vu par cette science
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    3
    biribibi Profil de biribibi
    Samedi 22 Janvier 2011 à 16:38
    Merci.
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