• Définir la religion


    Une religion est un ensemble de rites, croyances généralement théistes, composée de règles (éthiques ou pratiques), de récits, de symboles ou de dogmes adoptés comme conviction par une société, un groupe ou une personne. Par métonymie, la religion peut désigner l'ensemble des croyants, l'éventuelle institution en découlant ou « la religion » en tant que vue d'ensemble des différentes religions. Une religion peut être polythéiste ou monothéiste.

    La religion occupe une place importante dans la culture des sociétés humaines. Les relations réciproques entre religions et composantes de la société sont souvent complexes, voire inextricables.

    Par extension, certaines pratiques générant des cultes, des adorations ou des dogmes, prennent une valeur de religion et entraînent l'usage d'un vocabulaire religieux, par exemple « le temple du football », le culte de l'Être suprême.

    Définitions

    La religion a pu être définie dans des formes très diverses voire se voir refuser une définition pour ne pas enfermer la religion dans une vue monolithique. La plupart des définitions actuelles tentent de trouver un point d'équilibre entre définitions strictes et généralisation excessive.

    L'un des principaux obstacles à la définition est de savoir s'il faut y inclure la notion de divinité. Le second, si des pratiques que des peuples ne considèrent pas comme religieuses doivent être prises en compte et incorporées. Enfin, troisième obstacle, la prise en charge ou non de la nature du sacré à laquelle se sont rattachées de nombreuses approches théologiques.

    Dans la diversité des recherches en sciences humaines, la religion recouvre plusieurs acceptions. Ainsi, comme le remarque Jonathan Z. Smith, le mot religion « est un terme créé par les chercheurs pour leur propre besoin. » En anthropologie culturelle, une religion est une approche organisée de la spiritualité humaine qui a recours usuellement à une série d'explications mythologiques, de symboles, de croyances et de rituels, dans une dimension souvent surnaturelle ou transcendante, qui procure ainsi un sens aux expériences et à l'existence du pratiquant, lui prodiguant une assurance de « Vérité ». On retrouve cet élément de définition culturelle chez les philosophes de la religion, ainsi chez Paul Tillich. La sociologie a pu donner donner des définitions fonctionnalistes. La psychologie s'est appuyée sur l'expérience émotionnelle du croyant sur son rapport intime avec le sacré.

    Le concept de religion et ses limites

    Les concepts qui nous servent à décrire les phénomènes religieux contemporains ne sont pas forcément adaptés à l'analyse de ce qu'ils étaient pour les peuples anciens. Dans les langues anciennes (hébreu, grec et latin) le mot « religion » désignait les cultes ou les pratiques cultuelles propres à chaque civilisation. Son sens actuel est différent par sa prétention à l'universalisme. Ainsi, la notion de religion a pu apparaître comme une « invention » occidentale des temps modernes. Au-delà, pour des auteurs tels que Timothy Fitzgerald, la « religion », est une catégorie intellectuelle inopérante, née d'un désir d'affirmer le caractère transcendant d'une culture mondiale idéale ; en définitive, « il n'y a pas de fondement théorique non-théologique cohérent pour l'étude de la religion comme une discipline universitaire » à l'exception de définitions qui en dernier ressort renvoie à un théisme chrétien.

    Si le terme apparaît au XIe siècle, la théorisation du phénomène, son étude et sa définition moderne apparaissent à la Renaissance, avec les grandes découvertes qui amènent les Européens à s'interroger sur la spécificité du christianisme et sur ses ressemblances par rapport aux religions non monothéistes.

    Étymologie

    Une hypothèse lie le terme à la racine *leig et par là au terme latin religio, dont le nuage sémantique est très riche. Cependant, l'étymologie demeure incertaine et controversée depuis l'Antiquité. Querelle philologique, le questionnement engage aussi le sens même du terme religio. Est-elle ce qui relègue et éloigne ou ce qui relie et permet la communion ?

    Au sens propre, le terme religio signifie « scrupule », « conscience », « engagement », « obligation », puis par sens dérivé, « crainte des dieux », « sentiments religieux », « croyances », « superstitions », « pratiques religieuses » ; enfin « caractère sacré », « objet » ou « chose sainte » (ou « de culte »), « signe sacré », « sainteté ». On trouve cette double étymologie chez Cicéron qui évoque le respect et la crainte face aux forces surnaturelles et le souci d’être scrupuleux dans l'observation des rites. Ainsi le sens latin du terme religio désigne plus une religion objective qu'une foi. Il semble lié à l'aspect ritualiste voire anxieux de la pratique religieuse romaine publique.

    L'étymologie du terme « religion » reste un débat polémique de linguistes et de spécialistes des religions. L'étymon ligare est proposé par les auteurs chrétiens antiques tels Augustin d'Hippone, Lactance (Divinae institutiones), Tertullien ou Isidore de Séville. Ainsi, religio viendrait de religare, « rejoindre » ou « relier », compris généralement comme indiquant la relation de l'humain au divin, mais aussi des humains les uns aux autres, lien à la fois sur le plan de la cohésion sociale et sur celui de l'attachement affectif. Il s’agit d’une signification tardive probablement fondée sur la confusion entre « religo » (de , avoir égard à quelque
    chose) et « religo » (de « ligo », « lier »). Les auteurs romains d'obédience chrétienne comme Tertullien, Saint Augustin, Lucrèce, Isidore de Séville ou Lactance citent l'opinion de Cicéron qui, dans De la nature des dieux, fait remonter le mot au latin religio, dont la racine est un verbe : ligare, donnant religare, soit en français respectivement « lier » et « relier ». Pour Cicéron, le sens du mot contient l'idée de scrupule et d'attention à porter aux actes et aux rites. Le mot est ainsi une création latine tardive et d'origine chrétienne. Avant le christianisme, les langues anciennes, et même le grec antique, ne possédaient pas de mots signifiant le sens actuel de religion. J Rudhart dans Notions fondamentales de la pensée religieuse et actes constitutifs du culte dans la Grèce antique a montré que « notre mot religion n'a pas d'équivalent grec », et que ce constat vaut pour le sanscrit et pour l'hébreu enfin. La « religion » est donc une attache ou une dépendance, un assujettissement du croyant à son culte et à sa divinité. Toutefois, Cicéron note l'autre sens du mot « religio » qui proviendrait du verbe « legere », soit « cueillir, ramasser », dans cette hypothèse « religere » signifierait « recueillir » et « recollecter ». D'après le linguiste Émile Benveniste, le mot renverrait au verbe « religere » qui, dans cette acception, signifierait « revenir sur ce qu'on fait» ou « ressaisir par la pensée ou la réflexion ».

    Les deux étymons ne sont pourtant pas antagonistes. Pour Michel Serres : « Le religieux [est] ce qui nous rassemble ou relie en exigeant de nous une attention collective sans relâche telle que la première négligence de notre part nous menace de disparition. (...) Cette définition mélange les deux origines probables du mot religion, la racine positive de l'acte de relier avec la négative, par l'inverse de négliger. ». Une troisième voie est indiquée par Augustin d'Hippone (De Vera religione), qui suggère l'étymologie archaïque suivante : relegere, « relire », « reprendre », par opposition à neglegentia, « négligence ». Pierre Legendre, s'appuyant sur les travaux de Émile Benveniste et J. Scheid[19], argumente à son tour dans le sens d'une telle interprétation : « Le sens originaire du latin religio se situerait du côté du verbe legere (recueillir, qui a donné lire), non pas ligare (lier).» En d'autres termes, une telle sédimentation du terme indiquerait que religio constitue une figure herméneutique magistrale de la société, un mode d'intelligibilité de la société sur le monde et sur elle-même.

    Le philosophe Jacques Derrida dans Foi et savoir étudie le rapport et la sémantique des deux étymologies. La première filiation, du verbe « relegere », de « legere » signifiant « cueillir et rassembler » renvoie pour lui à l'expérience de la sacralité et de la sainteté, essence même de la religion. Par extension, ce sens renverrait aux traditions écrites et aux enseignements aux sources des cultes, comme les mythes, les textes fondateurs à vocation didactique ou édifiante :

    en hébreu, le mot « Torah » signifie « enseignement » ;

    en arabe, « Coran » signifie « récitation » ;

    au savoir, c'est le sens en sanskrit du mot « Véda » ;

    aux écritures saintes, « Biblia » en grec signifie « livres compilés » ;

    et enfin à la loi, « Dharma » dans l'hindouisme.

    L'autre filiation, du verbe religare, de ligare signifiant lier et relier est elle inventée par les chrétiens et véhicule l'idée d'une religion comme lien social, croyance partagée et universelle dette entre hommes ou entre l'homme et Dieu, pacte entre la divinité et la communauté.

    En Chine et au Japon

    On comprend ainsi qu'il s'agit à la fois des croyances et des cultures d'un groupe humain et des pratiques qui en découlent.

    L'étymologie semble indiquer que la religion relie l'homme à la divinité, et à ses racines originelles, et à la société où il évolue. Ces dimensions (ainsi que le rapport à la mort, implicitement présent dans les cultes des Lares) se retrouvent effectivement à l'origine des religions. Historiquement, dans les sociétés primitives, il n'y a pas de séparation entre le sacré et la société elle-même : la société n'a pas « une religion », c'est la nature même de la société qui est religieuse, la religion est coextensive à la société, et toutes les activités de l'homme qui prennent un aspect transcendant.

    Foi, sens et croyances

    L'expérience religieuse s'articule autour de mythes, de rites, de pratiques et repose sur un assentiment que la théologie chrétienne désigne sous le terme de foi. Cette notion, que l'on peut transposer aux autre formes religieuses, est centrale dans de nombreux cultes. Certaines sociologues, dans la lignée d'Henri Hubert ont pu voir dans la notion de sacrée, un pivot à l'organisation de la religion et en définitive l'élément central de toute explication religieuse du monde : « C'est l'idée mère de la religion. Les mythes et les dogmes en analysent à leur manière le contenu, les rites en utilisent les propriétés, la moralité religieuse en dérive, les sacerdoces l'incorporent, les sanctuaires, lieux sacrés, monuments religieux la fixent au sol et l'enracinent. La religion est l'administration du sacré. » Les religions prennent en charge les questions essentielles, permanentes et récurrentes propres à la condition humaine, au sens de la vie, proposant en particulier des récits mythologiques, cosmogoniques et des espérances face à l' angoisse de la mort et à l'ignorance naturelle relative à l'existence et à l'univers. Elle peut apparaître dans sa recherche de sens comme un élément de cohésion sociale qui se manifeste par une géographie du sacré ou être considéré d'un point de vue personnel et intime comme une expérience spirituelle.

    Conscience de la mort et sentiment religieux

    Pour les anthropologues, la conscience de la mort est constitutive de l'humanité : le rite funéraire est l'indice qui signale l'émergence d'une certaine forme de culture, mais aussi - de manière hypothétique - du sentiment religieux, qui permet de distinguer l'humain des autres anthropoïdes.

    La relation des sociétés humaines à la mort engagent tant des systèmes de valeurs et de croyances, qu'un ensemble de rites, de symboles, de pratiques et de traditions qui inscrivent la confrontation des groupes humains à la mort dans une perspective éminemment religieuse. Si la religion apparaît comme la principale réponse des vivants à la morts, la forme que prend cette réponse peut se manifester avec plus ou moins d'intensité selon les cultures. L'inhumation volontaire peut indiquer l'importance accordée à certains membres de la communauté mais manifeste de même l'apparition de sentiment religieux. Les premières sépultures proprement dites font leur apparition au cours du Moustérien (Paléolithique moyen), il y a environ 100 000 ans . Elles sont liées à l'Homme de Néandertal en Europe et aux premiers homo sapiens au Proche Orient comme l'indiquent les découvertes récentes de la grotte de Es Skhul. Les rites funéraires sont des rites de séparation qui permettent de se détacher du mort par la mise en place d'une image, d'un souvenir (masque mortuaire, effigie, etc.) qui détache le mort de sa dépouille pour lui permettre de trouver une place dans l'imaginaire des vivants. Néanmoins, les rituels ne retiennent pas le mort. En gardant une trace, un souvenir, ils visent aussi à l'exclure de la communauté des vivants. Beaucoup de rites funéraires servent à accompagner l'âme du défunt hors du monde des vivants. Tout est fait pour que le mort ne puisse pas revenir tourmenter les membres de la communauté. Au Sénégal, les Diola lui crèvent les yeux et lui cassent une jambe pour être sûr qu'il ne revienne pas. Toujours au Sénégal, les Senufo insultent le cadavre, le miment en le caricaturant. Tous ces rites cherchent à exclure le mort, à le « congédier » hors du monde des vivants. Pour Louis-Vincent Thomas, les rites funéraires opèrent une double fonction :

    Sur le plan du « discours manifeste », ils règlent le devenir du cadavre, tout en prenant en charge les survivants au travers d’une codification et d'une réglementation rituelle précise.
    Sur le plan du discours latent, « même si le cadavre reste toujours le point d'appui des pratiques, le rituel ne prend en compte qu'un seul destinataire : l'homme vivant, individu ou communauté ; sa fonction fondamentale est de guérir ou de prévenir, fonction qui revêt d'ailleurs de multiples visages : déculpabiliser, réconforter, revitaliser, etc ».

    Explication du monde et récits primordiaux

    La plupart des religions - en partage avec les mythologies - proposent des récits cosmogoniques, voire de la naissance, des combats, des actions ou des dieux et des esprits. Ces récits s'inscrivent dans un temps sacré, volontiers circulaire, réversible ou d'apparence cyclique[33]. Le monde s'organise alors autour d'une figure centrale qui ordonne et sépare le monde du chaos primordial. Ces récits évoquent, en des sens variés la naissance du monde, la cosmologie, l'apparition de l'homme, l'immortalité ou sa quête, l'éternité, la fin du monde. Elle serait l'expression organisée d'un besoin de sens de l'être humain et son désir de comprendre et d'expliquer ce pour quoi aucune explication ne semble se présenter.


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