• Le crâne, siège de la pensée, et donc du commandement suprême, est le chef des quatre centres, par lesquels les Bambara résument leur représentation macrocosmique de l'Homme ; les trois autres centres étant situés à la base du sternum, au nombril et au sexe. Sur les autels de la société initiatique Korê, quatre poteries, pleines d'eau céleste, recueillie à la première et à la dernière pluie de l'année, figurent ces quatre points ; la poterie centrale, représentant le crâne, contient quatre pierres de tonnerre qui matérialisent le feu céleste, expression de l'esprit et de l'intelligence de Dieu, et son avatar microcosmique, le cerveau humain, forme de l'œuf cosmique et comme lui matrice de la connaissance.

    Dans de nombreuses légendes européennes et asiatiques, le crâne humain est considéré comme un homologue de la voûte céleste. Ainsi dans le Grimnismâl islandais, le crâne du géant Ymir devient à sa mort la voûte du ciel ; de même, selon le Rig-Veda, la voûte céleste est-elle formée du crâne de l'être primordial établit justement un parallèle entre la valorisation de la verticalité sur les plans du macrocosme social (les archétypes monarchiques), du macrocosme naturel (sacralisation des montagnes et du ciel), et du macrocosme humain ; ce qui explique aussi bien les innombrables formes du culte des crânes (crânes des ancêtres ou crânes trophées) que les analogies cosmogénétiques, ci-dessus mentionnées. De la même loi d'analogie entre le microcosme humain et le macrocosme naturel procèdent les assimilations des yeux aux luminaires célestes et du cerveau aux nuages du ciel.

    Le culte du crâne n'est pas limité à l'espèce humaine. Parmi les peuples de chasseurs, les trophées animaux jouent un rôle rituel important, qui est lié à la fois à l'affirmation de la supériorité humaine, attestée par la présence au village d'un crâne de grand gibier, et au souci de préservation de la vie : le crâne est en effet le sommet du squelette, lequel constitue ce qu'il y a d'impérissable dans le corps, donc une âme. On s'approprie ainsi son énergie vitale.

    Tite-Live, 23, 24, raconte que les Gaulois cisalpins qui, en 216 av. J.-C., avaient surpris et détruit dans une embuscade l'armée du consul romain Postumius, emportèrent les dépouilles et la tête coupée de ce magistrat en grande pompe. Son crâne, orné d'un cercle d'or, leur servit de vase sacré pour offrir des libations dans les fêtes. Ce fut aussi la coupe des pontifes et des prêtres du temple et, aux yeux des Gaulois, la proie ne fut pas moindre que la victoire. Le symbolisme du crâne rejoint celui de la tête, considérée comme trophée guerrier, et celui de la coupe. Il faut mentionner aussi les crânes des sanctuaires celtiques du sud de la Gaule : Entremont, la Roquepertuse et Glanum (Saint-Rémy-de-Provence), qui étaient accrochés à des entailles céphaliformes. Une salle des crânes existait à Entremont. Avec sa situation au sommet de la tête, sa forme de coupole, sa fonction de centre spirituel, le crâne est souvent comparé au ciel du corps humain. Il est considéré comme le siège de la force vitale du corps et de l'esprit... En tranchant la tête du cadavre... en conservant le crâne par-devers lui... le Primitif a atteint plusieurs buts : d'abord celui de posséder le souvenir le plus direct, le plus personnel du défunt, puis celui de s'approprier sa force vitale et ses effets bienfaisants pour le survivant. En accumulant les crânes, ce soutien spirituel prend de l'ampleur... De là, ces monticules de crânes découverts lors de  certaines fouilles. De là aussi, l'utilisation du crâne, réceptacle de la vie à son haut niveau par les alchimistes dans leurs opérations de transmutation.

    Dans la franc-maçonnerie, il symbolise le cycle initiatique : la mort corporelle prélude de la renaissance à un niveau de vie supérieur et condition du règne de l'esprit. Le symbole de la mort physique, le crâne, est l'analogue de la putréfaction alchimique, comme le tombeau est celui de l'athanor : l'homme nouveau sort du creuset où le vieil homme s'anéantit pour se transformer. Le crâne est souvent représenté entre deux tibias croisés en X, formant une croix de saint André, symbole de l'écartèlement de la nature sous l'influence prédominante de l'esprit et, en conséquence, symbole de perfection spirituelle.


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  • Selon la tradition biblique, le tonnerre est la voix de Yahvé. Il est aussi l'annonce d'une théophanie. Avant de conclure l'Alliance avec Israël et de lui confier le Décalogue, Yahvé fit retentir un grand bruit dans le ciel et sur la terre : Le surlendemain, au lever du jour, il y eut, sur la montagne, des tonnerres, des éclairs, une épaisse nuée, accompagnés d'un puissant son de trompe, et, dans le camp, tout le peuple trembla. Moïse conduisit le peuple hors du camp, à la rencontre de Dieu, et ils se tinrent au bas de la montagne. La montagne du Sinaï était toute fumante, parce que Yahvé y était descendu sous forme de feu. La fumée s'en élevait comme d'une fournaise et toute la montagne tremblait violemment. Il y eut un son de trompe qui allait s'amplifiant. Moïse parlait et Dieu lui répondait par des coups de tonnerre. Yahvé descendit sur la montagne du Sinaï ; au sommet de la montagne, et manda Moïse au sommet de la montagne. Et Moïse monta.

    Le tonnerre manifeste la puissance de Yahvé, et spécialement sa justice et son courroux. Il représente la menace divine d'anéantissement ou l'annonce d'une révélation.

    Dans la tradition grecque, le tonnerre était rattaché d'abord aux grondements des entrailles de la terre ; sans doute était-ce une réminiscence des séismes des origines. Mais il passa de la terre entre les mains de Zeus, dieu du ciel, lorsque celui-ci eut mutilé et détrôné son père, Cronos, aux pensers fourbes, et délivré ses frères. Ceux-là, dit Hésiode, n'oublièrent pas de reconnaître ses bienfaits : ils lui donnèrent le tonnerre, la foudre fumante et l'éclair qu'auparavant tenait cachés l'énorme Terre et sur lesquels Zeus désormais s'assure pour commander à la fois aux mortels et aux Immortels. Le tonnerre symbolise le commandement suprême, qui est passé de la terre au ciel.

    Le dieu du tonnerre, Taranis, est l'équivalent du Jupiter romain, auquel il a été assimilé à l'époque gallo-romaine. Le nom du tonnerre est retrouvé dans les langues néo-celtiques. On peut attribuer à la foudre, dans le domaine celtique, à peu près la même signification qu'au fulgur latin, mais il semble que le tonnerre ait symbolisé surtout un dérèglement de l'ordre cosmique, manifesté par la colère des éléments. Les Gaulois craignaient que le ciel ne leur tombât sur la tête et le serment irlandais fait appel à lui, à la terre et à la mer, comme aux principaux garants. Il existe ainsi une notion de responsabilité humaine directe dans le déchaînement du tonnerre et de la foudre, compris comme un moyen du châtiment infligé aux coupables par le dieu suprême. On ne peut guère expliquer autrement la panique des Celtes, surpris par un violent orage, alors qu'ils venaient de piller le sanctuaire de Delphes.

    Selon Mircea Eliade, le tonnerre est l'attribut essentiel des divinités ouraniennes. Il est souvent assimilé à la divinité suprême elle même, à moins qu'il ne soit son fils. Dans le Popol-Vuh, il est la Parole de Dieu parlée, par opposition à la foudre et à l'éclair, qui constituent la parole de Dieu écrite dans le ciel.

    Les divinités du tonnerre, maîtresses des pluies, et donc de la végétation, relèvent du cycle symbolique lunaire. Dans nombre de cosmologies, elles sont directement apparentées à la divinité lune. En Australie, le dieu du tonnerre et de l'orage est fréquemment représenté naviguant sur une barque en forme de croissant de lune. On représente aussi souvent le tonnerre sous la forme d'un homme unijambiste, c'est notamment le cas pour les plus hautes civilisations américaines Mayas, Aztèques, Incas, chez les Samoyèdes et en Australie. Le rhombe et le tambour, reproduisant leur voix, sont souvent pour cette raison des instruments de musique sacrés, dont la vue, est interdite aux femmes.

    Chez les Aztèques, Tlaloc, dieu des pluies, de l'orage, du tonnerre et de l'éclair, siège à l'Est, pays du renouveau printanier. Il est, avec Huitzilopochtli, le Soleil de Midi, une des deux Grandes Divinités aux-quelles on offre le plus de sacrifices Leurs autels, à l'arrivée des Espagnols, se dressaient côte à côte au sommet de la grande pyramide de Mexico. Chez les Incas du Pérou, Illapa a les mêmes attributions et jouit d'un égal prestige. Il est notamment le maître des saisons. Dans le grand temple de Coricancha, à Cuzco, il vient, par ordre de préséance, immédiatement après la Grande Divinité ouranienne Vira cocha, et les démiurges, père et mère des Incas, Soleil et Lune. On le représente par une constellation, qui est probablement la Grande Ourse : elle Figure un homme tenant une massue dans sa main gauche et une fronde dans sa main droite. Cette fronde est le tonnerre, qu'il lance pour faire tomber la pluie, elle même puisée dans la Voie Lactée, grand fleuve céleste. Dans les iles Caraïbes et sur le pourtour de la mer du même nom, la Grande Ourse était également considérée comme la divinité des tempêtes.

    Dans nombre de mythes (Australie, Amérique) tonnerre et éclair sont liés à la Grands-Mères mythique et aux premiers Héros Jumeaux.

    L'oiseau mythique, produisant le tonnerre par le battement de ses ailes, est présent dans les mythologies du grand Nord sibérien, comme dans celles du Continent américain, aux mêmes latitudes. Les Samoyèdes se le représentent sous la forme d'un canard sauvage, ou d'un oiseau de fer ; les Youraks sous celle d'une oie ; pour les Téléoutes de l'Altaï, il est un aigle ; pour les Ostiaks de Tremjougan, un oiseau noir semblable à une poule de bruyère. Les Mongols, les Soyotes, et quelques tribus toungouses orientales, telles que les Gold, croient au contraire, comme les Chinois, que le tonnerre est produit par un dragon céleste ; pour les Tourgoutes il est l'œuvre du diable, métamorphosé en chameau volant. L'oiseau du tonnerre est un allié des chamans qu'il guide dans leurs voyages vers les cieux supérieurs. Car, quelle que soit la forme qu'il revête, l'esprit du tonnerre est toujours une divinité ouranienne. L'aigle tonnerre des Téléoutes déjà cité, et qui est devenu, avec l'introduction du christianisme en Asie Centrale, un avatar de saint Élie, habite le douzième ciel. Les divinités ouraniennes sont de vieux dieux et le maître du tonnerre, quand il prend forme humaine, ne fait pas exception à cette règle, parmi les peuples d'Asie Centrale. On le représente alors comme un vieillard, généralement ailé et couvert de plumes (traditions des Ostiaks de Demianka et des Bouriates). Ce vieillard est originellement un terrien sans doute un ancien chaman qui a un jour découvert le chemin du ciel, et y est resté. Dans une légende des Bouriates, il serait devenu un auxiliaire du vieux et gris dieu du ciel, ayant des fonctions d'exécuteur de justice. En même temps qu'il émet le bruit du tonnerre, il lance l'éclair sur les voleurs.

    Les maîtres du tonnerre ont de nombreux forgerons à leur service (soixante dix sept, selon la croyance bouriate) pour leur forger leurs flèches. Une subtile distinction, toujours d'origine bouriate, veut que le tonnerre abatte les arbres avec ses flèches, mais qu'il tue les êtres vivants avec le feu. Cette fonction de justicier, accordée au tonnerre, se retrouve parmi de nombreux peuples asiatiques, d'origine et de culture très différenciées, tels que les Yakoutes Fortement influencés par la culture russe et les Gold de la Sibérie extrême orientale. Pour tous ces peuples, l'esprit du tonnerre pourfend les mauvais esprits.


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  • Développement durable, un concept ambigu


    Le concept de développement durable fut introduit par la Commission Mondiale sur l'Environnement et le Développement (CMED) des Nations Unies présidée par l'ancien premier ministre de Norvège, madame Gro Harlem Brundtland. Le rapport de la Commission, intitulé “Notre avenir à tous”, date de 1987. Vingt ans ont passé, soit le temps nécessaire de prendre une nouvelle génération à bord de la définition:

    Le développement dit durable entend répondre aux “besoins” du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre à leurs propres “besoins”.

    Le succès rencontré par la notion de développement durable réside dans l'ambigüité du concept et l'absence de prescriptions pour son application. Il est:

    • Énigmatique sur le but poursuivi, principalement axé sur la satisfaction des “besoins” de générations successives;
    • Muet sur les outils nécessaires à sa mise en oeuvre.

    Certes, les différents plans proposés à différentes échelles s'attachent peu ou prou à préciser les objectifs à atteindre et les moyens à mettre en oeuvre, mais toujours dans un cadre de référence évasif. Il y a autant de projets de développement durable que de niveaux géographiques, de sociétés ou de systèmes économiques différents. D'où, une dispersion des moyens et une prolifération de définitions en relation avec la multitude des situations existantes.

    Leur seul point commun réside dans l'accent mis sur les relations inter générationnelles et, par conséquent, le long terme. Tout serait parfait si les questions environnementales ne concernaient que le long terme. Évidemment, ce n'est pas le cas. Il suffit de penser à la population côtière ou riveraine du Bengladesh ou encore aux personnes souffrant d'asthme dans nos villes pour s'en rendre compte. Par contre, les plans mis en place pour redresser la barre n'auront réellement d'effets que sur le long terme. D'où, la tentation de reporter l'application effective de décisions à plus tard, c'est-à-dire sur le dos des générations futures qui recevront ce lourd fardeau en partage.

    Or, tout comme dans notre propre vie, chaque heure perdue l'est à jamais. La crise pétrolière de 1973 fut un avertissement sur l'épuisement des ressources non renouvelées de la planète et non une crise de l'énergie. Plus de 30 ans ont passé et la situation ne s'est guère améliorée. Alors, en ce 20e anniversaire d'un développement qui dure toujours, du moins sur le papier, n'est-il pas temps de s'éveiller et de prendre véritablement conscience des conditions de vie que nous léguerons aux générations futures ?

    Les objectifs du développement durable

    La définition du développement durable de la CMED sert toujours de référence. Elle met avant tout l'accent sur la satisfaction des “besoins”: Le développement durable entend répondre aux “besoins” du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre à leurs propres “besoins”.

    Les “besoins” des hommes naissent des exigences du corps: nourriture, habillement, abri, sommeil, chaleur etc. Ils recouvrent tout ce qui est indispensable à la vie physique. Les “besoins” sont peu nombreux car naturels, légitimes et bien réels. Ils se distinguent des “désirs” qui eux relèvent du mental et sont en conséquence innombrables, imaginaires et artificiels.

    Il va de soi que la définition du développement durable fait référence aux “besoins” légitimes plus aisés à satisfaire que les “désirs” artificiels. Une société fondée sur les “désirs” est à coup sûr vouée à être non durable car ils sont trop innombrables pour pouvoir être satisfaits.

    Or, nos sociétés comblent les “désirs” d'une partie non négligeable de leurs populations sans répondre pour autant aux “besoins” des plus pauvres. Est-ce qu'un développement dit durable pourrait remédier à cet état de fait ? Et à qui incomberait une telle tâche ?

    Certainement pas à l'économie puisque cette dernière ne vise qu'à satisfaire une demande solvable. Et le propre des personnes dans l'incapacité de satisfaire leurs “besoins” est justement d'être insolvables.

    Plus sûrement au social, mais nul besoin de développement durable pour cela. À tout moment, les pouvoirs publics peuvent décider de faciliter l'accès des laissés pour compte au logement, à une nourriture équilibrée et à un minimum de sécurité.

    Alors, que viennent faire ces “besoins” dans une telle définition ? Ils devraient être satisfaits avant même de se préoccuper de développement durable. C'est le moins que nous puissions attendre d'une société dite civilisée (du latin “civilis”, qui concerne les citoyens, tous les citoyens).

    À moins que la définition ne recouvre aussi les “besoins” d'air pur, d'eau fraîche, d'espace etc. de tout être vivant qui ne serait rien sans l'air qu'il respire, l'eau qu'il boit, la nature environnante etc. Auquel cas, elle ne devrait pas se limiter aux seuls “besoins” des êtres humains, mais être étendue à la faune et de la flore. Toutefois, la définition du développement durable ne semble pas pointer dans cette direction.

    La notion ambigüe de “besoins” a au-moins le mérite de soulever des aspects économiques, sociaux et environnementaux qui, pris ensemble, confluent vers un même but: le développement durable.

    Comme le montre le schéma précédent, nature sauvage et société naturelle ne font pas partie de la durabilité. Leur régression est l'un des traits les plus marquants du monde actuel et entrainera à coup sûr une perte irréversible de diversité culturelle et biologique. À la différence des forêts tempérées, les forêts tropicales ne jouent pas un rôle déterminant dans le cycle du carbone, mais constituent un immense réservoir de biodiversité qu'il conviendrait de préserver pour répondre aux “besoins” des générations futures. Cependant, il ne s'agit là que d'un voeu pieux car, développement durable ou pas, la perte de diversité culturelle et biologique est inéluctable.

    Si le développement durable cherche à concilier au mieux les objectifs économiques, sociaux et environnementaux, il ne peut cependant répondre aux “besoins” spécifiques à chacune de ces sphères.

    Les outils du développement durable

    Les outils du développement durable doivent naturellement faciliter l'alliance entre les objectifs économiques, sociaux et environnementaux. Ils sont nombreux et divers et peuvent s'appliquer à tous les niveaux, de l'international au local. Ils vont de l'Agenda pour le 21e siècle au commerce équitable en passant par de nouveaux modes de production, de transport et de consommation, en un mot de nouveaux modes de vie.

    Le schéma précédent montre que l'économique s'appuie sur le social et le social sur l'environnemental. L'économie occupant le plus élevé des trois étages, les forces du marché ont naturellement été appelées à la rescousse pour remédier aux dommages qu'elles avaient elles-mêmes causés. Tout comme “l'économie sociale” auparavant, “l'économie environnementale” est venue suppléer les carences de l'économie néo-classique (“l'économie pure”). Toutefois, “l'économie sociale” et “l'économie environnementale” ne font pas plus partie de la durabilité que la nature sauvage et la société naturelle (voir le schéma ci-dessus). “L'économie environnementale” ne saurait dès lors constituer la pierre angulaire du développement durable.

    Un des points fondamentaux de “l'économie environnementale” est d'apprécier la valeur des “biens et services” fournis par la nature et de trouver les mécanismes du marché capables de l'intégrer dans les décisions économiques. Cela passe notamment par:

    • L'incorporation effective des dommages causés à l'environnement (coûts externes) dans les prix. Cela est particulièrement vrai pour le secteur des transports où aucune véritable concurrence entre les divers modes n'est possible sans vérité des prix;
    • L'instauration d'écotaxes sur les polluants ou les ressources naturelles compensées par une baisse des taxes sur le travail ou des cotisations sociales de façon à ne pas accroître la charge fiscale globale;
    • Les échanges marchands de permis de polluer;
    • L'intégration de la performance environnementale dans la comptabilité des entreprises;
    • Etc.

    Même doté de tels instruments, le marché ne sera pas en mesure de résoudre nombre de questions environnementales:

    • Comment pourrait-il enrayer le déboisement des forêts tropicales et la perte irréversible de biodiversité quand ses intérêts à court terme sont à l'opposé ?
    • Comment le seul accroissement du prix des carburants et/ou des taxes sur les véhicules pourrait-il réduire le trafic routier ? Les conducteurs achèteront des véhicules moins gourmands que l'industrie automobile s'empressera de mettre sur le marché et ce sera tout bénéfice pour la “croissance”. Ou bien, ils réduiront leurs dépenses dans d'autres secteurs de l'économie pour continuer à rouler.
    • Comment imaginer que le marché va contribuer à une alimentation plus équilibrée quand tout le mode de vie va à l'encontre d'une alimentation saine et grève le budget de la santé ?
    • Comment croire que le marché va préserver les terres arables indispensables pour alimenter une population mondiale toujours croissante quand les gains tirés de ces terres agricoles, surtout au voisinage des villes où réside la moitié de la population mondiale, sont bien en-deçà de ceux que laissent miroiter la construction immobilière ?
    • Etc.

    Le marché ne pourra non seulement résoudre ces questions, mais bien souvent les aggravera en raison de la relation hiérarchique entre les trois étages. L'économique repose sur le social, le social sur l'environnemental et le premier étage soutient tout l'édifice. Plutôt que d'évaluer la nature à l'aune du marché, ne serait-il pas préférable que le marché soit “économe de la nature”, des ressources naturelles afin de les préserver pour les générations futures ? Or, l'homme s'est coupé de la nature et ce fait a influencé sa perception de l'environnement et de la durabilité. En effet, la définition du développement durable n'offre aucune représentation des relations entre l'être et le milieu dans lequel il vit. Dans ces conditions, comment pourrait-il savoir ce qui doit être préservé et comment y parvenir ?

    Bien plus, les trois étages sont hiérarchisés et étroitement inter liés. Toute modification dans la sphère économique a des répercussions dans les sphères sociale et environnementale qui, en retour, feront écho dans la sphère économique. Ces répercussions en chaîne sont plus ou moins directes, plus ou moins fortes et plus ou moins rapides selon la nature des relations d'interdépendance entre les trois sphères. Ainsi, des décisions économiques qui modifient la teneur des gaz à effet de serre de l'atmosphère pourraient avoir des conséquences sur la biodiversité, l'utilisation des sols, la santé des êtres vivants et des écosystèmes etc. qui, à leur tour, se répercuteraient sur la sphère économique. Il s'ensuit qu'il est impossible d'isoler les décisions économiques de leur contexte social et environnemental. Seule une approche globale peut véritablement être durable.


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    La nature recouvre deux facettes qui co-existent en tout être:

     

    • La nature propre de l'individu représentant son côté intérieur ou actif;
    • L'ensemble des influences du milieu environnant au sein duquel l'être se manifeste et qui constitue son côté extérieur ou passif.

    La réalisation de tout être résulte de l'interaction de ces deux éléments. Bien que considéré comme extérieur, le milieu environnant fait partie intégrante de l'être et isoler nature intérieure et extérieure conduit à séparer deux facettes indissociables. Et pourtant, telle est bien l'attitude de l'homme aujourd'hui qui considère l'environnement comme un élément totalement étranger à même d'être traité ou maltraité à volonté. En procédant ainsi, l'homme traite ou maltraite une part de lui-même sans se rendre compte des répercussions sur son être. Cet aspect est d'autant plus important que l'environnemnt est de nos jours l'objet d'une multitude de prélévements et d'impacts de la part de l'homme. Or, seule une approche globale est susceptible de réconcilier l'être avec lui-même et le monde.


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  • Les contrastes d'opposés et l'union des contrastes constituent le trait le plus manifeste révélé par la nature. Le schéma général et unitaire de la vie à peine entrevu, toutes les parties apparaissent inéluctablement fortement inter dépendantes. Inversement, la perception des relations entre les parties ne peuvent que dévoiler une unité sous-jacente les contenant toutes. De manière analogue, l'être humain est inconcevable sans l'empreinte de l'unité. En quoi consiste l'unité de la nature ou de l'être humain reste la voie incontournable pour comprendre la diversité de leur manifestation qui, dans nombre de traditions, dérive des systèmes d'éléments.

    Les divers systèmes d'éléments représentent les principes de base de l'ordre le plus bas de la manifestation, l'ordre physique ou substantiel. Dans la plupart des traditions, ils se composent de quatre éléments plus un, leur unité ou état indifférencié. Les éléments n'existent pas en dehors de l'unité et l'unité garantit que toutes les transformations s'effectuant entre eux sont proprement équilibrées. Cette vision se retrouve dans les différentes traditions qui établissent une distinction entre la Nature ou l'unité de l'état indifférencié et la nature ou la diversité des états manifestés.

    La diversité de la nature résulte de processus de génération-destruction au sein des écosystèmes. Toutefois, livrée à elle-même, cette diversité pourrait rapidement se transformer en chaos. Assurer l'équilibre entre les processus de génération-destruction s'effectue selon deux voies:

    • L'intégration de ces processus dans l'unité du système;
    • les échanges de matière, d'énergie et d'informations avec l'extérieur.

    Prendre ces échanges en considération indépendamment de l'unité du système ne peut que produire des ruptures d'équilibre dans l'environnement. Découvrir comment ces processus s'insèrent harmonieusement au sein de l'unité, comprendre comment choses et êtres travaillent de concert est la seule voie qui garantisse l'équilibre au sein de la nature en général et de nous-mêmes en particulier.

    Les divers systèmes d'éléments

    Les éléments représentent les principes fondamentaux de la manifestation de l'ordre le plus bas, celui du monde physique. Comme tels, ils ne font pas référence aux éléments chimiques propres à la science, mais à des états de manifestation de l'ordre substantiel.

    • La tradition grecque distingue quatre éléments (Feu, Eau, Air, Terre), disposés selon les points cardinaux ou les saisons associées. La tradition Alchimique, dérivée de la grecque, a ajouté un cinquième élément, appelé Éther ou “quintessence”, bien qu'il ne soit pas une essence, mais une substance. Contenant tous les autres éléments dans un état indifférencié, il trouve sa place au Centre.
    • La tradition indienne comprend les mêmes éléments que l'Alchimique, mais disposés différemment. L'Éther au Centre; trois d'entre eux (Feu, Eau, Terre) situés le long d'un axe vertical en conformité avec leur mouvement ascendant ou descendant; le dernier, l'Air, associé à un axe transversal comme le suggère son mouvement.
    • La tradition chinoise fait aussi référence à cinq éléments, mais non identiques: la Terre située au Centre et les autres (Feu, Eau, Bois et Métal) disposés selon les points cardinaux ou les saisons.

    Les éléments du travail

    La tradition Grecque établit une distinction entre les principes actifs (Feu et Air) et les principes passifs (Eau et Terre). Afin de représenter la génération de toute la manifestation, les éléments sont disposés selon deux axes associant les principes opposés: un vertical (Feu, Eau) et un horizontal (Air, Terre).

    La distinction entre les éléments apparaît plus clairement au sein de la tradition indienne où le Feu participe d'un mouvement ascendant, l'Air d'un mouvement transversal tandis que l'Eau et la Terre sont en relation avec un mouvement descendant. L'ascension signifie se mouvoir en direction du Ciel (le Principe actif pur), la descente se déplacer vers la Terre (le Principe passif pur) et le mouvement transversal maintenir l'équilibre entre le Ciel et la Terre. L'Éther, l'état indifférencié de l'ensemble des éléments, symbolise le fluide immobile résidant au Centre et se répandant dans toutes directions associées aux éléments (Nord, Sud, Est, Ouest).

    Dans la tradition chinoise, le Bois symbolise le mouvement centrifuge tandis que le Métal caractérise le mouvement centripète. Naturellement, il serait inconcevable que les éléments puissent agir indépendamment de leurs relations au yin et au yang. Conformément à leur représentation spatiale, le Feu et le Bois, localisés au Sud et à l'Est, sont yang par rapport à l'Eau et au Métal, situés au Nord et à l'Ouest, qui eux sont yin.

    L'imbrication du yin et du yang dans le symbole yin-yang nous aide à comprendre pourquoi les éléments ne sont pas fixes, mais font partie d'un processus dynamique. En fait, ils se génèrent et se détruisent l'un l'autre continuellement en accord avec les constants changements en ce monde:

    • Au cours de la phase de génération, le Bois engendre le Feu qui, devenu cendres, engendre la Terre; la Terre génère le Métal dans son sein; le Métal chauffé engendre la vapeur qui devient Eau en se refroidissant; l'Eau engendre le Bois.
    • Durant la phase de destruction, le Bois craquelle la Terre; la Terre absorbe l'Eau; l'Eau éteint le Feu; le Feu fait fondre le Métal le Métal fend le Bois.

     

    Dans la tradition chinoise, la Terre est bien évidemment en relation avec la nature. Néanmoins, une question doit être soulevée. Comment la Terre peut elle d'une part contenir tous les éléments à l'état indifférencié et d'autre part être l'un d'eux au cours du processus de génération-destruction ? En fait, il est possible d'appréhender la Terre à deux niveaux. Située au Centre, elle symbolise l'état premier et indifférencié de la Nature, source de notre nature contrastée et manifestée. Partie prenante de la nature manifestée, elle participe au même titre que les autres éléments au processus de génération-destruction. Qui peut le plus peut le moins. La Terre symbolise à la fois les aspects “actif” (Nature) et “passif” (nature) du monde substantiel, ce que la tradition du Moyen Âge dénommait la nature “naturante” (naturans) et la nature “naturée” (naturata).

    Le processus de génération-destruction n'est rien d'autre qu'une succession de cycles de vie et de mort. Toute destruction ou mort dans un état de manifestation est toujours suivie d'une ré-génération ou re-naissance dans un autre en attendant qu'un autre cycle prenne la relève. Une succession indéfinie de cycles source de la diversité de la nature. Une diversité contenue en puissance dans le Centre où toutes les oppositions sont pleinement intégrées dans l'unité de la Nature.

    Au cours de la manifestation de la nature, la Terre ou l'Éther vient en premier, suivi des éléments les plus actifs pour terminer par les plus passifs. Sur la voie du retour à l'état indifférencié, la Terre ou l'Éther vient en dernier après les éléments les plus actifs précédés des plus passifs. Ce retour par degrés à l'état parfaitement équilibré constitue le premier pas sur le chemin conduisant du monde “substantiel” au monde “essentiel”.

    Que pouvons-nous en retirer au sujet de l'environnement ?

    Concernant l'environnement, la relation entre le Centre ou l'unité de la Nature et la diversité de la nature manifestée se reflètent dans l'unité fonctionnelle de base de l'écologie, l'écosystème. L'écosystème consiste en une communauté indépendante d'êtres vivant en relations étroites au sein d'un milieu physique (sol, eau etc.). Il peut être aussi petit qu'une mare de jardin et aussi grand que la biosphère, l'écosystème de la planète terre.

    Tous les écosystèmes dépendent entièrement du milieu par l'intermédiaire de flux continus:

    • De substances essentielles à la vie et qui obéissent à des cycles bien connus de génération-destruction. Leur bilan est rarement équilibré au sein des écosystèmes, en particulier urbains. Aussi, des compensations doivent s'effectuer entre eux comme, par exemple, entre écosystèmes aquatique ou marin et terrestre.
    • D'énergie, en particulier l'énergie radiante du soleil. Captée par les organismes auto trophiques, essentiellement les plantes vertes et le phytoplancton, l'énergie est convertie sous d'autres formes pour être stockée dans les molécules organiques.
    • D'informations régulatrices. Les êtres vivants ont développé des processus informatifs variés sur leur milieu (thermiques, hygrométriques, chimiques, électromagnétiques, gravitationnels, vibratoires, mécaniques etc.). Grâce à ces processus, des messages sont captés, interprétés et reçoivent une réponse appropriée.

    La diversité des espèces au sein d'un écosystème crée des interdépendances que traduit souvent la variété des chaînes alimentaires. En tant que producteurs primaires de toute chaîne alimentaire, les plantes servent de nourriture aux herbivores occupant un rang plus élevé dans la chaîne (consommateurs primaires). Les herbivores constituent des proies pour les carnivores d'un rang encore plus élevé dans la chaîne (consommateurs secondaires) etc. Les plantes non utilisées, laissées aux décomposeurs, retourneront au milieu après recyclage.

    Il est évident que les plantes, localisées au début d'une chaîne alimentaire, ne peuvent qu'abonder comparativement aux grands prédateurs en fin de chaîne. En conséquence, chaque chaîne alimentaire prend l'aspect d'une pyramide alimentaire. Sa base est occupée par les plantes, les niveaux intermédiaires par les diverses espèces animales et le sommet par un type unique de grand prédateur. Dans ces conditions, nous comprenons mieux comment l'homme est à même de troubler les équilibres écologiques à l'instar de toute perturbation externe dépassant un seuil au-delà duquel les changements deviennent irréversibles. Ce n'est pas par hasard que les interventions de l'homme perturbent le principal facteur externe de la stabilité relative des écosystèmes, le climat. Le changement de climat peut avoir d'importantes conséquences car la relative stabilité de l'écosystème favorise la diversité des espèces par le biais de l'expansion des niches écologiques et plus un écosystème est diversifié, plus il sera en mesure de répondre de manière appropriée aux défis du milieu.

    Les écosystèmes représentent des centres secondaires du Centre principal, la biosphère. Leur manifestation prend l'apparence de constants balancements entre processus de destruction et de génération régularisant la vie des espèces:

    Quelques processus de génération-destruction d'un écosystème


    Dans les conditions naturelles, tous ces processus sont équilibrés au sein de l'unité de l'écosystème. Considérer la diversité des processus de génération-destruction hors de leur unité finit en une série indéfinie de ruptures d'équilibre. D'autant plus qu'un écosystème n'est pas clos, mais ouvert, où flux entrants et sortants contribuent à maintenir en équilibre les différents processus de génération-destruction. Génération, destruction et maintien (de l'équilibre) sont les trois facettes de la conservation de la vie des espèces


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